Challenge ABC : K comme Kay

Apr 21, 2015 13:07


Guy Gavriel Kay - Les chevaux célestes (2010-2012 / L'Atalante, 2014)
(654 pages pour le challenge pavés)

En se retirant sur les rives isolées d'un lac de montagne pour enterrer les morts, Shen Tai ne comptait qu'honorer la mémoire de son père, le général Shen Gao, lourdement marqué par la bataille qu'il dirigea autrefois en ce même lieu. Rien de plus qu'apaiser les âmes des soldats tombés quelques décennies ou quelques siècles plus tôt, pour défendre ou envahir l'empire Kitai. Âmes en peine, toutes, quel qu'ait été leur camp.
Il ne s'attendait guère à recevoir en récompense un honneur inoui, extravagant, de la part de l'ancien ennemi Tagur. 250 chevaux de Sardie - les précieux chevaux célestes dont l'empereur lui-même ne possède pas le dixième, dont un seul suffit à élever un homme au-dessus du commun des mortels.
Un cadeau diablement embarassant, qui pourrait lui valoir la jalousie mortelle de beaucoup, qu'il convient de manier avec la plus extrême habileté mais qui va faire de lui un des hommes les plus convoités de l'Empire. Convoités, mais aussi admirés - par ceux que son dévouement aux morts a conquis, et dont le soutien ne sera pas de trop pour affronter les sinuosités de la Cour, vers laquelle il faut bien porter son hommage.

Entremêlant de solides bases historiques, une imagination habile et un soupçon de fantastique, Guy Gavriel Kay fait revivre la Chine des Tang - sous un autre nom mais plus vraie que nature et avec un souffle admirable. On y retrouve l'ambiance des grands films épiques comme Hero, Tigre et Dragons et autres Poignards Volants, avec moins de poudre aux yeux, moins de combats spectaculaire et plus de réflexion, de contemplation.
Un univers fascinant, joliment ciselé et habité de beaux personnages dont Shen Tai, malgré ses qualités, n'est pas le plus intéressant. Son ami poète, l'Immortel Banni, sa soeur, la sage et curieuse Li Mei, Meshag, l'homme-loup des steppes et l'ambigue Précieuse Concubine de l'Empereur, sont autant de figures qui contribuent à l'ampleur et au charme de ce roman.

Séduite dès les premières pages, enthousiaste pendant une bonne partie de ma lecture malgré quelques longueurs et répétitions, j'ai toutefois été assez déçue par la fin du roman - sa dernière partie, dont le rythme soudain très rapide, trop rapide, brise une partie du charme. Bien sûr, cela reproduit dans la narration la brisure qui intervient dans l'histoire. Bien sûr, il fallait sans doute accélérer un peu les choses sous peine de se retrouver avec une saga en dix volumes. Il n'empêche que le contraste est trop marqué, et donne surtout l'impression que l'auteur a voulu se débarrasser de son histoire au plus vite sans trop savoir comment s'y prendre. L'artifice auquel il recourt - l'inscription du récit dans le grand mouvement de l'Histoire - est trop évident, maladroitement tourné et frustrant pour le lecteur. J'aurais largement préféré la saga en dix tomes, moi !
Cette fin, qui plus est, je l'ai trouvée un peu attendue et trop lisse, truffée de trop de banalités posées un peu pompeusement sous les atours de grandes vérités historiques. Décevant, vraiment, même s'il y a là-dedans aussi beaucoup de bonnes idées.

Reste dans l'ensemble un très bon roman, qui a une centaine de pages près aurait pu entrer dans mes coups de coeur de l'année et m'a fait passer un très bon moment de lecture.

lecture : sf - fantasy - fantastique, bouquins, challenge abc, challenge pavés

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