[Original][AP] [chapitre 2] États d'âmes

Mar 03, 2012 07:01


États d'âmes

Chapitre Deux

« À chaque nouvelle étape de la vie, l'homme redevient nouveau né. »
- Kira

Je me réveille la bouche pâteuse. Peu importe vu que je ne parle que très peu. Mes yeux sont attaqués encore une fois par cette blanche obscurité. Un jour, je deviendrai aveugle. Tant mieux, je n'aurai plus à voir cet atroce monde. J'ai moins mal aujourd'hui, pourquoi ? Le calme avant la tempête peut-être. Serai-je capable de faire un pas hors de mon lit ? Je verrai bien. Mon pied s'avance hors des draps. Je frisonne. Il fait froid. Il touche le sol, l'autre aussi. Je fais quelques pas en titubant. Une joie m'envahit. Redécouverte de quelque chose acquis autrefois. Mon corps semble avoir décider de faire abstraction de mon coeur pour aujourd'hui. Je suis de bonne humeur. C'est rare. Effet de mon corps sur mon esprit ? Dans ce cas, je suis devenu un zombie. Un regard sur cet endroit sensé être ma chambre mais qui ne provoque en moi que dégoût et répulsion même si j'y passe la majeure partie de mon temps. Quelque chose manque à l'appel. Un élément du décor. Mon geôlier. La présence qui surveille tous mes faits et gestes bien qu'il y en ait peu.

La porte s'ouvre, suivit de plusieurs cris d'exclamation. Forcément à force de me voir allité, ils ont cru que je n'étais plus capable de tenir sur mes jambes. Moi aussi j'y ai cru. Nous avons " mal " cru. La preuve, je suis bel et bien sur mes jambes. De mort, je passe à mort vivant, de cadavre à zombie. Un minuscule pas pour l'homme, un immense pas pour moi.

« - Luo, vous êtes ...
 - Debout. »

Je redécouvre ma voix et mon propre nom. Ma voix fluette, un brin aiguë. Je n'ai toujours pas mué. Mon corps voulait sûrement conserver quelque chose d'autrefois pour me rappeler que je n'ai pas toujours été ce que je suis, ou simplement pour me narguer. On dit que l'esprit et le coeur sont plus forts que le corps, j'ai la preuve que non. Luo, mon prénom. C'est rare qu'ils le prononcent et je ne le dis pas non plus : je suis loin d'être narcissique et je n'ai aucune raison d'imiter César lorsque je me parle.

« - Vous voulez vous habillez peut-être ?
- Non... »

Encore un nouveau mot. " Non " comme négatif. Non je ne suis pas encore mort, mais non je ne suis pas tout à fait vivant. Pas besoin de m'habiller, de toute façon, je ne sortirai pas avant un bon moment je pense, alors mon pyjama, celui qui m'accompagne depuis longtemps me suffira amplement. Ca à toujours été ainsi depuis que je suis réduit à être un légume humain, et ça le sera encore.

« - Voulez-vous à manger ?
- Oui... »

Oui. Oui je vais mieux, mais oui je suis encore malade et bien faible. Besoin de manger de redécouvrir un sens après la vue et l'ouïe que je n'ai pas perdu, et le toucher que j'ai retrouvé. Je redécouvre l'appétit. Mon corps en a besoin parce que mine de rien, même s'il a tout prit en main, c'est fatiguant d'aller à l'encontre de sa propre volonté.

« - Voulez-vous à boire ?
- Je ne sais pas... »

Une nouvelle phrase, l'indécision. Je ne sais pas ce que je vais devenir : redevenir cadavre ou redécouvrir la vie. Ce n'est pas obligatoire de boire, c'est encore le même sens, le goût. Et puis, c'est mon premier choix depuis mon début de guérison. Rien ne m'oblige à accepter, mon corps n'a pas besoin d'eau pour le moment. Rien ne m'oblige non plus à refuser.

Remarque : Les choses instinctives se découvrent et le corps ne les oublient jamais, le reste s'apprend et l'esprit les oublie. Le corps est donc une meilleure mémoire que l'esprit. Par extension on peut dire qu'il vaut mieux se fier au corps qu'à l'esprit.

type: original, year: 2007, genre: character study, text: états d'âmes, words: short, language: français

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