Auteur : Mystic Rains Traductrice : Hermi-kô Septième jour, au matin : Temps désespérés Le temps suspendit son cours tel un brouillard dense et tous les trois étaient stupéfaits. Les secondes se changèrent en minute, la minute en plusieurs le temps qu'ils reprennent pied avec le présent.
Shoko regarda « Moko-san » ou « Kanae » ou quelque nom que ce soit, se précipiter à la poursuite de sa meilleure amie. Kanae se retourna vers eux sur le pas de la porte et leur adressa un regard des plus furieux avant de disparaitre à son tour. Si Kyoko était restée, il ne faisait aucun doute que Sho serait à l'hôpital à l'heure qu'il est, une fois que Kanae aurait recouvré ses esprits. Heureusement, l'actrice de LME avait décidé que le bien-être de sa camarade était plus important que d'éclater la figure du garçon. Malheureusement, une bonne dérouillée semblait être la chose dont il avait le plus besoin sur le moment.
Shoko porta la main à sa joue. Elle sentit sous ses doigts l'humidité de sa peau, surprise de trouver là trace de ses larmes. Elle espérait vraiment que Kanae puisse rattraper Kyoko. La tendre actrice ne desservait pas ce venin. Selon Sho, même pour sa mère sa propre fille lui était indifférente. La pauvre enfant…
En parlant de Sho…
Il l'ennuyait vraiment. Non, pas seulement l'ennuyait. Elle était carrément hors d'elle. Il n'y avait pas d'excuses à son comportement. Aucune excuse. Elle savait que Sho était un enfant gâté. A l'évidence, un talentueux adolescent beau comme un dieu verrait tous ses désirs accomplis. Il avait l'air d'avoir toujours été doté du meilleur quand elle l'avait rencontré, et il avait quasiment eu tout ce qu'il voulait de la compagnie. Il s'attendait probablement à ce que son amie d'enfance se conforme à la règle.
Ce qu'elle ne savait pas auparavant c'était le sadisme dont pouvait faire preuve celui qu'elle avait à sa charge. Shoko ne s'était jamais attendue à ce qu'il puisse sortir quelque chose d'aussi vil à une fille qui l'avait une fois aimé, massacrant son esprit tout en sachant que Kyoko avait déjà le cœur brisé.
« Va à la voiture, Sho. » Sa voix était bien plus glaciale qu'elle ne l'aurait cru.
Sho réagit au quart de tour. Il s'éloigna sans se pavaner comme à son habitude, sa tête courbée alors qu'il passait devant elle. Sa frange dorée se balançait tristement, bloquant sa vue.
Après avoir rangé un peu les lieux et écrit une note rapide pour le propriétaire, Shoko quitta le café et ouvrit sa portière. Il s'assit sur le siège passager, immobile et silencieux. Sa capuche était rabattue, voilant son visage alors qu'il regardait par la fenêtre. Elle jeta les brouillons de chansons sur le sol, démarra le moteur puis se mit en route vers son appartement.
S'arrêtant à un feu rouge, Shoko observa Sho du coin de l'œil. Il plongea la main dans sa poche pour en sortir son portable.
« Qui appelles-tu à cette heure ? » S'enquit Sho avec curiosité, se penchant pour mieux voir. Il utilisait rarement son téléphone désormais : c'était elle qui passait la plupart de ses coups de fil.
« … Je veux encore lui parler, » affirma-t-il d'une manière résolue.
Il lui fallut une seconde pour réaliser de qui il parlait. Elle regarda son écran et hoqueta de surprise. Il était en train de faire défiler les K dans son répertoire. Horrifiée, Shoko arracha le portable des mains de Sho. Elle abaissa sa vitre et bazarda le téléphone sur la route avant qu'il n'ait pu l'en empêcher.
« Bordel ! » S'exclama Sho, la regardant comme si elle était devenue folle.
« Sho ! » S'écria-t-elle, dévastée par sa stupidité. « Tu en as assez fait pour cette pauvre fille. Laisse-la tranquille ! »
« Je comptais juste m'excuser ! » Répliqua virulemment le musicien.
« Et tu penses que de l'appeler ou de lui envoyer un texto sera suffisant ? » Hurla Shoko, exaspérée. Elle agrippa fermement le volant, sachant que si elle ne se retenait pas elle allait l'étrangler.
« Non ! » S'exclama-t-il, la surprenant. « Je sais que ce ne sera pas assez ! Mais je dois essayer ! Je veux qu'elle me pardonne ! »
« On s'en fout de ce que tu veux ! »
« C'est ce qu'elle veut entendre ! »
Leurs voix ulcérées emplirent l'habitacle, le feu vert clairement oublié. Réalisant que la voiture devant elle ne comptait pas bouger, la luxueuse Porsche grise dépassa le véhicule arrêté, roulant sur le téléphone portable de la célébrité.
« Elle ne veut pas te parler maintenant ! Elle ne voudra d'ailleurs jamais plus t'adresser la parole ! » Bon Dieu, pensa Shoko, je n'en peux plus de son égocentrisme. « Est-ce que tu réalises que tu as brisé son cœur trop souvent ? Combien ton égoïsme continue de la faire souffrir ? Je ne serai pas surprise qu'elle ne souhaite plus te croiser de sa vie ! »
« Tu ne la connais pas ! » Il frappa ses genoux de ses poings. « Tu ne la connais pas comme je la connais ! C'est ma meilleure amie ! Elle doit me pardonner ! »
« Je sais que tu l'as fait pleurer, Sho ! » Shoko lui balança ses quatre vérités comme si c'étaient des poignards, chacun touchant là où ça fait mal. « Je sais que tu l'a traité comme une bonniche et maintenant comme un jeu ! Tu lui as carrément sorti qu'elle ne valait rien ! »
« Je sais ! Je sais qu'elle n'est pas inutile ! J'étais juste énervé et j'ai pas fait gaffe ! » Sho fit crisser ses dents et ferma bien fort les paupières. « Je ne voulais pas la revoir comme ça ! Je ne veux pas qu'elle se préoccupe de quelqu'un d'autre comme ça ! » Il ouvrit ses yeux, qui désormais étaient des nuages bleutés gorgés de pluie et pris dans un tourbillon de frustration. « Je l'aime, bon sang ! »
Shoko resta là, soufflée, alors qu'elle voyait les larmes couler sur son visage. Elle ne l'avait jamais vu si énervé. Il avait déjà piqué une colère auparavant. Elle l'avait vu boudeur, hystérique, crevé, sérieux… mais jamais il n'avait fait preuve d'une telle émotion. Shoko doutait même qu'il ne s'en rende compte par lui-même.
Elle le regarda essuyer ses yeux de la même façon rageuse que Kyoko un peu plus tôt, comme si leurs propres larmes les trahissaient. C'était la première fois que le musicien souffrait autant, visiblement. Pour en revenir au volant, la voiture s'ébranla de nouveau, plongeant l'habitacle dans un silence dérangeant.
« Sho… As-tu déjà entendu l'expression : Si tu aimes quelqu'un, lâche-le ? » Sa voix était plus douce que d'ordinaire, presque contrite. « C'est tout ce que je peux te proposer sur le coup. »
« … Tu crois qu'elle est vraiment partie ? » Dit-il à mi-voix, résigné. Ses yeux étaient secs lorsqu'il se tourna vers sa manager, mais son regard était encore troublé. « Comment puis-je m'excuser ? »
« Il se pourrait bien qu'elle soit partie, » déclara la plus âgée des deux, choisissant pour une fois de dire la vérité au lieu de se retrancher derrière des paroles mielleuses. Elle ralentit, approchant d'un nouveau feu rouge. « Tu sais qu'elle t'a aimé. Et tu l'as vraiment blessée. Je ne sais pas comment tu pourrais t'excuser, mais je te suggère de rester loin d'elle à partir d'aujourd'hui. »
« …Mais je dois m'excuser… je dois… » Murmura-t-il, le regard rivé sur ses pieds.
Elle entendit la portière s'ouvrir et se retourna pour le voir jaillir dans la rue trempée.
« SHO ! QU'EST-CE QUE TU FOUS ? » Cria Shoko, se penchant en travers des fauteuils et essayant de le retenir. Elle voulait le réprimander, mais elle n'aurait jamais cru qu'il deviendrait fou. Il se tenait debout à côté de la portière, juste hors de portée. Le feu rouge l'éclaira alors qu'il se penchait vers elle :
« Je suis désolé, Shoko ! J'ai fait un pari avec ce beau gosse à longues jambes ! » S'exclama le musicien, la détermination pointant dans sa voix. « Retrouve-moi dans la salle de repos demain ! J'y serai ! »
Il s'éloigna en claquant la portière.
Il retint son souffle alors qu'il appuyait sur le bouton du 14ème étage dans l'ascenseur -l'étage où se trouvait son appartement. Les portes dorées se fermèrent en chuintant et l'ascenseur commença à monter. Il s'accouda à la main-courante dans la cabine, la tête basse, et ses mains frottèrent ses yeux fatigués.
Toute la nuit. A chercher heure après heure, et il n'était arrivé à rien. Ça n'avait rien de surprenant : Tokyo était l'une des plus grosses métropoles au monde. Pourtant, il n'y avait qu'une seule Kyoko Mogami et on aurait pu croire qu'il serait de la retrouver.
Ren jura contre l'orage. Les rues étaient déjà désertes lorsqu'il était parti dîner. Il n'y avait pas eu plus de monde par la suite. Si le ciel avait été dégagé, il y aurait eu plein de témoins. Il aurait pu ainsi la suivre à la trace facilement elle avait toujours été du genre à se démarquer dans la foule. En fait, et il y repensa en ricanant, elle était capable de se frayer un passage à travers la foule à une vitesse hallucinante. Elle l'avait fait pour lui quand elle avait été sa manager, et elle aurait fait de même pour sa meilleure amie. Vous ne pouviez pas louper quelqu'un comme ça.
Conduisant sa voiture au hasard, il inspecta chaque restaurant, café et superette ouverts dans un rayon de 16 kilomètres. Tout endroit comportant une enseigne « Ouvert » allumée, il y pénétrait pour jeter un œil. La plupart du temps, c'était presque désert, mis à part une poignée de travailleurs et deux trois trainards. Dès qu'il se fut assuré qu'elle ne se trouvait pas dans le quartier, il était retourné à Darumaya en quête de son vélo si particulier.
Il savait qu'elle devait être OK, une fois qu'il réalisa que le restaurant était plongé dans le noir. Elle avait probablement appelé ses propriétaires, leur disant de ne pas s'inquiéter et qu'elle passerait la nuit chez quelqu'un ou rentrerait très tard. Autrement les Satou auraient laissé les lumières allumées et l'auraient attendue.
S'il entrait demander ce qu'il en était, ça mettrait aussitôt un terme à ses recherches. Il était sûr que la matriarche lui dirait tout. Mais s'il poussait effectivement cette porte, il aurait à regarder le Taichou dans les yeux et Ren était sûr qu'il ne pourrait pas rester impassible. Il ne voulait pas admettre ce qu'il avait fait pour blesser celle qu'ils chérissaient.
Il restait toutefois un fol espoir. Un endroit un brin incongru où il comptait la trouver. Il pensait ça à tout hasard, mais après tout ça pouvait arriver. Kyoko avait sa clé. Elle pouvait être en train de l'attendre, assise à l'entrée de son appartement. Qu'elle ait des mouchoirs dans la main ou bien une hache, ce n'était pas grave. Si elle avait des questions, il était prêt à lui répondre. Si elle souhaitait le détruire, il la laisserait faire. Si elle voulait lui dire adieu…
« 14ème étage » déclara la voix automatique de l'ascenseur, aussi guillerette que d'habitude. Les portes s'ouvrirent sur un tintement et il sortit sur le palier.
Tout semblait si normal. Le couloir, ce bâtiment, la cité entière n'avaient pas changé d'un iota. Il ne pouvait pas s'empêcher de regarder les pots immaculés qui parsemaient le couloir, la lumière diffuse qui tombait du plafond, même les lueurs de la ville à travers la fenêtre. Tout était si normal que ça n'avait pas de sens.
En moins d'une semaine, son monde était sens dessus dessous et pourtant le reste du Japon agissait comme si de rien n'était.
Mais quelque chose n'est pas normal. Il y a de la lumière chez moi …
Il pouvait voir le fin rai de lumière, comme de l'espoir, briller à travers l'entrebâillement.
Son cœur bondit et sombra en même temps : d'excitation et d'inquiétude, de soulagement et d'angoisse, à l'idée qu'elle pouvait être à l'intérieur. Il s'immobilisa, sa clé à mi-chemin de la serrure.
Verrait-elle le pari comme une trahison ? Le bannirait-elle de sa vie ? Jurer vengeance ? Ou le regarderait-elle à travers ses larmes ? Comme elle l'avait fait en le rencontrant dans la forêt des années auparavant ?
La façon dont elle réagirait dépendrait de ses sentiments à l'égard de la situation, et de lui. Il devait lui dire sa version, dans l'expectative qu'elle pourrait, tout compte fait, ne pas l'effacer complétement.
Le verrou fit entendre un cliquetis. Comme un pécheur au bûcher, Ren entrouvrit sa porte et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Son cœur résonna dans ses oreilles alors qu'il remarquait que les pantoufles pour invités manquaient. Avec un dernier coup, il ouvrit la porte en grand.
A la vue du buveur d'alcool, il marqua un temps. Ses lunettes étaient de travers, il avait tombé la veste et sa chemise chiffonnée n'était plus lors rentrée dans son pantalon.
Ren devait admettre que son manager était aussi inélégant qu'il aurait voulu être assis sur le sol, adossé au canapé avec une bouteille d'eau-de-vie au bord de la table. Ce n'était certes pas les tourments de l'enfer qu'il avait espéré trouver en rentrant chez lui. Ren entra enfin, son cœur serré de déception.
En entendant la porte se fermer, les paupières de Yashiro s'ouvrirent sur le coup. « Kyoko ? »
Voyant que ce n'était pas l'actrice, Yashiro soupira et laissa sa tête retomber. « … Oh, c'est vous, Ren. » L'acteur resta silencieux. « J'avais espéré… qu'elle viendrait ici pour essayer de vous voir. »
Si son manager mortellement sérieux avait jugé bon de recourir à la boisson, la situation était mauvaise. Ren alla droit vers sa cave à liqueurs pour se sortir un verre et des glaçons. Il ne s'était pas réapprovisionné en boissons depuis Dark Moon et il espérait que son manager n'avait pas déjà tout fini.
« Je vois que vous ne l'avez pas encore trouvé… » Dit le manager avec hésitation, remarquant le silence de Ren. « Je ne pouvais pas vous joindre. » Yashiro leva son bras droit, le regarda et rit amèrement. « J'ai attrapé le portable à mains nues, et quand il s'est cassé, j'ai couru au téléphone de LME … »
Le manager eut un maigre éclat de rire avant de prendre une autre gorgée de sa propre boisson ambrée. « J'espère que le réseau sera réparé demain. »
Récupérant finalement la capacité de parler, la surprise de voir son manager dans ses quartiers et ivre avant l'aube se calmant par la même, Ren s'assit sur le canapé et se servit un verre. « Je pensais bien que ça devait être quelque chose comme ça. J'ai essayé de rappeler. »
« J'étais juste à mon bureau … » Commença Yashiro, sans se presser. « C'était une nuit comme une autre … Préparer l'emploi du temps, remplir de la paperasse, parler au département des relations publiques de votre image … et puis elle a débarqué de nulle part… »
« Elle ? » Questionna Ren, avalant une grosse gorgée d'eau-de-vie. Cela lui brûla allègrement la gorge, le distrayant temporairement.
« Non, pas Kyoko, » répondit Yashiro, assumant qu'il parlait de la rouquine. « Shoko Aki est venue me voir. Vous ne vous en rappelez sans doute pas nous l'avions rencontré en faisant ces repérages pour Dark Moon. »
Yashiro se plongea dans l'histoire avec moult détails, soulignant comment les deux femmes avaient découvert le pot aux roses entre les deux célébrités. Ren écouta intensément, gardant un visage impavide tandis que son esprit tournait à cent à l'heure.
« Et c'est alors qu'elle l'a frappé dans le bide et qu'il s'est écroulé ! Je parie qu'elle était furieuse contre vous deux, mais par chance il se trouvait sur place et pas vous. Elle a apparemment un poing du tonnerre. Elle a poliment demandé à Aki-san de l'aider et elles l'ont trainé au bas des marches. »
Le silence pesait lourdement dans l'air, alors que Yashiro finissait son compte-rendu de l'affaire. Ren but à grands traits et Yashiro le regarda, inquiet.
« Je suis désolé, Ren. Je le suis vraiment. » Déclara Yashiro, brisant le silence.
« Yashiro… » Soupira Ren, ennuyé.
« Je pensais que vous deux iriez si bien ensemble. Je voulais juste vous rendre heureux l'un comme l'autre… »
« Yashiro… » Dit-il menaçant, sonnant ennuyé.
« Je parie que si nous la rencontrons dans les vestiaires demain matin à la première heure… »
« Sapristi, Yashiro, tes combines ont déjà bousillée ma vie ! » Sa rage les prit de court tous les deux. L'alcool gicla sur la table, Ren ayant reposé son verre avec force. Il sauta sur ses pieds, surplombant son manager. Yashiro se recroquevilla, stupéfait. « Tu étais déterminé à ce que je me rapproche d'elle et désormais la fille que j'aime pense probablement qu'elle est inutile. Ça ne te suffit pas ? »
« Je… je suis navré, Ren… franchement, je suis… »
Ren se laissa tomber sur le canapé et se prit la tête entre les mains. Il passa ses doigts dans ses cheveux et les tira quelque peu. Yashiro allait pour tapoter l'épaule de l'acteur mais se rétracta avant.
« Je pense ne pas avoir été à la hauteur en tant que manager. » Il arrangea ses lunettes et se leva. « Je… je vais m'en aller… et donner ma démission demain. »
« Démission ? » Répéta Ren d'un ton interrogateur. « Démissionner… ça pourrait marcher… »
« Je sais, Ren, je m'en vais… » Marmonna Yashiro, déjà au milieu de la pièce.
« Non, Yashiro… Je vais arrêter. »
« Vous allez arrêter ? Arrêtez quoi ? »
« Le métier d'acteur. »
« HEIN ? » Yashiro était à ses côtés en un instant, secouant l'homme de 21 ans comme on secourait un enfant. « Non, Ren, vous ne pouvez pas ! »
« C'est ce qui doit être fait, » déclara-t-il, chassant l'attaque impromptue. La certitude de ses propos doucha l'ambiance. « Je me suis dit qu'il fallait autant lui dire qu'elle était bien plus importante qu'un pari. Mais je sais désormais qu'elle ne me croira pas… Alors que si je quitte le show-business… si je ne joue plus la comédie de nouveau, avec de la chance elle croira ce que je lui avouerai. »
« Ren, vous avez travaillé votre vie entière pour arriver à ce niveau ! Vous comptez tout bazarder ? »
Le silence cloua l'ambiance quelques instants. Juste suffisamment longtemps pour laisser les mots pénétrer dans leurs têtes.
« Je ne le bazarde pas, Yukihito. J'adore jouer, mais si j'ai à choisir… je sais ce que je préférerai avoir dans ma vie. » Ren soupira et prit le verre.
« Ne t'inquiète pas… » Commença Ren, faisant tourner la glace dans son verre d'un mouvement du poignet. « Je te ferai une recommandation élogieuse. Je suis sûr qu'avant la fin de la journée tu auras une autre personne à charge… avec au moins une vie sociale intéressante. » Ren rit légèrement, buvant une gorgée de son verre.
Yashiro rit sobrement et s'assit à côté du jeune homme. « Je ne sais pas si je peux être le manager de quelqu'un d'autre maintenant que je vous ai suivi partout. J'ai eu assez de scandales cette semaine pour palier au reste de votre ennuyante carrière. »
Marquant une pause, réfléchissant à sa décision, Yashiro emplit son verre et le leva pour un toast : « A la carrière bien remplie qu'a menée Ren Tsuruga… »
Ren sourit paradoxalement et hocha imperceptiblement la tête au toast. Il porta son verre à ses lèvres pour boire, ne réalisant point que Yashiro n'avait pas fini :
« … et au bonheur du futur couple pour lequel il l'abandonne. »
Tsuruga hoqueta alors que Yashiro siffla d'une traite la fin de son verre, le posa rudement et se leva pour prendre sa veste. Déterminé à ne pas faire deux fois la même erreur, il s'empara de ses gants en latex doublés et du téléphone de l'acteur.
Une fois que le bafouillage et le toussotement se furent atténués, Ren marqua un temps, réfléchissant aux paroles de son meilleur ami.
Car Yashiro n'était pas juste son manager. En vérité, Yashiro n'avait pas été que son manager depuis aussi longtemps que Kyoko n'avait pas été que sa kohaï. Il était surpris par la profondeur émotionnelle des relations qu'il entretenait au Japon. Levant le regard vers la haute fenêtre, il réalisa que le soleil pointait à l'horizon.
C'était un lever de soleil extraordinaire, à vous couper le souffle. Le ciel indigo de la nuit s'étiolait sous la présence du soleil. Ses rayons perçaient l'obscurité et la basse orbe planait par-dessus les toits de Tokyo. Les couleurs étaient splendides, pleines de rouges, de roses et de dorés. Le plus surprenant des riches dorés qu'il n'avait vu que dans un unique arrangement, chez une seule personne.
Ça avait été une incroyable évolution. Il était passé de l'adolescent rageur et inconscient, pendu aux basques de ses parents et ignorant les visions des metteurs en scène, à l'idole d'un pays entier le pays de son père. Kuon était si déterminé à rendre ses parents fiers de lui, d'être digne de leur amour intransigeant et de leur loyauté à toute épreuve même dans les moments difficiles.
Il n'avait toujours pas accompli ce qu'il avait prévu. Il avait fait tellement de tournages, de drama et de films qu'il n'aurait jamais pu en faire en Amérique, mais ce n'était toujours pas suffisant. Son père l'avait vu comme un acteur -talentueux- et lui avait serré la main comme s'ils étaient sur un même pied d'égalité. Sa mère serait fière de lui, et cela même s'il ne travaillerait que comme laveur de carreaux. Toutefois il était censé aller en Amérique selon ses propres conditions afin de gagner l'amour de ses parents. Un amour qu'il devrait perdre, après avoir fait ce qu'il avait fait.
Pourtant… Il avait laissé derrière Kuon Hizuri pour le bien de l'Amour. Il était temps qu'il fasse de même pour Ren Tsuruga.
« On dirait que personne ne trouve rien à redire sur les actes de présence une fois qu'ils ont tous envie d'aller se coucher, » s'amusa Yashiro alors qu'il émergeait de nouveau du couloir. « J'aurais souhaité connaitre cette astuce auparavant. »
« Déjà fini ? » S'enquit Ren, souriant légèrement pour la première fois depuis le diner.
« Presque, » répondit Yashiro en parcourant le répertoire de Ren à la recherche d'une certaine personne. « J'ai annulé les trois quarts de votre emploi du temps d'aujourd'hui. Nous aurons besoin de nous rendre au bureau afin de rédiger votre lettre de démission pour les plus grosses productions. Mais avant ça, je dois encore passer un coup de fil au moins. Je sais qu'il ne va pas aimer, alors je l'ai gardé pour la fin… »
Le Président
« Devons-nous lui dire pourquoi vous souhaitez arrêter ? » Demanda Yashiro en couvrant le combiné.
« Je ne pense pas que ce soit une bonne idée… » Annonça Ren sèchement. C'était la dernière chose dont Yashiro devrait parler avec le Président selon lui. Lory était le joker dans le paquet de cartes -parfois chanceux, parfois malchanceux, mais jamais prévisible.
« Bonjour, Takarada-san ! » S'exclama, confiant, Yashiro alors qu'il repassait en mode affaires. Ren écouta la conversation, ou du moins uniquement ce qu'il pouvait entendre. « J'espère ne pas vous avoir réveillé. »
« Soit, je suis ravi de ne pas avoir été le premier à vous réveiller. »
« Non monsieur, ce n'est pas un appel pour parler potins. »
« Je suis navré de vous déranger alors que vous êtes en Russie pour vous détendre. »
« Non… je n'ai pas reçu d'e-mail concernant une réapparition de Ren sur le plateau de Bridge Rock. Nous avons tenté Bridge Rock dans le courant de la semaine déjà. »
« Je comprends cela, toutefois je ne pense pas qu'une actrice jouant la petite amie de Ren calmerait le jeu, monsieur. »
Yashiro déglutit, puis se lança :
« La raison de mon appel ? Eh… hum… J'ai bien peur que Tsuruga-san ait décidé de quitter LME et le show-business en général. »
La pièce sombra dans le silence tandis que Ren regardait avec intérêt la figure de Yashiro. Son expression devenait catégorique, et l'acteur ne pouvait deviner ce que le Président disait à l'autre bout du fil.
« Non monsieur, je n'ai pas essayé de le dissuader. Je soutiens sa décision. »
« Oui, je comprends les conséquences, et je suis sûr qu'il est pareillement dans mon cas, monsieur. »
« Un instant, je mets le haut-parleur. » Une rapide pression sur un bouton permit à Ren d'entendre la voix de Lory :
« Ren ? Est-ce vrai ? Tu veux quitter LME ? »
« Oui. Je voudrais démissionner dès maintenant. » Déclara Ren d'une voix forte et ferme.
« Ça inclut ta démission de même, Yashiro-san ? »
« Oui, monsieur. »
Ren regarda son manager, coupable et surpris. Une pause éloquente s'en suivit.
« Demande rejetée. »
« … Pardon ? » S'enquit Yashiro, tout étonné.
« Demande rejetée. Vous êtes tous les deux sous contrat pour les deux prochaines années. Vous ne pouvez pas partir sans remplir une réclamation, et en discuter avec notre département des Ressources Humaines. »
« Nous avons un département des Ressources Humaines ? » Il fallait que ce soit maintenant que le Président parle comme un président ? Yashiro s'était attendu à ce que le Président pleure comme une Madeleine.
« Au cinquième, derrière les machines à soda. » Répondit Lory sans entrain, sonnant comme si tous les départements de Ressources Humaines étaient cachés dans des endroits improbables.
« Mais… mais… c'est au mieux ! Et que faire des rumeurs ? » Bégaya Yashiro, estomaqué.
« Si nous devions nous débarrasser de chaque employé qui fait l'objet de rumeurs, Yashiro, il n'y aurait plus de compagnie. »
Les deux hommes considérèrent le silence. Il ne comptait pas les laisser partir.
« Je ne comprends pas ce qui arrive à mes petits, » renifla Lory, prenant un moment pour se tamponner les yeux d'après Yashiro. « Il ne fait pas encore jour… »
C'est comme la moitié d'une année d'obscurité en Sibérie nordique…
« … et deux de mes mignons m'ont déjà annoncés qu'ils voulaient me quitter. »
« Deux ! » En un éclair, Ren avait sauté sur ses pieds et tenait le téléphone dans ses mains. « Que voulez-vous dire ? » Les deux hommes se pressèrent auprès du portable, craignant ce qu'ils pourraient entendre.
« Kyoko-chan a appelé un peu avant vous. Elle m'a remercié pour tout ce que j'avais fait et m'a affirmé se débrouiller toute seule à l'avenir. Elle ne voulait rien me dire d'autre, j'en ai bien peur. » Le soupir du Président était profond et inquiet. « C'est vraiment une déception. Vous avez tous les deux tellement de talent et pourtant vous souhaitez le saccager… »
« Vous… évidemment vous n'avez pas accédé à sa demande, n'est-ce pas ? » Demanda avec hésitation Yashiro.
Il avait créé LoveMe spécialement pour Kyoko. Lory n'était pas le type à juste s'allonger et permettre à l'une de ses actrices préférées, qui plus est la « onee-chan » de sa petite-fille, de juste partir sur un simple coup de téléphone.
« Kyoko n'était pas sous un contrat intérimaire. Elle n'avait que dix-sept ans, et techniquement sans la permission de ses tuteurs nous n'étions pas légalement en mesure de l'employer. Nous avons fait en sorte que ça marche en qualifiant LoveMe de travail un travail qu'elle était légalement capable de lâcher. Vous, cependant, ne l'êtes pas. »
Se raclant la gorge, Lory revint au sujet.
« Donc je compte toujours sur toi pour être au studio à quatre heures, hein Ren ? L'actrice te rencontrera là-bas. J'espère que tu comprends que c'est seulement professionnel, rien de personnel. »
L'acteur donna vaguement sa parole et l'appel fut coupé.
« Elle est partie. Juste comme ça. » Ren éclata de rire, de la même façon forcée que les gens qui n'ont plus rien. Il s'effondra sur le canapé, choqué. « Je… je n'ai rien pu lui expliquer. »
« Non, elle n'est pas encore partie. » Yukihito secoua la tête. « Vous étiez juste tenté de tout lâcher pour elle… vous ne comptez pas tout reprendre sans au moins lui dire ce que vous ressentez, non ? Pas sans vous battre ? »
Ren regarda son manager, puis détourna la tête en silence. Yashiro continua :
« Je ne sais pas où Kyoko est allée, mais elle ne peut pas être loin. Nous devons juste nous assurer que tout le monde ait votre message. De cette manière, même elle ne pourra pas le louper. »
« Et comment penses-tu t'y prendre, Yashiro ? Je sais que je suis connu, mais je reste un acteur, pas le premier ministre. Que pourrais-je faire qui attirerait l'attention de tout le monde ? »
Souriant machiavéliquement, Yashiro se glissa près du bras de Ren et battit lourdement des paupières.
« Ça a marché la semaine dernière… »
Note de l'auteur : Wow les gars ! Merci pour tous ces commentaires. Je suis navrée d'en avoir énervé certains. S'il vous plait ne pleurez pas !
J'apprécie grandement toutes les remarques que je reçois, et je ne peux pas vous dire combien de fois je les ai lus. (Franchement, au moins trois fois par jour. J'ai besoin d'une vie, mais les commentaires rendent la solitude moins sombre) Je promets qu'il y aura de l'humour dans le futur (ou du moins des tentatives d'en faire).
Donc voilà la situation au niveau des betas. Le pauvre Runadaemon s'est vu aspiré par les préoccupations de la vraie vie, aussi j'ai dû partir en quête d'une autre victi… je veux dire, d'un lecteur beta temporaire, prénommé J Luc Pitard. J'ai reçu d'instructifs commentaires des deux (qui je l'espère ont été utilisé correctement), mais malheureusement je serai loin de mon ordi dans les temps à venir. Ma tante a eu son bébé prématurément et il y aura quelques moments agités à prévoir. Ils vivent à l'autre bout des Etats-Unis - ce qui signifie des balades impromptues en famille.
P.S. : Pour tous les Francophones, Hermi-kô a offert de traduire mon histoire en Français *se pâme* alors garder l'œil ouvert pour ça si vous voulez la lire dans la langue de l'Amour. *lol* pardon…
Note de la traductrice : Et encore un chapitre de fait ! Selon Word, j'en suis à 86 pages de traduites^^' Merci de lire ma modeste traduction, j'espère qu'elle transmet correctement la passion de Mystic-Rains ^^ Cette fois-ci, ma bêta-lectrice n'a pas eu le temps d'y jeter un coup d'œil alors j'espère avoir pu faire un travail équitable. Miki bozu pour vos reviews, elles me vont droits au coeur et me donne la force de continuer. Bonne soirée à toutes et à tous et à la prochaine ! *Hermi-kô***