[Originale] Où Jamais N'Irez - Chapitre 1

Dec 08, 2014 00:57

Titre : Où Jamais N’irez (chapitre 1/?)
Auteur : soleil_ambrien
Fandom(s) : Neverwhere à Paris (avec que des OCs) + suite de La Porte de Daath (fanfiction biblique) = ...original douteux ?
Persos/Couple : Miroir/Embuscade
Rating : PG/PG-13
Disclaimer : L’idée d'une "autre ville" vient de Neil Gaiman. Je l’ai juste transposée à Paris. Par contre, les personnages de La Porte de Daath qui apparaissent (mais pas dans ce chapitre) sont à moi. Enfin, autant que des Public Domain Characters peuvent l’être…
Notes : J’appelle ceci une originale, et pourtant, il pourrait sembler honteux de qualifier ce texte d’original alors que son principe tout entier est recopié sur Neverwhere, ainsi que je l'explique plus haut. XD Ceci dit, on peut tout à fait le lire sans connaître ce roman. À la limite, c’est même mieux, haha.
Mais sachez que, même si ce monde est totalement inventé, le concept même d’imaginer une ville sous la ville, aux lieux et aux personnages nommés d’après les stations de métro, a été conçu par Neil Gaiman. ^__^
Ensuite, moi, j'ai rajouté au concept un vampire psychique, des loups-garous, des prières d'enfance, du vaudou haïtien et les zombies qui vont avec, une archéologue indienne convertie au bouddhisme et même des dinosaures. Enjoy !
Note 2 : J'aimerais bien des reviews constructives, s'il vous plaît - même si c'est pour dire que le texte ne vous plaît pas du tout et pourquoi. J'adore le feed-back. :)
Avertissements : Underage, dub-con (logiquement), manipulation mentale et abus émotionnels.
Chanson : Let Armies Loose, de Bertine Zetlitz. Comme toujours, c'est juste ce que j'écoutais en lisant et j'ai donc personnellement lié la chanson au texte, mais vous n'êtes pas obligés d'être d'accord, très loin de là. ^^

Prologue ici.

Chapitre 1 : Temple

« Ne savez-vous pas que votre corps est un temple (…), et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? »
Corinthiens, 6 : 19


Embuscade, encore petit loup fou à l’époque, avait été confié au seigneur Miroir dès l’âge de sept ans. Depuis, il avait grandi, vieilli, et même dépassé son maître en taille - et également en âge apparent. Son suzerain, lui, était resté exactement le même : un noble d’une quinzaine d’années, à la peau blême, aux cheveux blancs et aux yeux d’un gris glacé. Malgré la jeunesse qu’affichait la créature (Embuscade avait très vite compris qu’il n’était pas humain, ou loup-garou comme eux), cela n’empêchait pas que le garçon lui appartenait corps et âme. Comme tous ceux de sa lignée, il aurait donné sa vie pour lui. Plus encore, peut-être. La maison de l’Envers les employait depuis des siècles et des siècles. Et, malgré quelques malédictions qui pesaient sur la famille de serviteurs et d’autres détails sans importance, ils n’avaient aucun motif de plainte. Leurs seigneurs se montraient froids, certes, mais justes. Du point de vue de leurs longues existences, les Gardiens passaient comme des lucioles sous leurs yeux fatigués.

« Cela fait maintenant plusieurs siècles que l’on ne m’a pas confié d’enfant », avait affirmé le sombre seigneur de sa voix rauque, le jour où on lui avait emmené le jeune loupiot.

Ce dernier tremblait comme une feuille fragile, emportée par des courants d’air. Personne ne lui avait rien expliqué. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il ne reverrait jamais ses parents, ni ses frères et sœurs. En le serrant dans ses bras une toute dernière fois, sa mère avait autant pleuré que Madeleine. Quant à son père, il accusait la perte de son petit - l’aîné de sa portée. Il l’enlaça également en lui demandant d’être un bon Gardien, de ne jamais trahir le clan. Il promit, aussi solennel qu’un chevaleret anobli.

Seul, pour la première fois depuis sa naissance, il s’aventura dans une partie du monde souterrain qui lui était totalement inconnue. Elle ne ressemblait pas à leurs tanières, chaudes et accueillantes, aux odeurs familières d’autres membres de la meute. Ici, l’air était frais - froid, même - et rien ne se rattachait à la nature : pas de racines, de branches ou de terre sous ses pieds nus. Les dalles de marbre lui semblaient glacées, et les colonnes, hostiles. Malgré sa vue excellente, il se surprit aussi à regretter le manque de luminosité. Le temple n’était éclairé que de bougies, vacillantes et ternes. Le seigneur Miroir suivit le regard curieux de l’enfant et lui expliqua, las :

«La lumière me blesse les yeux. »

Puis il quitta son trône d’acier noir et s’avança vers lui. Le premier réflexe du garçon fut de reculer à son approche, mais il se retint. Un chien de garde n’a pas peur de son maître.

*

Un regard de bête traquée. C'était ce que reflétaient les yeux sombres de l'enfant-loup qu'on lui avait confié. Il avait esquissé un mouvement de recul à son approche, puis s'était ressaisi. Très bien. On l'avait convenablement éduqué. Miroir en ferait ce qu'il voudrait.

« Quel est ton nom ? » demanda-t-il le plus doucement possible. Certes, il venait de le lire dans son esprit, mais inutile de l'effrayer en montrant qu’il le connaissait déjà. Comme depuis toujours, même s'ils respectaient leurs maîtres, les Gardiens en avaient également peur, et il en était de même pour leur progéniture.

« Embuscade », murmura le garçon. Un nom typique de son clan, et que bien d'autres gardes avaient porté avant lui.

Le petit loup-garou avait un tempérament de jeune chien fou. Il ne voyait pas le mal et voulait aimer tout le monde. Du moins, c’était le cas lorsqu’il arriva au manoir. Mais Miroir prit dans sa main cette âme d’enfant, pure et innocente, et l’entacha de sa corruption. Il durcit les préceptes qui avaient déjà planté leur graine délétère dans sa petite tête de louveteau. Années après années, le garçon grandit, semblable à un arbre dont les branches poussent tordues, parce qu’elles ne voient jamais le soleil.

Embuscade apprit les interdits auxquels était soumis son maître. Il sut se conformer aux rituels : le laisser se reposer le jour, le laisser à son sommeil à l’apparence de mort. Il comprit que le seigneur des ténèbres n’aimait pas la lumière, car son regard n’y était pas habitué, mais que contrairement à ce que racontent les légendes humaines (il avait finalement appris à lire et à écrire, bien que maladroitement), il ne lui était pas impossible de sortir de jour.

Pour donner à Embuscade sa place (celle du serviteur), Miroir savait exactement comment procéder. L’enfant qu’on lui avait confié n’était qu’un réceptacle facilement accessible, la tête déjà emplie de préceptes de soumission absolue. En vérité, quand on y réfléchissait bien, il ne restait plus tant d’éléments que cela à lui inculquer. Si, il manquait tout de même l’essentiel. Un détail, vraiment.

La dévotion absolue, l’adoration et l’abnégation totale, mêlée d’amour, elles se sentaient dans son odeur. Seulement, il fallait les rendre plus extrêmes encore. Embuscade serait son réservoir d’énergie. Il faudrait lui apprendre à ne pas paniquer s’il lui arrivait de lui en prenait trop.

Mais de toute manière, le petit chiot savait déjà qui étaient ses maîtres. Miroir s'était approprié sa vie, l’avait déconstruite et l’avait dévorée de l’intérieur, dès son plus jeune âge ; il l’avait séduit, souillé et soumis à sa cause, même si la tâche s’était avérée fort aisée, tant l’enfant y était déjà prédisposé, grâce aux lois de son clan ; il s’était immiscé dans chaque interstice de son existence, jusqu’à ce qu’Embuscade n’aie plus rien de privé, aucune pensée qui n’appartienne qu’à lui - pas la moindre aspiration, ni le moindre désir, qui ne soit pas rattaché à son maître - pas un souffle qu’il n’exhalât afin de l’offrir au seigneur Miroir avec dévotion.

Son regard, sa reconnaissance, ses mots, ses mains sur sa peau, ses crocs sur son cou : voilà tout ce dont il avait besoin pour exister, tout ce qui constituait son univers, son cosmos bien organisé, entier ; sans eux, il n’était plus rien qu’un chien errant, petit chiot perdu, coquille vide qui part à la dérive ; alors qu’en leur compagnie, il se sentait capable de si grandes choses, investi d’un souffle, d’un idéal, d’une promesse à tenir, précieusement serrée dans le creux de sa main - la protection qu’il devait lui accorder, quel qu’en soit le prix à payer.

Prendre d’autres vies, celles des faibles buveurs de sentiments - dénués de force et d’énergie, misérables en vérité - qui menaçaient leur domaine, faisait par exemple partie de ses tâches de gardien.

*

Le premier meurtre fut pourtant difficile - pas tant dans la réalisation de l’acte lui-même que dans son acceptation, dure et brute. L’enfant, ou l’adolescent, peut-être, car Miroir n’était pas un expert en évaluation d’âge, s’était mis à pleurer, submergé de culpabilité.

Un dévoreur d’émotions plus hardi que les autres s’était trop approché du territoire de Miroir, et surtout, du manoir. Avant qu’il ne franchisse la grille, le seigneur ténébreux avait ordonné à Embuscade de l’exécuter. Et ce dernier n’avait pas cherché à se dérober : bien que réticent, il avait accompli cet ordre, armé du petit couteau d’acier qui ne le quittait jamais.

Ce fut une âpre lutte, au dénouement amer. Le jeune loup ne s’en sortit qu’avec quelques égratignures ; en revanche, son adversaire n’en réchappa pas vivant.

Le spectacle s’avérait déchirant, désolant pour quiconque qui eût éprouvé de la compassion : le jeune garçon, sa dague aiguë à la main, meurtrière et cruelle ; les larmes qui striaient de gris clair la crasse de son visage sombre. Nul doute qu’un Renoir, qu’un Delacroix auraient aimé dépeindre cette détresse si touchante.

Aucune douceur, pourtant, quand la main de Miroir colmata sa bouche et bascula sa tête en arrière, ni lorsqu’il mordit sa gorge pour aspirer comme du venin les sanglots qu’Embuscade se découvrait. Lui n’y voyait que l’attrait esthétique, l’aspect sensuel de cette tristesse dévastatrice ; son intérêt charnel. La puissance des sentiments qui tourbillonnaient sous ce petit crâne l’enivraient, comme la succulente promesse d’un délicieux festin.

C’était la première fois qu’il avait dû tuer pour protéger son maître ; que ses pouvoirs n’avaient pas servi à simplement chasser les intrus, mais à prendre une vie. C’était l’idée de rester vivant alors qu’un autre était mort qui le tourmentait ainsi - et cette amertume avait un goût délicieux.

Car ce sacrifice n’aurait pas été vain. Le seigneur qu’il servait se nourrissait des émotions, quelles qu’elles soient ; et son désespoir constituait un mets rare, dont il se délectait désormais.

Les baisers remontèrent le long de son cou, dévorèrent sa peau, effacèrent le chagrin et le remplacèrent par le plaisir.

Prologue
Chapitre 1

[original], original : où jamais n'irez

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