Mausolées - Christian Chavassieux

Oct 23, 2016 14:42


Christian Chavassieux - Mausolées (Mnémos, 2013)
(328 pages, soit 75 km de plus pour le challenge Tour du Monde. Pays : France. Total : 7925 km, 29 920 pages et 20 pays pour 81 livres)

Dans la vieille ville de Sagonne, des vieillards couvent leur haine dans l'ombre des demeures déchues. Les ruelles ne sont pas sûres une fois la nuit tombée, mais leur lacis converge vers la plus impénétrable des forteresses, celle que s'est aménagé un ancien chef de guerre dans un ancien couvent.
Pavel Adenito Khan est de ces hommes que le monde ne peut regarder sans fascination, avec un mélange de méfiance, voire de haine, et d'irrésistible admiration. Son histoire est de celles dont on tisse les légendes, un gamin de la rue devenu chef de bande et héros militaire avant de se reconvertir, à la fin des Conflits, dans le mécénat et la philanthropie. Un salaud ou un saint, avec sans doute beaucoup de sang sur les mains, mais peut-être pour la meilleure cause possible.
Le personnage n'en est que plus intrigant aux yeux de Léo Kargo, jeune écrivain reconnu qui vient d'entrer à son service, avec pour mission de s'occuper de son immense bibliothèque - trésor rarissime dans ce monde où les livres, très largement détruits, ont depuis longtemps disparu de l'existence du commun des mortels. Une aubaine merveilleuse, quoi que l'on puisse penser du patron !
Pourtant, derrière les portes du monastère, personne n'est exactement ce qu'il paraît être. Des luttes de pouvoir et d'intérêts se trament, des ennemis guettent, au-dehors, et pourquoi pas dedans ? Emporté par une quête de sens qui le dépasse de très loin, qui pourrait bien l'anéantir, Léo finit par douter des raisons de sa présence en ces murs, de sa propre identité et de ses propres buts.

Après l'Affaire des vivants, qui m'avait tant enthousiasmée, j'étais très curieuse de découvrir ce que l'auteur avait pu écrire dans un genre tout différent - et comme souvent lorsque la barre est haute, je ressors un poil déçue par cette seconde lecture, moins fine et moins puissante malgré ses indéniables qualités. A quoi cela tient-il ?
Aux personnages, déjà, construits de manière intéressante, tout en dualités, mais aux aspérités moins justes (car issus de l'imagination romanesque plutôt que de l'étude sociale ?), moins convaincants du coup et moins accrocheurs. Pavel Khan est le plus réussi de tous, mais certaines de ses ambiguités auraient mérité d'être un peu plus approfondies. Quant à Léo, ce jeune érudit hédoniste confronté au vacillement de toutes ses certitudes, un petit quelque chose en plus ou en moins aurait pu me rendre terriblement attachant, mais il m'a surtout donné envie de lui botter les fesses.
Le rythme, aussi, est parfois un peu bancal. L'écriture, qui fait merveille dans la lenteur, la création d'une ambiance, manque un chouïa de nerf lorsque l'action se précipite, lorsque la confusion s'établit dans les esprits ou dans les faits, et peine du coup à m'emporter. Et la forme du récit est un peu courte pour donner pleine mesure à la fois à un univers fascinant (une Europe à peine remise d'une série de guerres d'une violence inouïe, où l'humanité confrontée à ses pires excès n'est plus que l'ombre d'elle-même) et à de nombreux thèmes passionnants (tentation du totalitarisme, vices, vertus et ambiguités de la science, eugénisme, quête d'un sens, crise existentielle, paternité, hérédité et mémoire...), qui se répondent de manière habile mais s'étouffent parfois les uns les autres.
Quelques centaines de pages en plus, un peu plus de démesure dans la forme pour mieux coller au fond, un rien de nuance supplémentaire du côté des personnages, et on aurait tenu un roman magistral.

Cela n'en reste pas moins un beau texte d'anticipation, au style original et élégant, aux qualités nombreuses. La fin n'est pas la moindre d'entre elles - une belle réussite, implacable et percutante, comme j'aimerais en lire plus souvent !

challenge tour du monde, lecture : sf - fantasy - fantastique, bouquins

Previous post Next post
Up