Titre de chapitre : L'oiseau se cache pour pleurer
Auteur :
so_yuyuPersonnages/Pairings : Ludwig, Feliciano, Francis. (Possible Francis/Ludwig)
Avertissement : Un peu de violence.
Raiting : PG-13 / T
Notes éventuelles : Interprétation pas tout à fait correcte des faits historiques.
Merci à Nephtys ma nouvelle muse~♥
Jamais il ne serait revenu dans cette demeure si Francis ne l'avait pas accompagné. Il se souvenait encore de la peur qui lui avait serré le coeur, ainsi que les larmes qui avaient noués sa gorge quand Ludwig l'avait mit dehors. Avec une brutalité et des paroles qu'il n'accordaient même pas à ces chiens. Il avait été mis dehors comme un mal-propre, comme une tumeur qui nous ronge et qu'on ôte de sa chair avec une grimace. Ludwig lui avait jeté ses maigres affaires, et lui avait désigné la porte. Sors ou crève. Il avait fui, et sans savoir réellement comment il s'était retrouvé sur le pallier de Francis, les yeux gonflés, le coeur brisé. Avec le temps le coeur s'était recollé, mais un morceau s'était mis à l'envers et écorchait sa poitrine chaque jour.
- Feli' si tu te sens vraiment mal, tu n'es pas obligé de venir.
Le petit Italie regarda Francis qui s'était baissé vers lui. Son " grand-frère " semblait si triste depuis la fin de la guerre... Tout comme lui, il se sentait blessé par le comportement de Ludwig. Francis avait été le premier à pardonner à Feliciano sa conduite durant la guerre, ainsi qu'à tous ceux qui avaient été du côté de Ludwig. Mais Ludwig... Personne ne voulait croire qu'il reconnaissait ses fautes et voulait continuer sa vie de nation. Personne ne lui faisait confiance. Mais aujourd'hui les choses allaient peut-être changer.
- No no, je veux voir Ludwig ! Il sera peut-être content que je vienne lui rendre visite, assura Feliciano, souriant pour masquer sa peur.
L'Italie sautilla sur place, redevenant pour tous la nation insouciante. Sauf pour Francis qui voyait bien dans cette attitude un paravent derrière lequel se blottissait Feliciano - lui-même prenait souvent un visage avenant alors que son âme hurlait de souffrance. La France prit la main de l'Italie, continuant leur chemin commun : de loin on les aurait pris pour un père de famille menant son enfant à la foire.
Ils pillèrent net devant la demeure de Ludwig. Oh, ils avaient sentis que l'atmosphère en Allemagne n'était pas aussi pure de mauvaises pensées que dans le reste de l'Europe - on aurait presque pu voir un épais nuage noir lévitant au-dessus de la nation germanique. Néanmoins, sans la conviction que l'adresse n'avait pas changer, ils auraient cru s'être trompés de chemin. On aurait pris la demeure pour une maison abandonnée depuis des années : les herbes folles couraient sur les murs, des fleurs sauvages avaient élus domicile dans la jungle qui s'était formée. L'ancien gazon si impeccable n'était plus qu'un océan de verdure, fouettant les genoux des nations qui avaient finis par pousser le portail pour entrer. Quand on connaissait le côté " maniaque du ménage " de Ludwig, on ne pouvait qu'être abasourdi devant un tel spectacle.
- C'est encore pire que prévu, laissa échapper Francis dans un souffle. J'espère au moins qu'il est là. Hum ?
Quelque chose de froid et de mouillé venait de toucher sa main. La France baissa son regard, croisant celui d'un canidé qui frottait son museau contre la main de la nation. Cet animal avait-il pris le lieu pour un terrain vague, et en avait-il fait son territoire ? Ce n'était pas qu'il détestait les chiens, mais Francis craignait toujours ces animaux quand leur maître était absent : on ne savait jamais comment ils allaient réagir face à vous. Un bruit de respiration dans son dos lui fit tourner légèrement la tête : un autre chien se tenait derrière lui, assis, agitant la queue pour montrer sa curiosité de découvrir un humain inconnu ici. Francis ne pouvait plus avancer, ni reculer, de peur que le moindre de ses gestes n'éveille la colère des deux animaux. Que quelqu'un vienne le sauver...
- Blackie, Berlitz! Gentils toutous, vous êtes làààà !
Les secours arrivèrent sous la forme d'une Italie du Nord qui ouvrit grand les bras en hurlant les noms des deux canidés. Ces derniers poussèrent un aboiement unanime, fonçant dans les bras italiens, offrant à leur propriétaire coups de museaux et de langues. Rassuré à demi par le comportement des deux chiens - ils n'essayaient pas de dévorer Feliciano au moins ? - Francis relâcha la tension qui le parcourait, osant même un sourire en voyant Feliciano éclater de rire (" Berlitz, tu me chatouilles !). Jusqu'à ce qu'une voix tonne comme un orage, faisant taire les rires de l'Italie.
- Berlitz, Blackie ! Hier schnell ! (traduction : "Ici, vite " en allemand)
Au son de cet ordre impérieux, les chiens rentrèrent dans la demeure, la queue et les oreilles basses. Leur maître était campé sur le seuil, mais il n'était plus que l'ombre de ce que les nations avaient connues. Il possédait encore sa forte stature, gagnée dans le sang et les guerres. Néanmoins son aspect n'avait plus rien de martial, de conquérant. Il ne résidait même plus une trace de dignité et d'amour-propre. Ses vêtements froissés démontraient qu'il avait dormi dedans pendant plusieurs jours sans prendre la peine de se changer. Ses cheveux retombaient en vrac sur son front et ses tempes, n'arrivant pourtant pas à masquer un regard fuyant. Un regard de bête qui implore qu'on le laisse en paix, de bête prête à frapper si on le touchait. Ludwig ne sembla pas voir les deux nations, et tournait déjà dos à elle pour retourner chez lui.
- Ludwig !
Les épaules de l'Allemand eurent un sursaut. Une main venait de l'agripper au poignet avec une énergie que seul le désespoir pouvait créer. Lentement, très lentement, Ludwig daigna se retourner. Feliciano tenait sa manche avec force, et rien n'aurait pu l'en détacher contre son gré. Les larmes baignaient ses yeux, mais aucune ne coulait. Pour le moment.
- Ludwig, pourquoi tu es en colère ? On veut t'aider.
- Je me passerais de votre aide.
Ce n'étaient pas des mots qui sortaient de la bouche allemande, mais des balles chauffées à blanc, touchant leurs cibles en plein coeur. Feliciano lâcha l'Allemand reculant devant le regard d'acier, aussi tranchant qu'une lame. Ce n'était plus le Ludwig qu'il avait connu, protecteur, toujours là pour réparer ses bêtises. Ce n'était plus qu'une nation emplie de tristesse qui ne faisait plus confiance à qui que ce soit.
- Je serais véritablement fou si je faisais confiance à l'un de vous deux, siffla l'Allemand en plissant les yeux. Comme si on pouvait attendre de l'aide de la part de deux traîtres.
- J'étais allé voir les Alliés pour t'aider...
L'excuse de Feliciano fut brisée en un instant.
- Oh oui, çà m'a tellement aidé que j'ai perdu. Tu ne voulais tout simplement pas risquer ta peau.
Une gifle atterrit sur la joue allemande. Feliciano retint son souffle. Francis demeurait immobile, la main encore prête à donner une nouvelle tape à Ludwig. Son cerveau lui hurlait qu'il venait de commettre l'irréparable et qu'il allait en payer le prix. On ne touchait pas l'Allemagne impunément. Dans un flot les souvenirs de l'époque où il avait été sous le joug de l'Allemagne l'assaillirent : il y avait failli perdre la raison, ne sachant plus à quelle voix se vouer. Un tremblement parcourut la France, toutefois il ne recula pas d'un pas quand Ludwig se campa devant lui.
- Il y a dix ans, je t'aurais brisé pour avoir fait çà.
- Mais on n'est plus à cette époque Ludwig, tenta d'expliquer Francis avec un ton doux, comme s'il s'adressait à un animal blessé. Tu devrais cesser de demeurer dans le passé et nous écouter au lieu de...
- Au lieu de quoi ?
Francis déglutit avant de pouvoir reprendre.
- Au lieu de fuir.
Pour la première fois depuis l'arrivée des deux nations, Ludwig perdit sa superbe, allant même jusqu'à détourner la tête.
- Je ne fuis pas, tenta-t-il de se justifier, sa propre voix sonnant fausse à ses oreilles.
- Je te demande pardon. Depuis que la Prusse a été dissolue, tu...
- TAIS-TOI !
Feliciano émit un cri étranglé, ne sachant plus quoi faire. Francis accusa le coup sans sourciller. Il avait touché juste. L'Allemagne ne voulait plus se relever non seulement à cause de son image divulguée après la guerre (Allemagne foyer du mal, Allemagne terreau de l'horreur) mais aussi à cause de la Prusse. Depuis que la Prusse n'était plus, l'Allemagne sombrait. Ludwig ne voulait plus se reconstruire, se considérant comme à jamais finie et détruite. Francis entendit le froissement du cuir quand Ludwig serra les poings.
- Tu fais parti de ceux qui l'ont tué, alors crois-tu que j'allais t'accueillir avec le sourire ? Croyais-tu que j'allais accueillir celui qui a tué mon frère ?
L'Allemand foudroya de son regard clair son interlocuteur.
- Tu peux repartir avec tes idées de paix, de liberté, de République. Rappelle-toi qu'elles ne sont qu'illusions. Vichy en est une preuve.
Il sembla à Francis qu'on le déchirait à nouveau en deux à chaque fois qu'on lui parlait de Vichy. Il fuya le regard allemand, ne voulant pas se rappeler cette période où il n'était plus que l'ombre de lui-même. Ce n'est que le passé, un passé qui ne se reproduira plus.
- Tu as pourtant accepté la CECA... osa remarquer Francis d'une voix presque inaudible.
Ludwig ne trouva rien à répondre. Il se souvint des paroles de ce ministre français, assurant que cette union permettrait d'éviter tout conflit entre la France et l'Allemagne. Ludwig s'était trouvé méfiant à cette demande, croyant y déceler un moyen de réduire l'Allemagne au point mort. Effectivement ainsi, il n'aurait plus été dans la possibilité de déclencher la moindre guerre. Il avait fini par s'incliner, supposant que ce qui lui apporterait cette union pourrait aider son peuple. Devant la phrase de Francis, il se contenta d'hausser les épaules. Comme un enfant boudeur qui ne veut pas reconnaître ses actes. Ce geste amena Francis à poursuivre d'une voix plus sûre.
- Ce que je te propose, avec Feliciano, est sa version améliorée. Çà ne concernera plus seulement le charbon, et tu auras notre aide, en plus de Belgique. Ludwig, continua-t-il en posant sa main sur le bras allemand, on veut t'aider. Cesse de penser à cette fichue guerre et... Reconstruis-toi.
La France remarqua les larmes qui se cachaient dans les yeux clairs, des larmes trop honteuses pour se montrer. Si Ludwig n'était pas si sec envers les démonstrations physiques, il l'aurait serré dans ses bras comme un pauvre garçon qui venait de se blesser en jouant. Un soupir secoua le corps de l'Allemagne, tandis que Ludwig faisait disparaître du bout des doigts les larmes qui s'échappaient.
- Je ne serais jamais reconstruit totalement. Il manquera toujours quelque chose.
Francis hocha la tête, ravalant les formules habituelles comme " Je comprends " qui ne faisaient qu'aggavrer la situation. Sentant que l'orage s'était calmé, Feliciano revint vers eux. Sa voix faible et balbutiante sembla douce dans cette ambiance encore emplie de tension.
- Tu devrais manger des pâtes Ludwig, tu serais moins triste. Tu veux que je t'en cuisine ?
L'attitude de Feliciano ne trompait personne. Il jouait encore les simples d'esprit juste pour détendre l'atmosphère et cesser les luttes entre nations. Mais la France et l'Allemagne ne sauraient jamais le remercier assez de savoir apporter un peu de fraicheur dans ce monde décadent. La main de Ludwig se posa sur le crâne de l'Italie, le caressant doucement.
- C'est une excellente idée Feliciano. Mais je ne crois pas avoir encore des pâtes.
- Veee, ce n'est pas grave, on va en acheter.
L'Italie se saisit de la main de Ludwig qui reposait sur son crâne, la serrant entre ses doigts pour l'amener avec lui. Ludwig se laissa emporter, un peu perdu par ce changement d'ambiance. Une partie de son esprit voulait retourner se recroqueviller dans la pénombre de la maison, l'autre croire que tout allait s'arranger et que ce nouvel avenir commençait tout de suite. Il finit par se laisser aller au son de cette voix, oubliant durant quelque instants la perte d'un être dont il n'espérait plus aucun retour.
- Vous êtes si mignons tous les deux.
- Francis, je t'interdis d'embarquer Feliciano dans tes histoires !