Orange Blues 3/3

Feb 24, 2009 20:09

Orange Blues

[Troisième partie]

Dick ne fournit pas d’explications quant à ce qu’il s’était passé à son départ. Il évitait de parler de Bruce, ne cessait par contre d’interroger Tim sur Conner d’un air réjoui.
« S’il te fait du mal, je l’éviscère avec un scalpel en kryptonite, déclara-t-il joyeusement. Je suis tellement content pour toi, petit frère ! »
Tim était content aussi.
L’organisation des « journées spéciales » chez les Titans leur prenait un peu de temps. Dick vint à la tour le week-end suivant pour en parler avec eux, leur proposer des noms et fut de fait le premier « invité », même si c’était de façon non-officielle et que Tim l’empêcha de se démener trop. C’était déjà bien suffisant que Dick sorte en patrouille alors qu’il était à peine remis.
Conner se plia de bonne grâce à la nécessité que ressentait Tim à se comporter en « professionnel » devant les autres. Il vint tout de même se glisser dans sa chambre lorsque tout le monde fut couché et ils passèrent une bonne heure à s’embrasser sur le lit. Les choses commencèrent à s’échauffer un peu plus, les mains cherchèrent la peau sous les vêtements et leurs mouvements se faisaient de plus en plus saccadés, plus urgents… et Conner s’écarta si brusquement qu’il tomba du lit.
Tim reprit son souffle et se pencha.
« Conner… ?
- On peut pas, déclara celui-ci d’un ton douloureux, allongé par terre.
- … quoi ?
- Nightwing.
- Me dis pas que t’as peur de lui. Il t’aime bien. Il m’a donné son approbation.
- Nightwing, Tim. J’ai pas peur de lui. Mais. Il est génial et il m’a dit qu’il avait confiance en moi et…
- … il t’a dit ça ? Quand ? »
Conner fit un vague geste de la main.
« On a passé pas mal de temps ensemble. Pendant la Crise. »
Tim ne put s’empêcher de se raidir un peu. Conner se rassit et tendit le cou pour lui déposer un baiser au coin des lèvres.
« On a beaucoup parlé, reprit-il. Et j’aimerais bien qu’il continue à m’apprécier.
- Je pense vraiment pas que ça lui poserait de problèmes.
- Peut-être, mais moi je serais pas sûr de pouvoir le regarder dans les yeux demain. »
Exaspéré, Tim se laissa tomber à terre et s’installa sans ménagement sur les genoux de Conner qui avala sa salive.
« Personne me croira, si je dis que c’est toi qui voulais. »
Tim l’embrassa pour le faire taire.

-

À sa grande consternation, Conner fit preuve d’un sang-froid exemplaire et parfaitement frustrant. Et d’un sens des convenances tout à fait déprimant.
« Je veux qu’on ait une vraie nuit à nous, avec un vrai matin. Pas à la tour. Personne ne frappe jamais, ici ! »
Conner, réalisa Tim, ne savait sans doute pas qu’il avait perdu sa virginité dans les bras de Connor un an et demi plus tôt. Il allait falloir qu’il décide s’il était judicieux de le lui dire ou pas.
Ceci étant dit, Conner n’avait pas tout à fait tort quant à l’absence d’intimité dans la tour. Ils s’étaient endormis tous les deux sur le lit de Tim et au matin, ils avaient eu un peu de difficultés à se séparer ; c’était à dire qu’ils s’embrassaient depuis une bonne dizaine de minutes, Conner appuyé contre le battant de la porte, lorsque cette dernière s’ouvrit en grand sans prévenir :
« Tim ! Je trouve pas Conn… AH. »
Il n’y aurait eu que Bart, ç’aurait pu s’arranger. Malheureusement Rose était dans le couloir. Puis Bart entreprit de les serrer tous les deux dans ses bras en s’exclamant : « Je suis trop content pour vous ! » et leur relation n’eut plus rien de secret.
Encore que ce qui agaçait le plus Tim, c’était de penser qu’ils s’imagineraient des choses qui ne s’étaient pas passées. Pas faute d’avoir essayé.
Cassie fit comme si de rien n’était. Elle avait beau lui avoir donné sa bénédiction, Tim se sentait mal à l’aise vis-à-vis d’elle, et au vu de la discrétion de Conner, il éprouvait la même chose. Il n’y avait aucun besoin de remuer le couteau dans la plaie.
Facteur aggravant, la présence de Nightwing attirait toujours les foules, surtout celles qu’il menait de façon régulière, et la veille Mia avait signalé sa présence à Roy. Inévitablement, des ex-Titans ne cessèrent de faire l’aller-retour tout dimanche.
Tim calculait qu’en début d’après-midi, il ne restait plus une seule personne ignorant que Robin sortait avec Superboy (de fait, il reçut vers 16h un mail de Jason que l’on pouvait résumer ainsi : « HA HA HA ! LOSER ! »).
Il rentra au manoir avec un profond sentiment d’appréhension. Il s’attendait au pire, le pire se produisit, mais pas celui qu’il imaginait.
Bruce l’attendait, sombre et solennel.
Tim s’était préparé à défendre Conner et leur relation. Sauf que Bruce n’y voyait qu’un seul inconvénient, et il était physique.
« Conner possède une force extrêmement grande, déclara-t-il, raide comme un piquet. Il est possible que... dans certaines situations où il ne serait pas en possession de toutes ses capacités de réflexion… il oublie qu’il pourrait te faire mal. »
Les yeux écarquillés, Tim essaya de se convaincre qu’il n’avait rien entendu.
« J’ose espérer que vous en avez ou allez en discuter avant toute interaction physique. »
Il semblait attendre une réponse. Tim hocha la tête une fois sans réussir à cligner des yeux. L’air constipé, Bruce ajouta :
« J’imagine qu’il est inutile de rappeler à Conner que dans le cas où il te causerait la moindre peine, il devra répondre de ses actes devant moi. »
Une hésitation, puis il releva le bras comme si ce dernier était rouillé, caressa la tête de Tim d’une main incertaine puis lui fit un petit sourire crispé. Tim ressentit soudain un pincement d’amour douloureux pour son père adoptif. Il lui sourit à son tour.
Il y eut un instant de flottement, puis Bruce déclara :
« File avant qu’on nous surprenne. »
Tim ne put retenir un rire surpris. Impulsivement, il le serra dans ses bras et s’enfuit en courant.

¤¤¤

L’on n’imagine pas les difficultés que l’on peut éprouver à voir son petit ami lorsqu’on est un super-héros. Et ce, même si ledit petit ami est capable de traverser des kilomètres en quelques secondes. Entre l’entraînement de Conner (que Tim ne lui aurait fait rater pour rien au monde), les cours et leurs obligations respectives (sans compter les alertes impromptues), ils passaient très peu de temps ensemble, des instants volés. Conner quittait son lycée à l’heure du déjeuner pour être avec Tim, séchait un cours par-ci par-là (et le niait, alors que Tim connaissait son emploie du temps par cœur) lorsqu’il tombait sur une heure où son petit ami était libre…
Les Titans avaient beau savoir qu’ils étaient un couple, ils avaient toujours du mal à s’afficher devant eux et les week-ends ne se composaient que de câlins à la sauvette. Tim avait renoncé à convaincre Conner d’aller plus loin lorsqu’il était devenu évident que Rose et Kara trouvaient n’importe quelle excuse pour les déranger.
« Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? grogna Tim.
- Nous surprendre en position compromettante, répondit Conner d’un ton résigné.
- Quoi ? Pourquoi ?
- Un jour, il faudra que je te montre la chambre de Kara. »
Le texte que Rose lui avait envoyé quelques semaines plus tôt lui revint en mémoire et Tim dissimula son visage écarlate contre le torse de Conner.

-
Quelques jours et un rendez-vous manqué plus tard, ils étaient en ligne pendant que Tim faisait une patrouille de routine lorsque Conner lui rappela qu’ils avaient bientôt des vacances.
« J’ai regardé, on finit les cours le mercredi de ta semaine à toi, donc ça nous ferait jeudi et vendredi en commun au moins. On pourrait se retrouver le mercredi soir, et aller ensemble chez les Titans samedi ? Batman te laisserait faire, tu crois ? Je sais que ça lui plaît pas trop que je sois à Gotham, il a raison, je réussirais pas à m’empêcher d’intervenir au besoin. Mais toi tu pourrais venir à Metropolis. C’est pas l’idéal, on est chez Clark, mais… Je ferais n’importe quoi pour te voir plus d’une heure à la fois, là. »
Tim sourit, ramena les genoux vers lui puis se rembrunit.
« Je sais pas si c’est faisable. Batman est toujours en froid avec Nightwing et ça améliore pas son humeur. Je peux essayer de disparaître deux jours mais…
- Il viendrait me torturer. Demande-lui l’autorisation avant de prendre des mesures drastiques de ce genre. Ceci dit, sinon je te kidnappe et je plaide la kryptonite rouge.
- Il reste ça, fit Tim avec une envie terrible de dire à Conner de venir le voir, là tout de suite.
- Au fait, il se passe quoi, entre Batman et Nightwing ? »
Avec une petite grimace, Tim ferma les yeux.
« Vaste question, soupira-t-il. Je suis même pas certain qu’ils le sachent eux-mêmes. »
Leur dispute commençait à dater. Tim craignait qu’elle ne s’éternise. Une chose était sûre, rien ne s’arrangeait.

¤¤¤

Quelques jours plus tard, au dîner, Bruce posa sa serviette sur la table dans ce geste universel qui signifiait : « Nous allons parler. »
Tim reposa sa fourchette soigneusement.
« Tim. Si tu désires passer ta semaine de vacances scolaires chez Dick, tu peux. »
Tim le fixa du regard. Une expression de malaise vite dissimulée traversa son visage.
« Je suis conscient que tu n’as pas l’occasion de le voir beaucoup ces derniers temps. Je te ferai signe si j’ai besoin de toi à Gotham. »
Il regarda sa montre d’un air affairé.
« Je te laisse finir, j’ai des choses à faire dans mon bureau. »
Bruce se leva et quitta la salle à manger à la hâte. Tim le suivit du regard, stupéfait. Puis il se tourna vers Alfred dans une interrogation muette. Ce dernier haussa un sourcil.
« Ils se sont parlés ? finit par demander Tim.
- N’en demandez pas trop, maître Timothy. Lors de son coup de téléphone hebdomadaire maître Richard m’a demandé d’intercéder en votre faveur, car, et je cite, vous avez besoin de vraies vacances et maître Bruce n’en connaît pas la signification. »
Tim secoua la tête.
Il remercia Alfred de sa participation, termina son dîner puis rejoignit sa chambre. C’est en cours de route qu’il réalisa ce que cela signifiait.
Dick le laisserait beaucoup plus facilement que Bruce, voire sans difficulté aucune, voire avec des encouragements enthousiastes, passer deux jours auprès de Conner. Il accéléra le pas. Une fois dans sa chambre, il contacta immédiatement Dick afin d’être sûr de lui.
Non seulement Dick n’y vit aucun problème, mais il lui facilita la tâche de façon déconcertante.
« Je pars mercredi chez les West, déclara-t-il. Installez-vous à l’appart’, Conner et toi.
-… sérieusement ?
- Sérieusement. »
Tim offrit son âme à un Dick hilare, puis se dépêcha d’envoyer un e.mail à Conner pour lui faire part du changement de situation. Mail auquel son petit ami répondit par un simple : « Je sais :3 »
…, pensa Tim.

Tu as parlé à Nightwing ?

Ouip :D

Donc, tu veux rien faire chez les Titans parce qu’il est là mais par contre passer quatre nuits dans son appartement, pas de problème ?

Je suis désespéré, tu me manques, j’ai envie de toi et j’essaie de pas y penser. :D

Par réflexe, Tim baissa la tête pour cacher son sourire trop large, même si l’écran de l’ordinateur n’enregistrerait pas son expression incriminante pour l’envoyer.
« ♥ », répondit-il simplement.

¤¤¤

Conner le déposa à New York le dimanche soir des vacances. Dick lui avait proposé de rester dîner et ils passèrent la soirée à parler, des Titans surtout et de leurs premières aventures. Dick racontait avec animation, sourires aux lèvres et gestes enthousiastes.
Conner partit vers 23h, Dick et Tim firent la vaisselle puis sortirent patrouiller la ville rapidement. Nightwing bondissait de partout, saltos doubles et triples et quadruples comme s’ils n’étaient rien, sauts périlleux…
Le lendemain, Tim attendit que Dick soit parti aux Cloisters puis alla fouiller son tiroir.
J’en étais sûr.
Une boîte de somnifères, une seule, où il ne manquait qu’un seul cachet. Pris, Tim l’aurait juré sous serment, la veille de son arrivée, pour dissimuler les cernes dont on voyait les ombres sous les yeux de Dick. La veille, ce dernier avait parlé beaucoup, mangé peu. Les bonds de la nuit précédente avaient eu un parfum de spectacle, d’illusions, regarde-moi-je-vais-bien !
On n’apprenait pas à une chauve-souris l’art de dissimuler ses émotions, et Tim en était une jusqu’à la moelle des os.
Il passa à l’attaque le lendemain nuit, à leur retour de patrouille. Dick était dans la cuisine en train de préparer un en-cas. Elle donnait directement dans le séjour, un simple bar séparait les deux pièces. Tim se plaça à l’ouverture près du mur, bouchant la sortie. Il savait que Dick n’aurait aucune difficulté à sauter par-dessus le comptoir si ça lui chantait, mais le symbole était là : Tim ne le laisserait pas se défiler.
« Qu’est-ce qu’il se passe entre Bruce et toi ? »
Dick ne montra aucun signe de surprise ou de malaise. Il se retourna, posa le plateau avec les mini-sandwichs et les jus de fruits sur le bar et répondit en haussant les épaules :
« Rien de particulier par rapport à d’habitude.
- D’habitude Bruce grommelle et guette tes messages. Toi tu râles après lui. Là, Bruce recommence à se perdre dans la Mission et à la maison il sort pas de son bureau ou alors c’est pour errer dans les couloirs comme une âme en peine. »
Il surveillait l’expression de Dick. Ce dernier pinça les lèvres mais refusa de le regarder.
« Toi, tu prends des somnifères pour essayer de me faire croire que tu passes pas tes heures en patrouille pour pas avoir à rester seul chez toi. »
Cette fois, Dick redressa la tête.
« Tu as fouillé mes tiroirs ? »
Tim leva les yeux au ciel.
« Tu croyais que je verrais pas ? demanda-t-il d’un ton à la fois blessé et énervé.
- Je n’ai pas envie d’en parler, Tim.
- Je vais pas vous laisser vous déchirer sans rien faire ! Je supporte pas quand vous vous parlez pas. J’ai l’impression d’être un enfant de divorcés. »
Cette fois, Dick se tendit, imperceptiblement, mais c’était là. Les épaules plus droites, le regard méfiant, sur la défensive.
« N’exagère pas.
- Je suis pas aveugle. J’ai peut-être pas tout de suite compris, mais…
- Tim. Non. »
Tim se tut, pris de court. La voix de Dick avait failli se craqueler, il avait senti la fêlure, là, vite cachée.
Vas-y, eut-il envie de dire. Je peux te porter. Je peux t’aider, t’as pas besoin de me ménager, je peux te soutenir comme tu m’as soutenu.
Il se rapprocha d’un pas hésitant. S’il se taisait… s’il se taisait rien ne s’améliorerait et Tim ne pouvait pas les regarder se détruire lentement comme ça.
« Je peux pas croire une seule seconde que c’est pas réciproque, continua-t-il. Pas vu la façon dont il se comporte avec toi.
- Tim, c’est compliqué, ça n’a pas d’importance et…
- Et c’est Bruce alors j’imagine qu’il complique les choses où il n’a pas besoin. Pourquoi tu l’as laissé t’adopter ?
- J’étais content qu’il le fasse.
- T’étais content qu’il mette une barrière pareille entre vous ? »
Dick prit une inspiration inégale.
Pas pour la première fois, Tim réalisa que sans son masque, son aîné était vulnérable. Là où Bruce et Tim pouvaient rester Batman et Robin même visage nu, Dick, lui, perdait toutes les défenses émotionnelles qu’il leur apportait. C’était logique, quelque part : Dick fonctionnait au toucher, et le masque de Nightwing était une sensation tactile.
Le cœur sur la main, fêlé. Le sourire craquelé comme une mauvaise peinture. Le regard transparent de résignation.
« Bruce, dit-il d’une voix précautionneuse, m’a clairement fait comprendre qu’il ne désirait pas changer l’état actuel de nos relations.
- Après le cinéma qu’il t’a fait ces derniers temps ?
- Ce n’est pas un fait nouveau, continua Dick comme s’il n’y avait pas eu d’interruption. J’ai besoin d’un peu de temps pour me remettre sur pied, mais ça va aller. »
Il lui sourit d’un air confiant.
« D’ici quelques temps tout sera comme avant. »
Tim le dévisagea, incrédule. Dick lui tendit son assiette.
« Tu veux aller te coucher ou on se fait un film ? »

¤¤¤

L’avion de Dick pour Keystone City partait en début de soirée. Il quitta l’appartement en fin d’après-midi, avec peu de recommandations sinon celle de s’amuser.
« Et vous stressez pas, il y a tout ce qu’il faut dans le tiroir de votre chambre », lança-t-il avant de s’enfuir en riant pour échapper à une attaque de Tim.
Conner arriva dans la minute qui suivit.
« Tu attendais qu’il s’en aille ? réussit à demander Tim avant de se faire embrasser avec enthousiasme.
- Je tiens à pouvoir le regarder dans les yeux la prochaine fois que je le vois, répondit Conner quelques instants plus tard.
- Ce qui est déjà un effort, j’imagine.
- Attends t’as vu son cost… heu, pas que je, enfin… »
Tim le fit taire d’un baiser rapide.
« Conner, j’ai besoin que tu me rendes un service.
- Tout ce que tu veux. »

-

Tim se glissa dans le manoir en silence. Bruce devait encore dîner, il était tôt, et avec un peu de chance il ne se serait pas fait porter le repas dans son bureau. Alfred tendait à pincer les lèvres lorsque cela arrivait trop souvent.
La voie était libre. Il pénétra dans le bureau, referma la porte derrière lui, ouvrit la fenêtre et se mit debout sur le rebord, enroulé dans sa cape. La lune n’était pas tout à fait pleine, assez pour l’éclairer par derrière, assez pour l’effet recherché. Bruce ne se laisserait peut-être pas impressionner par une tactique qu’il avait inventée, mais ce serait plus difficile pour lui de ne pas prendre Tim au sérieux.
Une vingtaine de minutes s’écoula avant que la porte du bureau ne s’ouvre. Bruce sentit sa présence tout de suite, l’identifia immédiatement, la referma et avança d’un pas.
« Robin », dit-il d’un ton proche de celui de Batman.
Tim ne répondit pas tout de suite. Il laissa trois longues secondes s’écouler, le temps pour Bruce de réaliser ce qu’il se passait. Tim s’imagina qu’il cligna des yeux de surprise.
« J’ai vu Dick. Je ne sais pas à quoi tu joues mais si tu n’as pas l’intention d’être honnête avec vous deux, tu n’as aucun droit sur lui. Certainement pas celui de te servir de ses sentiments pour le garder à tes côtés et l’empêcher de trouver quelqu’un d’autre. Je ne sais pas non plus quelles sont les raisons de ta réticence, je ne doute pas qu’elles te paraissent légitimes et qu’elles sont parfaitement ridicules. Mais toi tu peux être sûr que je ne te laisserai pas continuer à le blesser comme ça.
» Parle-lui. Ne vous rends pas malheureux pour rien, Bruce. »
Il n’attendit pas la réponse, fit un pas en arrière et sauta dans le vide. Conner le réceptionna immédiatement et dans les secondes qui suivirent ils étaient à des kilomètres du manoir.
« Nightwing. Batman », fit Conner d’une voix étranglée.
Tim ne répondit pas, encore un peu secoué.
« Nightwing et Batman. Et tu as menacé Batman.
- Bruce, corrigea machinalement Tim.
- Tu as menacé Batman. Je ne sais pas si je sors avec le type le plus dingue ou le plus classe existant. »
Tim lui mordit doucement l’épaule.

-

Il leur fallut quelques minutes à peine pour atteindre l’appartement de Dick. Conner vola dans les zones d’ombre et attendit que Tim ouvre la porte-fenêtre du balcon et se glisse à l’intérieur avant de le suivre.
« N’allume pas la lumière avant de fermer les rideaux, le prévint Tim, on pourrait nous voir de l’extérieur. »
La nuit était de toute façon assez claire pour leur permettre de se déplacer jusqu’à un lieu non-exposé. Tim leva la main pour détacher son masque, mais Conner la lui rattrapa.
« Laisse-moi faire ? demanda-t-il tout bas. Ou bien je vais me faire électrocuter ?
- Comme si ça servait contre toi », répondit Tim sur le même ton, le cœur battant plus vite.
Il secoua tout de même la tête ; il n’avait revêtu que le costume de base, celui qui servait le plus souvent aux entraînements ou à voler avec Dick. Plus léger. Plus facile à retirer.
Il sentit les doigts de Conner sur sa tempe, retint son souffle, ferma les paupières. Le masque se détacha sans difficulté.
« Ensuite ? murmura Conner, les mains sur ses hanches, les lèvres sur sa joue.
- La cape… »
Elle résista un peu plus, tomba dans un frou-frou de protestation. Conner l’embrassa dans le cou.
« Après ?
- Ceinture. »
Un simple clic si l’on connaissait le mécanisme, un peu plus long sinon. Conner prit son temps, lui mordilla la gorge, les doigts baladeurs sous la ceinture. Tim étouffa un bruit, passa les bras autour de ses épaules, rapprocha le bassin d’un mouvement instinctif.
La ceinture rejoignit la cape.
Tim se dressa sur la pointe des pieds, se colla contre Conner et retira ses bottes en quelques secondes. Conner défit les lacets de sa tunique rouge ; débarrassé de ses gants, Tim posa une main nue sur sa nuque. Les doigts de Conner touchèrent la peau sous sa gorge, repoussèrent un pan de la tunique et Tim dut détacher les bras de son cou pour les passer hors des manches ; les mains de Conner laissèrent jouer ses épaules sous leur paume, puis une caresse aux tétons avant de lui attraper la taille où la tunique avait chu, où il la fit glisser sur ses hanches, emportant avec elle le haut du collant.
« Je savais que tu ne pouvais rien porter dessous », chuchota-t-il.
Tim lui mordit la gorge, attrapa les pans de son t-shirt et l’aida à le retirer, lui embrassa la clavicule, les doigts sur le bord de son jean, une pression sur le bouton, agile, une main qui descend la fermeture-éclair, une autre qui plonge sans ménagement dans le boxer noir.
« Je n’étais pas toujours certain que tu prenais la peine de porter quelque chose », répondit-il sur le même ton.
Conner lâcha un grondement rauque. D’un effort qui avait l’air surhumain, ce qui tombait bien étant donné son ascendance, il se détacha de Tim et se laissa tomber à genoux.

Un temps indéterminé plus tard, allongé par terre, le bas de ses collants encore accroché aux pieds, ses doigts aux cheveux de Conner, Tim se racla la gorge.
« Hum. »
Conner lâcha un petit rire et remonta s’appuer sur les coudes au-dessus de Tim. Il lui embrassa l’oreille.
Ce n’était pas avec Cassie, ni aucune des filles qu’il avait fréquentées que Conner avait appris à exécuter une telle fellation. Avec un pincement de jalousie, il se demanda auprès de qui il s’était rendu. Si Tim le connaissait. Et d’accord, il n’avait pas le droit de lui en vouloir ni rien, mais… Avant quelques mois plus tôt, Conner n’avait jamais montré d’intérêt pour les garçons. Tim aurait bien aimé être le premier.
« C’est pas pour me plaindre mais… »
Conner se déplaça légèrement. Tim sentit la ligne dure de son sexe contre sa cuisse.
« Je sais de source sûre que la chambre est adéquatement pourvue, déclara-t-il.
- Ravi de savoir que j’ai affaire à des professionnels », fit Conner avec un rire.
Tim lui donna une tape sur les fesses. Conner se releva en l’entraînant avec lui. Il y alla un peu vite, Tim se cogna contre lui. Dans un grognement impatient, Conner lui passa un bras autour de la taille.
« Si tu songes ne serait-ce qu’un instant à me porter jusqu’au lit, je ne réponds de rien.
- … c’est une promesse ? »

¤¤¤

Le réveil sur la table de chevet annonçait minuit. Tim avait un peu faim. Pas assez pour bouger. Il était allongé sur le ventre, la tête tournée vers Conner qui avait fermé les yeux quelques instants plus tôt. Mais ils avaient les doigts entrelacés entre leurs deux oreillers et de temps en temps, le pouce de Conner caressait le sien.
« Alors, dit-il soudain, brisant le silence.
- Mmh ?
- Green Arrow. »
Tim haussa les sourcils.
« … Ollie ?
- Non, l’autre.
- … Connor ?
- Oui.
- … Quoi, Connor ? »
Conner ouvrit les yeux.
« C’était avec lui, ta première fois. »
Voilà qui réglait un problème.
« Oui… »
Conner enfouit la tête dans l’oreiller avec un grognement. Tim ne put retenir un sourire.
« J’allais pas t’attendre 107 ans non plus, répondit-il. Est-ce que je te demande qui c’était, moi ?
- Personne que tu croiseras de temps en temps. Ni que tu devras regarder dans les yeux ou regarder me parler. Ni que je revois, d’ailleurs. »
Tim admit intérieurement que c’était bon à savoir. Il se rapprocha de lui, l’embrassa sur l’omoplate.
« Connor est très heureux avec Roy. Je suis très heureux avec toi. »
Conner se tourna enfin vers lui, un sourire bête aux lèvres.
« Très vrai », déclara-t-il.
Il renversa doucement Tim sur le matelas et vint l’embrasser, à moitié allongé sur lui. Tim glissa les doigts dans ses cheveux.
Il sentait presque le cœur de Conner battre contre le sien.

¤¤¤

De retour de la tour des Titans le dimanche suivant, Tim entra dans un manoir vide d’un de ses occupants habituels. Dans la salle à manger, la table était mise pour une seule personne. Il descendit à la cuisine où Alfred préparait le dîner.
« Bonsoir, Alfred.
- Bonsoir, maître Timothy. Avez-vous passé de bonnes vacances ?
- Très bonnes, merci… Bruce n’est pas là ? »
Il avait posé la question avec un peu d’appréhension, ne sachant pas quelles seraient les conséquences de sa visite-surprise. Il n’avait pas eu de nouvelles depuis, n’était lâchement pas allés en chercher.
Alfred éteignit soigneusement le gaz, puis se tourna vers Tim, le regard rieur.
« J’ai cru comprendre que maître Bruce avait une affaire urgente à régler. À New York. »
Tim écarquilla les yeux ; un sourire spontané naquit sur ses lèvres et s’échappa en éclat de rire surpris. Il s’adossa au plan de travail.
« Hé, murmura-t-il. Qui l’aurait cru ? Même Bruce peut recommencer à vivre. »

(Fin)

Deuxième Partie - Sommaire - Scènes coupées
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