En vrai, je viens de franchir les 40k, grâce à un petit sprint aujourd'hui pour combler trois jours de retard. Grosse galère cette année en fait. Bizarrement, je n'ai pas tellement eu de moment de blocage ou de syndrome de la page blanche, mais c'est plus de trouver du temps pour me poser et l'énergie de rester concentrée qui a été problématique. Je dois atteindre les 50k mercredi. Jeudi grand max et tout valider. C'est près mais tellement loin en même temps.
Comme tous les ans, je suis en retard sur les extraits. De 10 à 20k, j'étais toujours sur La fée barbue. Celui-là est un peu long mais c'est le seul que j'avais de potable. Comme d'habitude, c'est à peine relu (et il commence à dater, presque deux semaines), il y a donc sûrement des fautes, des maladresses et des bizarreries!
Contexte:
[Contexte]Nina et Rash se sont violemment disputés, et cet appel de Nina n'était qu'un épisode de cette longue altercation. Mais parce que tout a une fin, ils ont fini par se réconcilier. Aujourd'hui, Rash a même fait preuve de bonne volonté en venant déjeuner avec Nina et une de ses nouvelles collègues, à la cantine de leur travail. Au moment de partir et de retourner bosser, la jeune femme a été retenue par la fée...
Note en passant: le salut vulcain est un signe mis au point par Nina (et imposé à Rash) qui les oblige à faire preuve de sincérité. Obligation purement morale qui rend dingue la fée, mais bizarrement, elle est toujours respectée.
- Vous… commença-t-il avant de s’interrompre. Nina, pourquoi vous avez fait ça hier ?
Surprise, je relevais les yeux vers lui. Habituée à l’assurance implacable de Rash, je peinais à le reconnaître dans tant d’hésitation.
- Je veux dire, pour le repas, reprit-il en se grattant machinalement la joue, faisant crisser doucement les poils de sa barbe.
Mon ventre se serra quand je compris à quoi Rash faisait allusion. Je pensais le sujet clos, n'imaginant pas un instant qu'il puisse vouloir à nouveau l'aborder. Je n'étais pas prête pour ça, en vérité. Gagnée par sa gêne (parce qu’il pouvait faire croire le contraire, c’était bien ce qu’il montrait, à sa façon), je détournai moi aussi les yeux, lâchant inconsciemment un petit « oh… ». Cela parut faire réagir la fée qui se reprit aussitôt.
- Vous l’avez mangé parce que vous mourriez de faim, je l’ai bien compris, continua-t-il les sourcils froncés. Et ce qui a suivi est totalement mérité, étant donné votre gloutonnerie ! Mais vu ce qui s’était passé…
Il laissa sa phrase en suspens. Il n’avait pas besoin de l’achever. C’était une question que le monde entier pourrait se poser. Vu les horreurs qu’il m’avait dites, pourquoi faire ça pour lui ?
- La cuisine thaïe me tentait... J'ai simplement eu envie d'essayer, ai-je plaisanté.
Rash n’avait pas envie de rire pour le coup, préférant m'observer avec gravité. Pour ma défense, c’était bizarrement un peu difficile à avouer. Surtout dans les conditions où nous nous trouvions.
La fée leva la main, je crus instant pour se frotter le visage, déjà agacé par ma manie de détourner la conversation par une plaisanterie. Je me trompai. Suprise, je clignai des yeux plusieurs fois.
Non, je ne rêvais pas : Rash faisait bien le salut vulcain.
Et puisqu’il détourna les yeux quand je croisai son regard, il le faisait au premier degré. Malgré tout ce qu’il m’en avait dit, malgré la façon dont il avait réagi la dernière fois que j'avais tenté de l'utiliser. Il me demandait d’être sincère avec lui.
Ce qui était malin de sa part, sans ça, je ne l’aurais pas fait. Pas ici, pas maintenant.
Je laissai échapper un sourire attendri. Voir Rash fait des efforts, voir la gêne que cela provoquait en lui, était plus émouvant que je ne l'aurais imaginé.
Et j’avoue qu’avec la foule qui nous entourait, voir un bel homme comme lui, aussi bien habillé, se ridiculiser en faisant ce geste était un petit plus que j’appréciais. Même si pour lui répondre, j’étais désormais obligée de l’imiter.
- Je me suis rendue compte que parfois, on en disait plus que ce qu’on pensait. Je sais que vous le pensiez, Rash ! Je ne dis pas le contraire, ai-je ajouté voyant qu’il allait protester. Je dis juste que vous n’avez peut-être pas choisi la manière la plus diplomatique de le faire.
Baissant la main, il croisa les bras. J’ignorais s’il cherchait quelque chose à me dire ou si c’était sa façon de dire qu’il n’était pas convaincu. Je n’avais pas terminé pour autant.
- Je sais aussi, ai-je repris avec un peu moins d’assurance, que malgré tout ce que vous avez dit, il y a des choses que vous ne pensez pas. Tout comme je sais que la situation n’est pas facile pour vous, que vous êtes loin de chez vous, que vous êtes obligé de rester, que ce n’est pas votre choix mais…
Quelque chose dans le visage de Rash s’était détendu. Comme si une partie de sa tension s’était envolée. Sa défiance, je l'espérais. Il ne bougea pas, ne réagit pas, se contentant de m’écouter. Ca, je pouvais le jurer. Pour une fois, il m'écoutait, pour de vrai.
- Je ne peux pas croire, je ne veux pas croire, ai-je rectifié, que c’est si désagréable que vous me l’avez hurlé.
Cette précision lui arracha un faible sourire.
- Vous aviez l'air plus à l’aise dernièrement et on a quand même passé de bons moments. Alors, je me suis dit que si vous avez dit tout ça, c’était pour m’embêter, je ne devrais d’ailleurs pas vous le dire mais ça a marché, et parce que quelque chose d’autre devait vous tracasser.
Et preuve que j’avais mis dans le mille, la fée serra les mâchoires et baissa la tête, une forme d’acquiescement. Quand il releva la tête vers moi, il souriait tristement. J’aurais pu m’arrêter là mais autant aller jusqu’au bout. C’était plus dur pour moi à présent, mais je pouvais le faire. Quitte à prendre un nouveau départ, autant le faire pour de vrai.
Mon bras commençait à fatiguer mais pour autant, je gardai le signe fièrement levé.
- Je reconnais aussi que dernièrement, je n’ai pensé qu’à moi. Même si j’avais mes raisons parfois. Et j'admets également que j’ai considéré que votre aide, vu la situation, m’était dûe. Vous aviez totalement raison, c’est à moi de reprendre les choses en main désormais.
- Nina, m’interrompit Rash. Ce n’est pas…
Ce qu’il voulait dire ? C’était pourtant ce qu’il avait dit. D’un geste de ma main libre, je lui fis signe de patienter. Ca allait devenir encore plus gênant s’il m’interrompait.
- Je vais me débrouiller, ai-je assuré. Mais j’ai encore besoin de vous, Rash. J’ai besoin de votre aide, parce que concrètement, à votre manière et à mes dépends, vous m’avez aidé. Je vous écouterai.
Les yeux écarquillés, Rash me dévisagea longuement. Je savais ce qu’il allait dire, que j’avais vraiment un problème pour doser la sincérité. Et je lui donnais raison pour cette fois. Mais il fallait que ce soit dit, il fallait que Rash entende qu’ici il n’était pas l’ennemi. Nous pouvions trouver une manière de fonctionner ensemble. Et après la discussion d’hier, je pouvais même me dire que je commençais à l’apprécier pour ce qu’il était. Qu’en fait je découvrais qu’il était autre chose que cette personne qui m’avait gâché la vie.
Bizarrement, il n’a rien dit. Ni sarcasme, ni merci. Encore que ça, je n’y aurai jamais droit. Et je ne parlais même pas d’un « je suis désolé ». Il se contenta de m’observer, ayant visiblement du mal à encaisser ma sincérité. Il cogitait, je le voyais, mais rien ne sortit.
Baissant enfin la main (mon épaule endolorie me cria merci), je poussai un soupir. Ce n’était pas parce qu’il disait rien qu’il ne le pensait pas. Il avait d’autres façons de le montrer. Bon, là tout de suite, il ne le montrait pas. Mais ce n’était pas grave. J’avais vidé mon sac parce qu’il voulait savoir. Je ne l’avais pas fait pour obtenir quelque chose en retour.
- Remettez vous, mon p’tit père ! ai-je marmonné voyant que son silence continuait à s’éterniser.
Rash cligna des yeux, paraissant revenir à lui. Il jeta un regard autour de lui et reprit conscience de là où il se trouvait. Il s’éclaircit la gorge, pour reprendre contenance.
- Curiosité satisfaite ? ai-je plaisanté, en lui faisant signe d’avancer.
Nous nous étions suffisamment donné en spectacle et Apollon se trouvait quelque part. La conversation pouvait se poursuivre alors que nous nous déplacions.
Un ricanement échappa à la fée qui m’observa un sourcil haussé. Là, je le retrouvais !
[...]
- Merci d’être venu, Rash.
Il n’était pas obligé de le faire. Même si dans les faits, à cause d’hier, il s’était senti un peu forcé de le faire. En tous cas, j’appréciais son intention, tout comme j’avais apprécié le moment que nous avions passé autour de ce repas.
- Merci pour le repas, répliqua Rash.
Je m’immobilisai net, manquant de peu de rentrer dans la fée. Je n’avais pourtant pas payé sa part, maintenant que j’y pensais. Comment est-ce qu’il…
J’ouvris la bouche pour le lui demander avant de me raviser. Mieux valait ne pas y penser. Le moment était très bien, tel qu’il était, autant ne pas le gâcher. Connaissant la fée, il avait sûrement piqué de l’argent dans mon porte-monnaie.
Arrivée dans le hall, devant l’ascenseur, je me tournai vers lui.
- Vous retournez à Féérie ?
Il répondit d’un hochement de tête. L’expression de son visage (illustration parfaite de son manque d’envie) faillit me faire éclater de dire.
- Je… je rentrerai sûrement tard, finit-il par dire, rajustant sa veste.
Surprise, j’acquiesçai pour lui montrer que j’avais compris l’information. Je ne voyais pas bien pourquoi il me disait ça mais j’avais pris comme résolution de l’écouter. Rash dut s’en rendre compte puisqu’il leva les yeux au plafond et soupira.
- Donc, ne m’attendez pas ou ne prévoyez rien pour moi pour… dîner.
Et le mot lui en a coûté. Un sourire étira mes lèvres, pile ce qu’il fallait pour le contrarier. Mais je n’y pouvais rien ! J’étais trop surprise pour gérer ça comme si de rien n’était. Je lui avais reproché quelques heures à peine auparavant de ne jamais me tenir au courant. Qu’il cède à ma requête était aussi surprenant que touchant. Surtout qu’il avait pris sur lui pour le faire. Il n’y avait qu’à voir la tête qu’il faisait et le soin qu’il mettait à délibérément m’éviter.
C’était la preuve que nous pouvions y arriver. J’aurais pu le lui dire. Mais nous avions sûrement déjà trop abordé le sujet. Aussi ai-je repris nos bonnes vieilles habitudes là où nous les avions laissées.
- Je vous mettrai quand même quelques fleurs de côté, et un peu de rosée... ai-je dit aussi sérieusement que je le pouvais.
Rash me foudroya du regard, consterné. Luttant pourtant pour retenir un sourire. Sa façon à lui de me remercier. Le moment de gêne était passé.
- Vous voyez, fit-il en s’éloignant. Vous trouvez toujours une manière de briller. Même dans le mauvais.