Servir et protéger > Le prestige de l'uniforme

May 08, 2009 21:18

Titre: Le prestige de l'uniforme
Auteur: drakys
Fandom: Original > Servir et protéger
Personnages: Liberica, Mountain et Mara
Rating: PG
Disclaimer: drakys et annaoz
Nombre de mots: 2285 mots
Notes: Posté (tardivement et avec son accord) dans le cadre d'ecrirepouraider pour annaoz. Pour ceux que ça pourrait déstabiliser, Mountain est mi-québécois et parle français québécois avec tout l'enthousiasme et les sacres qu'il faut. [ Post d'informations]

C'était intolérable ! Intolérable ! Il allait enfin faire ce qui s'imposait, ce qu'il aurait dû faire bien avant. Liberica s'installa devant son ordinateur portable après avoir, dans l'ordre : claqué la porte, retiré son veston aux manches trop courtes en le balançant violemment par terre (en le piétinant un peu au passage, pour faire bonne mesure) et fait crier les pattes de sa chaise sur le plancher.

Il allait illico écrire sa lettre de résignation et quitter cette école pourrie où il n'y avait que des nuls et retourner chez lui, pour trouver autre chose à faire de son existence de merde. Après tout, flic n'était pas le seul boulot existant quand on voulait juste n'importe quel job mal payé et sans reconnaissance sociale ! Emballeur à l'épicerie du coin entrait certainement dans les paramètres réduits de ses aptitudes générales.

Il y avait des limites à la fin !

Ce n'était pas sa faute s'il avait à peu près une tête de plus que la grandeur standard pour les uniformes. Est-ce que c'était une raison pour la seconde année en ligne, de lui refiler un veston trop court avec un gentil Oups, on dirait que le tailleur est de nouveau en retard pour vous en faire un sur mesure ? Est-ce que les autres avaient des vestons trop courts ? Non, bien sûr que non, parce qu'ils avaient tous des tailles parfaitement normales.

Liberica laissa tomber son front sur le bureau avec un grand Bang !

Oh, c'était idiot... Il n'allait pas faire une crise pour un veston, vraiment, ça n'avait aucun sens. Surtout que le veston, il s'en fichait au fond. Et puis, va, on dirait qu'il avait des manches trois quarts... Qu'est-ce que ça changeait ?

Il se redressa, de nouveau furieux.

Ça changeait que ce crétin de Mara-pois-chiche-à-la-place-du-cerveau s'était senti obligé de souligner devant tout le monde que Santos avait un joli petit veston dans le même genre, quelle portait les jours libres pour sortir ! Et puis, tout le monde s'était bien marré, ha ha ha, et Mara-zéro-cerveau avait ajouté Ne t'en fais pas ma petite Libbie, Santos n'est pas plus jolie que toi ! Au moins, Santos l'avait vengé - pas que c'était glorieux d'être vengé par une fille - avec deux ou trois insultes choisies pas tellement féminines et en donnant à ce débile protozoaire de Mara un coup de poing sur l'épaule qui avait dû avoir la force de tuer un bœuf. Et Mountain avait souri. Souri !

Liberica avait cru mourir de honte sur place. Ça lui avait prouvé comme ça, à quel point il avait l'air con dans ses vêtements réglementaires trop petits, mal ajustés et son stupide veston aux manches trois quarts !

(Au moins, personne n'avait jugé bon de tuer le peu qui lui restait de fierté en lui soulignant que ses pantalons aussi étaient trop courts.)

Son front retomba avec un bruit sonore sur la surface de son bureau.

"Je suis nul", déclara-t-il à la pièce vide, qui répondit avec quelqu'un qui cognait à la porte. "Laissez un message !", gueula-t-il. "Le nul n'est pas à la maison !

- Laisse-moi entrer", dit une voix, la voix, et Liberica jeta un coup d'œil de bête blessée vers la porte.

Ah oui, voilà, l'Univers, dans sa bonté perverse, lui envoyait Mountain pour panser la plaie ouverte qu'était son existence.

"Non", répondit-il en tournant la tête de l'autre côté pour s'intéresser à un bout de mur. "Tu risques d'attraper ma nullité. Je suis blond après tout, ça doit bien compter comme, je ne sais pas, une maladie infectieuse ou avec de la chance, quelque chose de pire.

- J'ai d'la bière."

Liberica fronça les sourcils. Oh, l'Univers paraissait avoir envie de le regarder se relever avant d'étendre de nouveau la jambe pour qu'il rechute mieux.

"Tu essaies de m'avoir par les sentiments.

- C'est de la blanche~", le tenta un peu plus Mountain et comme pour ajouter à la magie de sa déclaration, il y eut un claquement de bouteilles.

Avec un grand soupir de bête blessée pour accompagner le coup d'œil de plus tôt, Liberica se traîna jusqu'à la porte et l'entrouvrit. Et risqua un regard dehors. Oh, l'erreur. Mountain était bel et bien là, sans son cochambreur au neurone solitaire à la traîne, déjà un plus, et avec de la bière, de la blanche. Avec aussi son sourire parfait, ses dreads parfaits, son teint parfait et cette façon parfaite qu'il avait de porter l'uniforme règlementaire. Il fixa ses manches et flaira un truc qui clochait.

"Tu as roulé tes manches", fit-il remarquer.

Bien sûr, c'était faire remarquer l'évidence et il se sentit encore un peu plus nul que dix secondes plus tôt pour avoir osé fait remarquer l'évidence. ...Mais bon, un peu plus nul, un peu moins nul, ça n'allait pas le changer de beaucoup.

"Ouais, et ?

- Pour avoir des manches trois quarts", Liberica plissa les yeux, sentit avec la mesure nécessaire de paranoïa qu'on se payait sa gueule.

Il avait le nez pour ses choses-là, ça lui arrivait tout le temps.

"Je trouve le style pas mal.

- Est-ce que tu te moques de moi !?

- Rica", Liberica se raidit, se demanda pourquoi il ne lui avait pas encore cassé la gueule pour le convaincre d'abandonner ce surnom.

Il avait quelques idées, bien sûr, mais Liberica préférait ne pas les considérer trop longtemps. Elles impliquaient des hormones et une condition médical qui causait une certaine faiblesse au niveau des genoux.

"On s'en torche, de la longueur de tes manches", lui dit Mountain sur ce ton convaincu qui impliquait qu'il avait sûrement raison. "Il n'y a que toi qui obsèdes dessus. Maintenant, tu vas être raisonnable, ouvrir cette porte et on va boire jusqu'à ce que tu sois bourré ou qu'il manque de bière, selon la première situation qui se montre la face."

Liberica considéra ses options, se dit qu'il y avait pire que de passer une soirée avec Mountain. Passer une soirée avec Mountain et Mara, par exemple. Ou encore passer une soirée avec Mountain et Mara qui s'appropriait toute la bière.

"Okay !"

Juste comme il se décidait à ouvrir sa porte pour de bon et que tout, apparemment, annonçait pour le mieux (Mountain et lui ou plutôt, Mountain et lui et la blanche pour la soirée, yay !), l'Univers lui fit (encore) réaliser que non, les choses pour le mieux, ce n'était pas pour lui.

"Mountain, tu fiches quoi ?", tonna la voix de Mara depuis la chambre d'en face, avec cette subtilité qu'il avait de parler d'une voix à réveiller les morts. "Tu avais dit que tu m'aiderais à réviser pour le test d'Éléments d'éthique appliquée !"

Sur le visage (parfait) de Mountain passa comme un petit nuage de confusion. Liberica ressentit, physiquement, que l'Univers lui envoyait une grande claque en pleine gueule.

"...J'avais dit que je donnerais un coup de main en fin de semaine, non ?", se risqua Mountain après un attentif examen de l'agenda dont il gardait une copie rigoureusement à jour dans sa mémoire.

"Mais je sors ce week-end, finalement ! Tu veux quand même pas que j'annule mes plans ? Et puis, qu'est-ce que tu fais au milieu du corri-"

Mara avait passé sa grosse tête de brute à l'extérieur et vit ce qu'il y avait à voir : Liberica et Mountain. Ou bon, plutôt la caisse de bière entre eux. C'était de la blanche (Ma blanche, couina mentalement Liberica), mais ça, Mara n'en avait rien à battre. Du moment que le contenu en alcool de quelque chose était supérieur à 0.5 pour cent, il aurait accepté de boire n'importe quoi. Incluant, selon Liberica, de l'alcool à friction. Bien sûr, ça n'avait jamais été prouvé, mais il ne désespérait pas, avec l'intention scientifique qu'il fallait (et le but non avoué de le tuer) de prouver sa théorie.

"Hé ! T'as même apporté de la bière ! Je sens que ça va rentrer enfin, tout ce truc éthique !"

Avec ce qui ne pouvait pas vraiment être autre chose que le plus long délai de réaction jamais réactionné, il remarqua la présence de Liberica.

"Oh."

Dans cette seule exclamation, Mara mit un dédain que Liberica ressentit de façon physique. Dans le sens que ses poings se refermèrent et juste avant de se jeter sur Mara, il se rappela leur différence de poids, ses propres notes (médiocres à passables, selon sa dernière évaluation) en combat rapproché et arriva à la conclusion qu'il n'avait pas envie de passer le peu qu'il restait à la journée dans le coma. Dans cette seule exclamation, Mountain sentit lui aussi le danger et, se négociant avec un minimum de coups des coudes une petite place entre ses deux autres, il fit face à la carrure de style armoire à glace et à la patience en quantité limitée de Mara.

"Eille, tu me cherches !"

Quand Mountain s'énervait, son accent québécois empirait de façon dramatique, le faisant retomber dans une sélection colorée (et surtout longue) de sacres et de tournures de phrases qui laissaient souvent les autres perplexes sur la signification exacte de ce qu'il venait de dire. C'était peut-être mieux qu'ils restent dans l'ignorance. Ce que disait Mountain n'avait pas toujours des airs très prononcés de politesse.

"Tes esties de plans, ça fait deux fois que t'en trouves pour pas étudier. Là là, j'ai dit à-

- Ça va", l'interrompit Liberica en reculant, vaincu (...si facilement, lui fit remarquer avec une pointe de dégoût la petite part de son cerveau dédiée entièrement à la haine de sa propre personne).

Il ignora l'expression victorieuse de Mara, mais réalisa qu'il était impossible d'ignorer avec la même facilité le pied que Mountain avança pour empêcher qu'il referme la porte de sa chambre. Mountain pointa dans sa direction un index accusateur et un regard aux intentions relativement peu pacifistes.

"T'es ben mieux de pas fermer la porte ! Et pis toi", continua-t-il en pointant le même index accusateur et le même regard aux intentions relativement peu pacifistes dans la direction de Mara, "prends donc mes notes pour réviser et demain matin, j'vais te quizzer et j'vais te dire une affaire : t'es ben mieux d'être capable de me répondre !"

Sa voix avait une qualité autoritaire qui savait dompter même la tête dure de Mara, même les pires moments dépressifs de Liberica (deux exploits qui, une fois additionnés, donnaient quelque chose comme un miracle). Constatant que son accès d'impatience avait les effets voulus, Mountain retrouva le sourire (ce qui, pas qu'ils allaient l'avouer, mais soulagea quand même beaucoup Mara et Liberica). Il étendit même sa générosité à offrir une bière à Mara qui retourna, au plus grand bonheur de Liberica, se terrer dans la chambre d'en face avec un marmonnement général d'insatisfaction.

"Bon !", conclut Mountain, une fois la porte refermée avec un claquement satisfaisant. "On en était où ?", demanda-t-il à Liberica, lui lançant un regard rappelant assez celui qu'on les gens qui ont un peu perdu le fil de leurs pensées.

Le poids de la caisse de bière dans ses mains lui répondit avant Liberica et il hocha la tête.

"Ah oui ! La blanche, nous deux et l'intention générale de se saouler, plan à modifier au besoin...", il hésita, baissa les yeux et considéra son pied encore coincé entre le battant de la porte et son cadre. "Peut-être que si t'ouvrais la porte, je pourrais rentrer ?", demanda-t-il en relevant le regard.

Liberica rougit. Visiblement. Et recula à toute vitesse, baissant la tête pour camoufler vaguement la teinte écarlate de ses joues et tirant la porte avec lui pour laisser passer Mountain. En entrant, il remarqua le veston abandonné par terre et remarqua aussi qu'il était maintenant décoré d'une ou peut-être de deux traces de pieds non règlementaires.

"Tu veux que j'aille cherche un bat ? À deux, on devrait l'achever."

Même en croyant avoir atteint la limite humaine de la honte, Liberica put puiser en lui toutes les ressources nécessaires pour se trouver encore plus con qu'avant. Il fixa le veston et essaya de réprimer un genre de petit gémissement composé d'une part d'horreur, d'une part de fierté blessée et d'une part d'un autre sentiment qui ne s'était pas encore nommé. C'était peut-être une deuxième dose de honte, mais déguisée. Mountain déposa la caisse de bière, pigea deux bouteilles et les déboucha. Il en tendit une à Liberica.

"C'est pas grave si Mara a pas de filtre entre son cerveau et sa bouche. C'est juste un veston trop court, t'auras ton nouveau la semaine prochaine. C'est quoi qu'il y a de si pire là-dedans ?

- ...Devoir attendre la semaine prochaine ?", hasarda Liberica après avoir pris une longue gorgée de bière.

Ça lui paraissait une crainte raisonnable. En une semaine, il y en avait des occasions d'être humilié ! Les lundis, surtout, n'étaient pas ses meilleurs jours. Quelque chose à voir avec les week-ends trop courts et, bien sûr, l'obstination avec laquelle l'Univers tenait à le ridiculiser. Mountain le dévisagea et considéra ensuite un point dans le vague, pensif ; Liberica se demanda si sa réponse avait été insultante ou tout simplement débile. Il penchait de plus en plus vers débile, risquait même de tomber dedans tellement il était incliné, quand Mountain le tira de ses pensées dépréciatrices.

"...Tsé, si tu te prends la tête avec ça, c'est à Mara que ça fera le plus plaisir."

Liberica dévisagea Mountain ; Mountain, pas le moindrement intimidé par la fixité de son regard, continua à boire tranquillement sa bière. Le cerveau de Liberica décida finalement de faire l'effort nécessaire pour penser à ce qu'il venait de dire. Il fronça les sourcils (ça l'aidait à réfléchir, surtout sur les choses importantes). Sur son visage se dessina une expression de pure horreur.

Il ne vit pas le regard en coin discret de Mountain, ni son petit sourire satisfait.

univers : servir et protéger, genre : bl

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