Titre : A l'orphelinat
Auteur : Riordan (Participant 22)
Pour : Atenine (Participant 21)
Fandom : Anastasia
Perso/Couple : Anastasia, mention de camarade Tuberculof, plein d'enfants et des mentions vagues et générales de la famille d'Anya
Rating : Tout public
Disclaimer : Rien à moi.
Résumé : Annie à l'époque de l'orphelinat, sa relation avec les autres enfants. Détail facultatif : si tu pouvais traiter en plus un peu de son amnésie ça m'intéresserait aussi.
Note : J'espère que cette petite fic te plaira, et remplie les critères que tu souhaitais lire.
01. Kasian
La foule était déchaînée et tout le monde courrait dans tous les sens. Le chaos reignait dans la ville, l'épicentre aux alentours du palais, et la plupart des gens essayait de fuir de peur de faire parti des dégâts collatéraux alors qu'une petite poignée de curieux voulait s'approcher le plus possible du palais royal pour découvrir l'ampleur des dégâts et grappiller ce qu'ils pourraient des richesses que Kasian savait à présent perdu. Kasian était un des gardes du palais. Il faisait parti de la garde d'élite qui veillait sur la famille Romanov et en particulier sur les enfants. Il avait toujours aimé ce travail, surtout la présence d'Anya. Il savait que c'était une princesse et qu'il n'avait rien à faire avec elle mais il aimait l'accompagner partout car elle était toujours pleine de vie et n'hésitait pas à l'inclure à ses jeux. Il devait souvent se retenir d'exprimer son bonheur à jouer avec elle et devait se forcer à se souvenir de la réprimander lorsqu'elle allait trop loin, mais elle comme lui savait que jamais il n'était très sérieux dans ses brimades.
Lorsque le chaos avait démarré il avait voulu se jeter sur Anya pour la prendre dans ses bras, la protéger dans son étreinte et la sauver en l'emmenant loin d'ici. Seulement il n'avait pas pu et l'avait perdu de vue dans le mouvement de foule qui avait suivi l'acte destructeur de Raspoutine. Il cherchait frénétiquement sa trace dans les rues de Moscou lorsqu'il aperçut sa figure familière étendue le long d'une ligne de tramway. Sa chevelure rousse contrastait avec la boue dans laquelle elle était étendue faisant ressortir sa frêle figure d'enfant. Les passants ne prêtaient pas attention à son corps allongé là, comme si ils avaient tellement l'habitude de voir les gens s'effondrer sur le trottoir qu'ils ne se souciaient guère d'un corps de plus. Kasian sentit son coeur s'accélérer à l'idée qu'elle pouvait être morte. Il se précipita aussi vite qu'il le put vers elle et la prit dans ses bras avant de s'éloigner en courant vers un endroit plus calme. Lorsque enfin il se retrouva seul avec Anya dans une petite ruelle, il s'agenouilla et déposa la petite fille sur ses genoux. Tendrement, il remit ses cheveux en place et se pencha vers son visage. Il entendit une respiration faible mais présente. Il sourit. Sa petite princesse était en vie. Il retira alors son manteau et enveloppa la petite fille dans le vêtement chaud avant de la reprendre dans ses bras et de se diriger hors de la ville. Il n'avait pas de plan, ne savait pas quoi faire mais il avait conscience qu'il fallait l'éloigner du centre du chaos. Sa vie était en danger et il devait la protéger.
Il marcha longtemps dans la neige et le froid, ne sachant pas bien où aller ni que faire. Il ne pouvait pas garder l'enfant. C'était une princesse et il n'était rien qu'un garde, mais surtout il ne ferait jamais accepter à sa femme le risque de garder Anastasia avec eux. Que pourraient-ils faire d'elle ? Comment expliquer sa présence au voisinage ? Et surtout comment la nourrir maintenant que Kasian n'avait plus d'emploi ? La garde finit par s'asseoir sur une grosse bûche étendue sur le bord de la route. Il déposa Anastasia sur ses genoux et l'observa pendant un long moment. Sa respiration était devenue plus forte et plus rassurante. Il lui caressa les cheveux tendrement alors qu'il essayait de réfléchir à une solution pour elle. De longues minutes s'écoulèrent et avant qu'il n'ait eu le temps de trouver une solution, il sentit le corps de la petite fille bouger le long de son torse. Il baissa son regard sur elle et vit qu'elle ouvrait lentement les yeux.
-Bonjour Anya.
-Bonjour, répondit-elle automatiquement. Sa voix était rêche comme si les paroles avaient du mal à franchir la barrière de sa gorge.
Kasian lui sourit et voulu lui présenter ses condoléances pour le reste de sa famille mais il n'arriva pas à trouver les mots et resta silencieux.
-Qui êtes-vous ?
Anya se releva doucement pour se mettre en position assisse et mieux observer l'homme qui était avec elle.
-C'est moi, Kasian. Tu ne me reconnais pas ?
Le garde était perplexe. Ils avaient passé tellement d'heures ensemble qu'il ne comprenait pas comment elle pouvait ne pas le reconnaître.
-Kasian...
L'intonation de sa voix était curieuse, comme si la petite fille testait le prénom sur sa langue, comme si le prononcer allait faire remonter des souvenirs à la surface mais son regard resta perplexe, ne trouvant pas d'écho de ce nom dans sa mémoire.
-Vous m'avez appelé Anya. C'est mon prénom ?
Kasian fronça les sourcils.
-Bien sûr princ...
Il s'arrêta soudainement. Etait-il possible qu'elle ait perdu la mémoire, qu'elle ne se souvienne de rien ?
-Oui. C'est ton prénom. Anya. Tu ne te souviens pas ?
La petite fille fixa le garde, les yeux pleins d'attente et de doutes. Le garde pouvait voir qu'elle essayait de se souvenir, qu'elle essayait de retrouver des fragments de sa vie avant cet instant. Son regard devenait de plus en plus apeuré et Kasian comprit alors que sa princesse ne se souvenait pas de son identité. Il l'enlaça dans ses bras et la serra fort contre son coeur.
-Ce n'est rien... Ce n'est pas grave...
Ils restèrent ainsi de longues minutes avant que Kasian ne relâche son étreinte et laisse Anya parler de nouveau. Ses yeux étaient humides mais le garde pouvait voir qu'elle n'avait pas laissé de larmes couler le long de ses joues. C'était bien son Anya ça et il ne put s'empêcher de sourire à cette pensée.
-Et vous... vous me connaissez, questionna-t-elle timidement.
-Je...
Il hésita un instant. Si il lui révélait qui elle était il la replongerait dans le danger alors que si il faisait semblant de ne pas la connaître, d'être un inconnu qui l'avait trouvé le long de la route alors il pourrait la protéger. Si elle ne se souvenait de rien, la vie de palais ne pourrait pas lui manquer et sa famille non plus. Elle serait sauve, vivante et sauve. Elle aurait une vie à elle. Ce ne serait pas la vie glamour et magique de princesse mais elle pourrait construire sa propre destinée.
Il secoua sa tête en signe négatif, son regard fuyant celui de la petite fille le temps de trouver le courage de lui mentir, de briser sa vie de paillettes à jamais.
-Non. Je t'ai trouvé le long de la route. Tu était endormie alors je t'ai emmitouflé dans mon manteau pour te réchauffer.
Le regard plein d'espoir de la petite fille s'assombrit soudainement.
-Alors... alors vous ne pouvez pas me ramener chez moi.
Kasian secoua la tête. Non, il ne le pouvait pas.
-Mais alors... qu'est-ce que je vais faire ?
Sa voix tremblait à ces paroles, comme si elle essayait de lutter contre la peur qui l'envahissait.
Kasian ne sut pas quoi répondre alors il se contenta de la serrer de nouveau contre lui en lui caressant tendrement les cheveux pour la rassurer.
Il observa la route autour de lui. Il n'avait pas fait très attention à la direction qu'il avait pris, ni même où il avait atterri au fil de ses pas, mais soudainement il reconnu l'endroit. Il était déjà venu dans ce lieu. C'était la route qui menait à la maison de son cousin par alliance. Il n'y avait pas mis les pieds depuis plusieurs années mais il se souvenait de la route et de la neige qui envahissait le paysage tous les ans à cette époque, faisant croire au monde que plus rien n'existait d'autre que ce manteau blanc. Il ne pouvait pas la déposer chez son cousin, c'était une évidence tout comme il ne pouvait pas la ramener chez lui. Mais si il se souvenait correctement il y avait un orphelinat non loin de là. Il pourrait sûrement l'y déposer. Il pourrait prétendre qu'il l'avait trouvé le long de la route et que la petite fille ne se souvenait de rien. Cela n'était pas un mensonge, pas réellement. Il l'avait bien découvert le long d'une route, seulement cela avait été une route citadine et non une route de campagne. Mais ça n'avait pas d'importance. Il prétendrait qu'il ne la connaissait pas et que comme elle ne se souvenait de rien il préférait la déposer dans cet orphelinat où elle serait en sécurité auprès d'autres enfants plutôt que de la laisser mourir le long de la route. Il sourit amèrement. Elle serait saine et sauve là-bas. Il savait que sa vie serait difficile mais elle serait saine et sauve et aurait une chance à la vie. Sa décision était prise. Il la déposerait à l'orphelinat dans quelques heures, le temps de trouver le courage de se séparer d'elle à jamais.
02. Anya
-Tu aurais pu être la sixième fille d'un soldat français, s'exclama Tom en sautillant sur ses jambes, une branche à la main, prétendant que c'était un fusil.
Anya éclata de rire.
-Mais bien sûr, et qu'est-ce que je ferais perdue en Russie ?
-Ah bah ça j'en sais rien, admit le petit garçon.
-Non, moi je suis sûr que tu était la fille d'un baron français venu lors de la réception au palais, rétorqua Stan en parodiant une courbette devant Anya.
Sofya le poussa pour le faire s'écroulait dans l'herbe.
-Mais non, pourquoi devrait-elle être française puisqu'elle ne parle pas un mot de français, corrigea Sofya. Non, elle est russe comme nous. Mais ça se trouve, c'était la fille d'un prince ou même du tsar ! Après tout on se sait pas ce qui est arrivé à la princesse Anastasia, renchérit-elle sur un ton énigmatique.
-N'importe quoi, s'exclama Stan en finissant de se débarrasser de la terre sèche qui s'était agglutinée sur son pantalon lors de sa chute.
-Non, je ne suis probablement que la fille d'un paysan ou quelque chose comme ça, déclara Anya.
-Mais c'est pas drôle ça, ronchonna Tom.
Non ce n'était pas drôle, ni même excitant comme passé mais Anya avait appris à ne pas espérer à plus que cela face à ses amis et aux autres enfants de l'orphelinat.
-Les garçons ! Il ne va pas se réparer tout seul le toit ! Et vous là-bas les filles, c'est qui qui va s'occuper du repas si personne ne le fait !
Camarade Tuberculof venait de sortir sa tête de son bureau pour râler une énième fois de la journée sur les enfants. Anya ne leva même pas son regard vers la gardienne et se leva en ronchonnant pour la forme comme les autres enfants.
-A tout à l'heure, entonna-t-elle vers Tom et Stan alors qu'ils se dirigeaient en trainant des pieds vers l'échelle autour de laquelle un petit groupe de garçons était déjà amassé.
Quelques minutes plus tard Anya était dans la cuisine avec Sofya et les autres filles de l'orphelinat à s'occuper du repas pour le soir et surtout à finir les préparations pour l'hiver. Les derniers beaux jours de l'automne étaient en train de s'écouler et bientôt ils n'auraient plus l'occasion de trouver à manger si facilement que pendant les belles saisons et il leur fallait impérativement finir de préparer leurs réserves d'hiver. Anya s'assit à côté de Sofya et commença à éplucher des pommes de terre. Ses gestes étaient experts et elle regardait à peine ses mains. Elle avait pris l'habitude depuis qu'elle était arrivée à l'orphelinat et ces mouvements étaient devenus quotidiens et banals. Elle n'y prêtait même plus attention et pouvait les effectuer les yeux fermés. Pourtant il y avait une grâce dans la position de ses mains et dans la précision de ses gestes qui l'avait toujours intrigué. Elle avait remarqué cette différence avec les autres enfants. Lorsqu'elle était arrivée, ses mains avaient été blanches, lisses et douces au toucher. A présent elles étaient plus régulièrement noircies que blanches et leur douceur n'était plus qu'un souvenir d'antan, mais malgré tout une certaine grâce était restée présente dans ses mouvements. C'était ce genre de détails associés à son collier en or qui la faisait douter qu'elle pusse être fille de paysan. Pourquoi une petite fille de ferme aurait eu les mains lisses et comment aurait-elle pu acquérir un pendentif si joli ?
-Sofya... tu crois vraiment que je peux être la fille d'un noble ?
Le regard d'Anya était empli de doutes et de fragilité. Elle ne laissait pas souvent transparaître ses émotions, surtout avec les garçons, mais là elle ne voulait pas jouer et prétendre. Elle avait peur et sentait l'angoisse présente en elle prendre une place de plus en plus importante dans son ventre. Elle savait que c'était idiot mais elle avait encore des montées d'angoisses et de peur incontrôlable lorsqu'elle essayait de penser à son passé et de retrouver ses souvenirs. C'était comme si quelque chose la traumatisait et lui faisait peur, comme si son cerveau ne voulait pas qu'elle se souvienne parce que cela serait trop douloureux pour le moment.
-Pourquoi pas ? Ca serait magique, sourit-elle tendrement.
Anya sourit légèrement en voyant son amie la prendre au sérieux.
-Mais alors pourquoi est-ce que je serais ici ?
-Tu te rappelle que tu es arrivée le soir de la destruction du palais. Peut-être que tu t'es perdue dans le chaos et que ta famille ne t'as pas retrouvé depuis ?
Anya réfléchit un instant. Elle avait souvent envisagé cette option, cela paraissait logique quand elle y pensait mais elle s'était toujours forcée à ne pas réellement y croire. C'était insensé et ne faisait que créer des espoirs infondés en elle. Mais entendre son amie lui parler sincèrement et croire en ce qu'elle disait, Anya se mit à espérer. Si même Sofya pensait comme elle alors peut-être que c'était vrai, peut-être qu'elle avait une famille quelque part qui l'attendait. Anya commençait à se perdre dans ses pensées, échafaudant des théories sur ses origines et en oublia la présence de Sofya pendant un instant avant que cette dernière ne prenne la parole et ajoute :
-Ou alors t'es la fille d'un voleur qui aurait dérobé le pendentif pour toi mais qui aurait été obligé de t'abandonner pour partir à la conquête d'un trésor encore plus grand. Tu imagine, tu aurais pu avoir une vie d'aventures.
Son ton était moqueur et ses yeux rieurs. Pour toute réponse Anya lui tira la langue et lui donna un coup d'épaule.
-Moi j'préfère être une princesse.
-Oh madame n'est pas satisfaite avec l'idée de vivre l'aventure de voleuse de grands chemins.
Sofya finit sa phrase en éclaboussant Anya avec l'eau des pommes de terre. Anya lâcha instantanément son couteau et sa patate et se mit à courir derrière son amie qui s'était levée et commençait déjà à courir vers l'extérieur pour échapper aux représailles d'Anya. Cette dernière oublia alors toutes ses pensées sur son passé, ses doutes et la panique qui était montée en elle. Elle était à l'orphelinat et elle n'avait pas besoin de famille. Elle avait Sofya, Stan et Tom. Elle n'avait pas besoin d'un palais ou d'un repère malfamé lorsqu'elle avait ses amis, sa famille et son foyer ici, près d'elle et toujours présent pour elle.
03. Boris
Un petit garçon pas plus âgé que dix ans fut projeté en avant dans la neige. Son visage s'enfonça dans l'épaisseur froide et moelleuse du long manteau blanc qui recouvrait la Russie depuis des semaines. Il n'y prêta pas attention. Cela était loin d'être la première fois qu'il se retrouvait tête la première dans la neige, et sûrement loin d'être la dernière pensa-t-il alors qu'il commençait à se relever lentement. Une fois debout, il découvrit un attroupement d'enfants de tous âges autour de lui. Il resta sans bouger et sans rien dire. Ca c'était nouveau. Il n'avait pas pour habitude de se faire scruter ainsi, et encore moins pas une dizaine d'enfants. Il eu l'impression que cette observation dura une éternité mais en réalité seulement quelques secondes s'écoulèrent avant qu'une petite fille à la chevelure de feu s'avance vers lui, main tendue, en déclarant :
-Bienvenue dans notre domaine.
Le petit garçon lui serra tentativement la main.
Elle décocha un sourire à s'en décrocher la mâchoire, comme si le parc dans lequel ils se trouvaient était une des merveilles du monde.
-Moi c'est Anya. Lui là-bas avec le chapeau rouge c'est Tom, là dans sa veste bleu c'est Sofya et celui avec les chaussures vertes c'est Stan. Et toi ?
-Euh... Boris, répondit timidement le nouveau venu.
-Bienvenue parmi nous Boris. T'as quel âge ?
-Dix ans. Je crois, ajouta-t-il dans un murmure.
-Alors c'est parfait que tu sois tombé sur nous. On est les neuf à onze ans.
Boris les regarda perplexe mais n'eut pas le temps de questionner Anya car à ce moment des cris déchaînés se firent entendre et la foule d'enfants s'éparpilla en une fraction de secondes avant que Tom ne s'exclame :
-Tous aux abris !!!
La petite bande qu'il venait de rencontrer se précipita vers un talus de neige et sans demander quoique ce soit Boris les suivit alors qu'un autre groupe d'enfants s'élançait vers eux, boules de neige en main. Il eut tout juste le temps d'atterrir derrière le talus avant que le premier missile ne vienne s'éclater à l'endroit où son torse s'était trouvé quelques secondes auparavant.
-Ca c'est les douze-quatorze ans, lui expliqua Anya essoufflée par la course soudaine dans le froid glacial. Nos ennemis jurés.
-Oh Anya, arrête de parler, on a un fort à défendre.
Pour toute réponse elle tira la langue à Stan mais ne se remit pas à parler et sans plus attendre commença à construire des boules de neige à envoyer sur l'autre groupe d'enfants. Boris l'imita, ne sachant pas bien quoi faire d'autre. Il venait tout juste d'arriver dans cet orphelinat et déjà il était bombardé de neige par d'autres enfants. Il n'était pas bien sûr de ce que cela signifiait et il ne préférait pas y penser. Il préférait plutôt se focaliser sur cet autre petit groupe avec qui il était en train de défendre un talus de neige. Il aurait bien le temps plus tard d'analyser ce qui venait de lui arriver en à peine quelques minutes de vie dans l'orphelinat.
Il ne sut pas combien de temps s'écoula avant qu'il n'entende une grosse voix adulte hurler par-dessus le chahut des enfants.
-Finis la récréation les mioches ! Y'a le parquet à laver, votre repas à préparer si vous ne voulez pas mourir de faim, et des couvertures à tricoter !
Boris eut à peine le temps de lancer un regard dans la direction de la voix avant que la figure ne disparaisse mais il reconnut sans mal la femme qui l'avait balancé dans la neige un peu plus tôt dans la matinée.
Tous les enfants aux alentours grognèrent pour la forme avant de se diriger lentement et en trainant des pieds vers la grande bâtisse qui constituait leur maison depuis qu'ils avaient traversé ses portes pour la première fois.
La journée se déroula dans un éclair d'éclats de rire, de grondements ignorés, et de tâches ménagères en tout genre. Boris n'avait jamais connu une journée aussi éreintante que celle-là. Depuis qu'il était orphelin il avait passé son temps à réaliser divers travaux pour gagner sa nourriture ou un abri pour la nuit, mais jamais il n'avait été aussi épuisé par une journée de travail. Cela n'avait pas réellement était les tâches à effectuer qui l'avaient autant éreinté. Il devait bien avouer qu'elles avaient été plutôt facile. Nettoyer un parquet était quand même plus simple que de se faufiler sous une machine brûlante de vapeur, mais pendant qu'il travaillait pas une seule fois le petit groupe qu'il avait rencontré le matin ne s'était arrêté de parler et de se "battre" avec les douze-quatorze ans comme ils les appelaient. C'était comme une guerre perpétuelle et apparemment il en était maintenant un membre à part entière, intégré d'emblée chez les neuf-onze ans sans que personne ne lui ai rien demandé. Il aurait tout autant aimé rester dans son coin et se mêler de ses affaires jusqu'à ce qu'il aurait pu s'enfuir de l'orphelinat mais personne ne lui avait demandé son avis sur le sujet et il n'avait pas eu le choix. Alors entre deux coups de serpillère, il avait vite appris à se baisser en un quart de seconde pour ne pas se prendre un savon dans la figure, et avait appris à éclabousser le groupe adverse "sans le faire exprès" mais juste parce qu'il était très maladroit.
Allongé sur sa paillasse pour la nuit, Boris pensa que finalement il n'avait peut-être pas passé une si mauvaise journée que cela. Certes elle avait été la plus fatiguante de sa vie, mais si il était honnête avec lui-même, elle avait aussi été la plus excitante qu'il ait passé depuis des mois. Il n'avait plus l'habitude de jouer avec d'autres enfants, du moins pas comme cela. Alors qu'il sentait le sommeil l'emporter, il jeta un dernier coup d'oeil autour de lui. Il y avait Stan qui dormait juste à côté de lui, emmitouflé dans uns grosse couverture et serré le long de Sofya pour gagner un peu plus de chaleur. De l'autre côté il y avait Tom et sa paillasse collée le long de celle d'Anya. Ils semblaient tous endormis dans un sommeil profond à part Anya qui faisait tournoyer un pendentif entre ses doigts. Il aurait voulu l'observer un peu plus longtemps et lui demander ce que c'était mais le sommeil le rattrapa et il s'endormit sans plus penser à rien d'autres que les bras de Morphée.
04. Anya
Anya était étendue sur sa paillasse, emmitouflée dans une maigre couverture qui ne la gardait pas autant au chaud qu'elle l'aurait souhaité mais cela n'avait pas tellement d'importance. Elle était habituée à présent à ne pas avoir réellement chaud en hiver. Le froid faisait parti intégrante de sa vie et c'était à peine si elle le remarquait réellement si les températures ne descendaient pas plus bas que d'habitude. Elle savait également qu'elle faisait partie de ces enfants qui avaient la chance d'avoir un toit au-dessus de la tête et des repas réguliers, ce n'était pas le grand luxe mais au moins elle avait le minimum vital.
La petite fille jeta un regard aux alentours. Tout le monde était endormi. Elle glissa sa main sous son col et en sortit son pendentif. Elle fit tourner le motif dans la lumière pâle de la lune pour en faire briller les reflets. Elle avait passé des heures à observer ce pendentif depuis son arrivée à l'orphelinat quelques années plus tôt, espérant qu'il lui ramène la mémoire. Il était tout ce qu'elle avait de son passé. Il n'était pas bien étendu de part son jeune âge et elle savait qu'elle avait tout un avenir à construire mais elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir incomplète, comme si elle possédait un défaut de fabrication, et en quelque sorte c'était vrai, elle n'était pas complète. Elle savait qu'elle avait une famille, tout le monde en avait une ou en avait eu une. Mais elle c'était différent. Tous les enfants ici n'avaient plus de famille. Ils l'avaient quitté, s'étaient fait abandonner, ou étaient les seuls survivants de leur lignée. Mais elle n'était aucun des trois. Elle en était convaincue. Ce pendentif, cette marque qu'elle avait toujours eu avec elle devait forcément signifier qu'elle avait été perdue et que quelqu'un, quelque part cherchait après elle. Si elle avait quitté sa famille elle n'aurait pas pris la peine de s'encombrer d'un collier lui rappelant le passé. Si elle s'était faite abandonner sa famille ne lui aurait pas laissé de trace de son passé. Elle avait bien pensé que sa famille pouvait être morte et qu'elle était la seule survivante. Elle avait longtemps analysé cette situation qui pouvait expliquer sa perte de mémoire et la conservation de ce bijou mais elle avait beau avoir passé des heures à essayer de se convaincre que cette option était la vrai, la plus logique, elle n'arrivait pas à s'en convaincre, pas réellement. Quelque part en elle un cri s'élevait toujours pour repousser cette option. Non, sa famille n'était pas morte et quelqu'un l'attendait. Elle en était sûre. Elle avait des rêves, des images fuguantes qui flottaient devant ses yeux à chaque réveil. Des images de chaleur, de danses, de rires et d'étreintes. Des images de sa vie passée. Elle ne pouvait pas l'expliquer mais elle le savait au plus profond d'elle. Elle avait essayé d'en parler avec les autres mais personne ne la prenait jamais au sérieux, personne ne voulait croire qu'elle pouvait avoir vécue dans un endroit brillant de mille feux ou l'amour avait coulé à flot. Tout le monde commentait que si sa famille l'aimait vraiment il ne l'aurait pas laissé atterrir dans cet orphelinat et que ses convictions n'étaient qu'un refus naturel mais stupide et qu'il faudrait qu'elle arrête de rêver. Mais elle n'écoutait pas ces paroles-là parce qu'elle sentait au plus profond de son âme que c'était faux et même si elle ne pouvait pas l'expliquer elle savait que c'était elle qui avait raison. Elle avait atterri dans ce lieu pas parce qu'elle n'était pas aimée mais parce qu'elle avait été perdue.
Elle n'était pas idiote, elle savait bien que la destruction du palais, suivit de la révolution de 1917 avait décimé des familles entières et que la sienne avait du faire partie du lot. Elle savait que beaucoup avait fui et ne pouvait pas forcément revenir et elle était convaincue que c'était le cas pour sa famille. Son pendentif l'invitait à Paris. Sa famille devait être là-bas, dans cette ville magique aux milles merveilles. Elle ne devait pas pouvoir venir la chercher et avait du lui laisser ce pendentif comme un signe, un indice pour qu'elle puisse retrouver leur trace.
Anya laissa ses doigts glisser le long des reliefs du pendentif et ferma les yeux. Elle connaissait le moindre creux, la moindre bosse par coeur et pouvait deviner sans problème où se trouvait la pointe de ses doigts sur l'objet en or. Elle se concentra et au fil de son exploration essaya de rattraper les images fuyantes de ses rêves. Elle voulait s'y accrocher, les explorer, découvrir d'autres indices et retrouver la mémoire, mais elle avait beau se concentrer aussi fort qu'elle le pouvait rien ne venait jamais. Les images qu'elle réussissait à capturer étaient trop floues et dès qu'elle commençait à vouloir les éclaircir c'était comme si quelqu'un déversait des gouttes d'eau dessus, diluant les couleurs et les formes pour les faire disparaitre peu à peu.
Anya ouvrit les yeux et se força à retenir ses larmes. Elle ne voulait pas pleurer et se laisser aller. Pleurer aurait été admettre sa défaite, admettre qu'elle n'était pas aussi forte que ce qu'elle voulait et cela ne pouvait pas être possible, ne devait pas être possible. Elle se concentra sur sa respiration et le philtre de lumière pâle qui enveloppait la pièce d'une atmosphère irréelle et petit à petit ses larmes disparurent dans les profondeurs de son corps. Elle se rendit alors compte que sa main était crispée autour de son pendentif. Elle desserra doucement son poing, la douleur du métal dans sa peau commençant à se faire sentir mais elle n'y prêta pas attention. Elle observa une dernière fois le pendentif au creux de sa paume avant de le glisser de nouveau sous ses vêtements. Il tomba sur son coeur et réchauffa instantanément sa peau comme un signe qu'elle avait raison et qu'il ne fallait pas qu'elle abandonne. Là, près de son coeur, à des milliers de kilomètres, d'autres coeurs battaient au même rythme que le sien, pleurant sa perte et priant pour qu'Anya arrive à se frayer un chemin jusque Paris, jusqu'à ces coeurs battants pour elle.
05. Sofya
Sofya entendit l'horloge sonner les douze coups de minuit et sourit. Dans quelques heures elle serait libre et n'aurait plus à subir cet orphelinat. Ce n'était pas qu'elle ne l'aimait pas mais elle était trop limitée entre ces murs. Elle avait envie de découvrir le monde extérieur, de partir à l'aventure, de trouver l'amour et rencontrer de nouvelles personnes autres que des enfants. Faire partie des plus âgés ne lui plaisait pas réellement car il y avait trop de nouvelles responsabilités et la bâtisse paraissait de plus en plus étroite.
-Sofya ? Tu dors ?
Le coude d'Anya frappa gentiment ses côtes.
-Nan.
-Je crois qu'il va falloir réveiller les garçons par contre.
Dans toutes autres circonstances Sofya aurait été heureuse à cette idée de pouvoir réveiller ses amis en pleine nuit. Elle leur aurait sauté dessus ou déversé un seau d'eau glacé sur la figure mais en cette occasion elle ne pouvait pas se permettre de réveiller les autres pensionnaires. Tant pis... elle préférait sacrifier ce petit plaisir plutôt que de devoir expliquer ce qu'elle faisait debout à minuit à réveiller tout le monde.
-Ok. Je m'en charge, va dans la cuisine.
Anya ne se le fit pas dire deux fois et s'éloigna à pas de loup vers la porte de la cuisine. Pendant ce temps Sofya alla secouer gentiment ses amis pour les réveiller et en quelques minutes ils étaient tous assis autour de la table de la cuisine sur laquelle était disposée un gâteau improvisé de biscuits, fruits secs et noisettes soigneusement chapardés et récoltés depuis des semaines en prévision de ce moment.
-Alors ça y est, tu t'en vas pour de vrai, déclara Stan un arrière goût amer dans la bouche.
-Oh mais ne t'en fais pas, elle t'écriras bien ta chérie, le taquina Tom qui se prit un coup de poing dans l'épaule de la part de Stan. Tom s'apprêtait à riposter lorsque Boris intervint.
-Et les gars on est censé être silencieux. C'est du carton ces murs et à moins que vous ne vouliez partager ce oh combien magnifique gâteau avec les autres, il va falloir être plus sage.
-Hé ! Je ne te permets pas de critiquer mon gâteau, déclara Anya sur un ton faussement vexé.
Sofya observa le dit gâteau un instant avant d'ajouter.
-Enfin ce n'est pas tout à fait digne d'un restaurant.
Anya lui tira la langue et tout le monde se mit à rire.
Il était vrai que le gâteau ne ressemblait pas à grand chose et le peu de pâte qui maintenait tous les ingrédients ensemble semblait prêt à se casser la figure au moindre déplacement du dessert.
-Toi c'est sûr tu ne vas pas être embauchée comme cuisinière, la taquina Sofya.
-Mais je n'ai nullement l'intention de me faire embaucher comme cuisinière. Avec un peu de chance je travaillerais dans les trains.
Sofya ne dit rien à cette remarque mais elle savait que le désir d'Anya de travailler avec les compagnies ferroviaires provenait de la possibilité de voyager et de s'échapper vers Paris. Elle ne parlait presque jamais sérieusement de son collier et de ses origines mais Sofya savait que cela lui pesait toujours de ne pas se souvenir.
-Tu pourras nous offrir des voyages gratuits, s'exclama Tom, et on pourra tous partir à l'aventure ensemble.
A ces mots il se leva du banc et commença à prétendre qu'il était en pleine chasse, fusil à la main.
-Toi c'est sûr, tu vas être recruté par l'armée, déclara Stan en un éclat de rire.
-Ca serait parfait pour moi.
Sofya acquiesça d'un mouvement de tête.
-Et tant que t'es debout, tu ne veux pas nous sortir des assiettes, demanda Boris.
-Des assiettes ? Monsieur veut faire ça proprement. Moi je suis pour manger sur la table, ça fera moins de vaisselle, dit Anya.
-Et tes manières Anya, taquina Boris.
-Pas besoin de manières là où on va atterrir.
Et sans plus attendre Anya prit le couteau qui était posé sur le table et découpa une part du gâteau pour chacun de ses amis, essayant tant bien que mal de ne pas le faire s'écrouler en un tas de miettes. Instinctivement Sofya se mit à l'aider dans sa tâche. C'était des gestes qui étaient devenus tellement automatique qu'elle ne se rendit pas compte de ce qu'elle faisait. En quelques minutes chaque personne avait une espèce de part de gâteau devant lui. Tom s'était rassit à l'appel de la nourriture et les premiers instants furent silencieux alors que tout le monde piochait avec les mains la partie qu'il voulait manger en premier.
Sofya observa ses amis un instant. Ils allaient lui manquer. Elle n'était pas dupe et savait qu'elle n'allait sûrement jamais les revoir. Ils allaient tous être envoyé à droite à gauche dans les mois à venir et ils s'oublieraient. Sofya eu un pincement au coeur à cette idée. Elle était impatiente de quitter ce lieu et de démarrer sa vie mais elle aurait voulu rester avec ses amis, elle aurait voulu qu'ils partent tous ensemble et se construisent une vie à cinq. Tom les aurait défendu et serait parti à la chasse pour eux, pendant que Stan lui aurait fait inlassablement la cour et que Boris se serait occupé de couper du bois et de construire leur maison aidé d'Anya pendant que elle, Sofya, se serait occupée de la cuisine et des tâches ménagères aidée occasionnellement d'Anya. Oui, cela lui aurait plu. Mais elle savait que c'était irréaliste. Ils étaient un groupe soudé parce qu'ils n'avaient qu'eux à l'orphelinat. Ils existaient hors de la vie réelle en ce lieu. Ils rêvaient, ils jouaient, ils prétendaient apprendre à vivre alors qu'ils n'étaient que des privilégiés ayant un toit et un couvert tous les soirs. Sofya savait que la vie qui l'attendait au dehors serait bien différente et que chacun malgré les apparences qu'ils donnaient avaient leurs rêves et envies. Chacun malgré son attachement à l'orphelinat et aux autres enfants avaient envie de cette liberté et de découvrir le monde par eux même. Tom voulait partir à l'aventure et voir le monde, Boris voulait simplement un job tranquille dans la construction, Stan voulait une famille, et Anya voulait retrouver sa famille. Aucun de ces rêves ne pouvait fonctionner l'un avec l'autre.
A l'instant ou Sofya enfourna une noisette dans sa bouche, Anya lança un morceau de fruit sec vers Boris.
-T'as raison, c'est pas une merveille mon gâteau.
Et sur ces mots elle éclata de rire alors que Boris lui renvoyait une noisette et que Tom prit ce signe comme une déclaration de guerre et se joignit aux hostilités. Et en quelques secondes, ils venaient de démarrer une bataille de nourriture entre eux, éclatant de rire et oubliant qu'il était minuit passé et qu'ils feraient mieux de rester silencieux. Sofya se joignit à eux sans se faire prier, entrant dans les hostilités et les éclats de rire, oubliant que dans quelques heures une nouvelle vie allait commencer pour elle et qu'elle était autant excitée que triste à cette idée. Pour le moment elle n'avait pas à y penser, elle avait encore quelques heures de répit, encore quelques heures à s'amuser de la fixation de Tom sur les armes et l'aventure, à l'indiscipline d'Anya, au calme de Boris, et aux séductions de Stan. Encore quelques heures dans ce monde magique et hors du temps.
06. Anya
Anya bascula en arrière, s'écroulant sur le sol dur et froid de la pièce principale de l'orphelinat. Une ribambelle d'enfants venait de se jeter sur elle, la torturant de chatouilles mêlés à leurs éclats de rire. Anya fit semblant de se défendre pour leur faire plaisir mais en réalité elle profitait de ce moment et espérait qu'il puisse durer encore longtemps. Elle était la dernière de son groupe d'ami à vivre encore à l'orphelinat, même si cela n'était vrai que pour les prochaines vingt-quatre heures. Camarade Tuberculof venait de lui trouver un emploi dans une poissonnerie et bientôt Anya allait devoir pénétrer dans le monde réel, abandonnant tous ces enfants à l'orphelinat. Elle était devenue la plus âgés et avait pris le rôle d'une grande soeur et d'une mère pour ces enfants. Avec ses amis, ils avaient déjà eu ce rôle mais cela avait été moins proéminent que depuis les quelques semaines où Anya s'était retrouvée seule. Elle n'avait plus eu personne avec qui échafauder des plans d'avenirs et des jeux idiots alors elle s'était donnée corps et âmes aux plus jeunes, leur offrant sa bonne humeur et son amour, deux choses qu'elle savait pertinemment que Camarade Tuberculof n'allait jamais leur donner. Au bout de longues minutes les enfants la laissèrent s'enfuir de sous leurs doigts agiles mais ne la laissèrent pas se relever, se blottissant contre elle, leurs corps réchauffant le sol.
-Tu dois vraiment partir demain, demanda une petite voix provenant de la droite d'Anya.
-Oui. Je vais commencer un travail. Mais ça ne veut pas dire que je vais vous oublier. Je penserais à vous tous les jours en découpant le poisson, et si je peux, je vous en enverrais même pour vos repas.
-Mais qui c'est qui va nous raconter des histoires le soir, demanda une autre voix.
-Vous. Vous n'aurez qu'à vous organiser pour raconter une histoire chacun votre tour.
Les questions continuèrent à fuser ainsi pendant de longues minutes, les enfants s'inquiétant du changement de vie à venir et Anya faisant de son mieux pour les rassurer et leur démontrer que sans elle ils s'en sortiraient très bien. Elle savait qu'ils n'auraient pas besoin d'elle pour continuer à vivre et qu'en quelques semaines ils l'auraient presque oublié, perdus dans leurs nouveaux jeux et leur monde fermé à l'orphelinat.
Cela l'attristait de devoir les quitter et de ne plus pouvoir s'occuper d'eux. Elle n'avait jamais pensé aimer ce rôle de grande soeur qu'elle avait endossé, mais elle avait appris à aimer tous ces enfants qui avaient formé une sorte de nouvelle famille lorsque ses amis étaient tous partis. Mais ils n'étaient qu'une fausse famille et la sienne l'attendait à Paris. Elle ferma les yeux un instant, continuant de répondre mécaniquement aux craintes des enfants avant de les bercer de leurs chansons favorites. Alors que sa voix s'élevait dans les airs, son esprit vagabondait ailleurs, loin des murs de l'orphelinat. Dans une journée elle serait libre de cet endroit, libre de prendre ses décisions et de vivre sa vie. Elle avait envie d'aller retrouver sa famille à Paris, de partir à leur recherche mais elle savait que ce rêve était de plus en plus irréaliste et irréalisable avec le temps qui s'était écoulé. Cela faisait près de dix ans qu'elle avait atterri dans cet orphelinat et elle n'avait pas eu le moindre signe de sa famille. En dix ans tellement de choses avaient pu se passer et sa famille ne l'attendait peut-être plus à Paris. Elle ne savait pas quoi faire. Il serait beaucoup plus simple de commencer une nouvelle vie dans le village de poissonnier, de se marier et de commencer sa propre famille mais son sentiment d'être incomplète était toujours là quoiqu'elle fasse, la tirant vers le passé et l'incitant à le retrouver avant de pouvoir envisager le futur. Anya ferma les yeux et alors que les dernières paroles de la dernière chanson s'élevaient dans les airs, elle se laissa aller complètement à la mélodie et se força à ne pas penser à son passé inexistant avant son arrivée à l'orphelinat. Elle avait encore vingt-quatre heures avant de prendre une décision, vingt-quatre heures d'une vie hors du temps et de la réalité du monde, et elle comptait bien en profiter pour faire tourner en bourrique Camarade Tuberculof comme jamais et bien expliquer aux enfants les règles pour ne pas se faire prendre tout en créant leurs aventures et bêtises. Encore vingt-quatre heures à jouer au grande soeur avant de découvrir le monde et faire de nouvelles rencontres, et qui sait, peut-être même réussir à aller jusque Paris et retrouver sa famille, son passé.