Les Losers! > Les idées bleues [2/7] > Un pas en arrière vaut mieux que de ne pas savoir où on va

Mar 20, 2010 12:19

Anthologie: Les idées bleues
Titre: Un pas en arrière vaut mieux que de ne pas savoir où on va
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: Original > Les nouvelles aventures des Losers!
Personnages: les Losers !
Rating: PG
Nombre de mots : 2530 mots
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: Tout est ici. Posté pour flo-nelja dans le cadre d'ecrirepouraider.

"Dites, je ne voudrais pas paraître trop chiant, mais quelqu'un sait où on est ?", voulut savoir Pidgeonboy.

"À vue de nez, je dirais qu'on est dans la merde jusqu'au cou", grommela Spider-chan en essayant de soulever son pied sans perdre sa botte dans la manœuvre.

"C'est de la vase", se sentit obligée de préciser Esoj. "On est dans un marais.

- Oui, ça, je vois bien", précisa le voleur. "Mais on est où ?

- En route pour me redonner une couleur de peau normale", siffla Silent Pascal.

"Et, erhm, bon, je ne veux surtout pas minimiser le fait que tu représentes maintenant une très mineure minorité visible, mais tu sais où tu vas ?", insista Pidgeonboy.

"Au donjon suivant", répondit le demi-elfe, comme si c'était l'évidence même.

"Et... vraiment, je ne voudrais surtout pas que tu penses que je veuille remettre en question ta présente attitude de leader et ça ne me fait totalement rien du tout que tu me voles mon boulot, en passant, mais tu sais où il se trouve, ce fameux donjon suivant ?"

Il y eut une pause, pendant laquelle Silent Pascal essaya de penser avec la partie de son cerveau qui n'était pas furieuse d'avoir la peau bleue. Son cerveau étant assez majoritairement furieux de loger dans un corps bleu, la pause s'éternisa. Une certitude finit par naître dans ses pensées.

"Non, mais on a une carte."

Quelques regards s'échangèrent, nerveux, et Esoj toussota.

"C'est que...

- On n'a pas de carte ?", réalisa, un peu tard, le demi-elfe. "Vous me faites marcher !

- Non, là, c'est toi qui nous fait marcher", siffla Esoj. "Sans même savoir où on va !

- Bien sûr qu'on a une carte", insista Silent Pascal. "Shmae Girl a bien trouvé un parchemin dans le c- dans le lion !

- Elle a trouvé un parchemin", rectifia Esoj. "Pas une carte.

- Tu as vérifié au verso ?", lui demanda le demi-elfe et il y eut un silence.

Un silence poids lourd, tout prêt à se laisser tomber sur Silent Pascal pour l'écraser, lui faire mal et peut-être, si nécessaire, le tuer. Au cas où, les Losers ! qui ne participaient pas activement à cette discussion reculèrent pour éviter de se faire tuer par un mot mortel. La druide prit une grande inspiration, se força à sourire, fit un effort monumental pour ne pas se mettre à tout simplement hurler.

"Oui, j'ai vérifié au verso et il n'y avait pas de carte", elle leva une main avant de se faire interrompre. "J'ai même vérifié au recto et au verso pour de l'encre invisible, de l'encre visible seulement si des conditions précises sont respectés, pour un sort de dissimulation ou un sort d'apparition tardive. J'ai essayé de deux cent trente-six façons de faire apparaître une carte. Carte qui", continua-t-elle, parlant de plus en plus aigu et de plus en plus vite, "n'est pas sur ce parchemin, n'a jamais été sur ce parchemin ET N'APPARAÎTRA PAS MAGIQUEMENT SUR CE DAMNÉ PARCHEMIN MÊME SI TU T'ENTÊTES À VOULOIR QU'ELLE SOIT LÀ !"

Un autre silence suivit. Silent Pascal discuta avec son cerveau, lui demanda d'arrêter une seconde d'être obsédé par la couleur de sa peau et hésita.

"...Alors je nous dirige où, depuis tout ce temps ?

- C'est bien ce qu'on se demande", admit Pidgeonboy.

Il chercha désespérément des appuis de la part des autres, mais ses regards nerveux furent ignorés. Un vide se créa rapidement autour de lui, personne ne voulant être trop près au cas où Silent Pascal décide de réagir en donnant dans la rage violente.

"...Et personne ne m'a arrêté ?

- Tu avais l'air de savoir où tu allais", Esoj haussa les épaules. "De toute façon, ce n'est pas comme si tu nous avais laissé beaucoup de temps pour fouiller le donjon précédent ! Tu es parti comme... comme...

- Comme si j'avais vraiment très envie de retrouver une couleur de peau normale le plus vite possible ?", Silent Pascal soupira et considéra les options. "Bon alors, on cherche au hasard ou on retourne voir s'il n'y avait pas une carte là-bas ?

- On devrait revenir sur nos pas", conseilla Esoj. "Il y a très peu de chances qu'on tombe par hasard sur le prochain donjon. Ce serait étonnant qu'il soit annoncé clairement.

- Il faut faire demi-tour !?", geignit Carpet-Vale.

"Il faut bien", soupira la druide.

"Dans toute cette horrible vase !? Alors que ma jupe est déjà ruinée !?

- Tu as une meilleure idée, peut-être ?", s'énerva Esoj. "Ce n'est pas comme si... comme si on avait un tapis volant pour nous éviter de patauger, tiens !

- Oh, ça va, hein ! Ce n'est pas ma faute si mon frère n'a pas encore rapporté Ursule !"

Pidgeonboy commença à énumérer leurs derniers déboires.

"On a perdu une semaine à patauger dans la vase, on ne sait pas où on va, on doit en plus perdre une autre semaine à retourner à un donjon qui risque fort, connaissant notre chance, de nous tuer... Au moins", sourit-il, "ça ne peut pas-

- Ne le dis pas !", supplièrent les autres, mais ça ne l'empêcha pas de continuer :

"-être pire !"

Un éclair s'empressa de fissurer le ciel et un gros coup de tonnerre - presque un éclat de rire - précéda le déluge. Une fois qu'ils furent tous bien trempés, jusqu'à la moelle et peut-être même plus, Pidgeonboy se risqua encore :

"Bon alors, maintenant, ça ne peut pas être pire !"

Un Shhlooop, shhhloop dégoûtant remua la vase, suivit d'un grognement mécontent. Spider-chan s'approcha du voleur et lui mit une grande claque derrière la tête. Une créature se redressa : haute comme une petite colline, elle était dégoulinante et gluante et ne paraissait pas très heureuse de les voir là. Le sentiment était réciproque.

"Oh, chic !", s'exclama Shmae Girl, toujours prête à voir le bon côté des choses. "Un monstre des marais ! Il paraît qu'ils sont super difficiles à battre !"

Spider-chan encocha une flèche sur son arc ; Silent Pascal dégaina immédiatement ses deux sabres. Carpet-Vale se prépara à lancer des boules de feu qui avaient d'excellentes chances de tous les tuer ; Esoj tourna la tête vers leur bien-aimé leader qui se massait encore le crâne.

"...Tu ne pouvais pas la fermer, pour une fois ?"

Quelques égratignures et plusieurs brûlures plus tard, le monstre des marais était vaincu.

"Pas tellement coriace", se plaignit Shmae Girl. "J'espère qu'on va en croiser d'autres !

- Ne dis pas ça !", avertit Spider-chan, prête à lui mettre une claque à elle aussi. "C'est le genre de réplique qui n'attire que les ennuis !"

Une série de Shhlooop, shluuup, shhllloooooooop dégoûtants remuèrent la vase et trois nouveaux monstres des marais arrachèrent leur corps massif de la vase. Des grognements affamés agitèrent les estomacs des monstres des marais ; des grognements irrités agitèrent les rangs des Losers !

***

Pidgeonboy se présenta au comptoir pour acheter des billets pour la visite guidée.

"J'aimerais six billets, s'il vous plaît", demanda-t-il.

Il déposa une poignée de piècettes sur le comptoir et attendit. Pendant un bon moment. Le guichetier se contenta de le dévisager, bouche grande ouverte. Le voleur lui pointa l'argent.

"Bonjour ? Six billets ?"

Le guichetier bougea, mais seulement des yeux. Il le regarda des pieds à la tête, fit le chemin inverse et décida de continuer à le dévisager. Pidgeonboy haussa un sourcil et se retourna.

"Hé, Esoj ! Je crois qu'il ne parle pas le commun, cet imbécile !"

La druide s'approcha et jeta un coup d'oeil au jeune homme. Elle fit claquer ses doigts devant le visage du guichetier ; il continua de dévisager Pidgeonboy. Esoj secoua la tête.

"Ce n'est pas un problème de langage, il est en état de choc. Si je fais ceci", elle s'étira par-dessus le comptoir et donna une claque au guichetier, qui aussitôt cligna des yeux et reprit vie - Esoj lui sourit.

"Bonjour, je sais que nous ne payons pas de mine, c'est parce que nous venons du marais à côté, quelques monstres n'ont pas du tout apprécié notre visite, vous voyez le genre ? C'est une longue histoire, mais ne vous inquiétez pas, la vase est sèche, nous ne salirons rien. Est-ce que nous pourrions quand même acheter six billets pour la visite ? S'il vous plaît ?

- Euh, bien sûr", le guichetier prit l'argent et l'échangea contre les billets. "Mais euh, vous savez, nous sommes ouverts tard le soir, vous auriez pu prendre le temps de, hm, vous euh, vous nettoyer avant de venir."

Il remarqua la pluie de regards noirs qui s'abattit sur lui.

"Mais euh, c'est vraiment très bien aussi si vous préférez faire la visite couverts de croûtes de vase séchée. Il paraît que c'est, euh, très bon pour la peau, après tout !"

***

"Au moins, ce coup-ci, il ne reste plus de piè-"

Pidgeonboy entendit le Clic ! et se jeta par terre avant que le dard empoisonné lui transperce la gorge. Il releva la tête et s'éclaircit la gorge.

"Il reste moins de pièges, je veux dire", se corrigea-t-il en prenant le temps de regarder autour de lui avant de se redresser.

"Non mais, t'as pas fini de jouer ?", lui reprocha Spider-chan. "On doit trouver cette stupide carte !

- Si elle existe", soupira Esoj en recommençant à fouiller son coin de la pièce.

"Comment ça, si elle existe ?", s'énerva le demi-elfe. "Elle doit bien exister !", il tapa du pied, soulevant un nuage de poussière. "Ça ne veut rien dire, si ça fait plus de dix heures qu'on cherche ! Enfin, si, ça veut dire quelque chose, ça veut dire que la carte est très bien cachée ! Mais-", il tapa encore du pied, "elle doit exister !"

Esoj se redressa.

"Refait ça !", dit-elle rapidement.

"Quoi ? Tu veux encore l'entendre râler ?", soupira Carpet-Vale.

"Non, le truc, son pied, c'est la carte, elle-", la druide, grand sourire aux lèvres, tapa du pied et regarda la poussière se soulever. "Elle est là ! Regardez !"

Elle traîna son pied rapidement sur le sol, pour écarter le plus de poussière possible. Esoj pointa le trait gravé au sol, masqué par des années de crasse. Les autres fixèrent le sol à leurs pieds et dans le même mouvement, se jetèrent à terre pour aider à révéler la carte. La druide se jeta sur son sac pour trouver de quoi la copier.

Quelques heures plus tard, après deux pièges déclenchés par erreur, un troll surprise et une très longue visite aux bains publics locaux, les Losers ! s'établirent dans une petite auberge du coin, Le Prince du Poisson Frit et ils attendaient que l'aubergiste leur apporte des assiettes du fameux poisson frit en question.

Esoj en profita pour étudier attentivement la carte qu'elle avait copiée, la compara à quelques-unes plus récentes. Elle déposa les cartes pour consulter un bouquin, puis un autre, retourna étudier le tracé des cartes. Elle fronça les sourcils, vérifia quelques détails supplémentaires dans un troisième livre et reprit la carte trouvée dans le donjon. Elle jeta enfin un coup d'œil aux autres.

"Alors ?", demanda Pidgeonboy. "C'est très loin d'ici ?

- À un peu plus d'une semaine de route, peut-être bien dix jours si nous ne sommes pas distraits en chemin. Le seul c'est que... Il va falloir, hm... il va falloir retraverser le marais."

Il y eut un silence. Le genre de silence tendu dans lequel passe un très grande nombre d'envies de tuer en très peu de temps.

"...Le marais ?", répéta Silent Pascal, au cas où ils avaient tous mal entendu.

"Le marais", confirma Esoj.

"Celui où on était ? Celui où on a affronté la pluie torrentielle et une douzaine de monstres tous plus laids et puants les uns que les autres ? Celui où il n'y a pas un seul centre d'achats, pas un seul spa, pas un seul coiffeur à des kilomètres à la ronde ? Et personne pour nous faire les ongles ou nous masser les pieds ? Tu parles de ce marais-là, par hasard, ou il y a un autre horrible marais ailleurs qu'il faut traverser ?", demanda Carpet-Vale.

"C'est bien le même marais, oui", leur assura Esoj.

Il y eut un autre silence, pas très long. Le calme avant la tempête de cris de rage, le concert de hurlements furieux et quelques autres manifestations ouvertement outragées. Un fois le calme retrouvé, Esoj essaya de les encourager :

"Il faut prendre ça du bon côté : la traversée se fera sans problème, on a déjà terrassé tous les monstres !"

Ils décidèrent de se mettre en route seulement le surlendemain afin de profiter de la journée suivante pour préparer leurs provisions et s'assurer qu'ils ne manqueraient de rien pendant le voyage. Ils se partagèrent les tâches équitablement, c'est-à-dire que Spider-chan refila tout le travail aux autres, sous le prétexte de devoir se préparer de nouvelles flèches.

Le poisson frit se révéla tout à fait potable, les chambres tout à fait convenables et, de façon générale, hors le marais à retraverser, l'avenir s'annonçait bon.

...Ce qui promettait toujours que ça tournerait mal.

***

Ils ne se revirent que le lendemain à la nuit tombante, pour mettre en commun leurs trouvailles de la journée et partager une autre tournée de poisson frit. Carpet-Vale déposa ses sacs sur la table. Pidgeonboy et Silent Pascal échangèrent un regard.

"La Vie en Dentelle ?", se risqua le voleur, avec une certaine circonspection. "Ce n'est pas une boutique d'équipement pour aventuriers...

- Tu sauras qu'on ne s'attaque pas à une aventure sans sous-vêtements à la fois beaux et confortables !

- Et les sacs de L'Armée du Tutu ?", demanda le demi-elfe.

"Ils avaient des prix incroyables sur les jupes ! Je ne pouvais pas laisser passer ça !

- ...J'espère seulement qu'elle ne nous en a pas achetées", supplia le voleur.

"Et les provisions ?", demanda finalement Esoj.

"Bah, après les boutiques, je n'avais plus d'argent pour ça ! Et vous alors, hein ?", contre-attaqua la magicienne. "Personne n'en a pris ?

- Je devais m'occuper des cartes et c'est ce que j'ai fait", se défendit Pidgeonboy. "J'en ai trouvé une qui détaille très précisément le marais ! Elle m'a coûté cher, mais on pourra prendre une route presque praticable, la vase ne devrait nous arriver qu'aux chevilles la majorité du temps !

- J'ai fait des flèches", Spider-chan haussa la tête et se croisa les bras, défiant quiconque de la contredire.

"Et moi, je suis passée chez l'herboriste pour renflouer notre stock d'herbes médicinales", soupira Esoj.

Les regards se tournèrent vers le demi-elfe.

"Hé, j'avais dit que je devais passer chez le forgeron pour faire afûter mes sabres. Ce n'est pas donné quand on veut du travail de qualité !"

Les regards se tournèrent finalement vers Shmae Girl, qui essayait d'attirer l'attention de l'aubergiste en secouant son menu au-dessus de sa tête. Les regards se détournèrent aussitôt : même si elle avait été en charge des provisions, elle les aurait dévorées avant même de revenir à l'auberge.

"Il nous reste combien ?"

Ils vidèrent leurs poches, comptèrent les pièces et déprimèrent.

"On a de quoi payer l'aubergiste et c'est à peu près tout", constata Pidgeonboy. "On va devoir se trouver un petit boulot dans le coin pour se refaire une beauté financière. Bravo !", siffla-t-il à l'intention de Carpet-Vale.

"Pffft-! Pourquoi je me sentirais coupable ? J'ai trouvé de très belles jupes, ça vaut bien toutes les provisions de la terre !

- Pas vraiment, parce qu'elles ne se bouffent pas", commenta Spider-chan.

(17 février 2010)

univers : les losers!

Previous post Next post
Up