Titre : Les choix qu'on fait
Auteur :
shono_himeFandom : Star Wars
Personnages/Couple : Luke, Han, soupçons de Han/Luke
Rating : G
Disclaimer : Tout est à Georges Lucas.
Note : Ecrit pour
archea2 dans le cadre du projet
ecrirepouraider. Un grand merci à
taraxacumoff pour la beta !
Il n'y a rien. Il n'est qu'une particule dans l'immensité de l'Univers et il est l'Univers lui-même. Il est un grain de sable sur Tatooine, un flocon sur Hoth et une météorite autrefois appelée Alderaan. Il suit une étoile filante dans le ciel de Corellia et joue avec les écureuils des forêts de Dagobah. Le silence est absolu et pourtant le moindre frémissement d'herbe lui parvient, comme une note de musique jouée à l'unisson par toutes les Galaxies. Il se sent bien au milieu de ce trop-plein de vide. Il se sent complet. Il se sent en paix.
Lentement, comme on tire des fils pour tisser une toile, il ramène à lui des bribes de sa conscience propre. La chaleur du soleil du désert lui revient, le poids du sabre laser à sa ceinture, le plaisir de piloter, tout ce qui fait ce qu'il est lui revient peu à peu. Avec sa conscience reviennent ses souvenirs, ses impressions. Comme l'air qui se floute au dessus d'un feu, la Force vibre et se trouble. C'est pour ça qu'il est là, dans cette transe. Pour purifier son esprit de ce trouble et démêler les nœuds de ses sentiments.
Il laisse la Force le porter vers ce souvenir particulier, au centre du tourbillon qui perturbe son équilibre. Il laisse la Force le guider, le pousser à observer à nouveau cette scène de l'extérieur et d'un œil neuf.
Han et lui sont en train de réparer un court-circuit sur le Falcon. Il est rare, ces derniers temps, qu'ils aient un peu de temps pour parler, alors Luke a accepté avec joie quand Han lui a demandé son aide. Malgré la chute de l'Empereur et la fin officielle de l'Empire, le travail est loin d'être terminé, aussi chaque instant de liberté est-il infiniment précieux.
Assis par terre dans le vaisseau, devant le circuit endommagé, ils se passent les instruments nécessaires tout en discutant de tout sauf de la guerre. Han lui paraît un peu troublé, un peu énervé, mais Luke met ça sur le compte de la fatigue, des responsabilités et de quelques tensions avec Leia, dont sa sœur lui a parlé sans lui en expliquer la cause, la dernière fois qu'ils se sont vus pour méditer tous les deux.
« Alors, ça fait quoi d'être le "Maître" de sa sœur ? demande finalement Han, la tête dans l'appareillage du vaisseau.
- Je ne suis pas son Maître, tu sais, corrige-t-il en lui passant de quoi couper un boulon récalcitrant. Je lui montre juste la voie à suivre. »
Leia n'est pas vraiment intéressée par l'idée de devenir un Chevalier Jedi. La philosophie et l'état d'esprit la fascinent, mais elle le voit plus comme un enseignement théorique. Luke lui parle de la Force et des responsabilités qui découlent de son utilisation, et Leia écoute sans pour autant vouloir apprendre. Ca ne le gêne pas. La Nouvelle République ne survivrait pas bien longtemps avec un Jedi à sa tête. Peut-être plus tard, quand elle aura un peu vieilli... Luke a appris la patience.
Sauf qu'apparemment, Leia n'a pas mentionné à son compagnon que l'enseignement qu'elle suit auprès de son frère est plus une excuse pour passer du temps ensemble.
« Ah ouais ? s'étonne Han sans sortir la tête. Donc quoi, pas de jeu du sabre laser avec un casque opaque sur la tête ?
- Non. On discute, juste. »
Han grogne quelque chose d'incompréhensible et Luke fronce les sourcils. Pourquoi cette hostilité qu'il sent émaner de son ami par vagues ?
« Qu'est-ce qui te déplaît ? demande-t-il, perplexe.
- Rien, rien... C'est génial, tout ça, marmonne le Corellien en se redressant.
- Tout ça, quoi ?
- Tu sais... Qu'elle ait choisi de ne pas finir comme toi, un vieux mystique avant l'âge, » lâche Han avec un sourire un peu grimaçant.
Luke le dévisage, sidéré et de plus en plus vexé de voir son ami secouer la tête d'un air vaguement dégoûté avant de retourner à ses réparations. Il se répète plusieurs fois que la colère mène au Côté Obscur, mais ce qu'il ressent n'est pas tant de la colère qu'une terrifiante impression d'avoir été trahi.
Encore maintenant, alors qu'il observe de l'extérieur cette discussion déjà vieille de plusieurs heures, Luke continue à sentir une brûlure étrange. Il en appelle à la Force et filtre ces émotions négatives, purgeant son esprit de ces ombres néfastes. Dans son esprit déjà plus calme, la scène continue de défiler.
« Quoi ? C'est ce que tu penses ? Que je suis un... vieux mystique avant l'âge ? demande Luke en grimaçant à son tour.
- Ne le prends pas comme ça, p'tit gars. Je ne dis pas ça méchamment, tu le sais. Je veux dire, c'est bien pratique, ton truc, mais Leia, et bien... Elle n'est pas comme ça.
- Elle n'est pas comment ? » insiste Luke d'une voix calme.
Avec le recul, Luke note l'air irrité, presque frustré de Han, et il le comprend un peu. À se regarder, à contempler son air placide, pas étonnant que le Corellien perde son propre calme. La Force et la philosophie Jedi prônent le calme, mais certainement pas le masque d'indifférence froide qu'il arbore à cet instant. Comme s'il analysait un étranger, il sonde son propre esprit à cet instant. Derrière le malaise naissant de cette conversation peu agréable, il y a autre chose, une émotion timide bien cachée, enveloppée dans le filet trompeur de la tristesse. Il tire un peu dessus, mais l'impression résiste, se dérobe. Alors il prend patience et continue à analyser les évènements.
« Disons qu'elle est plus terre à terre, moins inaccessible, marmonne Han du bout des lèvres.
- Tu me trouves inaccessible ? s'étonne-t-il.
- Difficile de t'atteindre quand tu es en train de flotter à cinq centimètres du sol avec l'air plus vide qu'un crâne de Hutt, ricane le Corellien avant d'ajouter avec empressement : sans vouloir te vexer, bien sûr ! »
C'est un mensonge, et Luke le ressent autant à cet instant précis qu'il l'a ressenti lorsque Han l'a dit. Les mots employés sont volontairement blessants, comme s'il voulait le faire souffrir pour se venger de quelque chose. Mais de quoi ?
Un instant, la Force se trouble et Luke la resserre autour de lui comme une couverture pour se réchauffer alors qu'il lit sur son propre visage la peine se transformer en colère. Il frissonne.
« Pourquoi tu me parles comme ça ? demande-t-il en haussant un peu le ton. Je t'ai fait quelque chose ?
- Tu pense encore comme un gamin, se moque Han en jetant négligemment un outil dans la boîte. Grandis un peu, tu veux ?
- Ce n'est pas comme ça que tu vas me convaincre qu'il n'y a rien.
- Oh, mais je ne veux te convaincre de rien, Maitre Jedi. C'est toi, le spécialiste des tours de passe-passe. »
Luke contemple Han se pencher vers les circuits qu'il était en train de réparer, et si dans ses souvenirs, ce geste est méprisant, il y voit maintenant le signe du trouble du Corellien. La tête baissée vers son ouvrage, Han semble partagé entre une colère sous-jacente mais plus qu'évidente et quelque chose de plus insidieux et de plus fuyant.
Concentré sur ce qui semble émaner de son ami, il ne prête pas attention à la mine dépitée que lui-même arbore en se relevant pour quitter le hangar, visiblement vaincu. Il ressent de toute façon bien assez l'impression de trahison qui l'a brûlé à ce moment précis, quand Han n'a pas fait le moindre geste pour le retenir.
Il relâche un peu sa concentration et la scène disparaît. Le vide et le calme reposant de la Force reviennent. Lentement, comme au goutte à goutte, il laisse sa colère disparaître, purgée par sa méditation. Des images passent, des voix l'effleurent, mais il ne s'arrête sur rien. Seul compte le silence qui se fait peu à peu en lui.
Alors, simplement, Luke se tourne vers lui-même. Avec franchise, il affronte ce qu'il ressent. Tristesse, bien sûr, quelques vagues traces de colère balayées comme le vent souffle les traces de pas sur le sable du désert, et trahison. C'est là qu'est le cœur du problème. Car si Han a effectivement trahi leur amitié par ses mots si méprisants, ce n'est pas son amitié pour Han qui en souffre. C'est autre chose. Quelque chose qu'il a soigneusement caché pour des raisons diverses.
Han ne le considère peut-être pas comme un vieux mystique avant l'âge, il n'a peut-être dit ça que pour le blesser, mais cette hypothèse ne suffit pas. Luke voudrait qu'il le regarde comme il regarde Leia.
Tout simplement.
Comme un nœud qui se défait brusquement, une tension dont il ignorait volontairement l'existence se défait en lui. Les questions restent, cependant. Que faire ? Doit-il dire quelque chose au risque d'envenimer la colère que Han semble avoir pour lui ? Que dicte la philosophie Jedi dans ce genre de cas ? Un Jedi peut-il aimer ?
Avec une vague d'amusement, Luke réalise qu'il aurait eu du mal à aborder ce sujet avec l'un de ses Maîtres. Il imagine très bien le mouvement d'oreilles désapprobateur de Yoda et le sourire perpétuellement mélancolique de Ben. L'un parlerait de se concentrer sur la Force et d'oublier toute distraction. L'autre sourirait et parlerait de l'amour comme de quelque chose de troublant et dangereux, un sentiment qui peut faire basculer à tout moment vers le Côté Obscur de la Force.
La Force vibre, un instant, tandis qu'il épanche ses interrogations dans son sein. Comme un vol d'oiseaux, une série d'images, d'impressions et de paroles l'effleure puis le quitte aussi vite, le laissant insatisfait.
Il ressent indistinctement une main sur son épaule comme un aveu d'amour, la même main sur sa nuque en une caresse à la fois tendre et paternelle.
Il lui semble hurler sa douleur en recueillant sur ses lèvres le dernier soupir de l'être aimé.
Puis la chaleur douce des souvenirs qui bercent chaque seconde l'envahit et l'apaise.
Luke sort de sa transe avec un sursaut. À genoux sur le sol de sa cabine, il cligne plusieurs fois des yeux, perplexe. Il ne sait pas à qui étaient ces impressions que la Force lui a confiées, mais ça n'a pas d'importance. Seul le message compte. Tout n'est qu'une question de choix, de contrôle. L'amour n'est pas interdit tant qu'on ne le laisse pas tout consumer.
Il se redresse souplement quand un bref coup retentit à la porte. Derrière, des vagues de nervosité, d'anxiété et d'irritation le renseignent sur son visiteur. Seul Han peut être à ce point énervé d'être nerveux. Luke sourit, mais lui aussi sent une certaine appréhension l'envahir. Il respire profondément, repousse ses craintes et ouvre la porte.
Le Corellien est appuyé contre le chambranle, les bras croisés et un air nonchalant qui tromperait tout le monde sauf ceux qui le connaissent bien. Avec un pas en arrière, Luke l'invite à rentrer.
« Je me suis dit qu'on devait discuter, lâche Han en refermant la porte.
- Tu n'as pas tort. Tu veux t'asseoir ? »
Avec un signe de tête négatif, Han se plante au milieu de la pièce, se gratte la nuque et se racle la gorge. Plusieurs fois. Puis il finit par trouver ses mots.
« Bon... Le moment où j'ai agi comme un triple abruti de première avec autant de cervelle qu'un Jawa éclaté contre un rocher... on pourrait l'oublier ? »
Luke sourit en hochant la tête. Même sans ses excuses bâclées, Han serait déjà pardonné, ne serait-ce que parce qu'il arbore un regard pathétique du plus bel effet. Avant qu'il ait pu le rassurer, ce dernier continue.
« Tu sais ce que c'est... ou pas. Même si j'aimerais bien que ça soit le cas, marmonne le Corellien sans que ses mots aient le moindre sens pour Luke.
- De quoi parles-tu ?
- J'ai parlé à Leia.
- Et c'est à elle que tu dois tes propos sans aucun sens ? s'amuse-t-il.
- C'est une fille intelligente, ta sœur, tu sais.
- En effet. »
Et très chanceuse, aussi, a envie de rajouter Luke.
« Tu sais ce qu'elle pense ? poursuit Han. Que si elle et moi restions ensemble trop longtemps, on prouverait l'existence de la combustion spontanée. »
À ceci, Luke dévisage son ami, cette fois réellement perplexe. Il ressent avec étonnement les ondes de nervosité que celui-ci dégage et doit s'efforcer de ne pas se laisser entraîner à sa suite. À la place, il s'assoit et regarde Han, des questions au fond des yeux. Le Corellien a un sourire canaille et hausse une épaule.
« Chez moi, on appelle ça se faire larguer gentiment. »
Luke ne peut pas vraiment y croire. Leia ne ferait pas ça, elle qui ressentait une telle passion pour "cet insupportable individu", comme elle le qualifiait au début. Et pourtant...
Sa passion, Leia la dirige maintenant vers la République à peine née. Ils en ont discuté plus d'une fois, tous les deux. Pour elle, son devoir passait avant tout. Elle lui avait expliqué que c'était là sa vocation : comme lui désirait explorer les voies de la Force, elle voulait rendre sa paix et sa splendeur à la galaxie. Mais de là à en repousser Han...
Ce dernier ricane doucement et Luke se rend compte que ses pensées perplexes l'ont contraint au silence.
« Si tu cherches un discours de soutien, c'est pas la peine, p'tit gars. Elle a raison. On frôlait l'embrasement à chaque discussion. J'adore ta sœur, c'est une femme superbe et trois fois plus intelligente que moi, mais pour être honnête, ce qui est rare chez moi, on a peut-être été un peu trop exigeants tous les deux. Enfin, surtout moi. Et le fait que j'aie été, je cite "un sombre idiot sans aucune sensibilité" avec toi tout à l'heure n'a rien arrangé. »
Ils échangent un sourire. Han est toujours nerveux, mais la peine légère que Luke peut effectivement lire en lui est mâtinée de l'affection fraternelle qu'il ressent toujours pour Leia.
« Par contre, si tu veux me payer un verre, je ne suis pas contre, continue Han avec un sourire en coin. Tu sais, le passage obligé : je noie mon chagrin dans un verre, tu compatis comme tu sais si bien le faire, tu me dis qu'elle n'était pas assez bien pour moi... »
Il s'interrompt et leurs regards se croisent. Avec une clarté presque effrayante, Luke lit dans ses yeux ce qu'il ne peut pas dire "et après tu me consoles.". Il cligne des yeux une fois, deux fois, tandis que Han ne le quitte pas du regard, l'enjoignant visiblement à comprendre.
« Après, je ne sais pas si les Jedi ont le droit de faire ce genre de choses. Tu sais, l'alcool... et le reste. »
Comme si la pièce manquante du puzzle venait d'être placée, Luke finit par voir ce que Leia a certainement dû voir avant lui et son cœur en bat plus fort. La Force est toujours là, comme une main sur son épaule. Un soutien, pas un guide. La décision est sienne et les conséquences également. Lentement, il se lève et sourit à Han.
« C'est pour ça que je suis là, non ? »
FIN.