Titre : Mais ce regard
Auteur :
anadyomedeThème : Promesses non tenues
Fandom : Everworld
Personnages : Les O'Brien
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à K. A. Applegate.
Elle a toujours ce regard, à présent. Ce regard tremblant et accusateur, désespéré comme haïssant, ce regard perdu, perdu et qui répète dans sa tête, une fois, mille fois que c’est sa faute si tout est gâché. S’ils se retrouvent comme deux inconnus naufragés aux dîners. S’ils couchent dans un lit vidé occupé à sombrer et qu’ils se tiennent face à face, dos à dos, et qu’ils ne savent plus où regarder. Chaque parcelle est toute déchirée. Leurs mots sont lentement en train de se brûler.
Elle prie chaque soir. Elle plie les jambes contre le mur. Souvent, elle pleure recroquevillée à terre, la tête entre ses mains. Est-ce que ça passera ? Il l’a demandé hier au Père. Est-ce qu’un jour elle se relèvera et son regard changera ? Parce qu’April… April reviendra, n’est-ce pas ?
Le Père a dit qu’il fallait garder la foi mais ça ne signifie rien. La police n’enquête plus - elle ment en prétendant l’inverse il le sait bien. Alors sa femme murmure. Ses doigts s’agitent sur le chapelet qui en devient tout usé. Epuisé. Un jour, les perles vont se détacher et elle aussi va se disloquer. Lui, alors, il ne saura pas quoi faire.
Toutes les hypothèses ont été soulevées. Les meurtres, les enlèvements, mais où sont les corps alors ? Les coupables après, mais d’abord les corps. Les fugues, les fuites, ce ne serait pas April, non c’est impossible.
April, elle aimait tout ce qu’il y avait à aimer ici. April, elle était tellement heureuse que ça crevait le cœur de la regarder trop longtemps, et l’écouter rire c’était comme reprendre son souffle.
Ils n’ont pas retrouvé sa petite fille. Sa parfaite tendresse, avec ses longs cheveux roux et ses yeux verts qui courait partout. Qui jouait à la marelle enfant, qui était toujours la première sur scène. Son joli printemps qui chantait sous le soleil.
Son épouse le lui rappelle tous les jours avec ce regard. Ce regard délateur, méprisant et terrifié, ce regard qui tuerait parce qu’il n’a pas su protéger ni l’une ni l’autre. Parce qu’April un beau jour s’est envolée. Que sa chambre n’était toujours pas rangée, sa bible fermée et ses cours alignés. Le crayon encore est pointé sur un exercice abandonné et qui le finira à présent ? Et qui entrera un jour dans cette chambre, qui la nettoiera, l’aérera, la videra ? Parce que son épouse travaille à le haïr. Qu’elle prépare toujours le repas mais n’y met plus de sel, parce qu’elle oublie de parler et qu’elle prie jusqu’à ce que ses genoux saignent, qu’elle n’y croit plus pour de vrai mais ne sait plus à quoi se rattacher.
A lui, à quoi ça servirait ?
Il a ramené Senna. Il a créé Senna. C’était il y a tellement longtemps, et il pensait qu’à cet âge-là, il ne s’en souviendrait même pas. Mais non. Elle est arrivée, toute en froideur. Elle a gonflée pareille à une maladie et Senna, personne ne le dit mais tout le monde y pense, a tout éclaté. Elle a jeté son venin jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien dans cette maison. Lui, son épouse, deux éclats de cendres.
Elle prépare encore de la purée, des légumes, des gigots. Parfois, elle fait des tartes qu’elle sert au dessert. Elle garde une photo de son enfant en grand quelle que soit la pièce où elle se rende. Elle sert du vin comme de l’eau, elle boit un peu trop. Elle passe des heures enfermées à cuisiner et le soir, elle en met du temps à se démaquiller. Elle s’allonge près de lui ; il arrive qu’elle cherche sa main et la ramène dans la sienne.
Mais elle a encore ce regard avec lequel elle est en train de les tuer.