Regulus,
Depuis le temps que j'épluche les archives familiales des Prince, les catalogues de bibliothèques et les traités de magie noire, mes recherches ont enfin accompli un pas décisif. Un pas qui se matérialise pour l'essentiel en une lettre découverte il y a une dizaine de jours, magiquement dissimulée avec quelques papiers dans la doublure d'un vieux portefeuille où j'ai bien failli laisser un bras.
Lettre rédigée de la main de Verus , quelques mois avant sa mort, et destinée à son frère cadet, l'ancêtre direct de ma mère.
Elfajulas Vérbeli, donc. Ces deux mots, en hongrois, signifient sensiblement "dégénérescence, abâtardissement" et "de sang pur". Ils sont, de fait, le nom d'une ancienne et redoutable malédiction, dont j'avais déjà eu quelques échos auparavant, mais à laquelle j'hésitais encore à m'arrêter pour de bon.
C'est par Karkaroff, à la tête de Durmstrang depuis la dernière guerre, que j'ai appris l'existence là bas d'une très vieille bibliothèque privée réservée au directeur. J'y ai passé les deux derniers week-end, et j'y ai découvert, enfin, bien plus que quelques échos. De quoi m'assurer que la malédiction est bien celle qui a été jetée sur ta famille. De quoi en comprendre le mécanisme exact, et le moyen de l'annuler.
Verus a dû utiliser son propre sang, pour jeter cette malédiction : c'est au mien qu'il faudra recourir pour la lever... en un rituel qui s'apparente d'assez près aux cérémonies d'union de sang entre deux familles.
Admirablement ironique, n'est-ce pas ? Je serais curieux de voir la tête de ton frère lorsqu'il apprendra la chose...
Quoi qu'il en soit, il va me falloir encore quelque temps pour pleinement appréhender le contre-sort, et réunir tout ce qui me sera nécessaire. Notamment cette fameuse "terre princière", sur laquelle je n'ai aucune certitude établie, mais quelques nets soupçons.
Dernière chose : si la malédiction est bien l'Elfajulas Vérbeli, vraisemblablement lancé sur le père de Sirius 1er afin d'atteindre, à travers lui, son premier né, quelques détails dans l'évolution des choses restent encore assez mystérieuses, et laisseraient entendre que les tentatives mêmes pour sauver Sirius ont entraîné une complication des symptômes, voire leur propagation à d'autres membres de la famille qui auraient théoriquement dû y échapper.
Raison pour laquelle votre sortilège de guérison familial reste indispensable pour compléter la levée de la malédiction. Puisque tu ne m'en as rien dit, je suppose que tu n'as rien trouvé de plus à ce sujet. Si nécessaire, je pourrai dégager un peu de temps en fin de journée, cette semaine, pour reprendre les séances d'Occlumencie ?
Severus
*
Copie magique de la lettre de Verus.
Durmstrang, le 25 Août 1840
Aelius,
Depuis trente ans, toi seul sait la volonté profonde qui m'anime. Toi seul sait y voir désir de justice et non monomanie d'un fou.
Ma vengeance aura tardé - trente ans ! - mais elle rassemble enfin ses armes. A notre sang ils ont porté atteinte, dans leur sang ils vont payer - enfin ! Les bibliothèques de Durmstrang m'ont révélé le moyen, et notre vieille magie se mettra à l'oeuvre sur leur prochain né, implacable.
Dégénérescence lente et douloureuse. Impuissance probable. Leur sang ne survivra pas à cela, et seul un membre du nôtre pourrait y remédier. [Souligné dans la copie par Severus.]
Aucun membre de notre sang ne voudrait sauver ces chiens puants, n'est-ce pas ? Chiens puants, bientôt maudits... Ils sont bien trop encombrants pour cela, quand leurs prétentions tentent d'éclipser notre gloire, et tes propres intérêts, ceux de tes fils, rejoignent ma vengeance.
Fais-moi parvenir au plus vite un flacon de la terre Princière, et l'oeuvre pourra être accomplie d'ici un mois.
Ma mission touche à sa fin. J'aurai fait pour le sang mon devoir, j'y aurai sans doute laissé mes dernières forces et la Famille bientôt reposera sur ta seule volonté. Tu as les épaules pour la porter, Aelius - mais il faut désormais songer à réformer ta vie.
Oublie un peu le jeu et les femmes - car ta réputation te suit jusqu'ici. Des tâches bien plus nobles t'attendent désormais, pour le renouveau, le triomphe de notre Sang.
Verus.
[Dans la marge de gauche, à côté du paragraphe sur la dégénérescence infligée aux Black, une autre main a tracé deux mots d'une encre plus pâle : Elfajulas vérbeli.]