Harry/Draco - HP - n°15: Le bleu le plus pur (3)

Oct 31, 2008 12:24


Titre : Gondoles et breloques
Auteur : incitatus78
Couple : Harry/Draco
Fandom : Harry Potter
Rating : K (G)
Thème n°15 : Le bleu le plus pur
Disclaimer : Les personnages ne sont pas à moi, mais à J.K.Rowling.
Note : Pour ce thème, j'ai prévu une fic en cinq chapitres, que je posterai un à un. Voici le chapitre 2. Bonne lecture!
( Prologue) ( Chapitre 1)
Gondoles et breloques

- Où il est utile à Harry d'avoir de bons réflexes -

Il était encore tôt ce matin-là, et les ruelles tortueuses de la cité des doges étaient pratiquement désertes. Ou du moins, il y régnait une activité tout autre que celle que faisaient régner les touristes dans la journée. À tous les coins de rue, les éboueurs ramassaient les déchets de la veille, les entassaient dans leur chariot et les apportaient au canal où se trouvait le bateau-poubelle. Les livreurs déchargeaient les bateaux de leur cargaison de bouteilles d'eau, vin et sodas, puis se dispersaient dans la ville, portant les cartons qui sur l'épaule, qui sur un diable. De temps à autre, Harry et Draco croisaient un joggeur matinal, mais en dehors de ça, il n'y avait personne. Et plus ils approchaient la Juderia plus les promeneurs se faisaient rares. Au bout d'un certain temps, alors qu'ils étaient déjà dans le quartier juif depuis quelques minutes, ils ne virent plus âme qui vive.
Ce quartier était fort différent du reste de la ville. Les bâtiments y étaient plus bas, plus carrés. Les couleurs moins tape-à-l'œil, dans les tons ocres et bruns, composaient un tableau plus austère, mais également plus réaliste. Draco, qui avait été confronté à plusieurs reprises au cours de ses recherches à ces ghettos et à l'esthétique juive, n'était pas très étonné, bien qu'il admirât la beauté et le sentiment de sincérité qui se dégageait de ce quartier. Harry quant à lui ne revenait de la différence qu'il pouvait y avoir entre deux quartier d'une même ville. Certes, pour un promeneur inattentif, ce changement n'aurait pas été perceptible: les canaux et les ponts étaient toujours là, les crépis restaient de couleurs chaudes et les pourtours des fenêtres étaient toujours blancs. Mais n'oublions pas qu'Harry était alors un Auror à l'œil exercé: rien ne lui échappait. Il mourrait d'envie de faire part de ses impressions à son collègue du moment, mais il craignait de se voir répondre par quelque moquerie ou pique désagréable, et à cette heure matinale, il ne se sentait pas assez de sang froid pour ne pas y réagir. Alors il se tut.
Brusquement, Draco s'arrêta devant une vieille porte en bois. Levant les yeux, Harry s'aperçut que le crépi effrité faisait bien triste figure, et que l'ensemble du bâtiment semblait plus ou moins abandonné.
« Tu es sûr que c'est la bonne adresse?
- Tu crois peut-être que mes renseignements sont erronés?
- Je n'ai pas dit cela, mais cette bâtisse ne m'a pas l'air très habitée.
- Parce qu'une maison doit forcément avoir l'air habitée pour l'être effectivement? Et bien bravo pour tes compétences d'Auror! Une fois de plus, tu me laisses sans voix.
- Je suis mieux placé que n'importe qui pour savoir qu'il ne faut pas se fier aux apparences, mais quand même! J'ai un mauvais pressentiment.
- Laisse donc tes sentiments et ton instinct de côté pour aujourd'hui. Essaye plutôt de trouver une sonnette ou un heurtoir.
- Un quoi? »
Draco fit mine de n'avoir pas entendu la question disgracieuse et se mit en quête de quelque chose qui pût prévenir le maître des lieux de leur arrivée. Il n'eut pas fait deux pas en direction de la porte d'entrée que celle-ci s'ouvrit.
« Bonjour Messieurs, je vous attendais.
- Bonjour à vous Signor Rizzi.
- Entrez, entrez! Ne restez pas dehors! »
Harry, dès qu'il avait entendu la voix qui les avait accueillis, s'était retourné pour observer leur hôte. C'était un vieil homme, tout petit et courbé, le visage mangé par une abondante barbe grise. Il semblait ne jamais se départir d'un sourire amical. Alors qu'il les entraînait dans sa demeure, il leur expliquait qu'il était un magicien, issu d'une grande famille de marchands qui faisait déjà du commerce dans cette ville à l'époque des premiers doges. D'une main il leur présentait les portraits de quelques ancêtres accrochés aux murs, et ceux-ci, sortis d'un autre temps, saluait les visiteurs d'une brève inclinaison de la tête. Il les fit entrer dans le salon, ou Harry et Draco prirent place sur des poufs couverts d'un velours élimé. Lui-même prit place dans un fauteuil, puis il claqua dans ses doigts. Apparut alors un petit elfe de maison noblement vêtu d'un rideau de damas couleur brique. Le vieil homme lui intima d'apporter du thé et des petits gâteaux pour ses hôtes et la créature disparut dans un plop caractéristique.
« Alors, en quoi puis-je vous aider Messieurs?
- Voyez-vous, Signor Rizzi...
- Appelez-moi Bartolomeo!
- Bien. Alors, Bartolomeo, puisque vous insistez, il se trouve que nous faisons des recherches sur la légendaire Rowena Serdaigle.
- Oui, renchérit Harry, nous sommes en quête d'un... Aïe! » Harry se tut, après avoir reçu un violent mais discret coup de pied dans la cheville.
« Que vous arrive-t-il Mr Potter? J'ai entendu dire autrefois que votre cicatrice pouvait vous donner de violentes migraines. Est-ce le cas présentement?
- Non, rassurez-vous, rien de tel ne s'est plus produit depuis plus de dix-neuf ans!
- Vous m'en voyez rassuré. Ah! Voilà Rossi. Nous allons pouvoir deviser tout en nous restaurant. »
Draco se sentait presque chez lui, malgré l'aspect vieilli de l'intérieur de cette maison. Il avait affaire à une vieille famille de sorciers, et partageait les valeurs et l'éducation de ce vieillard chenu. Par contre, Harry ressentait un certain malaise face au regard noir de son hôte. Ces deux petits yeux chafouins, profondément enfoncés dans leurs orbites, mettaient en alerte son instinct de survie, et il ne comprenait pas pourquoi. Il finit par s'en remettre à l'air affable et au ton enjoué de Bartolomeo, et s'attaqua avec appétit aux pâtisseries qu'on lui présentait: il n'avait pas eu le temps de prendre son petit-déjeuner avant de quitter l'hôtel - Draco avait ''malencontreusement'' oublié de le prévenir qu'ils étaient attendus à huit heures trente - et leur longue promenade lui avait ouvert l'appétit. Après tout, il s'agissait des recherches de Malfoy, il n'allait donc pas l'aider! Lui se sentait à l'aise sur le terrain, et jamais, même au temps de sa scolarité, il ne s'était trouvé beaucoup d'affinités avec les livres et les bibliothèques; il avait toujours laissé le soin de ses recherches à Hermione, et aujourd'hui, son ''collègue'' s'en chargerait. Fort de ses résolutions, il prêta une oreille plus ou moins attentive à la conversation.
« Je ne peux malheureusement pas vous être d'une grande aide, Mr Malfoy. Je crains que mes connaissances en histoire de la magie ne soient bornées à l'Italie et à la France.
- Je comprends, mais n'auriez-vous pas, par hasard, entendu parler des quatre fondateurs de Poudlard?
- Poudlard? Vous voulez parler de l'école de sorcellerie sise en Angleterre?
- En Écosse, plus exactement, mais oui, c'est bien cela.
- En ce cas, attendez quelques instants, je reviens. »
Bartolomeo sortit du salon par une petite porte que Draco n'avait pas encore remarquée mais dont Harry avait noté l'existence en entrant dans la pièce. Quelques minutes plus tard, il était de retour avec un catalogue de vente aux enchères, et montrait à ses hôte la page quarante-sept du journal. Aussitôt, une exclamation de surprise échappa à Draco.
« Qu'est-ce qu'il y a? » demanda Harry, vexé de n'avoir rien remarqué de particulier.
« Mais tu ne vois pas que ce portrait représente une certaine Faerna Serdaigle, épouse di Corazzi!
- Et alors?
- Tu crois peut-être que ce nom court les rues, surtout ici à Venise?
- Comment sais-tu que cette personne était ici à Venise?
- Il est écrit, sous ce tableau, qu'il a été authentifié comme étant l'œuvre de Canaletto, un peintre assez connu de cette ville.
- Et s'ils s'étaient trompés dans l'authentification? Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux vérifier par nous-mêmes?
- Tu es trop suspicieux. Et puis il suffit de voir la facture de la peinture, fort bien reproduite d'ailleurs, et l'on n'a que peu de doutes sur la provenance de la toile. D'autant qu'en arrière-plan on retrouve l'église San Giaccomo, que l'on ne connaît pas si l'on n'a pas séjourné dans la ville.
- Je vois que vous êtes connaisseur Mr Malfoy!
- Merci Bartolomeo. Savez-vous où nous pourrions retrouver pareil tableau aujourd'hui?
- Non, mais puisque je suis maintenant certain de ce que vous cherchez, je vous propose d'aller voir dans ma bibliothèque. Peut-être y trouverez-vous quelque indice qui vous aidera dans votre quête. Il y a notamment des archives de l'époque du tableau, ainsi que des arbres généalogiques de nombreuses familles sorcières. Je ne peux malheureusement pas faire beaucoup plus.
- Ça ira très bien ainsi. Je vous remercie beaucoup pour votre aide, Signor Rizzi. »
Bartolomeo les avait conduits dans une grande pièce encombrée d'étagères et de meubles transformés en bibliothèques d'appoint. Tout était couvert d'une épaisse couche de poussière et des toiles d'araignée ornaient le plafond de leur dentelle scintillante. Après leur avoir expliqué le classement des ouvrages et les avoir prévenus qu'il restait à leur disposition, le vieux sorcier s'était éclipsé par une porte dérobée, ce qui n'échappa point au regard suspicieux de Harry.
Depuis qu'il était entré dans cette demeure décatie, celui-ci n'avait pas relâché son attention une seule seconde. Un mauvais pressentiment le taraudait, et, ne comprenant pas pourquoi, cela l'agaçait au plus haut point.
« Bien, qu'est-ce qu'on fait? » lâcha-t-il en se vautrant dans un fauteuil qui devait dater de Mathusalem.
« On cherche. » Draco ne semblait pas de la meilleure humeur qui soit, et Harry, que l'ambiance « poussière et vieux livres » n'avait jamais mis à l'aise, avait les nerfs à fleur de peau: il ne supporterait pas longtemps les injonctions de son soit-disant associé. Prenant sur lui-même, il parvint tout de même à répondre calmement.
« Et qu'est-ce qu'on cherche?
- Des renseignements sur Rowena et ses pendants d'oreille par Merlin! Vas-tu cesser de me casser les oreilles avec tes questions stupides? »
Le sang de Harry ne fit qu'un tour.
« Mes questions stupides! Je t'en donnerais moi des questions stupides! Maintenant, tu vas arrêter immédiatement de me parler comme si j'étais le dernier des abrutis! Je te rappelle que c'est toi qui m'as entraîné dans cette aventure sans que je sache ce que tu cherchais. Je n'y connais absolument rien en histoire de la magie, alors je prierais Monseigneur de bien vouloir me donner des instructions précises.
- Je reconnais bien là les Aurors! Incapable d'agir s'ils n'ont pas d'ordres. Pires que des chiens!
- Retire ce que tu as dit tout de suite!
- Jamais de la vie!
- Retire ça ou tu te souviendras toute ta vie qu'on ne m'insulte pas impunément!
- C'est ça, c'est ça, menace-moi. Tu ne me fais pas peur Potter! »
Cependant, malgré son air assuré, Malfoy avait réagi comme un animal apeuré: agressif mais aux aguets, prêt à mordre. Après tout, il savait parfaitement de quoi Harry était capable et jusqu'où sa colère pouvait le pousser.
Soudain, un bruit de porcelaine brisée leur parvint, suivit d'un juron qu'ils ne comprirent pas. Immédiatement, Harry avait tourné l'oreille vers l'endroit où avait surgi ce fracas. Il n'y avait que des étagères, partout alentours.
« Laisse tomber, il n'y a rien.
- Je n'en suis pas si sûr. Je t'ai déjà dit que cette maison ne me tranquillisait pas, pas plus que son occupant.
- C'est toi seulement ou c'est dû au métier?
- De quoi?
- La paranoïa. »
Draco se pencha à temps pour éviter le livre que venait de lui lancer Harry.
« Dis-moi, c'est moi qui délire ou tu ne faisais pas qu'étudier dans ton école d'histoire? le parodia Harry.
- Comment? Qu'est-ce que tu racontes?
- J'ai l'impression que tu as l'habitude d'esquiver les livres. Un peu comme si les batailles rangées de grimoires faisaient partie de l'emploi du temps des étudiants en histoire. Est-ce que je me trompe?
- Je vois que tu n'as pas volé ta réputation. Tu as l'œil.
- Merci pour le compliment.
- Mais tu te trompes. Je n'ai jamais fait de bataille de grimoires. Ce sont des objets bien trop précieux pour ce genre d'occupations.
- Mouais. Tu ne me feras pas changer d'avis comme ça. Bref. Occupe-toi donc de tes recherches, je vais voir ce coin là-bas qui m'intrigue. »
Draco ne répliqua rien et s'attela à la tâche tandis que Harry s'éloignait furtivement vers le recoin d'où leur était provenu le bruit.
Rien. Il n'y avait rien. Seuls les livres poussiéreux s'entassaient dans cette partie de la pièce, sur de vieilles étagères qui ployaient sous le poids des ans et des volumes. Pourtant, Harry était certain que le bruit provenait de là. Il aurait voulu lancer un sort de son cru, qui lui aurait permis de déceler toute trace de passage ou d'ouverture, mais il ne pouvait se permettre de se risquer à des manipulations magiques dans cet endroit. Le vieux Bartolomeo cachait quelque chose et il n'allait pas lui donner des preuves de ses soupçons. Alors qu'il en était là de ses réflexions, Harry perçut un reflet, qui ne provenait certainement pas de la bibliothèque, salle sombre et austère. Il s'approcha de quelques grimoires qui étaient couchés à l'horizontale, contrairement à tous les autres volumes du meuble. Il les retira discrètement, et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit dans le mur un espace infime, mais néanmoins suffisant pour lancer un sort d'amplification. Ainsi, ils étaient surveillés. Il passa sa main sur les pierres, juste sous la fente, et sentit immédiatement la présence d'un sort d'illusion. Pas de doute, derrière se trouvait celui qui les espionnait. Après avoir vérifié que personne n'avait remarqué sa découverte, il replaça les livres et poursuivit ses recherches.
Après plusieurs heures de fouilles stériles, il revint s'asseoir auprès de Draco qui était plongé dans un dossier aux pages jaunies.
« Tu en es où? Tu as découvert quelque chose? » Tout en posant sa question, Harry avait rédigé sur les notes de Draco un petit mot, qui lui recommandait de se taire parce qu'ils étaient surveillés. Malfoy avait froncé les sourcils mais n'avait rien répondu.
Bientôt, Harry, qui ne pouvait tenir en place deux minutes, se releva et poursuivit ses investigations. Au bout d'un certain temps, Draco le rejoignit. « Viens voir, » chuchota-t-il tout en ayant l'air de l'ignorer et de ranger un livre. Harry le suivit. Ils s'arrêtèrent devant la porte dérobée que Harry avait remarquée dès son arrivée. Il allait se moquer ouvertement de son acolyte quand son regard accrocha le doigt que Draco pointait sur une gravure discrète. Elle représentait une aigle héraldique. Un examen plus poussé mit en avant des traces de peinture bleue, que le temps avait effacées. Le temps? Certainement pas: il y avait ici tous les éléments d'un sort de nettoyage appliqué à la va-vite. Désormais, Harry était certain qu'ils devaient se méfier de Rizzi. Il fit signe à Draco qu'il ferait mieux de retourner à ses recherches s'ils ne voulaient pas que leur hôte se doutât de quelque chose. Quant à lui, sa curiosité le poussait à aller voir derrière la porte ce qui s'y cachait, mais sa prudence lui soufflait au contraire qu'il ferait mieux de retourner auprès de Malfoy pour donner le change à leur espion. Il jeta un coup d'œil derrière lui, vit son associé plongé dans ses notes, et sa décision fut prise.
La porte était fermée à clef. Comme il ne voulait pas risquer la moindre magie, il employa la vieille méthode moldue de l'épingle à cheveux. En quelques secondes, le problème était réglé et Harry entrait. Ce qu'il vit dans cette mystérieuse salle le laissa sans voix. Partout des aigles, des tentures aux couleurs de la famille Serdaigle, des grimoires et des dossiers concernant le passé de cette glorieuse famille. Mais alors, pourquoi Bartolomeo leur avait-il dissimulé cette mine d'informations? Il passa en revu tout ce qu'il voyait et retourna dans la bibliothèque.
Malfoy s'échinait à éplucher des dossiers où, Harry en était maintenant certain, il ne trouverait rien. Il s'empara alors d'un registre et rédigea une note à l'attention de son voisin tout en faisant semblant de s'intéresser à sa lecture. Draco lu le message puis, l'air de rien, se leva, empila quelques manuscrits et s'en fut vers la porte à l'aigle. Lorsqu'il revint, il avait les mains vides. Harry leva les sourcils d'étonnement mais ne dit rien. Et tous deux se replongèrent dans leur lecture - ou, pour être plus exacte, Draco se replongea dans sa lecture pendant que Harry faisait semblant de s'intéresser à un arbre généalogique.
« Alors comme ça ton fils est à Serpentard? » La question avait fusée dans le silence poussiéreux de la bibliothèque, sans préavis. Aussitôt, Harry fut piqué au vif.
« Et alors? Qu'est-ce que ça fait?
- Oh rien, rien...
- ...
- N'empêche, ça a dû te faire bizarre, toi le pur Gryffondor, de voir ton fils aller à Serpentard, » ne put s'empêcher de remarquer Draco avec un sourire moqueur.
« C'est plutôt Ginny qui a mal pris la chose.
- Ça ne m'étonne pas.
- Qu'est-ce que tu insinues?
- Rien. Ça ne m'étonne pas dans le sens où c'est une Weasley. Tous les Weasley ont été et seront toujours à Gryffondor.
- C'est là que tu te trompes.
- Comment ça?
- Albus est un Potter.
- Ton père n'était pas à Gryffondor peut-être? Et ta mère?
- Certes.
- Et toi, tu étais à Serpentard? C'est marrant, je ne m'en souviens pas... »
À cette réplique, Harry baissa les yeux.
« J'ai été à Gryffondor parce que je l'ai choisi, déclara-t-il après quelques minutes de silence.
- Ne dis pas n'importe quoi! C'est le Choixpeau qui a choisi. Je m'en souviens comme si c'était hier.
- Le Choixpeau voulait m'envoyer à Serpentard. »
Ce fut au tour de Draco de se taire.
« Et comme je n'ai pas voulu, il m'a envoyé à Gryffondor.
- Mais, je ne comprends pas. Comment se fait-il que tu aies choisi Gryffondor? Si mes souvenirs sont bons, tu n'y connaissais rien.
- Je n'ai pas vraiment choisi Gryffondor. J'ai plutôt supplié le Choixpeau de ne pas m'envoyer à Serpentard.
- Et pourquoi ça?
- Parce que tu étais à Serpentard, et que tu venais d'insulter l'ami que je venais de me faire. Il était hors de question que je me retrouve avec toi.
- Mais mon fils est à Serpentard. Tu aurais pu refuser que ton fils y aille?
- Et à quoi bon? Les décisions du Choixpeau sont irrévocables.
- Scorpius m'a raconté que ton fils avait fondu en larmes lorsque le Choixpeau l'a envoyé à Serpentard. Tu le savais?
- Bien sûr! Pour qui tu me prends? Pour un père qui oublie ses enfants lorsqu'ils sont à Poudlard? Évidemment qu'il a pleuré!
- Parce que pour toi, il est normal de pleurer lorsque l'on entre à Serpentard?
- Non, je n'ai pas dit ça. Mais comme son unique peur était d'aller à Serpentard et qu'il s'est retrouvé dans cette maison, c'est normal qu'il ait pleuré. Tu crois peut-être que ton fils n'aurait pas pleuré si à il avait été envoyé à Poufsouffle à onze ans?
- Serpentard et Poufsouffle, c'est radicalement différent.
- Laisse-moi te dire que toutes les maisons se valent. Sauf que pendant la guerre, Serpentard est la seule à s'être laissée gagner par la peur. Je n'ai rien à ajouter. »
Un silence tendu s'installa, et dura le temps que Draco finisse la lecture de son dossier. L'heure du déjeuner était passée déjà et Harry sentait son estomac protester. Il se leva et partit en quête de leur hôte. Celui-ci était affairé dans la cuisine. Il lui demanda s'ils préféraient se joindre à lui pour le repas ou si des sandwiches leur suffiraient. Des sandwiches feraient l'affaire.
Lorsque Harry fut de retour, Draco était toujours plongé dans l'étude d'un registre poussiéreux. Il déposa le repas au milieu de la table et se servit. Le silence s'emplit de bruits de mastication, et peu à peu, l'estomac de Harry redevint totalement silencieux.
Le plat était vide depuis un petit moment déjà, et Harry s'assoupissait, tandis que son collègue relisait ses notes.
« Alors comme ça, c'est Weasley qui a mal supporté que votre fils aille à Serpentard?
- Qu'est-ce que ça peut te faire?
- Pas grand chose. J'essaye juste de discuter. J'aurais pensé que tu aurais réussi à convaincre ta tendre épouse que ''toutes les maisons se valent''...
- Comme tu l'as si bien fait remarquer, ce n'est pas le cas. Le chapitre est clos.
- Disons qu'il est momentanément clos.
- Mais pourquoi est-ce que tu t'acharnes à vouloir tout savoir? Qu'est-ce qui t'intrigues tant que ça?
- Je pensais simplement que Weasley et toi aviez la même façon de penser.
- Et bien non. Et toi? Est-ce que tu es toujours d'accord avec ta femme? Ça m'étonnerait.
- Et pourquoi ça?
- Parce que je te connais. Je sais que tu n'es d'accord qu'avec toi-même la plupart du temps, et encore. »
Pour toute réponse, Draco se plongea dans la lecture d'un compte-rendu de procès qui avait l'air fort passionnant. Harry se leva et partit en quête d'indices, il ne savait pas trop de quoi. Il lui fallait bien une excuse pour quitter la table sans avoir l'air de fuir. D'ailleurs, qu'aurait-il fui? C'est Malfoy qui s'était tu. Peut-être se sentait-il plus concerné par la conversation qu'il ne voulait le laisser paraître? De son côté, Draco ressassait la question de Potter. La réponse, il la savait par cœur. Mais pour rien au monde il n'aurait affirmé à un Potter heureux dans sa vie conjugale que son mariage était un désastre. Et si Potter n'était pas si heureux que ce qu'il voulait affirmer? Après tout, il avait fui au moment où le ton commençait à monter. Certes, c'était lui qui avait gardé le silence, mais Potter avait fui.
« Scorpius, ça craint quand même.
- Pardon?
- Ce n'est pas un prénom ça! Scorpius... pauvre gamin.
- Je suis d'accord. »
Jamais Harry ne se serait attendu à une telle réponse. Son silence fut assez éloquent puisque Draco reprit: « Si tu crois que j'ai eu le choix. Tu ne connais pas la tradition?
- Quelle tradition?
- La tradition sorcière qui veut que le grand-père paternel choisisse le prénom du fils premier-né.
- Et c'est ton père qui a choisi le prénom de ton fils?
- Oui.
- Et tu n'as rien pu faire pour l'empêcher de faire une chose pareille?
- Non. J'ai pourtant essayé, mais sa volonté a été inébranlable. J'ai donc dû me soumettre à la tradition. Mais dis-moi, James et Lily, ce n'est pas la tradition qui t'a fait choisir ces prénoms. Pourtant, c'est un peu malsain de donner à un frère et une sœur le nom de deux époux, décédés en plus.
- Tout le monde peut se tromper!
- Mais se tromper sur le prénom de ses enfants, c'est quand même un peu limite, tu ne trouves pas?
- J'étais jeune et enthousiaste, je venais à peine de faire le deuil de mes parents, alors cela m'a paru tomber sous le sens.
- Il semble que tu te sois trompé. Et Weasley était d'accord?
- Mais qu'est-ce que tu as avec Ginny à la fin! Si tu veux tout savoir, elle n'a rien fait pour me décourager, et je le regrette. Là, tu es content? Maintenant tu vas arrêter de ramener Ginny dans la conversation à tout bout de champ. Et toi, tu ne me parles jamais de ta femme? Que dois-je en déduire?
- Je crois qu'il est temps de rentrer. »
Et la conversation tourna court, encore une fois.
Le soir tombait déjà lorsqu'ils sortirent de chez Bartolomeo Rizzi, et la température fraîchissait. D'un commun accord, il avaient choisi de rentrer à pied. Se dégourdir les jambes ne pouvait leur faire de mal après avoir passé la journée assis derrière une table. Si Draco avait l'habitude de ce genre de performance, Harry ne tenait plus en place. La planque n'avait jamais été sa spécialité, et il comprenait pourquoi dans ces moments où il était forcé de rester cloîtré dans un espace plus ou moins confiné.
Malgré l'heure tardive - l'église Santa Maria quelque chose venait de sonner dix heures et demi - les chalands étaient encore nombreux dans les ruelles. Les boutiques étaient désormais fermées, et les glaciers avaient rentré leur marchandise. Seuls les bars, les cafés et les restaurants étaient encore vivants. Mais les touristes déambulaient par groupe, se dirigeant vers la place San Marco; certaines erraient sans but, l'appareil photo à la main. D'autres profitaient de la fraîcheur vespérale pour faire une promenade en gondole, et il arrivait qu'au détour d'un canal s'élevât le chant d'un gondolier.
« Comment s'appelle ton autre fils déjà?
- Albus.
- Albus. Comme Dumbledore?
- Oui.
- Pas terrible.
- Je sais. »
Cette tentative de conversation fut avortée avant d'avoir tourné au vinaigre. Décidément, nos deux protagonistes allaient avoir du pain sur la planche pour parvenir à travailler ensemble correctement.
« J'ai entendu dire qu'un de tes fils s'appelait Severus. Il s'agit apparemment d'une rumeur infondée. Je dois avouer que je n'y ai pas cru, et aurait du mal à le croire.
- C'est le deuxième prénom d'Albus.
- Pardon?
- Tu as parfaitement compris ce que je viens de dire. »
Je vous propose, amis lecteurs, de nous éloigner un peu de ces deux promeneurs, et de les suivre d'un peu plus loin. Pas que leur conversation soit inintéressante, mais elle risque de durer un certain temps au rythme où vont les choses. Étudions plutôt le paysage: ils traversent les ponts qui se présentent à eux, empruntent des ruelles tellement peu larges qu'ils ne peuvent passer à deux de front. Tiens, à droite, un jardin, dont la glycine passée à cette époque de l'année, déborde du mur. Sur la gauche, une petite place où trois enfants s'abreuvent à une fontaine. Ici, une église, là un hôtel particulier. Étrange, nos deux lascars semblent hésiter sur le chemin à prendre. Se seraient-ils perdus? Ils prennent à droite: vite suivons-les, ou nous allons les perdre!
L'odeur de l'eau saumâtre stagne dans ces ruelles tortueuses, et de temps en temps, les poubelles exhalent leurs puanteurs au détour d'une venelle. Draco s'arrête et demande quelque chose à une jeune femme qui semble américaine. Celle-ci, avec un geste de dénégation, lui explique certainement qu'elle n'a pas le renseignement qu'il demande, mais lui montre une vieille dame à quelques pas derrière. Aussitôt, il se dirige vers elle, l'apostrophe. Elle se retourne. À grand renforts de gestes, il lui pose sa question, et elle lui répond de même. À peu près renseigné, il la remercie et fait signe à Harry de le suivre.
Tiens, mais que se passe-t-il? Il semblerait qu'ils discutent! Mais oui, je ne me trompe pas, ils discutent! Oh, Harry s'agite: la discussion s'envenime. Draco montre tous les signes de l'énervement le plus exacerbé. Cela devient dangereux, car les voilà qui approchent d'un canal à l'eau boueuse. Ils se sont arrêtés, et les cris fusent. Approchons-nous, pour savoir de quoi il en retourne. Trop tard.
Deux hommes, dont tout le monde pensait qu'ils avaient mûri, se battaient sur le quai. Heureusement, l'heure tardive avait chassé tous les badauds, et il n'y eut pas de témoins de la scène qui suivit. Pourquoi heureusement? Mais parce que deux hommes de trente-sept ans sont censés avoir des réactions différentes de celles des enfants de dix ans! Voyez plutôt.
Draco, rouge de colère, nous ignorons pourquoi puisque nous sommes arrivés trop tard, d'un geste brusque poussa Harry dans le canal. Ce dernier bascula dans le vide et allait s'écraser dans une gerbe d'eau, mais le bruit d'éclaboussure ne vint jamais. En effet, Draco avait oublié que son ''collègue'' était Auror, et que par sa formation, il avait acquis de fort bons réflexes de défense. Aussi, lorsqu'il s'était senti tomber, avait-il aussitôt transplané. Il était désormais sur l'autre rive du canal et fixait Malfoy d'un regard mauvais. Celui-ci d'ailleurs le lui rendait bien. Et quelques insultes plus tard, il était seul sur le bord du canal, dans le silence le plus complet.
Il se mit alors en marche, réfléchissant à ce qu'il avait découvert dans la chambre secrète du Signor Rizzi. La passion de cet homme pour la famille Serdaigle était des plus singulières. Mais grâce à elle, Draco avait trouvé une liste d'adresses où avaient séjourné les membres de cette éminente famille, ainsi que les contrats de mariages. Il avait donc tous les noms des descendants de Rowena, ou en tout cas de la branche de sa famille qui s'était installée à Venise.
Parvenu à un croisement, Draco s'arrêta et réfléchit. Puis il sortit de sa cape une carte vieille comme le monde, qu'il avait ''emprunté'' au vieux Bartolomeo. Il l'ouvrit, la regarda attentivement, puis, se rendant compte qu'elle ne pouvait lui être d'aucun secours, il la rangea en soupirant. Brusquement, il se retourna: il était persuadé d'avoir vu quelqu'un se dissimuler dans l'ombre, derrière lui. Il fit quelques pas, tourna dans une rue, puis une autre. L'impression d'avoir été suivi se confirmait à chaque pas. Finalement, il transplana jusqu'à l'hôtel.
Ce soir là, ni lui ni Potter ne dînèrent.

pairing: hp - harry/draco, #thème 15, fandom: harry potter

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