Titre : L’Émissaire (partie 12/15)
Auteur :
soleil_ambrienFandom : Neverwhere
Persos : Richard, le Marquis de Carabas, une OC (Longplayer)
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à Neil Gaiman.
Prompt : "Richard apprend à vivre et non plus simplement survivre dans London Below... en s'inspirant plus qu'un peu de la technique du Marquis." pour
azalee_calypso, session 2011 d'
obscur_echange.
Notes : Début
ici.
12. Royal Opera House
Il n’existait pas de station de métro dédiée à l’opéra, car il était tout proche de Covent Garden. Pour y accéder, ils longeraient la Tamise, tout simplement, lui expliqua-t-elle. Le chemin à parcourir était extrêmement long, et passait parfois par l’En Dessus, apparemment. Longplayer fredonnait sans cesse, et ce n’était jamais deux fois la même mélodie. Richard avait l’impression qu’elle aurait pu chanter ainsi pendant tout un millénaire, sans jamais se répéter. Le timbre de sa voix était extraordinaire. Elle agitait gracieusement ses mains gantées de blanc, au gré de sa musique, et son kimono brodé d’oiseaux crissait au rythme de ses mouvements.
Après un temps qui lui sembla interminable, ils arrivèrent enfin aux abords de King’s College. Épuisés, ils se reposèrent sur l’un des bancs décorés de chameaux sculptés, avec un gland en or autour du cou. Ils contemplèrent un instant le fleuve en silence, puis se relevèrent, un peu reposés. Ensuite, ils se dirigèrent vers Lancaster Place, remontèrent la rue, et abordèrent Royal Opera House par-derrière. Richard ne savait pas exactement à quel moment ils avaient regagné l’En Dessous, mais il était évident que le bâtiment y appartenait.
L’endroit n’avait rien du lieu aux lignes architecturales anciennes, mais aux infrastructures modernes, que Richard connaissait. Il ne se souvenait pas y avoir été lorsqu’il vivait dans le Londres d’En Haut, mais il était parfois passé devant, et il était pratiquement certain que l’endroit n’était pas éclairé aux chandelles.
« Quand l’opéra a brûlé dans le Londres d’En Haut, une bulle temporelle l’a conservé intact ici », murmura Longplayer, en souriant de sa surprise.
Ils entrèrent par un petit passage que la chanteuse affirma être réservé aux artistes. Un éventail, surgi de nulle part, apparut entre ses longs doigts gantés. Elle le lui confia.
« Vous en aurez besoin pour parler avec la directrice de l’opéra, expliqua-t-elle.
-Comment ça ? Je ne pourrai pas la rencontrer en face ?
-Non, fit-elle patiemment. L’usage est ici de s’entretenir pendant une représentation. »
Et de lui expliquer les rudiments du langage des éventails. Richard n’y comprenait pas grand-chose, et surtout, il voyait mal comment ce jeu de codes pourrait convenir pour un dialogue diplomatique. Les messages que l’on pouvait transmettre étaient assez courts, et semblaient plus propices à des déclarations enflammées qu’à une demande d’alliance.
« Bon, conclut Longplayer, un peu découragée de voir qu’il n’y arrivait pas. Vous n’aurez qu’à tenir l’éventail dans la main gauche, face au visage. Ça veut dire ‘Je désire un entretien’.
-‘Je désire un entretien’, répéta Richard, en effectuant assez malhabilement le geste en question. Et comment je verrai que la directrice accepte ?
-Elle le portera ouvert dans la main gauche. Ce sera pour vous demander de venir lui parler. À ce moment-là, vous aurez le droit de venir la rejoindre dans sa loge.
-Et comment saura-t-elle… » Richard se tortilla, mal à l’aise. « Comment saura-t-elle que ce n’est pas amoureux ? »
La chanteuse soupira, un peu amusée.
« Vous êtes célèbre, Guerrier. Vous avez vaincu la Bête de Londres, et avez même réussi à rallier les Bergers de Shepherd’s Bush à votre cause - on n’a pas fini d’en parler, tant c’est impressionnant. Vous êtes une figure connue de l’En Dessous, croyez-moi. Elle saura pourquoi vous êtes là.
-Et si elle refuse ?
-Elle posera l’éventail sur l’oreille gauche, ou le posera sur la joue gauche. À ce moment-là, vous devrez insister en vous touchant l’extrémité d’un doigt de la main droite avec l’éventail.
-Vraiment, c’est d’une simplicité fabuleuse, ironisa Richard. D’autant plus qu’elle sera en face de moi, donc sa gauche à elle, ce sera ma droite à moi… Y avait pas plus compliqué, comme système ?»
Elle l’apaisa d’une main sur son bras et lui adressa un regard très doux de ses yeux bridés.
« Tout se passera bien, prédit-elle. Je vous laisse, maintenant. Je dois me préparer. »
Il gravit donc les escaliers de marbre, et s’installa dans ce qu’on appelait une baignoire, juste en face de la grande loge de la directrice. C’était très déconcertant de voir les lumières rester allumées, même quand la représentation commença. Bien évidemment, c’était parce que ce genre d’endroit était fait pour être vu, autant (voire même plus) que pour voir. Pourtant, lui ne se défit pas tout de suite des habitudes contemporaines, et suivit attentivement l’histoire. L’apparition de Longplayer en tant qu’oiseleuse, dans le rôle de Papagina, le bouleversa. Sa voix était sublime, plus encore que lorsqu’elle chantait dans le métro. L’acoustique des lieux l’amplifiait, la faisait résonner, et il se sentit heureux.
Captivé, il ne se souvint qu’il devait se consacra à un savant dialogue par éventails interposés qu’au deuxième acte, et s’y prit un peu maladroitement, en ne se souvenant que vaguement des gestes à effectuer avec l’objet. La directrice pouffa légèrement devant sa maladresse, mais lui accorda tout de même une entrevue. D’ailleurs, elle le complimenta à propos de sa tenue. Le pourpoint, le trench-coat de dandy et la chemise de dentelles ne déparaient pas dans ce lieu rescapé des années 1730. Elle-même portait une immense robe à paniers et à cerceaux, d’un bleu très clair. Son corset paraissait si serré qu’il se demanda brièvement comment elle faisait pour respirer. Ses cheveux blonds étaient relevés en arrière par de grosses perles.
Ce fut l’un des traités les plus compliqués à signer. Pas tant à cause de complications faites par la directrice, fière de rejoindre la Maison de l’Arche, mais parce que c’était difficile de s’entendre parler, tout simplement. Toutefois, personne ne s’offusquait de les entendre discuter pendant La Flûte Enchantée. Richard tentait de parler le moins possible et montra le mouchoir que Porte lui avait donné et qui était frappé de ses armes, puis le traité.
Au moment du tomber de rideaux, la directrice finit par signer la convention, grâce à une plume de paon exubérante qui avait dû être arrachée à un costume. Il lui fit une petite révérence et se retira. Ensuite, il alla rendre visite à Longplayer dans sa loge d’artiste.
« Merci pour votre aide, lui affirma-t-il d’une voix sincère. Je vous dois quelque chose ? Une faveur, peut-être ?
-Je ne suis pas comme le Marquis », répliqua-t-elle avec dédain.
Puis sa voix s’adoucit :
« Ce qui m’a payée, c’est que vous ayez entendu l’opéra, que vous m’ayez vue chanter. Je me nourris des émotions du public, de ce qu’ils éprouvent, et ce soir, vous étiez parmi la foule. »
Elle semblait très émue.
« Beaucoup de gens ne viennent que pour se montrer en public, mais vous, qui aviez pourtant une mission toute autre, vous m’avez vraiment écoutée. C’est rare. »
Il se demanda vaguement comment elle pouvait le savoir. Lorsqu’elle constata sa surprise, elle changea de sujet :
« Vous voulez que je vous aide à rentrer ?
-Non, merci, c’est gentil. On est passé devant Temple en arrivant, et c’est là que je vais. »
Elle inclina la tête en signe d’adieux et il la quitta.
Un peu curieux, Richard voulut voir à quoi ressemblait le King’s College du Dessous, de l’autre côté. Ils n’avaient vu que la façade du bâtiment qui donnait du côté de la Tamise - et encore, c’était peut-être celui du Londres d’En Haut. C’était difficile à savoir.
Au lieu de reprendre Lancaster Place, il tourna donc vers Aldwych.
C’était une mauvaise idée.
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