[Fic] Good bye Germanic [3 / ...]

Dec 20, 2009 16:13

Titre de chapitre : Les oiseaux en cage
Auteur : so_yuyu
Personnages/Pairings : Prusse, Hongrie, Allemagne. Mention de la Russie.
Raiting : PG-13 / T
Notes éventuelles : Interprétation pas tout à fait correcte des faits historiques. 
Chapitres précédents :
1.  Le départ de l'aigle
2. L'oiseau se cache pour pleurer

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Lamentable petite chose, lamentable nation. Oh mais que dis-je, tu n'es plus rien Gilbert. La Prusse n'est plus.

C'était presque une chanson que la Russie lui fredonnait à tout instant de la journée. La Prusse n'est plus, la Prusse n'est rien, la Prusse n'existe plus. Tu n'existes plus Gilbert. Alors pourquoi vivait-il encore ? Il aurait du disparaître, n'être plus rien. C'est ainsi que les nations devaient mourir en retournant au néant, comme Rome ou Germania. Mais il était toujours là, assis à même le sol de cette salle sans fenêtre. Aussi blanche que ses cheveux. Aussi vide que son âme.

Tu es lamentable à ne pas mourir. A t'accrocher encore et encore pour d'autres nations. Tu es lamentable de vouloir jouer les humains.

Le Russe l'avait mieux sondé qu'il ne le croyait. Il avait compris à quoi il s'accrochait : à des souvenirs et à des personnes loin de lui mais auxquels il était lié. A la folle espérance de croire qu'un jour, il reviendrait prendre sa place dans l'existence de ces personnes. Il ferma brièvement les yeux, tentant de donner corps à ses souvenirs. Le blanc s'était infiltré jusque sous ses paupières. Soupirant, Gilbert rouvrit les yeux. La porte était ouverte. Ce constat lui fit écarquiller les yeux à travers les doigts qu'il avait posé sur son visage.

La porte était ouverte.

Il pouvait sortir de cette prison, sortir de ce néant. Mais vers quoi ? Qu'importe. Il serait mieux que dans n'importe quel autre lieu. Avec prudence Gilbert se releva, remontant vers la porte. Glissant son visage hors de l'ouverture, il observa les couloirs. Personne. Le coeur lui battait dans les tempes, comme en ses temps anciens où l'adrénaline le fouettait sous forme de vague impétueuse, alors qu'il se battait pour continuer à vivre. Ou défendre l'existence du seul membre de sa famille. Il devait saisir la chance qui lui tendait la main aujourd'hui.

Me voici, monde décadent.

Ce qui fut la Prusse il y a quelques temps se rua hors de la demeure russe. La brûlure du soleil lui apparut comme une bénédiction. Des prières se bousculaient dans sa gorge. Sans la crainte de voir l'ombre de la Russie, il se serait agenouillé pour prier la Vierge. Gilbert continua son chemin, ne sachant où il allait, cherchant de quoi se repérer. Il ne se demandait même pas qui avait ouvert la porte de sa prison, ne se posait pas la question de savoir s'il n'était pas attiré dans un piège. Tout ce qui lui importait était de revenir en Allemagne, de revenir vers son frère. Le connaissant il avait profité de son absence pour vider les réserves de bière à lui tout seul, prétextant oublier que son frère avait disparu.

Sans certains éléments du décor, Gilbert aurait cru être parti vers la Russie. La présence d'Ivan était partout, visible par les signes de l'URSS, par la souffrance des peuples. Lui-même n'avait plus de peuple depuis longtemps, ils étaient devenus membres de l'Allemagne.

J'espère que West s'en occupe bien et les a éloignés de ces stupides Alliés.

L'Allemagne n'était pas très éloignée de lui, du moins physiquement parlant. Seulement les troupes russes ne le laisseraient pas rejoindre le côté " libre " de l'Allemagne si facilement. Néanmoins il en fallait plus pour arrêter l'ancienne Prusse. Sûr de ses capacités malgré un enfermement de plusieurs années, Gilbert continua sa progression. Jusqu'à se heurter à un mur. Un mur froid, qu'il sentit infranchissable, suintant de mort et de honte, de larmes et de souffrance. Rien que la vision de ce mur gris, couronné de barbelés comme le Christ rédempteur, lui arracha un frisson.

- Le mur de la honte, souffla une voix éthérée dans son dos.

Gilbert eut un sursaut, craignant de découvrir un des sbires de la Russie ou Natalia, cette femme glaciale et sanglante. Il trouva un fantôme, le reflet effacé d'une nation qui fut vivante mais n'était plus que terres détruites. Il ne la reconnut pas de prime abord, malgré les vêtements et la longue chevelure d'un brun clair. Les prunelles rouges détaillèrent le visage osseux de la femme, cherchant un trait connu. L'inconnue porta la main à sa coeur, tentant de renforcer sa voix.

- Gilbert...c'est moi.

Le geste accompagnant cette phrase lui ouvrit les yeux. Il repensa à Elizaveta, toujours belle et forte même couverte du sang de ses ennemis. Désirable avec ses formes féminines discernable sous son uniforme, porteuse d'une féminité qui l'intriguait et l'attirait. Une féminité que l'Autriche avait su voir et cueillir, alors que lui, le prussien indélicat, continuait à se battre avec la hongroise. Cette image n'était plus. La Hongrie n'était plus qu'un corps dévasté, tenant à peine debout, devenu faible. Gilbert avait beau chercher l'image passé de la Hongrie qu'il avait toujours connu, il ne la trouvait plus. Elle n'existait plus.

- … E-Eli ?

Le surnom ressuscita dans les yeux verts le fantôme de la Hongrie vivante et souriante, violente et sarcastique. Son amie d'enfance n'était plus qu'une plaie ouverte, cachant sa souffrance, mais mourant d'envie de trouver un baume pour la soigner. Ce n'était pas à lui de lui offrir ce soin, mais à une nation à qui elle avait été liée, mais qui semblait avoir oublié ses devoirs. Gilbert demeurait sur ce fil, ne sachant quoi faire. Il ne pouvait pas jouer le rôle de l'amant venant consoler la femme délaissée par son mari. Ce n'était pas son rôle, cela ne l'avait jamais été. A défaut de l'amour qu'il avait toujours souhaité qu'Elizaveta recueille dans ses mains, il demeura dans son rôle éternel : celui de l'ami. Du frère.

- C'est ce salaud de bolchevik qui t'a fait çà, hein ? (Qu'était-ce qui lui fouettait le coeur ? La colère, l'envie de vengeance, ou ce sentiment ambigu qui le touchait depuis qu'il avait découvert qu'elle ne serait jamais à lui, avec lui ?) Je vais lui faire bouffer son écharpe à cette outre à vodka, il aura pas le temps de dire " da ".

Un rire faux s'échappa de l'ancienne Prusse. Cette tentative d'humour n'eut aucun effet. Elizaveta secoua négativement la tête, éteinte. - Ne crois-tu pas que j'ai eu aussi cette idée ? Regarde où elle m'a menée.

Non je ne regarderais pas. Je veux me souvenir encore de la Elizaveta que j'ai connu. Celle qui frappait l'Autriche à l'en faire pleurer, qui avait le cran de cracher sur l'Empire Ottoman, qui refusait qu'on la considère comme un butin.

L'inconcevable se produisit. Il vit distinctement la Hongrie trembler sur ses jambes, trembler de tout son corps. Il vit les yeux verts se remplirent de larmes, et entendit des sanglots sortirent de la fine gorge. Et là, sans aucun cri annonciateur, Elizaveta se laissa tomber contre lui. Il dut mettre ses bras autour de sa taille pour qu'elle ne tombe pas. Un oiseau affolé faisait battre ses ailes contre sa poitrine, tout un peuple criait en silence sa peine dans ses bras. Mais que pouvait-il faire lui qui n'était plus qu'un fragment de territoire, qui avait perdu son nom de nation ? Il n'était plus la Prusse, cette nation qui chassait toute crainte avec un sourire orgueilleux. Il se sentait soudainement fatigué, inutile.

Pendant des années il avait été éloignée du monde, et personne n'avait su s'il était mort ou non. Lui-même ne savait pas s'il était vivant. Sentir le corps de la Hongrie contre le sien balaya ses derniers doutes. Il était vivant, mais dans une faiblesse telle qu'il ne pourrait pas tenter de franchir ce mur maudit. Du moins pas aujourd'hui. Après avoir été enfermé, il était temps de se reconstruire.

- On va s'en sortir Eli, affirma-t-il, les yeux déjà pointés vers l'avenir. Je vais tout faire pour qu'on s'en sorte. Tous les deux. Toi et moi contre Ivan et ses poupées russes. Ce sera comme quand on était gosses et qu'on allait se battre contre tous les autres gosses. Surtout l'aristo qui tenait pas devant toi, et qui finissais le derrière criblé de flèches.

Le rire étouffé d'Elizaveta fit vibrer son coeur. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas senti quelque chose empli de vie. Avant tout était silence mortuaire et blancheur éclatante. Dès qu'il aurait retrouvé sa force, Gilbert allait dire deux mots aux Alliés sur leurs méthodes expéditives. Détruire quelques parcelles de Russie. Et surtout, foutre deux claques à son frère et le serrer dans ses bras. Il oubliait probablement quelque chose... Oh oui. Lui faire bouffer son archet à l'autre aristocrate mégalomane pour n'être pas venue sauver sa belle. Le prince sur son destrier blanc était l'Autriche, pas la Prusse.

Un souffle chatouilla la nuque de la Prusse. L'albinos tourna brusquement la tête, faisant gémir de douleur sa nuque. Il s'attendit à voir Ivan avec son sourire cajoleur, mais seul le vent était présent autour d'eux, avec le silence. La Russie avait réussi à garder son empreinte sur lui, le faisant trembler de peur sans même être dans les parages. L'essence même de la Prusse s'était volatilisé. Il se dégoutait lui-même d'être devenu si lâche. Qu'on aurait dit ses plus grands chefs d'Etat, ceux qui s'étaient battus pour le rendre plus puissant ? Qu'auraient-ils dit en voyant le fruit de leur labeur réduit à néant ? Qu'on aurait-dit Fr-.

Les questions stoppèrent dans son esprit. Il savait ce qu'il avait à faire. Revenir dans un lieu chargés de souvenirs pour y puiser les forces qui lui faisaient défaut. Se nourrir de sa gloire d'antan pour la transformer en une force qu'il contrôlerait en vue du futur. Retrouver sa mentalité de Prusse, et non ces lambeaux qui étaient l'oeuvre de la Russie.

- Elizaveta...

La hongroise releva la tête, toute trace de larme disparue. Se sentant incapable de la regarder dans les yeux, Gilbert fixa son regard vers l'horizon.

- Va te retirer dans un endroit où tu seras en sécurité. Je te rejoindrais... après.

Il avait déjà repoussé la jeune femme, l'arrachant à lui comme pour mieux exorciser ce qui les reliait. La voix de la Hongrie le cingla mieux que n'importe quel fouet.

- En quel honneur ? Penses-tu pouvoir vaincre la Russie dans cet état ? Parce que je suis mal en point tu te dis que c'est l'occasion de jouer les princes qui viennent sauver les demoiselles en détresse ?

Chaque mot le heurta, mais il continua sa marche sans se retourner.

- Reviens Weillschmidt ! Du moins si tu pars pour te faire trouer la peau, je te promets que je pars finir le travail pour t'apprendre ce que c'est que d'être borné !

Un rire jaune résonna dans les rues désertes de Berlin-est. La flamme blanche qu'était la chevelure de Gilbert s'agita, son porteur afficha un sourire empli d'assurance, ultime moquerie faite à ceux qui avaient tenté de le détruire. Il leva la main vers le ciel, saluant la Hongrie qu'il surplombait pour la première fois de sa vie, et la Vierge qui là-haut ne l'avait jamais véritablement abandonné.

- Je te laisserais danser sur ma tombe Eliza ! Comme un enfant, Elizaveta lui répondit en tirant la langue. Dans son dos, elle croisa les doigts pour conjurer les paroles de Gilbert afin qu'ils ne se réalisent pas.

***

Ludwig resserra l'écharpe autour de son cou, sachant pourtant que le froid qu'il ressentait n'avait rien à voir avec la température ambiante. Ce froid, c'était les frissons de peur et de répulsion de son peuple devant le mur qui tranchait le pays. La nuit de la construction, Ludwig s'était réveillé fiévreux, se sentant envahir par la peur, telle celle que ressent un enfant en croyant voir des monstres autour de son lit. Une déchirure se produisait en lui, brûlure de feu dans son corps, emplie des cris de familles qui se voyaient déchirées en deux. Des gens se précipitaient, malgré les barbelés, pour rejoindre leurs demeures. Des mains se serraient, ne voulant pas se lâcher. Mais tous n'avaient pas eu cette chance. Des regards se croisaient pour la dernière fois.

La Russie ramassa le corps de la Prusse comme un simple paquet, l'entrainant loin des frontières germaniques, dans un pays de glace.

Cette nuit, Ludwig avait pleuré comme un enfant, tentant de faire revivre l'image d'un grand frère, homme aux cheveux de neige, qui le berçait dans ses bras. L'Allemagne ne voyait plus que ce mur, sale, informe, horrible. Il souriait désabusé, devant les gravures faites par quelques personnes ayant un sursaut de courage. Taches de couleur sur le gris maussade, comme des fleurs d'espoir qui poussaient à travers les pavés défoncés. Mais quelques dessins ne suffiraient pas à abattre un mur, même empreints des meilleurs sentiments qu'ils soient.

Un rire résonna dans les rues de Berlin-est et parvint à parvenir jusqu'à Ludwig. Ce son faisait écho à l'image d'une nation, au sommet de sa gloire, lui montrant ce qu'était la puissance germanique.

- … Bruder ?

Seul le vent répondit à cette question, n'apportant nulle réponse. Rien qu'un peu d'espoir.

fanfiction, perso!ludwig, perso!gilbert, perso!elizaveta

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