Série : Havoc et Fury, une histoire à suivre
Chapitre #25, Jardin secret
Couple : Jean Havoc, Cain Fury
Thèmes #25, «
obstacle » et #08, « jardin secret » pour
30_baisers ; «
faire le mur » pour
31_jours (7 août 06)
Genre : début de domesticité
Gradation : PG à PG-13 / T
Nombre de mots : 1200
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prologue]
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chapitre précédent]
***
C'est à chaque fois la même routine, dès que la chance le leur permet, à la nuit tombée Fury s'échappe de son dortoir pour rejoindre Havoc. L'inverse serait bien trop périlleux, et tout leur interdit de le faire au grand jour.
Patiemment, il attend l'heure du couvre-feu.
Quand tout dort - ou fait semblant - dans le bâtiment, il sort à pas de loup. Pieds nus, ses souliers attachés ensemble par les lacets, autour du cou ; les claquements de talon dans la nuit résonnent beaucoup trop fort à son goût.
Les couloirs sont heureusement déserts - il s'est fait une belle frayeur, il y a quelque temps, quand il a cru se faire surprendre, par un autre soldat qui empruntait le même chemin que lui, avec un peu moins de discrétion.
Des fois, il se demande si les architectes de ce dortoir n'ont pas fait exprès de ménager ce passage.
Il traverse la courette lentement au début, puis, arrivant à une dizaine de pas du mur du fond, il se met à courir pour se donner un peu d'élan.
À chaque fois qu'il escalade ce mur, il regrette d'être aussi petit. Enfin, c'est exactement comme à l'entraînement ; il se hisse en haut en un rien de temps. là, il s'arrête juste le temps de vérifier qu'il n'y a personne non plus de l'autre côté, puis se laisser glisser dans la rue et se remet aussitôt en marche.
Il ne s'arrête pour remettre ses souliers qu'une fois le coin de la rue tourné.
Ensuite, il court tranquillement vers chez Havoc. Ce mur franchi, plus rien ne se met entre eux deux.
Même s'il ne peut pas passer par la porte de devant et doit se glisser furtivement dans le jardin, sans se faire repérer des voisins, ça n'est pas grave. Parce que Jean l'attend là, derrière ce dernier mur.
Mon cambrioleur préféré : c'est une petite blague entre eux ; si une nuit, quelqu'un d'autre entrait par effraction chez Havoc, il aurait une drôle de surprise !
S'il peut venir, son amant est toujours là pour l'accueillir. Dès que Cain pénètre son jardin, les bras de Jean se referment sur lui. Un baiser récompense la réussite du « parcours du combattant ».
Là, ils sont chez eux, personne ne peut les voir et enfin, ils sont libres de faire absolument tout ce qu'ils veulent.
Pas de voisins pour les espionner dans ce coin d'ombre, pas de langue sale qui pourra les calomnier, pas de risque de se voir surpris et dénoncés à leurs supérieurs : juste eux deux, et un nid d'amour où s'abriter.
*
Et parfois aussi, de temps en temps, cette routine ils trouvent à la briser et à l'agrémenter d'un peu de nouveauté.
Une fois mémorable, ils se sont retrouvés dans un coin de la caserne même - plus jamais : vraiment trop dangereux. Trop d'adrénaline tue l'intérêt, la peur d'être découverts plombe plus qu'elle ne pimente. Bon, c'était à tenter, pour être certain.
Une autre fois, ils s'offrent le luxe de passer toute la nuit ensemble, pas juste quelque heures grapillées.
Il y a deux manières pour un soldat de se réveiller avec quelqu'un autre que lui-même dans son lit.
On peut accueillir le matin tous deux flambant nus, avec deux uniformes éparpillés à terre depuis la porte jusqu'au lit, à l'exception peut-être des chaussettes qu'on ne sera pas embarrassés à enlever, voulant juste se retrouver à poil et sur le lit le plus vite possible. Et on se réveille entortillés dans des draps portant de curieuses taches, avec une mémoire vague, une douleur ici ou là, une paire de lunettes entre deux oreillers qui a glissé pendant la nuit.
Ça fait un réveil assez tendu, une conversation difficile quand on se retrouve face à face la première fois.
Ou bien, on peut se réveiller lovés dans les bras l'un de l'autre, une paire de lunettes posée sur la tablette, les uniformes bien pliés prêts pour la journée suivante. Bien au chaud sous les draps, en pyjamas confortables.
Et ça fait toujours plaisir, matin après matin, depuis la première fois, d'échanger des mots tendres au réveil.
Jusqu'à ce jour, Havoc et Fury n'étaient encore familiers avec aucun de ces deux types de matin : ils n'en ont encore vécu aucun d'embarrassant et ils découvrent pour la première fois le calme :
C'est agréable, de pouvoir lézarder au lit, sans obligation de se lever tôt, de se réveiller à son rythme. C'est agréable, de pouvoir passer la nuit entière auprès d'un corps aimé, de se blottir contre lui pour s'endormir et se réveiller à ses côtés, bercé par les battements de son cœur.
C'est agréable, de ne pas être obligé de regagner son dortoir sitôt son plaisir pris, ou de devoir s'extirper d'un sommeil bienheureux aux petites heures pour retraverser la ville grise et silencieuse et froide, avant l'appel du matin.
C'est agréable, et vraiment inhabituel pour eux. Le lendemain, leur premier jour de repos commun depuis bien longtemps, la première fois qu'ils s'accordent ce plaisir…
Peu après l'aube, Cain se réveille en sursaut, paniqué. Il a dormi trop longtemps, l'appel au dortoir, s'il le manque, si on découvre où il avait passé la nuit, si leur relation se retrouve exposée à tout le monde, si…
« Il est quelle heure ? je suis en retard ! l'adjudant… »
Jean remue un peu, grogne, à demi réveillé. Il roule sur le côté et cloue Cain au matelas.
« Repos, soldat. »
Rep-… ah, oui. Congé. Aucune obligation. Libre.
Cain soupire et se rallonge, tremblant nerveusement de la frayeur qu'il venait de se faire. Le coeur encore battant, il laisse Jean le serrer dans ses bras. L'étreinte achève de le rassurer (et de le faire se sentir bien bête d'avoir ainsi paniqué, mais ça, mieux vaut ne plus y penser…).
« Rendors-toi, marmonne Jean, tout contre son cou.
- Pardon, » souffle Cain par réflexe.
Jean grommelle encore quelque chose d'inintelligible, puis plus rien. Lui doit déjà s'être rendormi, si tant est qu'il se soit vraiment réveillé. Comme si de rien n'était. Parce que vraiment, il n'y a pas à s'inquiéter, de rien, tout va au mieux.
Cain soupire de nouveau, après sa propre bêtise. Comment a-t-il pu oublier leur jour de congé ? Il doit vraiment être stressé. Une grasse matinée aurait dû lui faire du bien… profiter de la tiédeur et du confort du lit, du calme rassurant de Jean qui dort comme une souche, indifférent au monde extérieur, l'image même de la quiétude.
Il est encore temps de se laisser aller et de rendormir, oui…
...ou il aurait été temps si Jean ne s'était pas mis à tousser.
D'une toux très, très laide et effrayante, pour Cain.
« Quoi ? Non, c'est rien, affirma Jean. Ça m'arrive tous les matins et je vais très bien. »
Il apprendra plus tard : oui, ça arrive chez les gros fumeurs. Et oui, Havoc se porte toujours comme un charme. Pas à s'inquiéter. Il peut trouver ça passablement Beûrk. Mais c'est comme ça, 'faut juste vivre avec. Ça fait partie des défauts qu'il faut accepter.
Et puis bon, pour ce matin-ci, puisqu'ils ne se rendormiront plus maintenant… ils ont finalement une matinée entière devant eux pour que Jean prouve à quel point il est endurant !
***
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