[Fic] Neverwhere - L'Emissaire - chapitre 5 - PG

Mar 24, 2013 14:34

Titre : L’Émissaire (partie 5/15)
Auteur : soleil_ambrien
Fandom : Neverwhere
Persos/Couple : Richard, le Marquis de Carabas, apparition brève de Porte, OC
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à Neil Gaiman.
Prompt : Richard apprend à vivre et non plus simplement survivre dans London Below... en s'inspirant plus qu'un peu de la technique du Marquis.
Notes : Début ici.

5. Ravenscourt

Leurs retrouvailles furent charmantes. La petite fille vint se jeter dans les bras de Porte, qui l’enserra de toutes ses forces. Les autres contemplaient le tableau en exprimant de la gentillesse ou, dans le cas du Marquis, de l’ennui.

« Très bien, commença-t-il quand l’étreinte interminable prit fin. Il me semble, dame Porte, que la faveur que vous me devez a encore augmenté. »

La jeune fille au visage d’elfe hocha la tête et murmura des remerciements sincères. Le Marquis n’aimait pas les effusions et changea de sujet.

« Maintenant, je suis d’avis que nous allions à la Cour du Corbeau.
-C’est une bonne idée, admit la fille aînée de Lord Portico. En plus, je crois que vous êtes déjà liés à eux, non ?
-En effet, confirma-t-il sans vouloir s’étendre sur le sujet.
-Eh bien, dans ce cas, bon courage », les exhorta-t-elle, très calme.

La fillette vint se blottir contre elle et Porte renferma les bras autour d’elle, protectrice. Comme prévu, Phalène demeura à leurs côtés.

Richard n’avait jamais tout à fait compris comment la Maison de l’Arche pouvait autant déboucher sur Northold que sur Manor House ou Archway, s’il fallait en croire le Marquis. Toujours était-il que lorsqu’ils ouvrirent la porte, ils se trouvaient à Temple.

Ils s’installèrent donc dans une rame de la ligne District. Dans leur wagon, on pouvait voir des prêtresses vêtues de toges blanches, un Moine Noir, et même des hommes d’affaire semblables à ceux du Londres d’En Haut mais aux complets amarante, émeraude ou topaze. Ils descendirent à Embankment.

Le Marquis installa ses bottes sur le siège d’en face. Il sortit une pomme de l’une des poches de son manteau et y mordit sans vergogne. Richard, qui était assis vis-à-vis de lui, avec un siège d’écart, se rappela alors qu’ils n’avaient pas déjeuné.

« Cette fois, c’est toi qui vas parler à la cour, annonça Carabas, la bouche pleine. C’était normal que je te montre comment faire au Théâtre du Globe, mais il est temps que tu t’exerces.
-Comment je vais faire ? l’interrogea-t-il en se tordant les mains. J’y connais rien, moi.
-Tu trouveras bien quelque chose. »

Puis il se tut, parce qu’ils se trouvaient à Earl’s Court, escale nécessaire, et qu’en théorie, il n’était pas censé y mettre les pieds. Dans la tête de Richard, une foule de questions tapa du pied, cria et jura jusqu’à ce qu’il en choisisse une.

« Au fait, pourquoi le Comte vous déteste autant ? » s’enquit-il, curieux.

Son interlocuteur eut une expression qui rappelait nettement le renard.

« Je l’ai vexé en lui disant que le titre de marquis était supérieur d’un cran à celui de comte », prétendit-il.

Richard était à peu près sûr que ce n’était pas la seule chose à entrer en ligne de compte.

« Il me semble, insista-t-il, que le Comte avait évoqué du détroussement de cadavres, et aussi une trahison, ou quelque chose comme ça…
-Juste une maladresse, nia Carabas. Rien d’autre.
-Pourtant, il a dit… »

Il posa un doigt sombre sur les lèvres de Richard, qui se tut. Le sourire du chat du Cheshire n’était rien, comparé aux dents éclatantes de blancheur du Marquis, ce qui faisait ressortir le noir de sa peau.

« Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit. »

Richard laissa tomber et changea de sujet. Les mensonges de son interlocuteur le mettaient trop mal à l’aise.

« Je ne sais vraiment pas quoi leur dire, aux gens de la cour du Corbeau, répéta-t-il nerveusement. Et vous ne vous êtes pas servi d’arguments ordinaires, tout à l’heure. »

Indifférent, Carabas finit sa pomme et en jeta négligemment le trognon par terre.

« Soit, notifia-t-il. Je veux bien parler à ta place pour cette fois. Mais c’est bien la dernière. »

Richard fit oui de la tête, soulagé. Ensuite, ils arrivèrent à Ravenscourt, et ils descendirent du métro.

Il fut un peu déçu de constater que la cour du Corbeau n’était pas seulement composée d’oiseaux. Certes, on en comptait quelques-uns, perchés sur des épaules ou sur des gants. Mais la majorité des courtisans étaient des humains, vêtus de lourds manteaux noirs. À y regarder d’un peu plus près, on se rendait compte que ces capes étaient toutes constituées de plumes. Ils arboraient également des chapeaux piqués de rémiges, des bâtons ornés de pennes et des colliers décorés de duvet.

Le sol de marbre noir était maculé de plumes sales et de fientes. Au bout de la salle, on avait dressé un trône d’obsidienne, où se tenait un albinos très mince, à la peau livide et aux yeux rouges. En voyant cette silhouette décharnée, Richard ne put s’empêcher de penser à un corbeau qu’il avait vu dans un documentaire, il y avait longtemps. Le plumage de l’oiseau était d’un blanc de neige, et ses yeux, écarlates, affichaient la même expression d’avidité rapace que ceux de l’homme couronné.

« Le Roi Corbeau, c’est lui ? demanda Richard timidement au Marquis.
-Ce n’est pas un roi, rectifia-t-il. C’est un Duc. Ses pouvoirs outrepassent ceux d’un comte. Ou d’un marquis. »

Il s’avança d’un pas altier et posa un genou à terre, dans un mouvement empli de déférence.

« Permettez, Duc Corbeau, que je vous parle au nom de dame Porte, de la Maison de l’Arche. C’est cela même, et rien de plus. »

Manifestement, c’était la phrase rituelle par laquelle on demandait audience. L’albinos le considéra comme on accueille un vieux frère d’armes - ou un transfuge qui est de retour après avoir habilement manœuvré. D’un geste, il le fit se relever, puis prit la parole.

«Les ténèbres, et rien de plus, répondit-il en se servant des mots consacrés. Parle, Marquis. Je n’ai pas oublié tes talents de négociateur. Tu nous as été très utile lors du ‘traité de paix’ avec la cour du Comte. »

Le regard de rubis se fit cruel.

« Et l’embuscade que tu nous as aidé à tendre dans la Cité Blanche était parfaite. »

Le Marquis jeta un coup d’œil à Richard, qui comme de juste, ne comprenait rien à la situation, et se lança.

« Justement, mon Duc, il est temps que cessent ces affrontements. Je suis de l’opinion que ce qui nous porte tort, nous autres habitants de l’En Dessous, c’est notre factionnalisme étroit. Le système des baronnies et des fiefs nous divise de façon ridicule.
-Les expressions même de Lord Portico, approuva le Corbeau. Tu en étais vraiment très proche, je crois... Autant que ma pauvre Lénore et moi. »

L’espace d’un instant, son visage émacié afficha une expression pensive. Ses yeux ressemblaient à ceux d’un démon qui rêve. Puis il continua :

«Je ne savais pas que tu partageais aussi ses idées. Il pensait que la Londres d’En Bas était corrompue, que des gens combattaient l’idée même d’unité.
-Ce n’était pas le seul à l’estimer, reprit-il. Certains souhaitent voir les choses rester en l’état. Et d’autres désirent que la situation empire. Et enfin, certains, comme nous, veulent que cela cesse.
-Nous ? releva le Corbeau. Ce ‘nous’ inclut-il ma cour, Marquis ? Oserais-tu décider à ma place ? »

Richard retint sa respiration, tandis que Carabas gardait son sang-froid, tel une statue d’ébène.

« Il ne vous inclut que si vous le désirez, mon Duc, précisa-t-il paisiblement. C’est pourquoi je suis venu vous demander audience. »

Le Duc Corbeau se leva dans un grand bruit de tissu froissé. Il mit la main sur la hanche, impressionnant malgré sa maigreur maladive. C’était comme si un oiseau dépenaillé se comportait en souverain.

« Si je comprends bien, tu ne considères plus que tu appartiens à la cour du Corbeau ? gronda le Duc.
-Pour le moment, je travaille pour la Maison de l’Arche, répéta-t-il, conciliant. Cela ne veut pas dire que je ne peux pas revenir à votre cour, une fois cette tâche accomplie.
-Mais aujourd’hui ? insista l’albinos. Quel est ton suzerain ?
-Aujourd’hui, je considère que dame Porte est ma suzeraine provisoire, selon le temps pendant lequel elle décide de m’employer, mais que vous restez mon suzerain principal, celui à qui j’ai prêté serment, et que je respecte toujours autant.
-Et si je te donnais des ordres contradictoires par rapport à ceux de la Maison de l’Arche ? Si je voulais t’envoyer en tant qu’espion ou assassin à un endroit où tu es censé faire le diplomate, par exemple ?
-Je devrais examiner le bien-fondé de chacune des requêtes de mes différents suzerains. Si je décidais en fonction de la date des ordres que l’on m’a donnés, ce serait dame Porte qui l’emporterait. Mais si je me basais sur la puissance, ce serait vous. En fait, je serais probablement réduit à l’impuissance, pour ne pas me parjurer.
-C’est compliqué, grimaça le Corbeau, en fronçant ses sourcils pâles.
-Cela le serait beaucoup moins si vous rejoigniez le Consortium, glissa-t-il, perfide. La situation serait même d’une simplicité enfantine.
-C’est-à-dire ?
-Il n’existerait plus de conflit entre mes deux allégeances, exposa Carabas. Comme un pays au sein d’une fédération, je serais votre sujet, tout en étant rattaché aux obligations de la Maison de l’Arche.
-Mais je…
-Mais vous primeriez absolument dans tous les cas, conclut-il, triomphant. Pensez à notre propre pays au sein de l’Europe. Vous semble-t-il soumis ?
-Non, dut reconnaître le Duc.
-Vous deviendriez le Royaume-Uni, l’État, celui qui a toujours raison. Dame Porte, elle, serait seulement l’équivalent du président de l’Europe. »

L’albinos ferma les paupières et réfléchit intensément. Il était manifeste qu’il délibérait mentalement du pour et du contre. L’argument de conserver l’allégeance du Marquis en cas d’acceptation, alors qu’elle était compromise s’il refusait, pesait probablement lourd dans la balance. Apparemment, il constituait un élément précieux de sa cour.

Lorsqu’il rouvrit ses yeux pourpres, sa décision était prise.

« J’accepte, proclama-t-il d’une voix solennelle. Considère dès maintenant que la cour du Corbeau appartient au... au quoi, d'ailleurs ?
-Consortium, monseigneur. », répondit le Marquis dans un souffle.

D’une main ferme, le Duc ratifia alors à l’encre rouge la convention que Carabas lui avait tendue. Sa plume glissa sur le papier, élégante.
« L’audience est close, proclama-t-il ensuite. Jamais plus.
-Jamais plus », murmura le Marquis en écho.

Il rappelait vaguement à Richard ces fidèles qui retournent à la messe après l’avoir manquée pendant des années, qui n’ont plus qu’une foi vacillante, mais qui se souviennent encore par cœur des « Amen » rituels et qui les répètent par réflexe.

Sur le parchemin, l’encre écarlate avait exactement la couleur du sang bruni.

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4 ( part. 2)
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11

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