[Fic] Neverwhere - L’Émissaire - chapitre 13 - PG

Dec 21, 2014 00:01

Titre : L’Émissaire (partie 13/15)
Auteur : soleil_ambrien
Fandom : Neverwhere
Persos/Couple : Richard, le Marquis de Carabas, mention d'autres personnages du livre
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à Neil Gaiman.
Prompt : "Richard apprend à vivre et non plus simplement survivre dans London Below... en s'inspirant plus qu'un peu de la technique du Marquis." pour azalee_calypso, session 2011 d'obscur_echange.
Notes : Début ici.

13. Aldwych

Dans l’En Dessus, la station d’Aldwych était fermée depuis longtemps. Richard se souvenait même qu’on y avait installé un photomaton.

Pas dans l’En Dessous.

La façade de briques rouges, surmontée d’une verrière en arc de cercle, lui sembla vaguement inquiétante, mais il ne s’arrêta pas à cet avertissement silencieux. Il n’aurait peut-être pas à pousser jusqu’à Temple pour rentrer, finalement. Il franchit le portail qu’ici, aucune barrière ne barrait, et se retrouva à l’intérieur. Il descendit les marches et se retrouva sur le quai, désert.

Quelque chose n’allait pas.

Cela ne ressemblait pas à une station de métro. On aurait plutôt dit autre chose. Un tramway souterrain, peut-être. L’endroit était totalement délabré, à l’abandon. Des ombres se mouvaient dans les ténèbres.

Richard se souvint de Night’s Bridge, le pont où Anesthésie avait disparu, et aussi de ce que lui avait dit Lamia. Les Velours racontaient des histoires à ce propos, affirmait-elle. Quel genre d’histoires ? Il était prêt à parier que ce n’était pas le genre de récit qu’on écoute tranquillement au coin du feu, un plaid sur les genoux.

L’espace d’un instant fou, il se demanda si Porte tenterait aussi de contacter les Velours, dans son unification du Londres d’En Bas. Puis il se rappela la fois où le Marquis lui avait sauvé la vie, puis avait promis à son assaillante de les traquer de jour et de mettre le feu à leur tanière, si son peuple s’approchait encore de Richard. Non, ce ne devait pas être à l’ordre du jour.

En parlant de jour, la lumière n’était pas exactement une denrée de luxe, là où il errait. En temps normal, c’était déjà le problème numéro 1 du Londres d’En Bas, mais là, ça battait vraiment des records. Les néons miteux clignotaient à qui mieux mieux et on s’attendait à ce que l’un d’entre eux lâche, d’un moment à l’autre.

L’odeur n’était pas non plus des plus agréables. On eût dit que quelque chose de mort - et bien mort - pourrissait dans ces tunnels, emplissait l’atmosphère de senteurs douceâtres et écœurantes. Pendant longtemps, Richard n’entendit rien de plus que le bruit de ses propres pas, ainsi que le battement effréné de son cœur. Cette ambiance morbide ne lui disait rien qui vaille. Des souvenirs de Shepherd’s Bush, de l’association Croup-Vandemar et de la Bête de Londres lui traversèrent l’esprit.

Sur le qui-vive, il dégaina son poignard, puis le garda à la main. Maintenant qu’il s’était habitué au silence, il percevait également des grincements métalliques, le léger grésillement des néons en fin de vie.

Puis il y eut un bruissement d’ailes, et… une nuée de bêtes féroces l’attaqua.

On eût dit un savant mélange entre des ptérodactyles, des dragons noirs et des harpies. Tout en elles n’était que férocité, désir d’en découdre et faim de chair humaine. Les ailes déchiquetées étaient rattachées à un corps visqueux et écailleux, muni de pattes griffues et d’un bec crochu. Un vrai cauchemar ambulant.

Les créatures se jetèrent sur lui, féroces. Il les repoussa à grands coups de poignard, mais elles revenaient toujours en surnombre. Alors, il sortit sa lampe-torche délabrée, et fit fuir les monstres - du moins, quelques-uns. Sans doute qu’une véritable torche enflammée aurait été plus utile, mais il n’avait pas cela en stock.

En tout cas, Richard lutta de toutes ses forces.

Un pont de pierre, ou plutôt une fine aiguille, s’élançait d’une rive à l’autre. Au bout du rebord opposé, on apercevait un éclat de lumière, un peu d’espoir. Manifestement, les créatures haïssaient la lumière. Il leur échapperait peut-être.

Seulement, entre cette libération et l’enfer, il ne se trouvait qu’un mince pont de granit.

Mais Chasseur n’était pas là pour lui prendre la main et lui dire que tout irait bien. Le Marquis n’était pas là pour le taquiner et le pousser à continuer. Il était seul, seul face à l’aiguille de pierre, les êtres à ses trousses.

Il aurait pu jouer les héros et y passer debout, mais préféra la sécurité. À quatre pattes, il abaissa au maximum son centre de gravité, enserra la pierre abrupte de ses mains et de ses genoux. Même ainsi, il ne se sentait pas stable… Il essaya de ne pas regarder en bas, mais c’était impossible s’il voulait savoir où il allait. À la vue de l’abîme béant qui s’ouvrait sous la pierre, ses vieux démons le saisirent brusquement : la peur du vide, ainsi que celle, plus viscérale, de la mort.

Richard avança quand même.

Il eut l’impression que c’était le pont le plus long de toute son existence.

Lorsqu’il eut fini la traversée, il s’enfuit en courant dans les ténèbres, tandis qu’un vieux poème lui revenait en mémoire.

« Toute la nuit, dans le noir et dans la pluie
Un homme ne cesse de galoper.
Tard dans la nuit, quand les feux sont éteints,
Pourquoi ce galop, pourquoi ce galop ? »*

*

« Tu as traversé le Waterloo Bridge de l’En Dessous ? Tout seul ? »

Il acquiesça, encore couvert de sueur et de poussière.

« Tu es au courant que c’est le plus long pont de Londres ? Et aussi l’un des plus dangereux ? »

Il l’ignorait.

« Si tu avais des pulsions suicidaires, la bouche d’égout qui mène aux toits d’Old Bailey n’est jamais fermée, tu sais », remarqua le Marquis d’un ton narquois.

Mais il ne put retenir un regard admiratif.

« Se battre contre les Kères… Vraiment, Richard, tu m’étonneras toujours.
-Kères ?
-C’est le nom des créatures que tu as vues. Des êtres maléfiques. Il vaut mieux éviter de se frotter à elles.
-Merci pour l’info, souligna Richard, sarcastique. Je n’avais pas remarqué. Je comptais plutôt les inviter à prendre le thé, un de ces jours.
-Je ne te le conseille pas », s’amusa Carabas.

Il soupira.

« Tout de même, il n’y a que toi pour t’aventurer dans la ligne des Tréfonds, tout seul…
-La ligne des Tréfonds ? releva-t-il. C’était ça, l’endroit où j’étais ? Pourquoi elle s’appelle comme ça ?
-C’est l’ancien tramway, en fait, lui expliqua le Marquis. Une ligne désaffectée, qui allait auparavant d’Angel à Aldwych. Elle refaisait surface à Waterloo Bridge. »

* Poème de Robert Louis Stevenson, collecté par Janet Adam Smith, Collected Poems Of Robert Louis Stevenson, Londres, 1950.

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4 ( part. 2)
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12

fandom : neverwhere, comm : obscur échange, fanfic : l'émissaire

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