Your voice 2/3

Oct 31, 2014 10:22




Your voice.



Nous avons passé la soirée et une bonne partie de la nuit ensemble. Nous avons dansé, rit, parlé, crié. D’habitude, je venais toujours à me lasser de mes compagnons d’un soir, arrivait toujours un moment où je m’éclipsais ou bien j’allais tirer mon coup dans les toilettes avant de partir, ça dépendait de mon humeur. Ce soir-là, avec Jim, j’avais l’impression que ce sentiment d’étouffement, ce besoin impérieux de m’enfuir ne viendrait jamais. Malgré l’excitation ambiante, sa présence me semblait douce et apaisante. J’aimais me perdre dans ses yeux clairs, de plus en plus près au fur et à mesure que les verres et les heures défilaient. J’aimais son rire discret, ses émotions brutes, la douceur de ses mains. Alors sur les coups de cinq heure du matin, quand il me fit part de son souhait de rentrer se coucher, je l’attirai vers moi et posai mes lèvres sur les siennes. Jamais un baiser ne m’avait semblé si enivrant, je me perdis dans sa bouche comme dans ses yeux et dans sa voix. Ses lèvres étaient douces, sa langue était chaude, jamais je n’aurais pu mettre fin à cet instant si lui-même ne s’était pas reculé.

« Je dois vraiment rentrer… » Souffla-t-il au creux de mon oreille.

« Viens chez moi.

-Ok. »

Tout était si simple, si confortable… La nuit du 7 au 8 Décembre 2114, nous la passâmes ensemble. Dans ma vieille chambre de bonne de Peckham nous fîmes l’amour plusieurs fois sans nous lasser. Entre deux baisers, nous regardions la neige tomber sans discontinuer puis nous recommencions à nous enlacer. Jim avait ce regard que jamais je n’oublierai, un regard qui était tout nouveau pour moi. Il était tendre et se donnait sans aucune retenue. Il fut tout à moi cette nuit-là, et sans m’en rendre compte, je fus tout à lui aussi.

Je m’endormis dans ses bras, ce qui me sembla être la chose la plus naturelle au monde. C’était la première fois que je dormais dans le même lit que quelqu’un. J’ai adoré ça dès la première seconde.

Au matin, il n’était plus dans le lit mais je l’entendis fredonner sous la douche. Quelques minutes plus tard, alors que je luttais laborieusement contre l’idée de me rendormir, je le vis entrer dans la chambre, drapé d’une seule petite serviette nouée autour de sa taille.

« Je t’ai réveillé ? Désolé. » Dit-il dans son accent du sud des Etats Unis. Un accent plus que plouc, il faut bien l’avouer.

« Non, non, ça va t’inquiète. C’est cette putain d’insomnie, je dors pas beaucoup. Il est quelle heure ?

-15h.

-De quoi ?! J’ai dormi…

-8h. J’ai connu pire pour un insomniaque.

-Merde… »

Je n’en revenais pas. A croire que tous ces putains de médecins s’étaient trompés. C’était pas des barbituriques et autres benzodiazépines dont j’avais besoin, juste un Jim dans mon pieux et ça roulait !

« Dis… T’aurais pas des vêtements à me prêter ? Les miens sentent l’alcool et la fumée.

-Ouais, regarde dans le meuble derrière toi là, y’a mes fringues, sers toi. »

Alors que je le regardais s’habiller d’un œil, je saisis mon portable. J’avais plusieurs appels en absence et quelques messages. La majorité d’entre eux provenaient d’Oliver qui s’inquiétait de ce que devenait « Jim Parsons, le mec que tu sembles avoir levé hier soir et qui était censé rentré dans la nuit mais qui n’est pas là. »

« Jim, tu peux donner des nouvelles à ton pote ? Je suis en train de passer pour un vrai connard qui ne t’a pas raccompagné chez Oliver comme c’était prévu. »

Soudain il arbora une mine affolée et se rua sur le lit pour attraper son portable qui était resté à côté de la table de chevet.

« Merde ! J’avais totalement oublié ! Il doit être fou d’inquiétude ! »

Alors qu’il agitait les doigts sur son téléphone, j’en profitai pour le détailler de la tête au pied. Il avait arrangé ses cheveux de façon très sage, avec une raie très nette sur le côté. Il avait trouvé une de mes chemises à carreaux qu’il avait totalement boutonnée. S’étant aussi dégotté un de mes seuls jeans un peu clean, il y avait rentré la chemise. Le tout lui donnait un air terriblement bcbg et sacrément sexy.

« Tu n’as pas besoin de moi pour passer pour un connard il me semble… » Souffla-t-il une fois qu’il en eut terminé avec son portable et en se tournant vers moi.

« Hein ? Quoi ?

-Tu dis que tu passes pour un connard à cause de moi mais d’après ce que j’ai compris, hier au club, tu n’as pas besoin de moi pour ça…

-Les gens ne m’apprécient pas à ma juste valeur… » Lui répondis-je en le prenant dans les bras.

« Tu n’as pas l’air aussi agréable avec tout le monde que tu l’es avec moi.

-Ca te pose un problème ? » Lui demandai-je en attaquant le lobe de son oreille droite de mes dents gourmandes.

« Non pas plus que ça… » Répondit-il dans un soupir.

« Bon, très bien ! Alors enlève ton pantalon ! » Il rit et se dégagea de mon emprise.

« Non, c’est vraiment pas le moment, il faut que j’y aille, je dois rejoindre Ethan, on a une multitude de choses à faire !

-Bon alors attends-moi, je dois rejoindre Oliver moi aussi. »

Je me levai totalement nu, sautai dans un jogging, enfilai un vieux tee-shirt, mis mes baskets usées et j’étais fin prêt. Après avoir essuyé de vives indignations vis-à-vis de mon hygiène matinale de la part de Jim, nous sortîmes tous les deux dans le froid londonien, direction Soho.

Une semaine puis deux passèrent. Jim et Ethan ne réussirent pas à retrouver des passeports valables pour retourner en Californie. Il faut dire que Jim ne donnait pas le meilleur de lui-même pour refaire ses papiers, loin s’en faut. Je lui fis visiter le tout Londres. La misère apparente et les injustices quotidiennes semblèrent le frapper de plein fouet. Un jour, alors que nous passions près d’une jeune femme qui paressait plus morte que vivante dans la rue, il se tourna vers moi.

« Tu sais… Je ne sais plus qui disait « Le soleil c’est l’or des pauvres »… Je crois que c’est vrai. Vous, ici, vous n’avez même pas le soleil pour vous sortir un seul instant de cette misère noire. Chez moi, on a au moins ça…

-Tout ça n’est que météorologie. Je préfère citer Victor Hugo qui disait « Les grandes révolutions naissent des petites misères comme les grands fleuves des petits ruisseaux ». Un jour, c’est grâce à cette merde qu’on s’en sortira.

-Tu es toujours aussi sûr de toi ?

-Quand on n’a plus rien, il nous reste nous-même. Plutôt crever que de ne pas croire en soi.

-Et ça c’est de qui ?

-Joe Gilgun. »

Moi, je me sentais revivre. Je découvrais pour la première fois que je pouvais avoir confiance en quelqu’un d’autre que moi. Jim. Je me sentais bien à ses côtés, il m’apaisait et je ne cessais de le dévorer du regard tant je le trouvais beau. Il irradiait de lui une beauté fraiche et pure comme sortie de nulle part, comme quelque chose que je ne pensais pas capable d’exister.

De toute évidence, en Californie, la répression homosexuelle n’était pas aussi présente qu’à Londres à cette époque-là. Jim n’était pas efféminé à outrance comme j’aimais le narguer, il aimait simplement prendre soin de lui. Il était bien loin du sacro-saint modèle masculin qui régnait en ce temps-là en Europe. Les hommes se devait d’être virils, des incarnations de l’homme plus proches des gorilles que des humains. Alors bien sûr, il ne passait pas inaperçu dans la rue.

Un jour, alors que je buvais une bière dans un bar avec des amis, je le vis arriver de l’autre côté dans la rue. Malgré le gros manteau que je lui avais donné, n’importe qui, un tant soit peu observateur, pouvait remarquer sa démarche gracieuse et légère pas vraiment masculine. Ce qui devait arriver arriva, un homme qu’il croisa l’invectiva agressivement et lui donna un coup sur l’épaule. Je ne pus entendre ce qu’il lui dit. Non, ce que je vis c’est que Jim baissa les yeux, s’excusa et continua son chemin. Je sortis du pub en furie. L’homme qui venait de l’agresser avait disparu. Je me tournai alors vers Jim, furieux.

« Tu as vu ce…

-Ce que j’ai vu c’est ta lâcheté !

-Que…

-Non ne dis rien putain ! Mais tu t’es vu ?! Baisser le regard face à ce connard ! Jim bordel c’était quoi ça ?!

-Je… Je sais pas…

-Quoi tu sais pas ?! Mais bordel de merde ! En t’excusant c’est cet enfoiré qui a gagné ! Tu vaux pas mieux que lui si tu le laisse faire ça !

-C’est pas vrai…

-Putain mais comment tu veux qu’on nous respecte si toi-même tu ne te respecte pas ?! Vas-y laisse les t’insulter, laisse les te frapper puisqu’apparemment tu ne vaux pas mieux que ça ! »

Je sentis la haine m’envahir au fur et à mesure que je déversais ma bile sur lui. Jim n’osait plus me regarder, il attendait patiemment que ma rage ne retombe.

« Lève les yeux !

-Non, Joe.

-Mais putains lève tes yeux ! Regarde-moi ! »

Il y eut une pause puis il leva enfin les yeux vers moi. Son regard bleu sembla me transpercer et je sentis mes propres remords prendre le pas sur tout le reste.

« Tu veux que je te regarde Joe ?

-Oui…

-Alors voilà je te regarde, t’es content ?

-Je…

-Content de toi ? Content de m’avoir humilié ? Joe, pourquoi crois-tu que je n’ai pas réagit et que j’ai baissé les yeux.

-Je sais pas putain.

-Parce que je ne suis pas aussi fort que toi ! Parce que j’ai eu peur ! Ouais c’est ridicule, ouais c’est peut-être de la lâcheté ! Mais bon sang, c’est un fait, je n’y peux rien ! Tout le monde n’est pas aussi courageux et fort que toi Joe. Ta volonté de faire changer le monde de tes propres mains est impressionnante et ô combien admirable mais… Mais moi je m’en sens incapable. Je ne suis pas envahie par la même colère que toi ! La mienne ne me déborde pas. Alors je milite, je m’engage, je fais de mon mieux pour changer. Mais là… A cet instant, oui, j’ai baissé les yeux. Et je te défis, Joe, je te défis de me le reprocher. Ce n’est pas toi que l’on agresse dans la rue. C’est toi l’agresseur Joe ! Tu agresses pour une juste cause mais tu agresses quand même ! Alors ne craches pas sur les victimes comme tu viens de le faire ! »

Un peu groggy, je n’eus pas le temps de répondre que déjà il s’enfuyait à grandes enjambées.

J’allai m’excuser le soir même. J’avais beaucoup de défauts en ce temps-là, mais la mauvaise foi n’en faisait heureusement pas partie. Il avait raison, ma constante colère m’aveuglait. J’étais incapable de comprendre quiconque n’avait pas le même fonctionnement que ma petite personne.

Jim, sage et pas rancunier pour un sou ne tarda pas à me pardonner.

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