Titre: Memento
Lutin-Auteur: Lutin-Vanya
Perso/pairing: Elizaveta & Erzebet Bathory
Note: Si vous ne connaissez pas la légende de Erzebet Bathory, la Contesse Sanglante, je vous conseille de la lire rapidement
ici, mais en fait, ce n'est pas vital !
Répond aussi à la request "Yuri" ! ♥
Memento
Ne me pardonne jamais.
Ne m'oublie jamais
Une multitude de candélabres illuminaient la salle, protégeant ponctuellement l'immense salon de l'obscurité extérieure. Le Château de Csejthe revêtait des allures lugubre ce soir là, et son actuelle propriétaire y tenait. Conserver l'ambiance angoissante et morbide de ce lieu lui tenait à coeur, presque autant que le souvenir de son histoire. Personne n'y venait plus, il ne s'agissait là que de ruines inutiles, étranges, effrayantes, une tâche sanglante dans le paysage désert. Elle aurait pu oublier tout ça, rayer cet endroit de la carte, vivre loin d'ici, abandonner ces horribles fripes d'époques et ces lettres déchirantes. Elle avait refusé. Toute sa raison, que Roderich représentait généralement, l'avait enjoint à abandonner cette femme, à la chasser de ses pensées, mais elle n'y était pas parvenue. Elle avait refusé de la tuer une deuxième fois. Pourquoi ? Seulement pourquoi ? Elle n'était rien qu'une meurtrière sanguinaire, qu'une possédée, comme ils l'avaient dit...
Elizaveta pénétra dans le Grand Salon avec empressement, portant bougies et craies avec grâce, son regard allant et venant de l'imposante horloge aux fauteuils à l'allure royale.
Elle déposa la brillante vaisselle, et les diverses autres choses sur la table de chêne et s'affala dans un moelleux canapé. Son regard se fixa sur ses longues manches sanglantes et ses apparats écarlates. Elle admira un très long instant les dentelles de sa robe si élégante et déglutit nerveusement. Son cœur battait à la chamade, frappant cruellement son estomac à un rythme régulier. La hongroise était admirablement parée, toute de rouge vêtue, un collier de gracieuses perles noires autour du cou, et un corset sombre, très serré, dont elle était une fervente adepte -et Roderich également-. Elle jeta un oeil à la fenêtre et égraina les gouttes de pluie s'écrasant contre la vitre. Elle aimait s'adonner à ce genre d'activité calme lors de ses rares grand moment de stress.
L'horloge sonna le coup fatal de minuit. Elle se leva précipitamment, manquant de tomber, se prenant les pieds dans son encombrante robe, et s'assit à la table de chêne. Elle alluma une bougie, sa main tremblant sans raison apparente et souffla bruyamment. Elle ferma les yeux, ouvrit instinctivement l'énorme et ancien grimoire qu'elle était parvenue à chiper à Arthur et tenta de se concentrer. Elizaveta était une enfant sauvage et une femme farouche, toujours occupée à quelque chose, et malheureusement, l'esprit en permanence ravagé ou simplement occupé par une multitudes de pensées. Il était donc terriblement difficile pour la jeune femme de se focaliser sur cette maudite incantation. Elle s'était pourtant évertuée des jours entiers à l'apprendre par coeur, à réciter tous ces mots compliqués sans que sa langue ne fourche ou qu'elle ne soit obligée de reprendre sa respiration. L'angoisse l'envahissait, et ses acquis des derniers mois semblaient fondre comme de la neige en plein désert.
Elle reprit sa respiration encore une fois, leva la tête, son regard à présent brillant de leur habituelle fureur d'amazone et se focalisa sur les incantations latines qu'elle avait apprises. Elle les récita parfaitement, d'une voix grave et élégante, légèrement tremblante alors que la toute fin approchait. Le cercle qu'elle avait tracé à la craie, quelques heures plus tôt, sur la table de bois sembla s'illuminer. Elle en fut rassurée, les effets étaient tels qu'Angleterre les lui avaient décrit.
«Baszd Meg...» … souffla-t-elle, comme si insulter ce pauvre phénomène magique eût pu la rassurer.
Il y eut un instant de silence, puis plus rien ne se passa. Le cercle redevint blanc, la salle retomba dans l'obscurité, à présent bien faiblement éclairée par la lueur seule des bougies. Elizaveta s'affala sur sa chaise. Persuadée d'avoir encore une fois échoué. Elle aurait voulu que sa raison redevienne sa seule guide, mais aujourd'hui encore, cette année encore, elle n'y était pas parvenue.
Car aujourd'hui commençait à peine la journée du 21 Août. Journée fatidique, emplie de souvenirs douloureux pour Elizaveta, qui encore maintenant, tremblait de peur à l'idée de retourner de ce château. Elle le faisait pourtant à chaque fois, tentant en vain de se rappeler celle qui longtemps lui avait été si chère... Erzebet Bathory, aussi connu sous le nom horrifiant de Comtesse Sanglante. Son histoire, de nos jours connue de toutes les nations, Elizaveta la connaissait par cœur.
Cette jeune femme qui avait été tour à tour son amie, sa confidente et son obsession avait été accusée de meurtres, de tortures et de violences diverses envers adolescentes et petites filles... des centaines dont les corps n'avaient parfois, jamais été retrouvés. Le but d'Erzebet ? La jeunesse éternelle, la beauté sempiternelle la ravageait, en plus du mal dont elle semblait souffrir, à l'époque totalement inconnu, l'épilepsie.
Elle voulait qu'elle revienne. Car la belle hongroise était une mortelle, elle avait disparu, et n'avait pu lui avouer, même in articulo mortis, qui elle était vraiment. Condamnée à mourir, emmurée vivante, Elizaveta n'avait pu lui dire Adieu. Et elle comptait le faire, un jour, car la superbe meurtrière ne cessait de l'obséder, chaque 21 Août, date de sa mort. Elle ne savait pas quoi penser d'elle. Ravagée d'avoir été trompée par ce qui ne semblait être qu'un assassin sanguinaire, Elizaveta avait longtemps tenté de l'oublier. Mais cette idéale entreprise s'était révélée impossible, les belles paroles et les doux gestes de l'enfant qu'elle avait été lui revenaient toujours en tête; l'élégante noble qui l'avait tant aidée la torturait intérieurement. Comment avait-elle pu faire ça ? Lui faire ça ?
L'Immortelle y réfléchissait toujours, la tête dans le puits que formaient ses bras sur la table dure. Elle sanglotait doucement, espérant vainement qu'un miracle se produise, et qu'on lui dise qu'il y avait eu erreur, que sa douce soeur de prénom n'était en rien une tueuse. Mais c'était impossible.
Tristesse et désespoir l'envahissaient entièrement alors que la salle tomba dans l'obscurité complète. Toutes les bougies s'étaient éteintes. Le vent s'infiltra comme un voleur dans le salon, et Elizaveta eut à peine le temps de se lever qu'une mystérieuse forme lui fit face.
Blanche comme un linge, Erzebet la saluait faiblement.
«Szia...Elizaveta..»
La susnommée était debout, mais avait tout à fait l'impression de s'être évanouie. Un immense noir tapissait ses pensées et elle ne parvint qu'a articuler le prénom de sa belle visiteuse pour réponse. Celle ci sourit presque tendrement à la nation et, sans faire de manières, la prit dans ses bras cadavériques.
«Gyönyörű vagy ...» murmura-t-elle simplement.
Elizaveta sembla reprendre conscience, comme si ces douces paroles l'eurent tirée d'un affreux cauchemar. Elle ne parut pas étonnée d'apercevoir sa compagne de jadis, mais véritablement furieuse. La voyant, ici, juste devant elle, la responsable de ses nombreux troubles et de ses maux d'Août -car ils ne survenaient jamais autrement-, Elizaveta ne put se retenir.
Elle était coupable
«Comment oses-tu te montrer ici devant moi, Erzebet ! Je te faisais confiance ! Confiance ! Nous étions amies, n'est-ce pas ? Comment as-tu pu...comment...»
Mais on ne lui apporterait de réponse. Elle se souvenait bien de cet atroce procès. Elle y était venue, toute de rouge vêtue, toute comme aujourd'hui, elle y était venue, le coeur battant, tout comme aujourd'hui. Elle avait tremblé, elle avait pleuré lorsque la sentence était tombée. Elle avait rougit aux accusations, rougi de honte et de colère.
Son Erzebet...
C'était vrai. Elle était coupable. Une sanglante meurtrière, une tueuse sans remords aucun. Elle pouvait lui en vouloir toute l'éternité si elle voulait, car son ancienne confidente ne méritait que ça. Elle pouvait faire durer le procès encore aujourd'hui, et l'accuser de tous ses maux, car cette immonde assassin ne déservait que ça.
Elle ne le ferait pas.
La douleur ne s'arrêterait jamais, sinon avec le temps. Le pardon ne viendrait jamais, sinon avec le silence. Et c'était injuste, affreux, atroce, immonde.
Tout comme cet amour était idiot.
« Ne me pardonne jamais.
Ne m'oublie jamais »
La forme fantomatique sembla se dissoudre dans l'air. La porte se ferma sans que personne ne la pousse, le vent glacial se fit porter pâle, et les bougies se rallumèrent.
Elizaveta souriait. C'était fini.
«Adieu Erzebet. Szeretlek Erzebet»
NOTES:
Baszd Meg: "Fuck Off"
Szia: Salut, "Hi !"
Gyönyörű vagy: Tu es belle
Szeretlek: Je t'aime