Il était une fois un torero prestigieux, marié à une femme exquise. Couple quasi royal dans l'Espagne des années 20, jusqu'au jour d'une erreur fatale, dans les arènes de la Maestranza de Séville... De l'histoire, je ne vous dirai rien de plus car je trouve bien plus intéressant, dans un détournement de conte de fée, de découvrir petit à petit ce que l'auteur a retenu et réinterprété.
Pour son deuxième film, Pablo Berger fait entrer Blanche Neige dans le monde réel avec un talent et une originalité remarquables. Il en fait une héroïne forte et met l'accent, de manière très touchante, sur ce que ce genre de conte a peut-être de plus intéressant : la relation entre un père et sa fille. Un père diminué, tombé aux mains d'une femme cruelle ; une fille née en tuant sa mère, qui cherche désespérément le regard et la reconnaissance d'un père à-demi fantasmé. Une fille qui voit chaque être aimé disparaitre tour à tour, et dont la mort est au fond la plus fidèle compagne.
C'est une histoire dont l'infinie tristesse se nuance par la fantaisie entraînante de ceux qui n'ont jamais vraiment quitté le royaume de l'enfance. Un hommage très réussi à la culture de l'Espagne du sud, ses danses et ses violences. Et par dessus tout, un film d'une beauté absolue, fascinante. Un film muet en noir et blanc, qui ne se contente pas d'imiter la manière des années 20 mais s'en inspire, la retravaille au gré des techniques modernes pour un résultat assez unique. "Noir et blanc" est d'ailleurs un terme bien réducteur pour cette richesse de gris, d'ombres et de lumière, où chaque plan a la perfection d'une photo pensée dans les moindres détails. "Muet" l'est presque tout autant, lorsque les voix se taisent comme pour mieux laisser place à la musique.
Le plus rare est peut-être qu'un film aussi esthétique, aussi léché, réussisse à être aussi bouleversant. Pour le coup, j'ai très envie de crier au chef-d’œuvre !
(Le prince charmant pourrait bien être l'un des nains, même si les choses ne sont pas aussi simples... Et rien que ça, j'adore.)
(D'un point de vue plus futile, j'adore aussi les tenues de la marâtre !)