Série : Havoc et Fury, une histoire à suivre
Chapitre #05, Une parenthèse dans le temps
Personnages/Couples : Jean Havoc, Cain Fury ; mention de Fury => Roy
Thème : (aucun)
Continuité/Spoil éventuel : entre les épisodes 43 et 46
Genre : gen/shōnen ai
Gradation : G / K
Nombre de mots : 1300
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***
C’est discret, au début. L’homme qui s’assoupit se relâche progressivement. Il s’incline sans s’en apercevoir vers son compagnon. Il dort peut-être déjà. À mesure qu’il plonge dans le sommeil, il pèse de plus en plus lourd. Fury essaie de le repousser sur le côté. La première fois, ça marche. Havoc marmonne quelque chose, sans se réveiller, se redresse un peu. Une ou deux minutes plus tard, il glisse à nouveau. Fury soupire. Cette fois, rien n’y fait. Il pourrait le repousser franchement, le renverser de l’autre côté, voire carrément le réveiller. Il n’ose pas. Après tout, ce n’est si inconfortable. Un peu gênant, sans plus… et Havoc a besoin de dormir, la douleur le fatigue.
Finalement, il se tortille un peu pour ajuster la tête de Havoc contre la sienne, se lover au creux de son épaule. Ça sera plus confortable pour tous les deux. Et puis se tient soigneusement immobile pour ne pas le déranger, replongeant dans ses propres pensées.
À l’extérieur, le paysage défile. Les nuages, la lumière, les couleurs du ciel. Et dans ce fourgon, personne n’y prête la moindre attention. Il est tout seul à y penser. Encore que… il n’a pas la moindre idée de ce à quoi peuvent bien penser les autres soldats ; de toute façon, ils ne sont pas disposés à engager la conversation pour le partager. Peut-être que Havoc y rêve, lui, qui sait ?
Fury ne sait plus depuis combien de temps il contemple ainsi ce tableau. Quelques minutes ou quelques heures, avec la curieuse notion du temps des longs trajets, ajoutée à sa rêverie, difficile à dire. Et puis sans prévenir, une idée s’impose à lui. Brusquement, un poids lui écrase le cœur. Il s’aperçoit qu’il aime Havoc. Le poids se change en chaleur et il se demande un instant comment cela est possible. Puis il laisse la question derrière lui, ne gardant que l’étonnement. Il accepte sans plus réfléchir l’idée qu’il aime Havoc.
C’est une idée un peu bizarre, en soi. Jusque là, il a toujours accepté l’idée d’aimer son précieux Colonel, cet homme formidable. Il l’admire plus que tout. Il est bien conscient de dépasser pourtant le cadre normal de ce qu’on appelle admiration. Mais ça reste platonique. Et il est heureux de l’aimer tant ; il est sûr de lui rester entièrement fidèle et loyal.
Il sait aussi qu’il craint se retrouver avec des hommes, qu’il a tendance à éviter les douches en commun ; à cause de ce qui se cache au fond de lui, il ne supporte pas leur regard sur lui, de crainte que le sien propre le trahisse.
Mais il ne rêve pas pour autant de Roy Mustang ; il faudrait être fou pour cela. Cet homme est hors de portée. Mais ça n’est pas bien grave : Cain est heureux de le regarder du loin de son petit cœur et de le suivre où qu’il aille, quoi qu’il fasse.
Avec Havoc, c’est un peu différent. La promiscuité forcée de ce voyage, au début, a failli le faire paniquer ; maintenant, il s’en accommode parfaitement. Il est même content d’être auprès de lui. Les contacts physiques, même très brefs, même sans aucune signification, le réconfortent.
Mais ça, se dit-il, c’est sans doute juste à cause de cette situation exceptionnelle, eux deux seuls au milieu de nulle part, sur la route les ramenant chez eux - mais les éloignant du reste de leur équipe- et avec une troupe inconnue qui les considère plus comme un poids à traîner que des camarades à accueillir. Il se sent seul, il a besoin d’un élément familier pour se rassurer. Et Havoc fait ça très bien.
Il sait que c’est quelqu’un de bien. C’est agréable, dans ces moments difficiles, d’avoir à ses côtés non plus juste un supérieur mais un ami, un frère - il ne doit pas penser à autre chose - pour tenir le coup.
Il est pourtant interdit, pour un officier - prenons par exemple au hasard un grand sous-lieutenant blond - de traiter un de ses subordonnés -toujours au hasard, pourquoi pas un petit sergent-major à lunettes- ainsi. C’est une porte ouverte au favoritisme et à la corruption, tout le monde le sait bien, c’est dans le manuel du soldat. On ne fraternise pas avec quelqu’un d’un grade différent. Donc, chercher à se rapprocher de Havoc ne lui apporterait pas grand’ chose. C’est aussi bien : il n’a jamais recherché à être favorisé, de toute façon.
Mais sa détermination à rester froid et distant au début du trajet s’est émoussée depuis : il prend toujours très à cœur les missions que lui confie son Colonel et à force de devoir prendre soin de Havoc, il s’y est sincèrement attaché. Et il ne fait rien de mal ainsi ! Le règlement a beau dire ce qu’il voudra, petit Cain n’arrive pas à croire que se lier à quelqu’un puisse être si dangereux. La malhonnêteté chez ses supérieurs et les manipulations de pouvoir, c’est quelque chose qui ne fait pas partie de son monde.
Ceci dit, une fois qu’ils seront rendus à leur vie normale, tout ça n’aura plus lieu d’être. Ils rentreront sous les ordres de Mustang, retrouveront leurs coéquipiers, leur schéma de fonctionnement habituel. Ce petit voyage sera vite oublié.
D’ailleurs, Havoc parle déjà de ses espoirs d’avoir une jolie infirmière pour le soigner, à Central. Ça veut tout dire ; quel que soit le dévouement du jeune sergent-major, il ne le remarque pas. Et c’est mieux ainsi.
Bon, Fury aime son sous-lieutenant. Être à ses côtés pour encore quelque temps le réjouit. Mais dès qu’ils atteindront Central, ce sera aussitôt fini. Juste un petit bout de présent et zéro avenir. Alors pourquoi se focaliser sur ces sentiments ?
*
Ils sont enfin « chez eux ». Mais, à deux seulement, cette phrase semble fausse. S’ils sont à la maison, où est le reste de l’équipe ?
« J’espère que tout va bien pour le Colonel Mustang et les autres, » murmure-t-il. Une pensée qu’il avait pu occulter durant le trajet, et qui revient avec d’autant plus d’acuité, à présent.
Le quartier général central est pour ainsi dire vide. Tout le monde ou presque est parti en campagne pour Lior - ce n’est que maintenant qu’on lui confirme que ceux qui y ont disparu n’en reviendront pas ; dans la précipitation de leur départ à la suite des frères Elric, ils avaient laissé cet aspect de côté. Il traverse des couloirs étrangement silencieux où ses pas résonnent. Il évite volontairement le réfectoire, les salles communes. Ces bâtiments ainsi désertés le mettent mal à l’aise, il ne reconnaît plus le cadre familier qu’il pensait retrouver.
C’est en entrant dans le bureau qu’il prend encore plus conscience de ce vide.
Le sous-lieutenant Havoc est à l’hôpital, pour un temps indéterminé. On les y a directement conduit dès leur arrivée ; après un rapide examen de routine et un nouveau pansement, on a libéré Fury, mais Havoc doit y rester encore…
Le Colonel et les autres, pour ce qu’il en sait, seraient toujours à Riesenburg. Ça fait plusieurs jours qu’il est sans nouvelles, depuis qu’ils l’ont renvoyé à Central ; il ignore tout de leur devenir : ont-ils pu rattraper, raisonner Ed et Al ? ou les ont-ils laissés filer ? auquel cas, qu’adviendra-t-il du Colonel ? sont-ils finalement en route pour Central, eux aussi ? rentreront-ils bientôt ?
Il s’aperçoit qu’il s’inquiète pour Mustang. Ça le rassure un tout petit peu : il pense toujours à lui. La même appréhension amoureuse le saisit quand il y pense. Bon.
Dans le bureau désert où flottent des fantômes de ses camarades absents, il s’assure que l’épisode Sous-lieutenant Havoc était une parenthèse dans le temps, qu’il faudrait la refermer, maintenant qu’ils sont arrivés à destination.
***
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