Défi Music - Le vent des Hurleurs

Feb 06, 2013 21:46

Et voilà !

Cette année encore j'ai participé au defi music repris pa gossipcoco ça n'a pas été évident, car forcément, j'ai eu beaucoup de boulot en janvier, plus la crève cette semaine... mais j'ai reussi, avec une conclusion pourrie, mais j'ai réussi ! (enfin je pense, prenez votre temps pour lire hein XD)

Cette année, une histoire originale se lisant avec Fantômas (je vous ai déjà dit que je les aimais d'amour ?) et Investigation of a citizen above suspicio

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C’était le vent le pire. Le vent des Hurleurs, celui qui rend fou. Il s’insinue partout, par les moindres fissures de la pierre. Il chuchote dans les tuyaux, claque les volets, surprend par son souffle glacé à l’angle des rues. D’aucuns disent que les étrangers qui viennent croupir dans ces bas fonds deviennent fous. Le cerveau chaviré par les rafales hurlantes. Ou bien est-ce à cause de ce ciel bleu, profond, semblable de jour en jour, à en perdre le décompte du temps.

C’était le vent le pire. Le vent des Hurleurs, celui qui transforme en lame d’argent les rameaux des oliviers. Des ongles mordants qui déchirent la chair des joues rosies par le froid. La montagne grisée d’argent qui brûle la rétine.

Cela faisait un certain temps que je croupissais dans cet endroit. J’avais cessé de raisonner en jours. L’homme qui m’apportait mon pain quotidien m’avait enseigné ce nouveau décompte du temps. C’était le vent des Hurleurs qui le régissait. Par multiple de trois. Trois, six, neuf. Avec une pause entre temps. Comme les trous d’une partitions d’orgue de barbarie.

J’étais en cavale, bien malgré moi, au pays du vent des Hurleurs. Je pensais que là, au moins, ils ne viendraient pas me chercher. Qui me croirait assez fou pour me jeter corps et âme dans cette terre maudite pour y renaître ?

Ils avaient raison. J’avais été bien stupide en pensant pouvoir m’en tirer. A peine arrivé, j’avais été accueilli avec précaution. Les locaux se méfiaient des étrangers. Ils savaient que ceux qui venaient s’y perdre le faisaient par désespoir de cause. Ils savaient que seul les hommes en cavales, les malfrats, les pourchassés suivaient la route jusqu’à leurs portes. Les rares caravanes de marchands qui faisaient escales pouvaient se compter sur les doigts de la main d’un estropié.

Je me moquais du regard méfiant de ces gens. Je me foutais bien de leurs craintes et de leur défiance. Je n’étais pas un de ces criminels qui fuyait la prison ou le pilori. Je fuyais pour ma survie. Je ne faisais que passer. Une transition. C’est ce que je me disais, jusqu’à ce que je m’enlise dans cette terre qui se nourrit du désespoir des gens qui la traverse.

Car les fuir ne suffisait pas. Ni me cacher. Ils avaient des yeux partout, des oreilles à chaque porte. Ils n’avaient eu qu’à distribuer quelques pièces, promettre quelques « aides », et verrouiller le piège. Et j’y avais foncé tête baissée, complètement hagard  à cause du vent des Hurleurs et de ce ciel bleu qui enivre

Cela m’avait atteint comme une gifle. Soudaine, inexpliquée, imprévisible. Je n’avais eu qu’à tendre l’autre joue docilement et me laisser conduire sans questions jusque dans ce trou à la bordure du village, surveillé par deux gardes en armes, grassement soudoyés, entouré par trois murs de bétons brutes, fendus par des meurtrières aux prises de la morsure du vent des Hurleurs. La torture psychologique alliée à la torture du corps.

Tout juste une paillasse, l’hygiène la plus primaire. Même pas un bout de charbon pour compter les jours se succédant sur le mur au dessus de ma couche, comme ces avatars du détenu des romans épiques. Car je n’étais pas un héros de roman épique. Celui d’une farce peut être, ou d’un conte philosophique qui se moque des naïfs. Mais pas ce héros dont s’entichent les pucelles.

Je ne comprenais toujours pas comment j’avais pu passer du statut d’honnête citoyen, au dessus de tout soupçon, toujours en règle, toujours au pied de la lettre, à celui de criminel hautement recherché. Un coup monté par leurs soins, je le savais. Ce ne pouvait être que ça, mais dans quel but ? Leur propre amusement, j’en avais bien peur. Et j’étais là, désormais, à résister à l’appel débilitant du vent des Hurleurs.

Je n’avais rien vu, aucun soupçon, aucune méfiance. Ma routine quotidienne. Les mêmes gestes, les mêmes visages. Les bonjours que l’on adresse sans conviction, les politesses automatiques. Le métro, les écouteurs au fond des oreilles, le regard qui se pose sur chaque passager, sans jamais vraiment les voir. Les portent se ferment, s’ouvrent, vomissent et ingurgitent une fourmilière d’humains. Les adolescentes qui minaudent, les petites vieilles qui jacassent, les racailles qui reluquent, les clodos qui roupillent. Les coups d’épaules pour descendre de la rame. Les escaliers puants aux carreaux blancs jaunis. Le tintement d’une multitude de talons aiguilles et de talonnettes.

La rue, le sol humide, les feuilles fanées des arbres et des journaux, le klaxon assourdissant des voitures, bus et scooters. Les feux verts rouges et oranges. Le tourbillon de la ville dans lequel je me fonds sans accroche.

Je faisais ce que je devais faire, comme un automate minutieusement programmé.

C’est pour ça que je ne les avais pas vu venir. Rien à se reprocher, comment aurais-je pu ne serait-ce qu’en douter ? Cela aurait été le début de la culpabilité, l’aveu d’un crime sans cadavre.

Rapidité d’intervention, aucun témoin, pas le temps de se poser de questions. C’était fréquent de voir ces expéditions punitives ces derniers temps. Surgissant de nulle part, attrapant un pauvre quidam dans la rue, le jetant dans le fourgon dont les portes se ferment derechef sur son visage ahuri. Il y en a parfois qui tentent de fuir. Ceux qui savent qu’ils sont perdus. Ceux qui courent jusqu’au pays du vent des Hurleurs. Maigre échappatoire.

C’était la nuit que le vent des Hurleurs glaçait les os et faisait grincer des dents. La noirceur du ciel clignotait incessamment, piqué sur toute sa voûte d’étoiles pétillantes. Comme si le vent des Hurleurs les polissait pour les rendre encore plus brillantes. Son souffle était encore plus fort, plus saisissant. Ma couverture rêche était un piètre rempart contre sa morsure. Les yeux secs, qui pleurent des larmes de sables.

Conclusion et évasion.

Voilà ce dont je rêvais à moitié abruti par le vent des Hurleurs. Sortir de ce trou, sortir de cette impasse, sortir de leur piège. J’avais réussi une fois à esquiver leur assaut. L’instinct qui prend le dessus, les jambes qui se mettent en branle indépendamment de la stupeur de l’esprit. Et j’avais couru. A l’aveuglette guidée par le fil des vagabonds. Comme si les fuyards étaient inéluctablement attirés par cette terre de fin du monde. Cette maigre consolation ; ce double piège.

Lorsque le vent des Hurleurs se tait, la ville s’endort. Fragile réconfort. Les esprits s’apaisent, les tensions s’amenuisent. La vigilance même disparaît le temps d’un soupir.  C’était là ma chance. Cette pause entre les groupes de trois. Trois six neuf douze pause. Conclusion et évasion.

Je pouvais sentir les feuilles des arbres, les troncs rugueux sous ma paume. Savoir exactement sur quelles branches grimper pour me dissimuler dans les cimes. Dans quels buissons me tapir et quels trous m’aplatir. Quelles crevasses éviter et quels chemins détourner. Cela faisait tellement longtemps que je scrutais cette colline. J’en connaissais tous les secrets. Même ce qui n’existaient pas.

Attendre la nuit. Les nuages qui voilent soudainement le bleu pétrole du soir. Le silence nocturne qui plonge dans une douce surdité. Le sommeil profond des âmes usées par le vent des Hurleurs.

C’était le vent le pire. Le vent des Hurleurs, celui qui rend fou. Celui dont personne ne revient.

Courir en camisole blanche les pieds nus dans les gravats de la colline argentée.

S’évader. Se rendare libre.

Défi Music ; Histoire originale

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