#6 - Harry Potter - SS/SB

Jun 11, 2005 04:55

Titre : Une nuit de rêve
Auteur : arcadiane
Couple : Severus Snape / Sirius Black
Fandom : Harry Potter
Rating : R (genre!)
Genre : pot-pourri
Thème : 6. Entre le rêve et la réalité
Disclaimer : Joanne Rowling est l'heureuse propriétaire de Sirius, Severus, et l'univers dont ils sont issus. Le poisson est à Emir Kusturica.

Note : Une fic que j'ai beaucoup aimé écrire, ça m'a un peu changé de ce que je fais d'habitude. J'avais déjà commencé à écrire une fic sur le rêve il y a longtemps, j'avais dû abandonner le projet mais je suis contente d'avoir eu une nouvelle occasion de me pencher sur le sujet.

Severus ouvrit les yeux dans une odeur de café et de croissants chauds.

Il se passa une main sur le visage, se tirant de quelque rêve dont il n'avait pas gardé le souvenir. Puis il fronça les sourcils.

Depuis quand y avait-il une odeur de café et de croissants chauds dans ses appartements? Où était donc passée la douce senteur de moisi et de renfermé habituelle? Et qu'est-ce que c'était que bruit?

Quelqu'un chantonnait dans sa cuisine.

Severus rejeta les draps, enfila une robe de chambre et passa à la cuisine d'un pas aussi vif qu'il lui était possible au saut du lit, ouvrant la porte en grand.

« Que faites-vous ici?»

La chose qui se retourna portait une robe à fleur, un coquet petit tablier, et une poêle à frire. Ceci mis à part, elle ressemblait à s'y méprendre à ce cabot de Black… Hum.

Sirius lui adressa un sourire éclatant.

« Déjà debout, mon amour? J'espère que je ne t'ai pas réveillé!»

Severus cligna des yeux, muet de stupeur. Il considéra, incrédule, le plateau posé sur la table de la cuisine, qui contenait un bol de café à carreaux roses, un verre de jus d'orange, un assortiment de viennoiseries et une assiette de bacon. Sirius y ajouta les œufs sur le plat qu'il venait de faire cuire et leva vers Severus un air satisfait.

Celui-ci le détailla des pieds à la tête. Le tablier était lui aussi à carreaux roses. Assorti, comme le bol, aux murs de la cuisine. C'était aberrant - il n'aurait jamais un tablier pareil chez lui! Ni même des murs pareils! Il ne se rappelait même pas avoir jamais eu une cuisine!

« Poussin? Ça ne va pas?»

Il fallut quelques secondes à Severus pour comprendre à qui le "poussin" était destiné.

« Qu'est-ce que… commença-t-il, retrouvant l'usage de la parole. Qu'est-ce que c'est que cette mascarade…?

- J'allais venir t'apporter le petit déjeuner au lit», rosit Sirius en s'essuyant les mains sur son tablier.

Severus le transperça du regard.

« Est-ce que tu te moques de moi? Black…

- Ne m'appelle pas Black, voyons, chéri. N'oublie pas que je m'appelle Snape, désormais.

- Tu quoi?»

Décontenancé, Severus remarqua alors une alliance au doigt de Sirius, qui ressemblait fort à celle qu'il portait lui-même à l'annulaire. Il contempla sa main en se demandant bien comment elle avait pu arriver là.

« Je voulais juste te faire un réveil agréable après cette nuit de noce… animée, gloussa Sirius. Tu ne veux pas te recoucher? Je t'amène ça tout de suite.»

Severus se trouvait dans un abîme de perplexité. À l'évidence, il était marié à Sirius, mais il était tout de même rudement étrange qu'il ne s'en rappelle pas. Peut-être devrait-il consulter…

Sirius s'approcha de lui, le dévisageant avec des yeux emplis d'un amour sans borne. Est-ce qu'il avait toujours été plus petit que lui?

« Il faudra que tu me donnes à laver les vêtements que tu comptes emmener à Honolulu. Je sais bien que tu prévois qu'on soit nus la plupart du temps, ajouta-t-il en faisant marcher ses doigts sur sa main d'un air taquin, mais ce n'est pas une raison…

- Honolulu? s'étrangla Severus.

- Oui, mon chéri, le voyage de noce, tu te rappelles?»

Sirius rit et lui caressa la joue.

« Mon petit mari est diablement séduisant quand il est mal rasé…»

L'instant d'après, Sirius se hissait sur la pointe des pieds et passait ses bras autour de son cou pour l'embrasser tendrement, et Severus en tombait à la renverse.

Il se redressa dans un sursaut, le cœur battant la chamade. Il souffla.

Ce n'était qu'un rêve. Rien de plus. Évidemment qu'il n'était pas marié à Black. Comment avait-il pu croire…?

Severus se figea en prenant soudainement conscience de plusieurs choses.

La première était que ceci - haha - ceci n'était pas son lit.

La seconde était qu'il y avait quelqu'un d'autre juste à côté de lui dans ce lit.

La troisième était que ce quelqu'un était Sirius Black en personne.

Il poussa un couinement.

« Black!

- Mnh…»

Il se plaqua une main sur la bouche mais il était trop tard : les paupières de Sirius se soulevaient lourdement.

« Snape…?» marmonna-t-il en bâillant.

Il s'arrêta en plein bâillement et s'assit d'un coup.

« Snape!?»

Les deux adolescents contemplèrent mutuellement leur torse nu émergeant des draps, puis eurent le même réflexe de ramener les couvertures sur eux d'un air effarouché.

Oh non, songea Severus, il avait couché avec Black - il avait couché avec Black! Tout cela était encore un peu embrouillé dans sa tête, mais il en avait la certitude! (Ce n'était certes pas comme s'il avait disposé d'un grand choix d'explications plausibles au fait qu'il se retrouve dans le lit de Sirius Black, n'est-ce pas.)

« Je crois que c'était la cuite de trop», maugréa Sirius en se passant une main dans les cheveux.

Severus se racla la gorge sans répondre. Il se sentait nauséeux. Et il aurait aisément pu se passer du commentaire du Gryffondor.

« Écoute, Snape…

- Non, c'est bon… fit Severus en regardant autour de lui avec nervosité.

- Ça arrive de faire des conneries, pas la peine de se torturer avec ça…

- Je sais… Je…» Il se sentit rougir dans la pénombre. « Je ne trouve pas ma robe…»

C'était horriblement embarrassant. Il ne s'était jamais senti aussi mal de toute sa vie.

Sirius n'en menait pas beaucoup plus large ; il se baissa par-dessus le bord du lit pour ramasser leurs vêtements. Ce faisant, il offrit à Severus une vue imprenable sur la naissance de ses fesses. Le Serpentard rougit franchement.

Sirius regarda les deux robes qu'il venait de ramasser d'un air troublé.

« Je ne sais pas… laquelle des deux…

- C'est sans importance, coupa Severus, n'en pouvant plus de toute cette gêne.

- Ah, bon… Alors, tiens…»

Il tendit vaguement l'un des deux habits. Severus s'en saisit, mais Sirius ne le lâcha pas.

« C'est vraiment perturbant… comme situation…

- Non, sans rire, ironisa Severus. Dès que je serai sorti de ce lit je pourrai m'efforcer d'oublier que c'est arrivé, mais pour cela j'aimerais avoir de quoi m'habiller…»

Sirius ne bougea pas d'un muscle. Severus camoufla sa panique sous un air ennuyé.

« Black, je n'ai pas que ça à faire que d'attendre que se réalisent les connexions de ton cerveau nécessaires à ce que tu ouvres ta main…»

Sirius lâcha aussitôt le vêtement. Ce qui aurait été bien, s'il ne l'avait fait de façon à pouvoir passer une main derrière la nuque de Severus pour lui imposer un baiser.

Severus poussa un cri étouffé, et repoussa le Gryffondor et son inexplicable changement d'humeur, qui ne semblèrent pas s'en offusquer outre mesure.

« Black…!

- Tu m'excites, dit Sirius d'une voix basse.

- Je… Hein?»

Sirius plaça un bras de chaque côté de lui et l'embrassa de nouveau. Severus fit mine de l'éloigner, mais il eut été plus convaincant, bien évidemment, qu'il ne réponde pas au baiser en même temps. Sirius plongea la main sous les draps, et Severus gémit.

« Non… Black…

- Chhh… Tout va bien…

- Justement non, ce n'est pas bien…

- Allons, au point où on en est.

- Mais tu… tu n'es encore qu'un élève…»

Sirius lui mordilla un téton et Severus perdit momentanément le fil de ses pensées.

« Qu'est-ce que tu racontes… murmura le Gryffondor en descendant le long de son torse. Toi aussi…

- Mais non… Je suis professeur de Potions, mainten… Ah!»

L'élève venait de déposer, avec délicatesse et le plus grand naturel, sa bouche sur son sexe. Severus devait reconnaître que de tous les moyens de le faire taire jamais tentés, celui-ci était le plus efficace et le plus original. Son menton tomba sur sa poitrine soulevée, mais seule une respiration rauque parvint à s'échapper de ses lèvres. Esquissant ce qui en d'autres circonstances aurait pu être un sourire satisfait, Sirius lui décocha un regard intense derrière les mèches de ses cheveux, sans interrompre les soins qu'il apportait à son érection. Severus en eut le souffle coupé.

« Black…» dit-il faiblement, les joues en feu, entre autres choses.

C'était extrêmement bizarre. Coucher une fois avec Sirius Black pouvait à la rigueur passer pour un accident malheureux. Coucher deux fois avec Sirius Black ne pouvait plus être qu'extrêmement bizarre. Severus avait certes beaucoup de mal à réfléchir correctement en l'état actuel des choses, mais un certain malaise persistait en lui.

« Black… stop… je vais… hn…»

Severus se mordit un doigt pour retenir son cri, suffisamment fort pour y laisser des marques.

Sirius rit légèrement après coup.

« Professeur de Potions, hein? Qu'est-ce que c'est que cette histoire - je te fais perdre la tête à ce point-là?»

Le malaise de Severus s'intensifia.

« Je ne suis pas professeur?

- À notre âge, ce serait étonnant… fit Black en levant les yeux au ciel. Nous sommes élèves tous les deux, Snape.»

Ce furent les derniers mots que Severus entendit avant d'avoir cette brusque et singulière impression de chuter, chuter à l'intérieur de lui-même.

Il s'éveilla doucement dans la tiédeur de la fin d'après-midi.

L'ombre avait tourné et il se trouvait maintenant au soleil - il espéra brièvement que son teint laiteux n'en avait pas trop souffert. Il n'avait pas eu l'intention de s'endormir… Mais cela en avait peut-être valu la peine. Il eut un sourire pour lui-même et s'étira au milieu des brins d'herbe.

Une ombre vint se projeter sur lui. Il leva les yeux, bien qu'il sût déjà à qui appartenait la silhouette qui se détachait dans la lumière déclinante.

« Tu as fait de beaux rêves? demanda Sirius d'un air faussement contrarié.

- Mmh, on peut dire ça…

- J'étais en train de te parler tout à l'heure, quand tu t'es endormi, tu sais.»

Severus passa ses bras derrière sa tête et soupira, une expression railleuse dans ses traits encore ensommeillés.

« Ah, oui, c'est vrai… Ceci explique cela.»

Sirius plissa les yeux.

« Monstre. J'aurais dû t'abandonner là, avec tes amis les serpents.

- Il y a des serpents?

- Une grosse vipère a essayé de te mordre le nez.

- Je ne te crois pas…»

Sirius s'agenouilla à côté de lui.

« Tu fais bien, répondit-il en appuyant sans ménagement son coude sur son estomac.

- Ourf!

- Tu as dit quelque chose?

- Je suis un homme battu… pleurnicha Severus.

- Que veux-tu, la tendresse t'ennuie!

- J'ai dit ça?

- Oui.

- J'ai vraiment dit ça?

- Parfaitement.

- Je n'ai jamais dit ça.

- Si, tu l'as dit.

- Quand?

- Hier.

- Hier…? J'étais en train de cuisiner! Comment veux-tu que je cuisine si tu me prends dans tes bras au même moment?

- Mais tu es sexy quand tu cuisines, bougonna Sirius.

- Tu ne te renouvelles pas beaucoup dans les excuses.

- Tu n'avais pas à me lancer cette crêpe sur la tête…

- C'est dangereux de sauter sur quelqu'un par derrière quand il tient une poêle à la main.

- Mon amour est mal-aimé…! Est-ce que tu as rêvé de moi, au moins?»

Severus sourit de nouveau.

« Oh, ça oui.

- C'est vrai?

- Mais tu y étais jeune, beau et passionné…

- Je suis toujours jeune, beau et passionné!

- Mmh… fit Severus d'un air peu convaincu.

- Salopard, va.»

Sirius se redressa, enfonçant une fois de plus son coude dans le ventre de Severus, qui grimaça.

« Lève-toi, vieil homme, je vais te montrer quelque chose.

- Je suis bien ici…

- Tu vas prendre un coup de soleil sur le nez.

- … J'arrive.»

Sirius l'entraîna sous le couvert des arbres, jusqu'à un ruisseau bordé par du carrelage de piscine. Il lui désigna quelques carreaux défaits.

« Je suis sûr qu'il y a un trésor là-dessous.

- Pourquoi?

- On cache toujours des trésors derrière le carrelage de la salle de bain! dit-il comme une évidence.

- Tu crois?

- Aide-moi à les retirer.»

Ils prirent des morceaux de bois et descellèrent un à un les petits carrés de céramique bleus et blancs, jusqu'à avoir ouvert un trou de la taille d'une main. Le trou était noir et sans fond. Severus voulu y plonger la main, mais à peine eut-il cette idée qu'un éclair argenté en jaillit.

« Un poisson volant!» s'exclama Sirius d'un air émerveillé.

Ils regardèrent l'animal s'éloigner en ondulant dans les airs, plus haut, toujours plus haut…

« C'est comme si un enfant avait laissé s'échapper son ballon.

- Il y a d'autres poissons dans la mer, dit Sirius en haussant les épaules.

- Pourquoi dis-tu cela?»

Pour toute réponse, Sirius se mit à taper sur les carreaux avec son bout de bois. Severus se sentit triste et s'assit par terre d'un air dépité.

« Arrête ce bruit…

- Alors va donc ouvrir la porte.»

La boule douloureuse dans la gorge de Severus était toujours là au réveil. En plus, il avait mal partout. De toute évidence, il s'était encore endormi dans son fauteuil…

Quelqu'un frappait à sa porte avec insistance.

« J'arrive!» croassa-t-il.

Il jeta un œil à son miroir, renonça vite à essayer de se donner l'air de quelqu'un qui n'aurait pas dormi tout habillé dans un fauteuil, et alla ouvrir tout en massant ses reins endoloris.

« Monsieur le directeur?

- Je suis navré de vous déranger, Severus, dit Albus. J'aurais pu vous écrire un mot, mais je préférais vous l'annoncer de vive voix.

- Quoi donc?

- Vous me permettez d'entrer?»

Severus s'effaça pour laisser passer le directeur. Il lui prépara machinalement un thé au citron, ainsi qu'un café très noir pour lui-même.

« Ça alors, un attentat au sein même du Ministère… Comment se fait-il qu'on ne m'ait pas mis au courant?

- Vous ne pouviez nous être d'aucune aide sur place en raison de votre rôle d'agent double…»

Un tic agacé agita la lèvre du professeur de Potions.

« Qui a été arrêté? Il y a eu des pertes de notre côté?»

Albus reposa sa tasse dans sa soucoupe et regarda Severus droit dans les yeux.

« Sirius Black a perdu la vie dans la bataille.»

Severus ne saisit pas.

« Comment ça, Sirius Black a perdu la vie? dit-il avec agacement.

- Il est mort, Severus.»

Un rire nerveux lui échappa.

« Black est en sécurité à Grimmauld Place!

- Il est allé secourir Harry en dépit du bon sens, et il a disparu derrière le voile de l'Arche du Département des Mystères.

- C'est ridicule!»

Pourquoi aurait-il fait quelque chose d'aussi stupide que mourir?

Severus se rappela que le Gryffondor avait toujours fait des choses stupides. Il se rappela aussi son sentiment de vide au réveil… Ridicule. Un pressentiment? Ils n'étaient pas mariés, aux dernières nouvelles! Ils n'avaient pas eu d'aventure adolescents, ni partagé d'après-midi en amoureux dans la nature. Ce n'étaient que des rêves. Des rêves d'une idiotie confondante…

Il sourit.

« Severus?

- C'est encore un rêve.

- Je vous demande pardon?

- Je me suis déjà fait avoir trois fois, je sais que je ne vais pas tarder à me réveiller.

- Severus… fit Albus d'un air peiné.

- Ne faites pas cette tête, je ne suis pas fou.

- Je le sais bien, Severus… Voulez-vous que je vous laisse seul?»

Severus acquiesça sans cesser de sourire.

Seul.

Pas pour longtemps, Sirius était dans tous ses rêves. D'ici quelques instants, il surgirait par la porte, par la fenêtre, par la cheminée même, à l'improviste, espérant le déranger, l'énerver, et avec un peu de chance, lui mettre son poing dans la figure. Nul besoin de se rendre lui-même à Grimmauld Place pour ce petit plaisir : nous étions dans un rêve, n'est-ce pas. Il n'avait qu'à rester dans son fauteuil et l'autre imbécile viendrait à lui comme si c'était la chose la plus normale au monde.

Mais l'attente s'éternisa et Severus commença vite à perdre patience. Quand ce rêve allait-il finir? Pourquoi Sirius n'avait-il pas encore jailli de la pendule à balancier? Cet abruti s'imaginait-il donc qu'il n'avait rien d'autre à faire que de l'attendre?

En réalité, non, il n'avait rien d'autre à faire. L'année scolaire était terminée et personne n'avait besoin de lui pour le moment. Ce morne constat ne fut pas pour améliorer son humeur.

Il essaya de se réveiller. Il cligna des yeux, se concentra… Mais le rêve était coriace. Et un peu trop réel. Les autres avaient-ils paru si réels? Severus fixa le sol de pierres usées d'un air absent.

Bien sûr, il y avait toujours la possibilité que ceci ne soit pas un rêve. Cependant, Severus n'aimait pas considérer cette option trop sérieusement. Détester Black était l'une des rares joies de sa vie, et s'en voir privé avait quelque chose de révoltant.

Il se leva brusquement de son fauteuil. Ses jambes étaient ridiculement faibles. Il saisit une cape et quitta les cachots en claquant la porte.

Quelques minutes plus tard, il avait transplané à Grimmauld Place. La vieille bâtisse, apparemment désertée, était moins accueillante que jamais. Où était tout le monde?

Il abandonna le rez-de-chaussée silencieux et se hissa jusqu'à l'étage.

« Black! cria-t-il d'un ton hargneux. Où te caches-tu, vermine?»

Des bruits de pas se firent entendre. Le cœur de Severus s'accéléra imperceptiblement.

« BLACK!

- Severus?»

Le professeur de potions dut se raccrocher à la rambarde de l'escalier en entendant cette voix. Une voix d'homme, fatiguée, étonnée, une voix familière. Mais pas la voix de Sirius.

Remus apparut dans l'encadrement d'une porte.

« Severus, que fais-tu ici?

- Lupin…»

Severus avait dit cela dans un léger ricanement. Il se redressa de façon à ne rien laisser deviner de sa faiblesse.

« Dumbledore ne t'a pas prévenu…?

- Si, il l'a fait, coupa Severus. Je venais vérifier que ce n'était pas une ruse ridicule pour que Black puisse se terrer ici jusqu'à la fin de ses jours.»

Remus le dévisagea d'un air grave.

« Tu n'as pas l'air bien, Severus.

- J'ai mal dormi.

- Alors je ne dois pas avoir l'air beaucoup mieux, plaisanta doucement Remus, et c'était vrai. Tu veux t'asseoir?

- Sans façon.»

La dernière chose dont il avait besoin était la pitié d'un loup-garou. Un siège, c'était plus discutable.

« Il est donc… passé à travers l'Arche.

- C'est arrivé sous mes yeux.

- Et c'est tout?»

Il lut l'incompréhension dans les yeux de Remus.

« Tu es déjà résigné, hein, Lupin? Tu m'excuseras, j'ai dû mal comprendre : est-ce qu'il n'était pas ton ami? Parce que je te trouve bien prompt à baisser les bras. J'ai toujours su que les bonnes vieilles valeurs Gryffondor ne valaient pas un clou!»

Remus eut l'air triste.

« Je refuse juste de me laisser bercer d'illusions.»

Severus le regarda avec mépris.

« À ta guise! Ce n'est pas comme si j'en avais quelque chose à faire.»

Il se détourna, dévala les escaliers d'un pas lourd et arriva en trombe dans le hall. C'est trop tard, lorsque les rideaux qui le masquaient s'ouvrirent, qu'il se rappela le portrait ensorcelé.

« Sale cloporte! Mollusque baveux! Immonde ramassis d'ordures!»

Les jambes de Severus lâchèrent brutalement. Il leva un regard apeuré vers le portrait, où Sirius, hideux, défiguré par la haine, criait encore.

« Tu as eu ce que tu voulais, non? Alors déguerpis de ma vue et ne remets plus jamais les pieds dans cette maison!»

Le professeur se plaqua les mains sur les oreilles pour faire taire la voix tonitruante, mais elle aurait aussi bien pu venir de l'intérieur de son propre crâne.

Severus ouvrit les yeux dans une odeur de café et de croissants chauds.

Il battit des paupières plusieurs fois, contemplant le plafond familier.

Bon. Au moins, il était dans son lit. Il tourna la tête.

Et il y était seul. Il tendit l'oreille.

Personne ne chantonnait dans la cuisine qu'il n'avait pas.

Il ferma les yeux, gêné par le rayon de soleil qui tombait sur son visage. Pourquoi les rideaux étaient-ils ouverts?

Un bruit coupa court à ses efforts pour démêler la part du rêve et celle de la réalité dans ses souvenirs. Il se redressa sur un coude, comme la porte de la salle de bain s'ouvrait.

Sirius apparut sur le seuil, en peignoir de bain, ses longs cheveux mouillés tombant en désordre sur ses épaules. Il s'arrêta en voyant Severus. Il eut un sourire, qui s'atténua aussitôt pour se muer en quelque chose comme de l'embarras.

« Tu es enfin réveillé?»

Severus fut frappé par l'incertitude.

« Je crois…» Il plissa les yeux. « Est-ce que c'est mon peignoir?

- Ah! Euh, oui, je me suis permis… Si tu veux je l'enlève, bafouilla Sirius en faisant mine d'en défaire la ceinture.

- Non non! s'exclama Severus avec un brin d'affolement dans la voix. Tu… Garde-le.

- J'ai aussi… Je me suis permis de faire monter un petit déjeuner, parce que… j'avais faim.»

Severus suivit le regard du Gryffondor vers la table où étaient posés deux bols et une assiette de croissants. Sirius prit une viennoiserie et s'assit de l'autre côté du lit.

« En fait, j'ai déjà mangé… Tu en veux?»

Severus le regarda d'un air stupide. Il s'assit dans son lit en grimaçant.

« Je suis courbaturé de partout…»

Sirius rosit.

« Je crois qu'on a… un peu oublié qu'on n'avait plus vingt ans, hier soir», fit-il avec un rire gêné.

Severus fixa Sirius sans rien dire. Quel était le vrai "hier soir"? Était-il était seulement vraiment réveillé?

« Je… Black… Sirius? Je ne sais plus… soupira-t-il en se massant le front.

- Tu veux que je m'en aille.»

Ce n'était pas une question. Plutôt, une appréhension, enrubannée de décontraction factice. Severus fronça les sourcils sans répondre.

« Quelle heure est-il?

- Bientôt midi.

- Midi! Pourquoi ne m'as-tu pas réveillé?

- J'ai essayé, qu'est-ce que tu crois! se défendit Sirius. Je t'ai même balancé une chaussure dans le ventre, et tu as à peine bronché…»

Severus regarda pensivement son giron.

« Deux fois, non?

- Eh, comment tu le sais?

- Tu n'as rien trouvé de mieux que de me balancer une paire de chaussures? s'offusqua-t-il.

- Si, bien sûr, ça, c'était quand je me suis énervé… Avant ça, je t'ai très sensuellement mordu un doigt, fit Sirius d'un air joyeux. Nous mettrons cela sur le compte de mes instincts sauvages, bien entendu…»

Severus sut aussitôt de quel doigt il s'agissait. Un flash du rêve où il se l'était mordu lui revint et il eut un peu chaud.

« Et… C'est tout?»

Il n'aurait pas été jusqu'à faire ça aussi, n'est-ce pas?

Sirius marqua une légère hésitation.

« Non…» Un petit rire. « J'ai commencé par t'embrasser, bien sûr.»

Severus ne laissa pas paraître la moindre émotion sur son visage, parce qu'il avait pris l'habitude de garder ce genre de choses en sécurité, profondément, là où personne ne viendrait les salir ou les abîmer. C'était d'ordinaire bien rangé, dans des bocaux étiquetés, de sorte que, lorsqu'il en avait le temps, il puisse l'examiner à sa guise et le rationaliser, jusqu'à ce que ça s'évanouisse. L'émotion ne résistait pas à l'œil du scientifique. Seulement, Sirius semblait trouver un malin plaisir à jouer aux quilles avec ses bocaux et semer la confusion dans ses étiquetages.

Tandis que Severus s'efforçait de remettre un semblant d'ordre sous peine de bientôt perdre le contrôle, Sirius se détourna.

« Je crois que je vais y aller.»

Severus se contenta une fois de plus de le fixer, cette fois parce qu'il n'était pas très sûr de maîtriser sa voix. Sirius voulut passer ses doigts dans la masse sombre qui lui servait de chevelure, mais ils y restèrent coincés, et il abandonna pour regarder Severus dans les yeux.

« Ne t'en fais pas pour cette nuit… Je veux dire, j'ai bien compris que ça ne voulait pas dire… que ça ne voulait rien dire.»

Sirius ne savait pas mentir en regardant dans les yeux, et Severus en fut content.

« Ce n'est pas un rêve, n'est-ce pas? dit-il enfin, un peu enroué, passant en position assise.

- Excuse-moi?

- Tu n'es pas mort?»

Sirius lui adressa un regard étrange. Il sourit doucement.

« Plus maintenant», dit-il simplement.

Severus ouvrit la bouche, respira, articula :

« Tu veux bien… me passer un croissant?

- Oh… Oui.»

Sirius se pencha pour lui en tendre un, et Severus le prit en se disant qu'il n'avait absolument pas envie d'un croissant, qu'il ne mangeait jamais de croissant de toute façon, mais que pour effleurer ces doigts, c'était sans importance. Ils renversèrent les derniers bocaux, et Severus vola le poignet de Sirius avant qu'il ne soit hors de sa portée. Le sentir chaud, pulsant sous ses doigts, vivant. Il le caressa de son pouce, émerveillé par sa simple existence.

« Severus…»

Son nom paraissait soudain très doux à son oreille. Et le visage de Sirius, trop loin du sien. Il vint tout près, comme pour lui murmurer un secret.

« Tu es en vie?

- Plus que jamais…

- Jure-moi que ce n'est pas un rêve.

- Ça, je n'en sais rien…» avoua Sirius.

Leurs lèvres se cherchèrent, hésitantes, s'effleurant sans oser, se retirant à chaque contact, le souffle s'échappant des unes venant enrober les autres ; elles se joignirent en tremblant, s'imprégnant de leur chaleur moite, s'entrouvrant à l'intrusion, se pressant désespérément ensemble ; et le croissant fut oublié sur le bord du lit.

« Si c'est un rêve… murmurait Severus. Si c'est un rêve…

- Jamais…

- Je ne veux jamais me réveiller…»

#thème 06, fandom: harry potter, pairing: hp - severus/sirius

Previous post Next post
Up