Artiste :
little_meenoo Titre de l'oeuvre : Petites (més)aventures au café Kichijouji (3/5)
Fandom : Café Kichijouji de
Rating : PG
Genre : Gen
Nombre de mots : 976 mots
Outils : Aquarelle
Une commande de :
drakys Commentaires : L'honneur est à Tokumi.
Tokumi ou le sens de l’équilibre
Penché sur ses livres de comptes, monsieur Mitaka se passa une main sur le visage. Le vacarme provenant des cuisines et de la grande salle du café l’empêchait de se concentrer. Il parcouru la même colonne des yeux pour la troisième fois consécutive, incapable de croire ce à qu’il voyait.
La case titrée “ce grand crétin inutile de Maki” regorgeait de raisons pour lesquelles il fallait virer le serveur au plus vite (la moindre de ses incartades y était consignée avec un soin effrayant. On allait du mégot négligemment jeté par terre au harcèlement des clientes, en passant par le port d’uniforme froissé et à la propreté douteuse). Celle concernant Tokumi, en revanche, était vide. Complètement vide.
Si Tarou n’avait pas toujours fait son travail avec un tel zèle, une telle maniaquerie , monsieur Mitaka se serait demandé s’il n’y avait pas une erreur quelque part. Mais connaissant son responsable, c’était totalement impossible.
Cependant, Tokumi ne cassant pas son quota de vaisselle à la journée l’était tout autant.
Monsieur Mitaka, craignant qu’il ne se trame quelque chose de très mauvais pour son commerce (ce qui était généralement le cas dès qu’il avait le dos tourné) décida d’aller juger lui même de la situation.
À peine eut-il ouvert la porte qu’il manqua d’entrer en collision avec Tokumi, revenant de la cuisine les bras lourdement chargés de vaisselle. Le cœur de monsieur Mitaka manqua un battement.
Cependant, le jeune homme l’évita avec habileté.
«Excusez-moi.» dit-il simplement avant de poursuivre son chemin comme si de rien n’était.
Le vieux gérant cligna des yeux, incrédule.
Le jeune homme repassa ainsi plusieurs fois devant lui, alternant vaisselle sale et assiettes joliment présentées, les bras de plus en plus chargés, la démarche de plus en plus rapide. Les nerfs de monsieur Mitaka menacèrent de le lâcher.
Cependant, aucune catastrophe ne fut à déplorer. Pas même la destruction de la plus moindre petite soucoupe.
Monsieur Mitaka sentait qu’il aurait dû crier au miracle. Mais une petite part de lui même était devenue bien trop méfiante pour croire encore à ces choses là.
Abandonnant là son employé et ses incessants et périlleux va et viens, il se faufila jusqu’aux cuisines.
«Vous savez ce qui est arrivé à Tokumi ?» demanda-t-il aux quatre autres membres de son personnel, qui se trouvaient plantés là comme s’ils n’avaient rien de mieux à faire.
«Tokumi ?»
Jun semblait perplexe.
«C’est vrai qu’il est bizarre.» acquiesça Maki. «Ça fait super longtemps que je ne l’ai pas vu casser une assiette.»
Tarou lui jeta un regard noir, serra convulsivement ses mains sur le manche de son balai.
«Ce n’est pas bizarre. C’est normal . Un employé normal ne passe pas son temps à casser des assiettes. Tu devrais prendre exemple sur lui.»
Maki s’apprêtait à répliquer avec hargne, mais monsieur Mitaka lui vola la parole avant même qu’il ait eu le temps de seulement ouvrir la bouche.
«Il casse donc bel et bien moins de choses en ce moment. Est-ce que quelqu’un sait pourquoi ?»
«Laissez moi vous raconter une histoire...» susurra Minagawa de sa voix traînante.
Quatre regards se tournèrent vers lui. Il brandit un mouchoir et fit mine d’essuyer des larmes fictives afin de bien faire ressortir toute la dimension tragique de son histoire avant de se lancer enfin dans son récit.
«Il était une fois, un garçon tellement pauvre qu’à l’approche de la fin du mois, il ne lui restait plus rien pour se remplir l’estomac. Il se retrouvait obligé de parcourir les rues de long en large afin de trouver un petit quelque chose à se mettre sous la dent. Mais un jour, beaucoup trop faible pour parvenir ne serait-ce qu’à tenir debout, il s’écroula dans un bac à ordures. Une âme charitable eut alors pitié de lui. Le lendemain, il se réveilla en cage, mais surtout au chaud, nourri et logé. Il n’avait jamais été aussi heureux de toute sa vie. Il venait tout juste de se faire engager en tant que bête sauvage par un cirque. Fin~»
Un lourd silence suivit.
«Et alors...?» finit par demander Tarou.
«Tokumi travaille dans un cirque.» expliqua le cuisinier d’une façon un peu moins cryptique.
«Ça ne s’est pas passé exactement comme ça.» voulu rectifier le jeune homme qui était revenu juste à temps pour entendre la fin de l’histoire. Mais personne ne l’écoutait.
«Génial !» s’exclama Maki. «Tu apprends à faire des tours ?»
«Euh... Je fais un peu de jonglage...»
Ce qui expliquait sans doute son habileté nouvelle, songea monsieur Mitaka.
«Montre nous !» s’enthousiasma Maki.
«Je ne sais pas si je...»
«S’il vous plaît ?» insista Jun avec une moue adorable.
«Si vous insistez...» capitula Tokumi en saisissant une pile d’assiettes.
Monsieur Mitaka réalisa avec horreur qu’il s’agissait des plus belles du café. Son cœur saigna tout au long du numéro. Des assiettes multicolores volaient dans tous les sens. Fort heureusement aucune n’eut la mauvaise idée d’aller heurter le sol.
Le vieux gérant soupira de soulagement, se laissa même aller jusqu’à applaudir. Tokumi avait bien changé. Peut-être venait-il enfin de gagner un membre un tant soit peu utile à la bonne marche de son café.
«Je te trouve bien audacieux.» fit remarquer Minagawa d’une voix douçoureuse alors qu’il désignait au jeune homme les assiettes qu’il tenait toujours à la main. «Ce sont les assiettes préférées du Master . Les plus belles. Les plus chères du café.»
Tokumi blêmit. Il jeta un coup d’oeil paniqué à ses mains qui commençaient à trembler, voulu reposer aussitôt la précieuse vaisselle. Dans sa précipitation, il manque la table. Des morceaux de porcelaine de toutes les couleurs s’éparpillèrent joyeusement sur le sol.
«Oups...» commenta le chef cuisinier.
Monsieur Mitaka se prit la tête entre les mains.
Finalement, Tokumi n’avait peut-être pas changé tant que ça...