Ici seront rassemblés les courts textes autour de l'univers du Dernier cri, à supposer qu'il y en ait plusieurs.
Écrit les 16-17 janvier 2010 pour
marathon_prompt :
Prompt : "Sa bouche était chaude et il ne tremblait pas." [Tous les garçons et les filles, Jérôme Lambert] lancé par
shakeskpRating : R
Résumé : Neuf mois d’attente, et toute une vie
Le premier cri
Jusqu’à ce jour, il n’avait jamais pensé que le silence pouvait être aussi terrifiant. Il n’entend pas l’halètement de sa femme, épuisée par des heures de souffrance et d’effort, le bruit des respiration (des respirations !) qui les entourent, les regards que s’échange l’équipe médicale et qui écorchent ses oreilles plus sûrement que toutes les paroles du monde. Il n’entend que le silence, le terrifiant, terrifiant silence.
Jusqu’à ce jour, il n’avait jamais pensé que le repos pouvait à ce point glacer le sang. Il ne voit pas sa femme qui tente de se redresser, hagarde, le tressautement de ses yeux qui cherchent à voir ce qui n’existe pas, les gestes précis de la sage-femme sur le petit corps sanguinolent, chaud encore du ventre de sa mère et qui ne bouge pas. Il guette, le moindre souffle, le moindre tremblement, a envie d’écarter la femme qui s’affaire sur le petit être (son fils, son fils !) - elle lui fait mal, personne ne voit qu’elle lui fait mal ? - mais ses pieds restent cloués au sol.
« Pourquoi… pourquoi est-ce qu’il ne crie pas ? Pourquoi est-ce qu’il ne crie pas ? »
Il voit sans voir sa femme le scruter du regard, chercher sur son visage des réponses à son incompréhension (on lui donnera le nom de ton père) mais il ne peut que dévorer des yeux les petites mains immobiles (vous verrez, l’émerveillement quand il vous attrapera le doigt pour la première fois), les pieds minuscules (regarde ! il a tous ses orteils !), le corps qui à chaque seconde se fait plus violacé.
« Qu’est-ce qu’il a ? Pourquoi est-ce qu’il ne crie pas ? Pourquoi est-ce qu’il ne crie pas ? »
Il refuse de comprendre la pitié du médecin.
Ce jour-là, ils meurent tous les trois.