Titre : L'insidieuse constante
Auteur :
anadyomedeThème : Stress post-traumatique + Promesses non tenues + Faim/Famine + Se servir des autres ou être utilisé
Fandom : Everworld
Personnages : Jalil
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à K. A. Applegate
L’autre jour, je me suis réveillé persuadé que j’étais mort. Que c’était bon, que cette connerie de monde parallèle, de dieux cannibales ou simplement tarés me poursuivant, c’était terminé et que quelque part, dans un autre univers, il y avait un moi-cadavre en train de se faire dévorer par des bêtes sauvages.
J’ai presque été content.
Tellement que, je ne sais pas, le stress que ce soit faux, le traumatisme d’avoir vu un malade courir droit sur moi avec une épée, ou n’importe quelle connerie du genre, a fait qu’en me levant, j’ai été tout droit prendre le petit-déjeuner.
Sans détour.
Se lever. Descendre les escaliers. Manger.
Sans aucun détour.
Sans culpabilité.
Et puis ça m’est tombé dessus ma dernière tartine avalée, c’est arrivé tellement fort que j’en ai pleuré, que je me suis mis à trembler et j’ai failli tout vomir, là, tout salir le parquet, et la table, et les murs, et mes mains, mes mains, mes mains.
Je ne sais pas comment j’ai fait pour me lever. Pour marcher. Monter les escaliers. Toucher la poignée, ensuite le robinet ; et de l’eau, enfin, de l’eau pour tout recoller, pour que la terre continue de tourner. Je n’ai même plus pensé à la faiblesse. J’ai lavé sept fois. J’ai essuyé mes mains et j’ai pensé : si je suis mort, alors c’est fini, il n’y aura aucun Jalil sauvé, ce sera juste moi comme un con en train de me mettre la peau en lambeau.
Je crois que ma mère aussi a compris pourquoi en dix secondes j’avais disparu de la table à manger, mais elle a fait semblant de rien. Elle a toujours été assez douée.
A treize ans, elle m’avait surpris à me laver les mains jusqu’à ce que toute ma peau se froisse, jusqu’à ce qu’elle devienne un gant.
Elle avait dit :
« Arrête. Promets que maintenant, tu arrêtes. »
Juste ça. J’avais promis. Et puis j’avais menti
Je ne cherche plus à contrôler ça depuis longtemps. Je ne cherche même plus à comprendre, j’ai oublié cette promesse, je m’en fiche même. Ce besoin affreux, c’est comme une immense faim qui me saute à la gorge vingt fois par jour. Qui se rie tranquillement de moi. Une faim qui n’agite pas mon ventre mais se cogne partout dans ma tête et je la sens jusque dans mes os.
Il faut manger. Il faut se laver.
J’ai rallumé le robinet.
Puis nouveau flash : je n’étais pas mort. Là-bas, dans cet autre monde, je n’étais pas un moi-cadavre, j’étais juste au pauvre crétin en train de suivre David qui est fou amoureux d’une sorcière qui voudrait certainement tous nous voir morts.
Mais je n’étais pas mort et surtout, je ne me sentais pas sale.
J’ai un moi-libre, un moi sans savon, sans eau la plupart du temps et qui prend le luxe de l’oublier souvent. Est-ce que c’est vraiment possible ? Ici, je me suis lavé une nouvelle fois, pour le moi-libre, pour ce bête Jalil remplit de bactéries.
Je me demande quand est-ce que Senna se servira de moi. Parce que je ne me fais pas d’illusions : elle m’a trainé à Everworld dans un but précis mais si elle me tient ici, comment parviendra-t-elle là-bas ?
Est-ce qu’elle a tout arrêté lorsqu’on a franchit son passage ? Non. Non, elle n’est pas encore assez puissante, et elle ne peut pas se servir de moi. Je ne suis pas sale.
Est-ce qu’elle peut tout recommencer ? Peut-être. Si elle devient plus grande. Si elle attrape sa magie, si elle estime que c’est le seul moyen de me prendre.
L’autre Jalil n’y pense pas. Mais ici, j’ai l’impression d’être poursuivit par la terreur que Senna retrouve cette faiblesse en moi.