The Musketeers fanfiction - Les péchés des hommes vertueux - Epilogue

Mar 16, 2019 19:21

Champagne !

Titre : Les péchés des hommes vertueux
Auteur : Arakasi
Base : The Musketeers (BBC)
Personnages : Athos, Porthos, Aramis, d’Artagnan, Constance
Résumé : Milady de Winter est morte. Définitivement, cette fois. Elle laisse derrière elle un présent ambigu. Fanfic se déroulant après la fin de la saison 2.

Blabla : Ben oui, un épilogue, c’est plus court, donc ça vient plus vite. Outre la satisfaction de l’avoir menée à bien, je pense que cette fic gardera une petite place dans mon coeur au vu des circonstances dans lesquelles je l’ai écrite et des termes abordés - qui ne sont pas complètement étrangers aux dites circonstances... J’ai pris beaucoup de plaisir à l’écrire et j’espère que vous en avez eu autant à la lire !

Les péchés des hommes vertueux

Lien vers les autres chapitres : Chapitre 1 I Chapitre 2 I Chapitre 3 I Chapitre 4 I Chapitre 5

...
Épilogue

Aramis se pencha à l'oreille du petit garçon et dans un murmure de conspirateur :

“Allez, chaton, réfléchis bien ! Joue-la nous finement et on aplatit ce gros lard en deux manches…”

Juché sur les genoux du mousquetaire, Olivier loucha attentivement sur la poignée de cartes qu'il avait en main. Un brelan de valets, une dame, un dix et une paire de rois. Un jeu très acceptable à condition de le mener prudemment. Et Olivier était un garçonnet particulièrement prudent.

De l'autre côté de la table, Porthos encaissa stoïquement l'épithète désobligeant, se contentant de froncer le sourcil avec une exaspération feinte. Une plaisanterie, l'enfant le savait. D'abord parce que Porthos n'était pas gros. Il était fort et très grand, ce qui faisait de lui, du point de vue d'un petit garçon, la monture idéale pour arpenter les rues de Paris. Olivier soupçonnait également que le colosse ne mettait pas dans cette partie toute la combativité qu'il aurait déployée contre Aramis seul, mais il n'en prenait pas ombrage. Les deux mousquetaires prenaient manifestement beaucoup de plaisir à l'initier aux cartes et le garçonnet, bon prince, était disposé à leur laisser cet agrément. Tant qu'Athos était d'accord, bien sûr. Olivier n'aurait rien fait qui put contrarier Athos.

Athos était assis à quelques mètres de là en compagnie de d'Artagnan. Après un souper copieux pris en commun, les deux hommes s’étaient isolés dans un coin de la pièce, abandonnant Aramis, Porthos et le petit garçon à leur jeu. Ils avaient parlé un moment - studieusement concentré sur ses cartes, Olivier n'avait pu saisir la teneur de leur conversation - puis s'étaient tu. Affalés dans leurs fauteuils respectifs, ils profitaient des derniers rayons de soleil estival et du courant d'air tiède qui entrait à travers la fenêtre grande ouverte, rafraîchissant l'atmosphère surchauffée du logis d'Athos. D'Artagnan tenait un verre de vin entre ses mains jointes. Athos, non. Les jambes étendues sur un tabouret bas et les yeux clos, il somnolait.

Olivier le lorgnait discrètement du coin de l'oeil. Les mois passant, il avait cessé de s'inquiéter d'une éventuelle et soudaine disparition d’Athos, mais aimait s'assurer ponctuellement de sa présence. S'il ne rejoignait plus que rarement le mousquetaire dans son lit, il lui arrivait encore régulièrement de se lever au milieu de la nuit. Il allait jusqu'à la chambre d'Athos et écoutait pendant quelques minutes les ronflements sourds de l'adulte endormi s'échapper par la porte entrebaillée. Puis il retournait se coucher.

D'autres nuits, c'était sa porte à lui qui s'ouvrait en grinçant. Olivier entendait les lattes du plancher craquer et le bruit d'une chaise que l'on soulevait et reposait. Le garçonnet restait immobile, les yeux sagement fermés, en tendant l'oreille à la respiration du mousquetaire assis à son chevet. Il aimait bien. Pas autant que de rejoindre Athos dans son lit, évidemment, mais Olivier allait bientôt avoir huit ans et, à cet âge, on était presque grand et on ne se réfugiait plus dans les draps des adultes, aussi agréable que soit cette habitude.

“Alors, chaton ? C'est notre tour.”

Se faire appeler chaton manquait aussi de dignité pour un grand de huit ans, mais Olivier savait se montrer tolérant. Après avoir mûrement pesé sa décision, il abattit ses cartes. Aramis gloussa joyeusement et Porthos fit la grimace. Le grand mulâtre ramassa les cartes et commença à les distribuer pour une nouvelle manche, mais le petit garçon était fatigué. Il bailla, puis commença à gigoter énergiquement pour descendre des genoux d'Aramis.

“Et un câlin de bonne nuit, ce serait trop demander ?” grommela le mousquetaire.

Olivier jugea la revendication légitime. Il passa un bras autour du cou d'Aramis et l’embrassa sur la joue avant de se laisser glisser à terre. Par soucis d'équité, il fit de même avec Porthos. Le colosse lui tapota affectueusement la tête au passage.

“Maintenant que tu n’es plus là pour l'aider, je vais te l'écraser, le joli coeur !” lui assura-t-il.

Le garçonnet trottina dans la direction d'Athos et de d'Artagnan. Le jeune homme sourit en le voyant approcher et lui fit un clin d'oeil. Le petit lui adressa un hochement de tête entendu en retour. Olivier savait garder un secret et celui que lui avait confié Constance était de taille, bien plus considérable que les fausses messes basses d'Aramis. Il n'en avait parlé à personne. Pas même à Athos. Ce qui n'était pas difficile puisque celui-ci n'exigeait jamais de lui qu'il dise ce qu’Il ne souhaitait pas dire, lui évitant tout conflit de loyauté entre lui et la douce madame d'Artagnan. Athos lui-même ne parlait pas beaucoup. Encore une chose qu’Olivier aimait bien.

Le mousquetaire entrouvrit un oeil quand le garçonnet entreprit de se hisser sur ses genoux. Il tendit un bras pour l'aider. Olivier s'y accrocha, puis, une fois bien stabilisé, se glissa en se tortillant sous le coude de l'adulte jusqu'à caler sa tête sous son menton. Là, il ferma les yeux. Il était peut-être trop grand pour rejoindre Athos dans son lit, mais considérait qu'il pouvait encore pour quelques temps s'endormir sur ses genoux. Olivier aimait jouer aux cartes avec Aramis. Il aimait aussi traverser la cour de la caserne sur les épaules de Porthos et remonter la rue du Louvre sur le pommeau de la selle de d'Artagnan, mais, à la fin de la journée, quand le besoin de sommeil se faisait sentir, c'était sur les genoux d'Athos qu'il venait se pelotonner.

Le mousquetaire referma ses bras autour de lui et frotta distraitement sa joue contre le sommet de son crâne. Et ça aussi, c'était bien. C'était agréable. C'était comme la nuit où Olivier était rentré à Paris sur le cheval d'Athos, des mois plus tôt - avec le vent qui sifflait, la neige qui tourbillonnait et le cheval qui sentait bon le chaud et la poussière - et où il s'était senti complètement aimé et protégé pour la première fois...

La dernière chose que le petit garçon entendit avant de s’assoupir fut la voix basse et grave d'Athos dans ses cheveux :

“Je ne l'ai jamais comprise.”


D'Artagnan piaffait d'impatience depuis deux semaines. Il avait promis à son épouse de n'évoquer le sujet avec personne, ses trois amis compris, mais l'épreuve s'avérait ardue, surtout pour qui jouissait d'un tempérament vif et impétueux. Constance avait été catégorique, cependant. Le corps d'une femme était chose capricieuse et elle se refusait à parler de sa grossesse en public avant trois mois révolus. Pourquoi elle avait jugé bon de partager ce secret avec le loupiot, tout en tenant la bride haute à son malheureux mari, c'était là un mystère de la psychologie féminine qu'il avait renoncé à comprendre. Il n'en parlerait pas, bien sûr. Une promesse était une promesse et Constance saurait lui faire payer chèrement tout bavardage intempestif, mais trois mois… Trois mois, c'était tout de même sacrément long.

Il fit un clin d'oeil complice au garçonnet quand celui-ci vint retrouver sa place habituelle de fin de soirée sur les genoux d'Athos. L'enfant le gratifia d'une inclinaison de tête en retour - Olivier était un petit garçon bien trop sérieux pour s'abaisser à un comportement aussi trivial qu’un clin d'oeil. Et il avait sûrement beaucoup moins de difficultés à tenir sa langue que d'Artagnan. Ce qui n'avait rien d’un exploit. Même Porthos était capable de plus de discrétion que lui.

Trois mois, bon Dieu !

Le gascon souriait aux anges en berçant son verre de vin entre ses mains quand Athos parla.

“Je ne l'ai jamais comprise.” dit-il.

D'Artagnan se figea, raide et tendu comme un chien à l'arrêt. Après une seconde d’immobilité absolue, il coula un oeil prudent vers son ami. Athos ne le regardait pas. Il ne regardait rien en particulier. Le visage tourné vers la fenêtre, il caressait le dos du petit garçon enfoui contre sa poitrine. Il parlait calmement, presque sur le ton de la constatation. D'Artagnan ne parvenait pas à déchiffrer l'expression de son regard aux paupières à demi-baissées. Malgré tout son bon vouloir et quatre ans d'amitié solide, il n'y était jamais tout à fait parvenu.

“Je l'ai aimée jusqu'à sa mort et un peu au delà... continua-t-il. Mais je ne la comprenais pas. C'est curieux. Aimer tant une femme et qu'elle vous reste toujours une étrangère.”

Une pause.

D'Artagnan resta muet. Son ami ne semblait pas attendre de réplique et, de toute façon, il n'aurait su que répondre.

“Elle - Elle me connaissait bien. Mieux que je ne me connaissais moi-même. Elle savait que je ne lui survivrais pas. Pas une seconde fois. C'est pourquoi je pense… J'aime à penser qu'elle m'a pardonné.”

Athos reporta son attention sur l'intérieur de la chambre. Ses yeux croisèrent ceux du gascon et il parut un peu gêné, comme pris en faute. À leur table, Porthos et Aramis disputaient bruyamment une nouvelle partie - la compétition avait pris un tour beaucoup plus vachard dès le départ de l'enfant. À la troisième bouteille, ils exigeraient probablement l'opinion d'un tiers pour déterminer qui avait triché ou qui avait faussé le jeu en dissimulant des cartes, mais ne leur prêtaient aucune attention pour le moment. D'Artagnan attendait. La discrétion n'était peut-être pas son fort, mais il savait que l'on ne forçait pas certaines confidences.

“Pourquoi m'aurait-elle laissé l'enfant si elle ne m'avait pas pardonné ? demanda Athos. Elle savait que je n'y arriverais pas seul.”

Tu n'étais pas seul, pensa d'Artagnan. Nous étions là. Nous ne t'avons pas abandonné. Mais il savait que son ami ne songeait pas à mal et il ne lui en voulut pas. Au fond et comme l'avait souligné Porthos, ils avaient tous besoin de quelque chose de plus. Et ce n’était pas grave. C’était normal. Alors, il dit plutôt :

“Tu lui en parleras ?

- Oui, un jour.”

Athos eut un sourire contrit.

“J'ai promis.”

Il ajouta, sans aigreur, ni colère, mais avec une étrange satisfaction attristée :

“Il ne sera jamais entièrement à moi.”

Pendant deux ou trois minutes, les deux hommes restèrent parfaitement silencieux, pendant que le spectre d'une femme morte traversait la pièce et s'y attardait un moment, pareil à un parfum ou à l'écho lointain d'une voix aimée. Puis il se dissipa et s'échappa par la fenêtre pour s'évanouir avec les dernières lueurs du couchant. Athos appuya sa tête contre le dossier du fauteuil et se remit à caresser rêveusement le petit garçon endormi. À l'autre bout de la pièce, Porthos poussa un grondement d’ogre ravi et Aramis jura dans sa barbe. D'Artagnan se détendit. Il éprouvait le même sentiment de soulagement diffus qu'après une passe d'armes délicate mais victorieusement menée.

La nuit était presque tout à fait tombée, à présent.

Le jeune homme laissa son esprit dériver vers les semaines et les mois à venir. Ceux-ci s’annonçaient sous de bons auspices. Malgré le retour des beaux jours, la guerre avec l’Espagne n’avait pas reprise. L’opinion publique mettait ce délai inattendu sur le compte du nouveau ministre du roi, le cardinal Mazarin. La rumeur faisait espérer un traité définitif, ce qui aurait pour résultat de propulser le petit cardinal aux premiers rangs des diplomates du royaume. On parlait même d’une possible ascension au poste tant convoité de premier ministre. Un scandale, selon l’élite aristocratique. Pensez donc, un étranger, plébéien de surcroît, et qui écorchait le bon français comme un valet de Commedia dell'arte !

D’Artagnan, qui avait passé la majeure partie de son enfance à gambader dans le crottin, n’avait pas d’opinion sur la question. Mais alors qu’il regardait Athos berçant le loupiot et songeait au fragile secret qui grossissait dans le ventre de Constance, il songeait que le petit cardinal pouvait être italien, anglais, autrichien, voire chinois si le coeur lui en disait, s’il parvenait à conclure une paix solide avec l’Espagne, il lui tirerait de bon coeur son chapeau...

“C’est nouveau.” lâcha-t-il soudainement.

Athos battit des paupières.

“Pardon ?”

D’Artagnan lui sourit de toutes ses dents.

“Te voir heureux. C’est nouveau. Et ce n’est pas déplaisant.”

Athos resta sans réaction durant quelques secondes. Il cherchait visiblement une réponse adéquate et - certaines choses ne changeaient jamais - ne la trouvait pas. Le garçonnet le tira d’embarras. Il couina doucement en s’agitant dans son sommeil et sa tête vint heurter son menton. Le mousquetaire se leva en le soulevant précautionneusement dans ses bras. Il adressa un signe de tête guindé au gascon, dit :

“Je vais le coucher.”

Puis quitta la pièce.


Post-blabla : Avant de nous quitter - temporairement, je pense, puisque j’ai au moins une autre idée exploitable sur ce fandom - et pour ceux qui se poseraient la question : Oui, je me suis faite un petit trip perso sur Mazarin. Parce que j’aime ce qu’en a fait Dumas, mais surtout parce que je kiffe le personnage historique qui est hyper compétent, intelligent, cool, amusant, pas du tout ridicule comme dans “Vingt ans après” sauf quand il le veut bien… Et ne laissait pas Anne d’Autriche indifférente au passage, même si, étant beaucoup moins con qu’Aramis, il s’est bien gardé de se la taper. J’aurais adoré une saison 3 avec Mazarin en antagoniste, voire - encore mieux ! - en protagoniste neutre et énigmatique, mais ça n’a hélas pas été le cas. Et je n’écrirai jamais cette fameuse saison 3 alternative, parce que c’est beaucoup trop de boulot. Mais ça m’a fait plaisir de faire de lui la main aveugle qui accorde quelques temps de tranquillité à nos mousquetaires.

serie : the musketeers, theme : cape et d'épée, fanfic : the musketeers

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