rpf - ellen page & joseph gordon-levitt (part II)

Oct 26, 2010 22:01

I WILL BE YOUR PERSONAL CROW II
RPF ; ellen page/joseph gordon-levitt ; NC-17 ; 11 204 words
for this prompt on inception_kink 
‘‘Elle passa une main tremblante dans ses cheveux désormais longs. -Tu… devras te les couper après hein ? Mais il n’allait pas le faire. Il allait les laisser pousser durant plusieurs mois, incapable de se séparer de la moindre chose qu’elle aurait touché.’’



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(here: part I)

RPF soundtrack here

part II

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.octobre.

Soixante-cinq jours avant Noël.

-Tu crois en Dieu ? lui demanda-t-elle.

Deux regards caramel et ébène se croisèrent. Pas facile comme réponse… C’était l’une de ses rares questions qui hantent toute une vie, dans la même ligné que Veux-tu m’épouser ? , Pourquoi papa et maman divorcent ? ou Le père Noël existe ou pas ? Joe regarda par la fenêtre le toit des buildings.

-De moins en moins… Elle rit à cette réponse. Et toi ?

-Bizarrement… de plus en plus… Oui, bizarrement, de plus en plus.

Comment pouvait-elle y croire ? D’après Joe, si une entité supérieure existait, elle ne permettrait pas les horreurs de ce monde et n’enlèverait pas la vie à des êtres aussi uniques que l’étaient son frère ou Ellen. Soit Dieu s’en foutait royalement, soit il n'existait pas de Dieu. Dans les deux cas, autant l'ignorer.

Il remit sa KOOL à la bouche.
Depuis qu’elle lui avait annoncé sa maladie, son herbe magique disparut de ses consommations habituelles. Comme s’il ne voulait pas que ses délire hallucinogène lui fassent perdre une minute d’Ellen.

Elle l’avait remarqué. Elle remarquait toujours tout à son sujet.

-Tu connais le Pari de Pascal ? poursuivit Ellen après un long silence.

-Sur l’existence de Dieu ? Oui… pas bête, mais critiquable et surtout improuvable.

-C’est la définition même de la foi, Joseph.

Il rit à la façon dont elle insista sur son prénom biblique. Ellen était une femme brillante, intelligente et cultivée. Son choix de croire en Dieu devait reposer sur une longue analyse et de multiples raisons toutes plus justifiées les unes que les autres. Que pouvait-il avancer contre ça ?

-

La soirée avait si bien commencé: ballade, restaurant (Souen Restaurant, suggestion d'Ellen), vins français... pourquoi fallu-t-il qu'il mette ça sur le tapis.Ça !
Avant qu'il puisse finir, elle le coupa.

-Non Joe.

Le regard de ce dernier resta inchangé, mais elle lisait dans son corps un élan de repli, comme pour se parer à essuyer un coup violent. Son instinct visait toujours juste

-Non. Ne le dis. Il s’agissait plus d’une supplication que d’un ordre. Ne dis pas ces trois mots… s’il te plait.

Autant lui mettre les mains sur la bouche et le nez pour le forcer à ne plus respirer.

Lui dire qu’il l’aimait coulait de source pour lui.

Un de ses amis lui avait demandé un jour ce qu’il aimait chez Ellen. Et étrangement, aucune réponse franche ne lui vint à l’esprit. Pas d’idée. Rien. Non pas qu’il n’y avait pas mille et une raisons de l’aimer. Au contraire. Mais parce que pour Joe, cette question était dénuée de sens. Lui demander ce qu’il aimait chez Ellen reviendrai à demander au commun des mortels ce qu’ils aimaient dans l’oxygène.

Rien. Et pourtant tout.

-Pourquoi tu ne veux pas que je te le dise ?

-Parce que je n’arriverais pas à le gérer. Je n’arriverais pas à gérer ton amour face à ma mort. Donc, s'il te plait… promet le moi. Ne le dis pas.

Alors il promit à la femme à qui il voulait hurler son amour, que jamais il ne dira ses trois foutus mots !

-

.novembre.

'Cause you're in New York…

.                  (elle lança cette idée sans espoir.il la trouva amusante.ils entrèrent dans un taxi jaune vers les 14h00 de l’après-midi et n’en sortirent qu’à 19h00.Elle se foutait de la facture : quand on va mourir dans quelques mois, l’argent, il faut le dépenser.Ellen voulait voir New-York comme elle ne l’avait jamais vu : en taxi, dans tous les recoins de manhattan, avec Joe comme guide.elle vivait dans cette ville depuis presque un an, depuis le jour où elle apprit sa condamnation mais ne l’avait jamais parcouru durant les fêtes de Noel.elle posa sa tête sur son épaule, légèrement poussé en arrière et regarda au travers du pare-brise les sommets des buildings.elle voulait faire tous les trucs de touristes : empire states building, ground zero, broadway, times square…elle voulait que sa mémoire sature de toute cette ville, de ses odeurs, de ses habitant, de ses anecdotes.Joe déposa un baiser sur le haut de son crâne à quasiment chaque fin de phrases.après une histoire invraisemblable sur lui et un de ses potes dans un bar de la 5ème avenue qui se terminait en bagarre générale, il mit ses doigts sous son menton et l’attira vers lui pour un baiser.elle y répondit plus que favorablement.il passa sa main dans le bas de son dos pour la coller contre son flanc.Joe lui souffla aux lèvres une phrase comme Tu l’as déjà fait dans une voiture ? ou un truc comme ça. elle répondit que oui. il rit. elle entra sa langue dans sa bouche et la glissa sur ses dents parfaitement blanches.elle passa sur lui, assise à califourchon, une jambes de chaque côté de ses hanches.sa petite taille lui permettait de telles acrobaties dans une voiture aussi basse de plafond.les mains de Joe glissèrent sur ses jambes pour finir sous son pull dans le creux de ses reins et remonter sur sa poitrine.elle étrangla un gémissement dans sa bouche quand son pouce effleura son téton déjà dur.leurs lèvres se dévoraient mutuellement.avides.insatiables.affamée.

elle s’attaqua à son cou pour y faire couler sa langue et commença à défaire la ceinture du jean qu’il portait.elle sentait son exitation entre ses jambes sous son pantalon diesel. un son roque sortit de la gorge de Joe quand elle y enfonça sa main…fuck…il ouvrit un œil et aperçut le regard du conducteur dans le rétroviseur.la course allait s’arrêter là.)

-

.décembre.

Le Canada lui manquait. Viscéralement.

-Je suis comme les saumons. Ce poisson stupide mais qui par instinct retourne sur les lieux de sa naissance pour y mourir. Je dois y retourner une dernière fois.

Joe ne pouvait que lui dire "je te suivrais comme ton ombre".

-

Ils prirent le train. L’avion n’aurait offert qu’un panorama ennuyeux de nuage blanc et aurait séparé Ellen de ses deux petites chiennes. Elle s’asseyait côté fenêtre et posa aussitôt sa tête contre l’épaule de Joe. Connecticut, Massachusetts, New Hampshire, Maine et enfin le Canada.

12 heures au total.

La fatigue était devenue une compagne quotidienne, alors 12 heures assise dans un wagon ne la dérangea pas.
Toujours ce souhait de saturer sa mémoire de toutes les images possibles.

-

Durant ces quelques semaines, ils décidèrent de s’installer dans la résidence de son grand-père, loin de la ville et de ses troubles. La maison se situait au fin fond de Nova Scotia, à 50 kilomètre de New Glasgow. Loin de tout. Ou proche de rien. Ça dépendait du point de vue… encore.

Une région dominée par les étendues d’eau. Ellen avait apprit à pécher avec son grand-père dans le lac en contre bas de sa maison, au bout d’un immense jardin qui quand elle était gamine lui paraissait sans fin. Ce lac comme un miroir d’eau géante encerclée de magnifiques sapins. Combien de dents de laits avait-elle perdu ici en tombant le menton en avant à force de trop jouer avec son demi-frère à trap-trap ? Pas assez…

Au volant de la Skoda qu’ils avaient loué à la gare, ils s’enfoncèrent dans l’allée de la propriété. Les yeux fatigués d’Ellen se réveillèrent en se posant sur ce jardin recouvert de neige et de souvenirs.

-Ce n’est pas du sang qu’il y a dans tes veines…, releva Joe en voyant son visage déchiré par un sourire, c’est du sirop d’érable.

Mais elle n’écoutait pas.

-Tu vas adorer mon grand-père…

-Pourquoi j’entends une pointe d’ironie dans ta voix ?

Parce que son grand-père était malade aussi. Les fardeaux de la vieillesse. Un Alzheimer léger -plus proche de la schizophrénie- doublé par quelques symptômes de Gilles de la Tourette, ( « Tu te fous de moi Ellen ? ». « J’ai l’air… tu vas voir, ça met de l’ambiance parfois. Surtout, ne prend pas ce qu’il te dit pour une attaque personnelle. Il m’a traité de trainée une fois… mais quand il a l’esprit clair, il est adorable ». « Je trépigne d’impatience.» ) et maintenant qu’il vivait seul, la famille Page s’était ressoudée autour de lui. Et maintenant autour d’elle. Triste idée de penser que la maladie servait de lien… mais vrai.

Quand Joe vit tous les Pages ensemble la première fois, il ne put s’empêcher de plaisanter. Le mystère de sa petite taille venait d’être enfin résolu. La génétique.

Ses parents semblaient ravis de connaitre ce fameux Joseph Gordon-Levitt qu’ils ne connaissaient qu’à travers les magazines et les coups de téléphone d’Ellen. Il leurs serra la main. Leurs sourires respiraient cette même générosité que ses yeux à elle.

Mais la détresse réapparaissent sur leurs visages à chaque fois qu’ils se tournaient vers leur fille.

-

.janvier.

Il était né en Californie.

Haïr la neige était dans ses gênes.

Et malgré des hivers passés à New York sous des mètres de poudreuse, elle restait un ennemi instinctif. Alors suivre Ellen au Canada pendant plusieurs semaines en plein hiver semblait être curieusement pour lui la plus belle déclaration d’amour qu’il n’ait jamais faite.

-

C'était pourtant une après midi si calme.

-Coupe-toi la barbe !

Joe ne prit même pas la peine de se retourner vers le grand-père. Certes, il laissait pousser sa barbe et ses cheveux, mais ça restait convenable. Toute sa concentration se focalisait sur l’écran cathodique illuminé par Jeopardy (qu’il gagnait haut la main soi-dit-en passant) et non sur l’homme qui le dévisageait de l’autre côté de la pièce, assit sur un fauteuil près du feu, et qui marmonnait sale hippie et j’ai fait la guerre de Corée moi ! depuis 5 minutes.

-Vous savez… commença Joe, avec ce je-prépare-un-mauvais-coup de sourire , j’ai fait le Viet Nam.

Soudain, le visage du grand père s’illumina. Finalement, Joe savait mentir quand il voulait.

-Dans quel section ?

-La 9th Infantry Division (merci Forrest Gump, souligna-t-il).

-T’as une tête d’hippie pourtant !

Il ne put s’empêchait d’éclater de rire.

Après plus d’une heure de mythomanie sur ses exploits de guerre (pour ceux qui disent que mentir est une mauvaise chose, qu’ils viennent voir les deux yeux du vieil homme assombris par la cataracte se remettre à briller !) et l’étalage de sa ‘‘cicatrice’’ qu’il hérita d’une balle Viêt-Cong, le grand-père se tut.

Son regard se baissa sur ses doigts ridées, et il tomba dans un silence déroutant, parce qu’inhabituel. Bien qu’ayant déjà tenté ça, et n’ayant reçu qu’en réponse soit une injure, soit un coup de canne, Joe posa sa main sur son épaule. Pour la première fois depuis son arrivé, il lut dans son regard fatigué de la raison. Un ilot de discernement dans un océan de folie douce. Il était lui-même. Ses lèvres creusées s’entrouvrirent finement pour prononcer les mots les plus lourds de sens qui lui était possible de dire.

-Elle va mourir n’est-ce pas ? soupira-t-il.

Joe ne répondit pas -satanée étape 1 !-.

Il lui demanda où se trouvait sa petite fille. Parce qu’il devait lui parler, parce que durant ces quelques minutes de raison, il devait lui dire ce qu’il ressentait réellement derrière ce rideau de folie.

-Ellen est sortit avec sa mère.

Ce qu'il aurait aimé ne pas dire ça. Il continua :

-Je reviens.

D’un bond, il quitta le salon et couru dans la cuisine, retournant les tiroirs une bonne poignée de secondes, à la poursuite de ce qu’il cherche. Il en sortit un crayon et un calepin qu’il ramenant aussitôt au vieil homme.

-Ecrivez lui, demanda-t-il en lui tendant le tout. Ecrivez ce que vous avez envie de lui dire.

Il hésita, puis ses deux mains tremblantes s’emparèrent du petit cahier. Ses yeux se relevèrent vers Joe.

-Vous n’avez pas connu le Viêt-Nam vous ?

-Pas ce Viêt-Nam là… non. Mais une autre guerre, plus douloureuse bien qu’au final elle n’allait prendre qu’une seule vie.

Alors il écrivit. Une écriture élégante déposait sur le papier tout ce qu’il désirait dire à sa petite-fille. Au final, une cinquantaine de mots. Puis peu à peu, l’écriture se transforma en un gribouillage plus variable et lourd. Son discernement s'échappait à nouveau.
Joe arracha le calepin des mains du vieil homme.

-Saleté d’hippie !

-
Ce soir-là, dès qu’Ellen quitta la table après le diner -plus pour y assister que pour y participer-, Joe la suivit dans le couloir reliant la cuisine au séjour. Il lui donna la cinquantaine de mots et le bout de papier. Elle lut en silence. Lentement, elle retourna dans la cuisine. Ses bras passèrent autour du cou de son aïeul encore assit en bout de table. Il ne dit rien. Le regard du vieillard se perdait dans le vide, sans prêté attention aux bras qui l’encerclaient. Mais peu importe. Quelque part dans son crâne sénile, elle restait sa petite fille.

-

Un petit anneau en argent glissa sur la table entre ses doigts. Ou peut-être en or blanc. Joe n’était pas doué question bijouterie.

-Tiens

Un sourcil interrogateur se souleva vers Ellen.

-Du calme Joe… je ne vais pas te mettre la corde au cou... Et elle lit dans ses deux yeux ébène du soulagement et de la… contrariété ? C’est juste un cadeau : je sais qu’elle n’est pas neuve, elle a vécu mais justement, je ne veux pas qu’elle s’arrête de vivre comme moi. Alors s’il te plait, tu veux bien la porter ?

C’était un anneau tout simple argenté, sans fioriture, pouvant être porté par un homme ou une femme sans problème.

-Sa taille est grande vu que je la porte soit à mon pouce, soit à mon index… elle devrait t’aller normalement. Au petit doigt peut-être ? Comme Ringo Star !

Cette allusion à 500 days of Summer ne le fit pas rire. Et comme son personnage -Tom, si Ellen se rappelait bien- Ringo Star était le Beatles qu’il appréciait le moins. Son favori devait être Lennon alors ? C’était forcément Lennon.

-Laisse-moi deviner : Lennon ?

-Non. Harrison.

Evidemment. Harrison. Le plus timide et touchant des Beatles.

Ellen lui expliqua pourquoi cette bague ne devait pas mourir en même temps qu’elle, pourquoi elle y tenait tant, pourquoi sa mère lui avait offert pour ses 15 ans et pourquoi il fallait qu’il la porte et qu’elle lui survive. De toute façon, vu l’état rachitique de ses doigts, la porter lui était maintenant impossible. Son argumentation se conclu par un s’il te plait qui mit à genoux Joe. Alors il se gratta sa barbe et lui dit que oui, qu’il la porterait de temps en temps.

-
En marchant dans le couloir cette nuit-là, elle entendit Joe pleurer dans la salle de bain. Ellen n’ouvrit pas la porte.

-

.février.

Son poing frappa doucement à la porte de la chambre qui était devenu leur chambre depuis plus d’un mois. Les rideaux faisaient passés timidement les rayons froid du soleil. Ellen occupait le lit deux places, allongée sous les couvertures, regardant un vieil écran cathodique dont le son était coupé. Joe se rapprocha du lit.
-Qu’est-ce que tu regardes ? murmura-t-il pour ne pas briser sa quiétude.

-Breakfast Club. Elle répondit sans quitter l’écran des yeux. Pour la… 97ème fois je crois. C’est la pub là.

-J’ai toujours pensé que le personnage de Brian était le plus intéressant.

Son regard affaibli par les médicaments et la maladie se posa enfin sur lui. La barbe lui allait bien finalement…
-Vraiment ? Je te voyais plus admirateur de Bender.

Joe roula des yeux.

-Je t’en prie… Il prit une voix de fausset, singeant un caïd de seconde zone. Je suis un rebelle, mais j’ai un cœur ! Je porte des diamants et écris des poèmes en cachette.

Ellen rit. Ce que cela lui avait manqué. Il s’assit sur le matelas près d’elle. Son bras glissa dans son dos et elle posa sa tête contre son épaule.

-Et toi ? Sa voix s’était transformée en brise chaude qui chatouilla son oreille. T’apprécie une des deux filles peut-être ?

-Oh non. Pour moi, le personnage clef du film, c’est le concierge. Et puis… je déteste Allison : tu te rends compte qu’elle transforme la femme qu’elle est pour qu’un type pose les yeux sur elle ! C’est le contraire même du féminisme ! Tout ça pour un garçon qui découvrira dans quelques temps qu’il est gay.

-Toi aussi tu t’imagines des sequels de films ? plaisanta-t-il.
Elle tourna son visage qui s'alluma d’une rangée de dents parfaites, et elle se lova contre lui.

-Tu es en forme aujourd’hui.

-Y’a des haut et des bas. Aujourd’hui c’est un p’tit haut.

Joe déposa un baiser quasi imperceptible sur son front. Puis sur sa joue. Ses lèvres. Sa mâchoire. Son cou. Alors, doucement sa main gauche coula dans le bas de son dos, la droite saisissant délicatement sa tête pour lui offrir un meilleur accès à sa bouche.
Un long soupir sortit d’entre ses lèvres.

-Joe…
Ce gémissement le freina aussitôt.

-Désolé. Tu ne veux peut-être pas.

-Non... je…

La considération qu’il lui portait la fit sourire encore. Ses deux petites mains s’emparèrent de sa frimousse poilue et elle sentait son sang monter à ses joues.

-J’en ai… très envie. Depuis plusieurs jours même. C’est juste pour… toi.

Un visage perplexe l’obligea à s’expliquer.

-Je… ne suis qu’un tas d’os dans un sac de peau. Qui voudrait d’un tas d’os dans un sac de peau ? finit-elle dans un souffle.

-Celui qui est follement épris de ce tas d’os dans un sac de peau… et ses lèvres la firent taire.

Il souleva la couverture pour la rejoindre dessous.

Elle était fière de lui faire autant d’effets, aux vues de ce qu’elle sentait contre sa jambe et cela malgré son état… Sérieusement, comment pouvait-elle l’exciter ? Déjà qu’elle se posait ce genre de questions avant d’être souffrante (petite, pas de hanches, pas de seins, une vrai tom-boy), son introspection avait empiré maintenant (maigre, fatiguée, pâle). Mais d'après les baisers qu’il déversait dans le creux de son cou, il la désirait toujours. Son sourire ne disparaissait pas de son visage…
Sans cesser de l’embrasser, il se mit au dessus d’elle.

-Laisse-moi faire… dit-il. Et elle le laissa.

Elle n’avait jamais vu Joe aussi conscient de son propre corps : il posa ses mains de façon méthodique, plaça ses jambes entre les siennes pour ne pas la gêner, tendit ses bras pour ne pas l’écraser de tout son poids, plaça une baiser délicat aux coins de ses lèvres. Bref, plus il faisait attention à elle, plus elle se savait malade.

-Joe… je ne suis pas en porcelaine… souffla-t-elle dans un filet de voix fatigué. Elle attrapa son visage rugueux et colla ses lèvres au siennes. Montre-moi que je suis encore en vie, bon sang…

Sa barbe la chatouillait. Elle était suffisamment longue pour être douce mais pas assez pour faire bestial. Il était beau avec.

Une de ses mains glissa sous son tee-shirt Tortues Ninja et massa sa poitrine. Ça lui semblait une éternité qu’ils n’avaient pas été aussi proches. Il captura un de ses tétons entre son pouce et son index. Un gémissement s’échappa du fond de sa gorge. Joe soupira alors un "désolé" contre ses lèvres. Pourquoi ? Qu’il arrête de s’excuser ! C’était exactement ce dont elle avait besoin. Le sentir. Lui. Rien d’autre.

Aucun vêtement ne fut retiré. Il restait toujours un bout de tissu entre eux deux. Etrangement, cela rendez leur étreinte encore plus intime. Il déboutonna juste son jeans, descendit juste son short et après l’avoir regardé dans les yeux, entra en elle. Ellen entrouvrit la bouche en silence et roula ses yeux en arrière, offrant son cou à ses baisers. Ses ongles se perdirent dans le dos de Joe.

La façon dont il lui faisait l’amour lui rappelait sa première fois : il était maladroit, doux, et allait si lentement dans le moindre de ses geste que c’en était presque drôle. La boucle était bouclée. Ironique, pensa-t-elle.

Tout se passa en silence. Juste quelques gémissements, quelques expirations lourdes, quelques sanglots. Elle n’arrêta de l’embrasser. De l’embrasser. Encore et encore et encore et encore. Elle voulait expirer son dernier souffle dans sa bouche. Mourir ici et maintenant. Dans ce pays. Dans cette maison. Dans cette chambre. Dans les bras de cet homme.

Pourtant, ce n’était pas prévu comme ça.

Ellen allait mourir dans une chambre d’hôpital ordinaire le mois prochain et tout sera finit. Elle deviendra un bout de viande froid doucement bouffé par les vers. Puis un squelette. Et enfin un tas de poussière. Elle disparaitra, tous comme disparaitront ses souvenirs, ses gestes, ses sensations. Elle ne sera plus rien.

Mais elle s’en foutait.

Parce qu’à cette seconde précise, Ellen était l’univers tout entier de Joe.

-

La semaine suivante, ils fêtèrent leurs anniversaires en même temps avec un seul gros gâteau au citron pour six. Ellen n’en avala qu’une bouchée. Elle avait si maigri… Sa mère lui offrit une écharpe rouge écarlate avec paires de gans et bonnet assortis, ses demi frère et sœur et son père une édition originale de The Wind-Up Bird Chronicle, et son grand-père, la promesse de ne pas ouvrir la bouche de la fête.

Joe n’arriva pas à finir sa part.

Elle n’avait même pas la trentaine.

-

.mars.

Ellen se regardait dans le miroir psyché de la chambre qu’elle occupait depuis plus de trois mois : le bonnet écarlate offert par sa mère vissé sur son crâne aux mêmes couleurs que ses gants et son écharpe ; un manteau noir sur un tricot sur un tee-shirt sur un débardeur sur un soutien gorge ; un jean enfoncé dans une paire de bottes en cuir où deux chaussettes pure laine réchauffées ses orteils. Quatre épaisseurs qui donnaient l’impression qu’elle avait retrouvé un poids quasi normal. Mais la maigreur de ses jambes trahissait la fragilité de son état.

La maison était vide. Maman et grand-père chez le kiné, sa demi-sœur et demi frère au travail, et papa en course. Juste elle et son ombre, aka Joseph Gordon-Levitt.

Du haut du première étage, jamais l’escalier ne lui avait paru aussi long. Les marches craquèrent une à une sous son pas laborieux.

Finalement au rez-de-chaussée, ses deux chiens se précipitèrent vers elle et manquèrent de la faire tomber.

-On se calme.

Le semblant d'autorité qu'elle voulait donner disparu dans le ton fatigué de sa voix. Ils lui faisaient la fête, comme si ils ne l’avaient pas vu depuis des siècles (elle avait juste passé presque deux semaines entières sans sortir de cette chambre). Ellen finit par rire quand la plus petite exécuta des roulades. Rires vite arrêtés par un souffle trop court.

-Tu devrais rester au lit.

Elle se retourna. Joe venait d'apparaitre dans l'entrée. Les mains dans les poches et la lumière du foyer derrière lui, il était impressionnant en face de son petit corps délicat.

-Toi, tu devrais te raser...

Mais malgré sa barbe, ses fossettes se repéraient facilement. Il s'avança vers elle.

-Je sais très bien que tu adores ma barbe... Je viens avec toi.

-Non.

Ses yeux évitèrent ceux de Joe pour migrer sur ses chiens.

-Je... J'ai envie de marcher un peu seule. Elle entendit son fameux soupir de contrariété se transformer en résignation. Et puis... il faut que tu surveilles mes bébés.

Les deux chiens avaient adopté Joe aussi vite que lui l’avait fait avec eux. Après tout l’homme descend de l’animal, lui avait-il dit en plein Central Park, en courant après la plus grande des deux.

-Tu vas prendre soin d'eux, hein ?

Si il pouvait répondre à cette question, alors il en serait à l’étape 4, voire 5.

Il ne répondit pas -toujours en pleine étape 1, pensa-t-elle-, mais se contenta d’agripper le rebord du bonnet écarlate qu’elle portait et le vissa encore plus sur son crâne. Il déposait un baiser sur le bout de son nez. Sa respiration glissa sur son visage … Sa respiration si harmonieuse, si bien saccadée, si régulière, si pleine de vie par rapport à la sienne.

-Tu as un téléphone portable ? souffla-t-il.

-Oui maman...

Chacun de ces gestes était une lutte acharnée qui allait au final la mettre K.O. Elle détestait être si fragile. Et elle haïssait encore plus cette lueur de détresse dans son regard ébène.

-Les deux petits chiens vont rester avec moi. Son ton était faussement distant. Tu peux y aller…

Après trois pas hésitant, sa main se posa sur la poignet de porte pour sortir.

-Ellen.

Elle se tourna vers lui.

Il avait ce regard là.

Ce regard.

Non. Pas ici. Pas aujourd’hui. Il n’en avait pas le droit. Sa raison n’aurait pas la force de supporter maintenant les trois mots qu’il promit de ne pas dire !

-Joe, s’il te plait, ne le dis…

-Tu m’aimes.

Ce n’était pas une question mais simplement un fait. Et tous deux le savaient. Cependant hors de question de faire une déclaration: ni la sienne, ni celle de Joe. Alors, entendre ses propres sentiments sortir de sa bouche à lui était la chose la plus évidente, concrète et réelle qu’elle entendit de ses 27 années passées sur terre.

-Tu m’aimes aussi. dit-elle en écho sans y réfléchir.

La porte claqua derrière elle.

-

Du blanc. Du gris. Et quelques taches de couleurs ici et là.

Marchant au bord du lac, juste en contrebas de la maison de son grand-père, chacun de ses pas se faisait de plus en plus lourd et laborieux. Mais elle continuait tant que ses jambes répondaient.

La buée sortant de sa bouche était apaisante. Une preuve de plus qu'elle était en vie.

-

Son regard la suivit d’interminables minutes à travers les vitres épaisses du salon. Il épiait son petit corps fébrile avancé dans cette satanée neige.

La peur qu’elle disparaisse dans cette étendue blanche lui retourna l’estomac.

Définitivement : il haïssait la neige.

L’odeur du café qu’il avait préparé lui chatouilla les narines. Il décida d’aller s’en servir une tasse.

-

Un cri strident mais familier déchira ce silence blanc. Ellen leva difficilement la tête et plissa des yeux.

Deux petites tâches noires.

Un couple de corbeaux dans le ciel virevoltait entre les nuages. Elle pouvait entendre la valse numéro 2 de Chostakovitch simplement en les observant. Le bord de ses lèvres se leva.

-

Les après midi canadienne avaient une mélancolie que n’offrait pas la ville de New-York.

Joe s’était installé près du foyer, dans le fauteuil du grand-père, pour y lire un numéro de National Geography vieux de deux ans.

Sprout et Julie dormaient tranquillement à ses pieds d’un sommeil troublé de temps en temps par de longs couinements.

Après avoir avalait la dernière gorgée de café, il jeta le magazine sur la table base et se dirigea vers la cuisine.

Les oreilles des deux animaux assoupis se dressèrent, pour aussi vite retomber.

-

Les croisements s’éloignèrent laissant le silence reprendre ses droits.

La surface du lac était maintenant un miroir d’eau de plusieurs hectares. Elle reconnu le bateau à bandes rouges accroché au ponton. Elle avait apprit à pécher dedans.

Son visage se baissa sur ses souliers. Ses pieds n’étaient pas enfoncés si profondément. Alors pourquoi ne pouvait-elle plus bouger du tout ?

Elle comprit.

Elle redressa rapidement la tête. Elle voulait voir la montagne derrière les nuages une ultime fois.

Elle eut la sensation de recevoir un coup de batte sur le haut de crâne.

Ses jambes lâchèrent en premier. Son souffle disparu. Sa vue s’obscurcit.

Son dernier souvenir était le froid de la neige contre son visage.

-

Il venait enfin de mettre la main sur le liquide-vaisselle. Citron évidemment. Voilà pourquoi tout ce qu’il mangeait depuis presque 4 mois avait gout de citron.

Il posa sa tasse dans l’évier de la cuisine et tourna le robinet, la lotion à la main.

Il mit ses doigts sous l’eau attendant qu’elle devienne chaude. Ses yeux se dirigèrent vers l’extérieur sans concentration particulière.

Il ne la voyait plus.

Juste une silhouette allongée et noire, colorée d’un ruban écarlate devant le lac.

Le liquide vaisselle fit un bruit sourd en tombant par terre. La porte de la cuisine resta ouverte quand il l’a franchi. Il n’avait mit ni blouson, ni chaussures.

L’évier déborda.

-

Quand ses paupières se levèrent à nouveau, il n’y avait que du blanc. Encore. Un blanc étrangement triste et fade pourtant. Les rayons froids du soleil de mars passaient timidement entre les stores de sa chambre d’hôpital.

Son regard se posa sur les alentours de son lit : une intraveineuse, une machine qui ‘‘bip’’, un rideau grisonnant, Joe effondré sur une chaise. Elle aurait finalement préféré rendre son dernier souffle près de ce lac. Mais ça ne lui aurait pas plu… Elle était la femme de sa mort après tout. Il devait lui tenir la main quand elle rendrait son dernier souffle. Ses jambes bougèrent dans un gémissement.

Ce simple bruit réanima Joe. Dès que ses yeux se posèrent sur elle, Ellen les vit se remplir de détresse. Elle priait pour que lui n'arrive pas à lire dans les siens.

Il se rapprocha d’elle et glissa sa main dans ses cheveux.

-Où est… ma famille ? demanda un murmure tout juste audible.

-Je les ai prévenus il y a presque une heure… les embouteillages et la neige sans doute. Il embrassa la paume de sa main. Ils vont arriver bientôt.

-Peut-être que c’est mieux qu’ils ne soient pas là…

Il ne dit rien. Il serra entre ses doigts ceux d’Ellen, et dissimula sa figure avec ses longs cheveux. Sa tête s'inclina vers le lit.

-Je peux… ?

Un sourire sombre lui répondit favorablement. Le corps d’Ellen se déplaça de quelques centimètres vers la gauche du matelas mais Joe lui demanda de ne pas bouger, que c’était inutile, qu’il y avait assez de place pour lui sur le bord du lit… Il avait toujours été un mauvais menteur se rappela Ellen.

Un silence lourd et désagréable s’installa dans cette chambre sans que l’un d’eux n’y prête attention. Leurs mains entrelacées reposaient sur son bas ventre. Le côté gauche du corps de Joe s'engourdit à cause de la position inconfortable qu'il prit sur ce lit mais il s'en foutait. Ses lèvres déposèrent un baiser sur sa tempe brulante.

-S’il te plait Ellen,… emmène-moi avec toi...

Elle ferma ses yeux si fort qu’elle se croyait capable de les renvoyer de l’autre côté de sa boite crânienne. Interdiction de pleurer, pas devant lui ; Ellen ne devait lui montrer qu’une femme forte quittant cette existence sur d’elle et en paix, accueillant la mort à bars ouverts. Mensonges, évidemment.

-Non. Impossible... le bout de son nez en trompette effleura sa gorge. Son poult battait si vite comparé au sien. N’oublies pas : tu dois gagner trois Golden Globes et deux Oscars… et m’en dédier au moins un.

Il sourit. Elle aussi.

-Ce n’est pas juste… soupira difficilement Ellen.

-Je sais…

-Non, c’est pas ça. Sa langue passa sur ses lèvres pour les tenter de les rafraichir. En vain. Je…je devrais… être dans ma chambre, dans mon lit… Pas ici.

Peut-être que si elle s’imaginait encerclés de murs en pins décorés de vieilles photos noirs et blancs, tout serait plus facile.

-Ferme tes yeux… lui soupira sa voix d’un ton qu’elle ne lui connaissait pas.

La peur de ne plus pouvoir les rouvrirent la fit hésiter mais lasse de résister, elle les ferma. Le souffle de Joe s’ajusta à elle. Il se colla de toute sa taille contre son corps et elle aurait juré sentir un frisson la parcourir du bout de ses doigts de pieds jusqu’à l’arrière de sa nuque. Légèrement, sa bouche s’ouvrit pour déverser un chuchotement dans le creux de l’oreille d’Ellen.

Son odeur lui rappelait New York.

-Tu… es dans un grand lit, fatiguée et forte de tes 95 ans. Tout autour de toi… notre descendance : nos enfants, nos petits-enfants, et même nos arrière petits enfants. Elle sentait ses fossettes se creuser d’un sourire à cette idée. Tu as de longs cheveux blancs, la peau ridée et marquée par ta longue, très longue vie. Mais… je ne suis plus là. Je t’ai quitté il y a quelques années. Les hommes s’en vont toujours avant les femmes, non ? Il se tue quelques secondes pour empêcher son cœur de sauter du fond de sa gorge. … Et lentement… tu t’assoupie. Les sanglots de tristesse se mélangent aux cris du dernier né dans notre chambre. La neige canadienne tombe derrière la fenêtre. Et tu t’assoupis. Tu t'assoupis. On va se retrouver bientôt…

Quand il termina, le cœur d’Ellen ne battait plus qu’une douzaine de fois par minute. Elle détestait les pleurs qui débordaient de ses yeux clos. Non pas parce que qu’ils la montraient épuisée et brisée, mais parce qu’au moment où elle les rouvrit, ils l’empêchaient de voir cette frimousse qui la faisait toujours rire.

Cherchant désespérément à ressentir la moindre once de vie qui restait en elle, le visage de Joe se colla au sien. Des cils bruns chatouillèrent la joue d’Ellen.

Elle passa une main tremblante dans ses cheveux désormais longs.

-Tu… devras te les couper après hein ?

Mais il n’allait pas le faire. Il allait les laisser pousser durant plusieurs mois, incapable de se séparer de la moindre chose qu’elle aurait touché.

Une douloureuse inspiration souleva sa poitrine.

-Tu m’aimes... haleta-t-elle.

-…tu n’as pas idée à quel point …

Leur étreinte était si intime que son oxygène était devenu son souffle. Sa peau devenu la sienne. Ses cheveux les siens. Ses pleurs, siens. Et il répéta les mots qu’elle venait de lui dire dans une voix étranglée.

-Tu m'aimes.

-Tellement Joe…

Son prénom. Son dernier mot. Parfait.

Elle sourit.
Et elle s’assoupit.

Elle s’assoupit.

La couleur caramel de ces iris qu’il aimait tant, disparaissait peu à peu derrière ses paupières.

La prise de ses doigts autour des siens cessa.

Ses poumons se vidèrent.

Son cœur ne remua plus.

Le dernier souvenir, la dernière sensation, le dernier lien d’Ellen avec ce monde-ci fut la chaleur des larmes de Joe sur sa joue.

.épilogue.

Quelques jours plus tard il l’enterra dans le cimetière où reposaient déjà sa grand-mère.

Quelques semaines plus tard Il échappa à une overdose dans son appartement new-yorkais.

Quelques mois plus tard Il recommença à tourner dans un film indépendant splendidement écrit.

Quelques années plus tard Il gagna un oscar pour un drame sur un homme cherchant désespérément à retrouver ses racines.

Quelques décennies plus tard Il ne se maria toujours pas malgré ses nombreuses conquêtes et deux beaux enfants.

Il fut enterré avec un petit anneau en or blanc au doigt.

Comme il lui avait promis, il ne dit jamais Je t’aime.

~fin~

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french, ep/jgl, rpf, personal crow

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