Titre : Subtilités de plaidoiries
Auteur :
anadyomedeFandom : Autant en emporte le vent
Personnages : Boyd Tarleton, sa mère et le reste de la famille.
Disclaimer : Tout appartient à Margaret Mitchell.
Rating : PG
Thème : Dispute (set B)
Note : J'aurai bien besoin d'un tag, si c'est possible :)
A peine Boyd avait-il ouvert qu’il avait su - parfaitement su comme il savait que toujours le soleil s’élèverait sur Joli Coteau, que toujours des poulains piafferaient d’impatience dans leurs enclos et que deux et deux faisaient quatre : ses frères avaient déserté la maison. Tous aussi traîtres les uns que les autres, ils avaient dû se lever aux aurores afin de se faufiler en toute sécurité au-dehors avec une discrétion dont personne n’aurait pu se douter une année auparavant.
Boyd était donc tout ce qu’il y avait de plus seul pour affronter leur redoutable mère. Encore. Un jour, Tom et les jumeaux paieraient pour cette indigne trahison. Il ne savait juste pas exactement quand, mais un jour, oui.
Il s’habilla en maudissant toute leur lignée. Même ce crétin de Jeems n’avait pas été assez stupide pour rester dans la plantation.
Car c’était un miracle si à leur arrivée, Béatrice Tarleton était trop affairée avec son nouveau pur-sang. Les quatre frères n’avaient jamais été si heureux de recevoir un nouvel étalon, même si ce dernier semblait décidé à tuer tout nègre qui l’approchait.
Cela avait laissé une nuit de répit à Boyd - « Une nuit pour préparer tes arguments ! », avaient déclaré les jumeaux en lui administrant une petite tape sur le dos. Ainsi qu’une matinée. Puis un midi, et finalement toute une journée qu’il avait passé à tourner furieusement en rond entre les quatre murs de sa chambre. Boyd avait manqué d’en perdre la raison.
Face à cette quatrième expulsion, il était incapable d’innover.
***
Ses frères n’avaient évidemment pas été assez bêtes pour rentrer dîner. C’était donc le soir que Boyd s’était retrouvé face à sa mère et aussitôt, un froid glacial s’était abattu en lui - car malgré ses vingt-quatre ans, il se sentait toujours un peu terrifié lorsque Béatrice croisait les bras et repoussait son assiette, dardant sur son fils ainé ce regard furieux qui réduisait toute la maison au silence. Ces yeux là, elle ne les réservait qu’aux hommes, qu’ils soient blancs ou noirs, enfants ou vieillards - ses chevaux, eux, (elle en était intimement convaincu) étaient bien trop innocents pour mérité une telle punition ; car c’était deux prunelles grises et froides comme du fer qui suffisaient à remplir l’air de menaces et claquaient comme un coup de cravache lorsqu’elles se déposaient sur leurs victimes.
Lui, en l’occurrence.
Les quatre petites s’étaient faites très discrètes à table et de là où il se trouvait, Boyd discernait leur sourire amusé. La scène qui se préparait semblait les réjouir au plus au point et toutes étaient curieuses de voir par quel tour il parviendrait à s’en sortir cette fois-ci. Et son père qui n’était pas là pour le soutenir !
« Pourquoi, susurra enfin Béatrice et ce fut comme si tout son visage d’un coup s’enflammait, pourquoi est-ce que je me retrouve encore avec vous sur les bras ? »
Et d’un geste, elle désigna la sortie à ses filles.
Une à une, toutes les quatre s’éclipsèrent pour mieux coller leurs oreilles contre les murs et assister à la dispute qui couvait sans risquer de s’y retrouver trempées. Seule Betsy ne résista pas à la tentation de se tourner une dernière fois vers son frère aîné pour lui glisser un resplendissant sourire qui aurait presque pu se vouloir encourageant. Mais les malicieuses fossettes qu’il ne manqua pas de créer rappelèrent à Boyd que finalement, il n’y avait que lui-même qui tremblait pour sa survie : tout le reste de la famille s’accordait à le considérer comme le grand, l’unique héros à même de terrasser le dragon maternel.
Et cela les arrangeait bien.
« Je t’écoute.
- …
- Ce n’est pas toi, le futur avocat ? siffla-t-elle. Mais dans un très lointain futur alors, parce qu’au rythme où vous allez, tes frères et toi, il va falloir bientôt que vous traversiez des océans avant de retrouver une université !
- Eh bien…
- Qu’est-il arrivé, ce coup-ci ? Êtes-vous aussi purs et innocents que les trois dernières fois et votre expulsion n’est que la conséquence d’une terrible persécution ? Une terrible injustice ? Un complot ? Ou laisse-moi deviner : ce sont ces deux petits imbéciles qui sont encore rentrés ivres comme des cochons et une nouvelle fois, tu n’as pas été capable de les calmer ? C’est incroyable le peu d’influence que tu as sur eux !
- C’est qu’à dire vrai… je… ils… »
Boyd ferma les yeux. Consciencieusement, il tenta de remettre en place les quelques idées qui lui étaient parvenues le matin-même mais assis face à sa mère, il sentait déjà que son cerveau se couvrait littéralement de brume et que tout espoir était perdu. Déjà lui parvenaient les chuchotements moqueurs des petites et il se voyait lui-même comme déjà mort - car s’il brillait aux cours de rhétorique, lorsqu’il se retrouvait devant Béatrice, il avait l’impression qu’un nain lui écrasait joyeusement les pensées. Ou peut-être était-il simplement mauvais ?
« Je vous entend, hurla soudain Béatrice Tarleton en direction du mur. Et je vous préviens : si vous ne déguerpissez pas immédiatement, je sors le fouet ! »
Se tournant à nouveau vers son fils ainé qui attendrait, désemparé, elle parut sur le point de continuer sur sa lancée mais fut brusquement stoppée. Durant une seconde, elle sembla encore illuminée de fureur puis tout retomba.
« Ah non ! gémit-elle. Non, ne te mets pas à pleurer ! C’est trop injuste. Tu réalises que c’est pareil à chaque fois ? Et comment je t’en veux, moi, après ? Boyd, s’il te plait ! »
Peut-être Boyd commençait-il à comprendre qu’en vérité, si tous les Tarleton restaient en admiration devant sa capacité à se faire pardonner, cela était simplement dû à leur ignorance des pratiques mises en œuvre. Car sangloter comme un enfant pris sur le fait n’était pas précisément ce que l’on vantait.