Soul Calibur - Raphael Sorel - n°19. Mort de fatigue

Mar 16, 2007 08:18

Titre: La marque des circonstances
Auteur: drakys
Fandom: soul calibur
Personnages: raphael et amy
Rating: G
Thème: 19. Mort de fatigue
Disclaimer: nintendo, namco
Notes: x-post sur 31_jours


Il était à bout de souffle et à bout de force, courir lui brûlait la poitrine, mais s'il s'arrêtait, c'était la fin. Ses poursuivants allaient le rattraper et il n'aurait pas à souffrir la honte de l'emprisonnement: il serait exécuté avant même que vienne le jour avec pour seuls juges la lumière pâle de la lune et la stupidité des hommes.

Ridicule, pensait-il entre ses dents serrées et injuste, lui soufflait une voix depuis les ténèbres qui commençaient à recouvrir son âme.

La rage lui serrait le cœur, bouillante et empoisonnée. Pour la mort d'un noble, sa famille l'avait rejeté. Pour la mort d'un seul petit noble faible et devenu fou, un seul petit noble dont sa famille s'était fait alliée, il avait tout perdu! Parce qu'il n'avait rien fait d'autre que défendre sa propre vie en tuant l'homme possédé, il avait réalisé que son existence n'avait jamais rien valu aux yeux des siens.

La rapière qui battait à son flanc, il était revenu la voler dans la maison de ces ancêtres, sous ce toit qui jamais plus de l'accueillerait autrement qu'en étranger et en traître. Au moins les avait-il délestés d'un héritage familial qui lui revenait de droit!

Raphael se jeta dans le premier interstice venu, entre la pierre sale et le bois brisé d'une barrière fragile. Il fallait qu'il tente la chance de quelques moments de repos, parce qu'il ne pouvait plus courir. Appuyé dos contre le mur froid, son cœur battait trop vite et contrôler sa respiration brisée et laborieuse était un enfer.

"Hé la gamine!", demanda brusquement le premier des soldats d'une voix rude, à quelques pas à peine de sa cachette. "Tu as vu le fuyard?

- Par où est-il allé?", enchaîna une autre voix fatiguée par la poursuite. "Réponds!"

Raphael n'entendit pas de réponse et il retint son souffle. Il se damna intérieurement de ne pas avoir plutôt continué à courir, mais il doutait que ses jambes auraient accepté de le porter beaucoup plus longtemps. Tout son corps tremblait à la fois de colère et de fatigue. Il se serait écroulé avant d'atteindre la sortie de la ville.

Sa main se crispa un peu plus serrée sur la garde de Flambert.

Il allait au moins crever en défendant chèrement sa vie! On n'allait pas le prendre vivant pour l'exécuter honteusement comme un criminel de bas étage!

Raphael inspira et expira lentement en entendant les pas de course s'éloigner, mais il se tendit aussitôt. Une fillette qui ne devait pas avoir beaucoup plus de dix ans se faufila près de lui, levant vers lui des yeux pâles où il n'y avait ni crainte, ni malice.

"Ils sont partis", dit-elle simplement et elle resta un moment immobile devant lui.

Elle lui tendit ensuite la main. Il la regarda sans comprendre. Regarda cette petite main pâle et fragile, qui avait tenu sa vie sur la paume et qui au lieu de l'écraser, l'avait protégée. Raphael la dévisagea: les traits fins de ce visage jeune qui ne trahissait aucune peur même s'il était un étranger et un fuyard.

"Pourquoi?", demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Elle eut l'air surprise de la question et regarda sa paume en se trompant sur le sens de la question. Elle l'essuya contre sa robe rapiécée et refit le même geste: elle lui tendit encore la main. Il la dévisagea d'une expression plus sévère encore, cherchant derrière les yeux clairs les marques de la traîtrise. Raphael fronça les sourcils, toujours sur ses gardes.

"Diable qu'il m'importe que ta main soit sale! Pourquoi m'as-tu aidé?"

Tous ceux qui lui avaient tendu une main jusque là avaient tenté de l'autre de le poignarder. Pourquoi cette enfant serait-elle mieux que ceux de son sang, que les soldats, que tous ces inconnus qui n'avaient croisé son chemin que pour lui nuire?

La fillette lui sourit d'un sourire triste et il comprit.

"Les soldats comme eux, peu leur importe la vie et la mort de ceux comme moi."

Il comprit qu'elle n'était pas comme les autres. Qu'elle était marquée comme lui, par d'autres circonstances. Qu'elle lui tendait la main sans arrière pensée et sans malice. Qu'elle lui avait sauvé la vie et qu'il lui devait sa gratitude.

Raphael referma sa main sur celle de la fillette sans plus hésiter.

"Je te suis redevable...", répondit-il avec une hésitation silencieuse, réalisant qu'il ne connaissait pas le nom de la petite.

Il avait parlé beaucoup plus doucement qu'il n'en avait eu l'intention.

Parce qu'elle était la première depuis longtemps à l'avoir traité comme un humain et pas comme un animal, une proie à traquer. Parce qu'elle faisait reluire tout ce qui lui restait de l'espoir qu'il croyait avoir entièrement perdu. Parce qu'elle lui permettait enfin d'arrêter d'haïr.

"Amy", sourit-elle en relevant la tête fièrement. "J'ai une cachette où il ne te trouveront pas", annonça-t-il en l'entraînant à sa suite. "Et demain tu pourras repartir et quitter la ville en secret."

Sa cachette n'était qu'une maison abandonnée, à moitié effondrée, mais Raphael y vit un palais. Il s'écroula de fatigue à l'endroit qu'elle lui pointa comme un lit. Peu importait à son corps brisé, par la fatigue et par les élancements de blessures pas toutes cicatrisées, la paille humide aux odeurs de moisi ou la couverture trop courte dont elle le couvrit.

Pour la première fois depuis sa fuite, il dormi profondément, sans être constamment réveillé par le moindre bruit.

Il ne remarqua qu'en se réveillant le lendemain qu'elle lui tenait toujours la main, endormie près de lui. Raphael eut un sourire doux, un des seuls qui aient jamais éclairé son visage et il resserra ses doigts dans ceux de l'enfant.

Raphael décida de la sauver de cet endroit, comme elle l'avait sauvé de la haine qui l'aurait autrement consumé.

(14 mars 2007)

19. mort de fatigue, soul calibur: raphael sorel

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