Artiste :
little_meenoo Titre de l'oeuvre : Petites (més)aventures au café Kichijouji (2/5)
Fandom : Café Kichijouji de
Rating : PG
Genre : Yaoi
Nombre de mots : 2287 mots
Outils : Aquarelle
Une commande de :
drakys Commentaires : C’est au tour de Maki de s’y coller cette fois-ci !
Maki ou le vœu de chasteté
Des sanglots résonnaient à travers le Café Kichijouji. Des sanglots assez lourds pour parvenir jusqu’à la salle de réception et inquiéter les clients. Des sanglots malheureusement assez forts pour atteindre les oreilles de Tarou.
Il ne fallu guère plus d’une demie seconde au jeune homme pour identifier l’auteur de ce trouble. Il allait payer ça.
Tarou fit voler la porte des cuisines de toutes les forces de sa colère. Maki, qui avait eu la brillante idée de se réfugier dans le recoin sombre se trouvant juste derrière pour déprimer à sa guise, se la prit de plein fouet. Des sanglots, on passa aux hurlements de douleur, ce qui ne fut pas pour réconforter les clients. La colère de Tarou, elle, se mua en une noire fureur.
Il eut envie de vérifier sur le champ l’hypothèse lui suggérant qu’asséner un ou deux coups supplémentaires et suffisamment douloureux au crétin qui leur tenait lieu de serveur suffirait éventuellement à l’achever. La main qui se glissa son épaule l’empêcha néanmoins de mettre à exécution ces réjouissants projets.
«Tu sais qu’on a besoin de lui.» lui souffla Minagawa.
Tarou soupira. Il ne le savait que trop bien...
«A quoi il joue encore ?» râla-t-il, en désignant du doigt ce qu’il restait de Maki.
«Il vient de se faire larguer pour la trente quatrième fois.» expliqua Tokumi.
«Trente cinquième.» rectifia Jun. «Depuis le début de l’année...»
Le nez de Tarou se plissa de dégoût. Cette immonde coquerelle...
Il asséna un bon coup de balai sur la tête du serveur.
«C’est pas une raison pour abandonner ton poste et ennuyer les clients.»
Maki se massa douloureusement le crâne en le foudroyant du regard, avant de se remettre à larmoyer.
«On vient de me briser le cœur, je me noie dans mon malheur, et toi... toi... Voilà comment tu me traites ! Tu es un monstre sans cœur !»
«Si tu ne passais pas ton temps à draguer, ça n’arriverait pas.» répliqua froidement Tarou.
«Exactement !» s’exclama le blond avec rage.
Quatre regards incrédules se posèrent sur lui. Maki cligna des yeux. Ses neurones lui traduisirent lentement la bêtise qu’il venait de proférer. Il retint un hoquet horrifié.
Trop tard cependant pour reculer. Il ne céderait pas devant cet imbécile de Tarou.
«A... A partir d’aujourd’hui, je... Je ne draguerait plus aucune fille !»
Il gémit lorsque ses propres paroles revinrent jusqu’à ses oreilles, douloureuses. Il s’enfonçait de plus en plus...
«Bon courage...» lâcha négligemment Tarou en faisant mine de quitter la pièce, se désintéressant totalement du problème.
Maki ne l’entendait cependant pas de cette oreille. Il était en train de sacrifier toute sa vie pour le bien du café, et c’était tout l’effet que ça lui faisait ?!
«Tu me crois pas, c’est ça ?» s’écria-t-il, hors de lui.
Tarou se retourna lentement et le fixa avec tout le mépris dont il était capable (ce qui faisait beaucoup).
«Non.» lâcha-t-il enfin.
«Tu vas voir...»
La tête du patron se matérialisa dans l'entrebâillement de la porte, les faisant sursauter.
«Et si vous vous remettiez au travail...?» suggéra-t-il avec lassitude.
Jun et Tokumi, en bon petits employés à mi-temps qu’ils étaient, filèrent aussitôt à leurs postes.
«Ça compte pour toi aussi Maki.» lui fit remarquer Tarou.
«Hein ? Tu veux me renvoyer là bas ?»
«C’est pour ça qu’on te paye.»
«Mais il y a toutes ces... ces filles !» geignit le bond.
«Résister à la tentation est le meilleur moyen de prouver ce que l’on vaut.» déclama Minagawa avec un dangereux sourire.
Les larmes montèrent aux yeux de Maki.
«Je vous déteste !» s’écria-t-il en quittant théâtralement la pièce.
«Ça vire à la tragédie.» observa calmement Minagawa.
Tarou lui jeta un coup d’oeil suspicieux par dessus ses lunettes.
Pour Maki, la confrontation avec “toutes ces filles” (sous-entendu : “qu’il n’avait plus le droit de draguer” ) fut rude. En un clin d'œil, il en avait déjà repéré trois de mignonnes. Très mignonnes.
Ne pas regarder. Ne surtout pas regarder.
L’air faussement dégagé et la démarche raide, il s’approcha courageusement d’une table.
«Vous avez fait votre choix ?» demanda-t-il très vite en se focalisant sur une observation détaillée du plafond.
«Hum... Je vais prendre ça.» déclara l’une des jeunes filles, désignant l’un des nombreux gâteaux sur la carte.
Maki aurait sans doute pu savoir duquel il s’agissait s’il avait daigné regarder. Il glissa prudemment un œil vers le bas. La fille était vraiment mignonne. Un sourire quasi automatique commença à se dessiner sur les lèvres du serveur. Il se replongea aussitôt dans une intense contemplation du plafond. Pas question de craquer.
«Ça.» répéta-t-il bêtement en prenant grand soin de noter les deux lettres sur un petit calepin.
Les commandes suivantes furent toutes prises exactement de la même façon.
Ce n’est qu’en retournant aux cuisines qu’il se rendit compte que ça ne conviendrait sans doute pas pas à Tarou. Ce qui fut bien entendu le cas.
Il essaya alors de désigner une pâtisserie au hasard sur le menu, mais sa brillante idée ne sembla pas plaire beaucoup plus au responsable. Maki ne comprenait pas pourquoi. Il avait pourtant une chance sur... beaucoup d’autres de tomber juste.
Mais il avait toujours été chanceux !
Ou tout du moins, il l’était quand il arrivait à échapper aux coups qui pleuvaient sur lui avec une agaçante régularité. Ce qui n’était pas le cas en ce moment...
Le reste de la journée se déroula sensiblement de la même façon. Maki inventa mille et unes stratégies pour résister aux charme de ses clientes. Ces milles et une stratégies se révélèrent toutes plus désastreuses les unes que les autres.
Il avait rapidement abandonnée sa méthode première, renommée par ses soin “mon-ami-le-plafond-et-ses-merveilleuses-merveilles”. Trop douloureux lors du retour en cuisine.
Maki tenta alors de servir ses clientes le plus rapidement possible afin de passer un minimum de temps en leur compagnie, et donc, par la même occasion, réduire le risque de succomber à la tentation. Un plan diaboliquement ingénieux dont il se félicita longuement. Jusqu’à ce qu’il ébouillante une malheureuse jeune femme avec son propre thé au jasmin... Tarou se fit une joie de lui faire comprendre que son plan était surtout diaboliquement nul à l’aide de quelques arguments aussi frappants que bien placés.
Maki dû se résigner à trouver autre chose.
Plus le temps passait, plus le moral du serveur déclinait. Il retournait en cuisine chaque fois plus chancelant, le pas incertain et le regard hagard. Il suppliait pitoyablement qu’on l’épargne, qu’on ne l’oblige plus à retourner là bas. Les bleus et bosses s’accumulaient sur sa tête en guise de seule réponse. Minagawa tirait des prédictions quant à l’heure de sa mort.
Sa dégaine de zombie, associée aux grimaces qu’il se retrouvait obligé de faire pour ne pas sourire aux clientes réussirent à en faire fuir quelques unes. Ce qui eut pour seul effet d’alourdir encore un peu plus son malheur.
L’une d’entre elles cependant, une habituée - qui nourrissait depuis toujours une passion secrète, inavouée et surtout totalement inexplicable pour Maki - resta là, à lui sourire gentiment. Le serveur sentit les larmes lui monter aux yeux. Il se dévisagèrent quelques longues secondes. La jeune fille, jugeant le moment opportun pour faire sa déclaration, prit son courage à deux mains.
«Mon... Monsieur Maki, je...»
Elle baissa les yeux, rougissante.
«Estcequevousvoulezbiensortiravecmoi?» marmonna-t-elle à toute vitesse avant de disparaître lentement sous sa chaise.
Il fallu un temps à Maki pour décoder ces mystérieuses paroles - qui ne ressemblait en rien au nom d’une de ces pâtisseries dont il prenait habituellement la commande.
Lorsque le message fut enfin clair, le choc fut si violent pour le serveur qu’il se figea instantanément. La seconde d’après, il eut en revanche bien du mal à ne pas se jeter aussitôt sur la demoiselle en lui promettant d’accéder sur le champ à tous ses désirs.
Il ne fallait pas qu’il craque. Il ne devait pas craquer.
Ce fumier de Tarou ne l’avait pas quitté des yeux de la journée. Il prétextait être là pour nettoyer le sol de la grande salle, mais Maki savait parfaitement que c’était faux : cela faisait maintenant des heures qu’il astiquait la même dalle (Tarou avait toujours été réputé pour son zèle, certes, mais il n’avait jamais été aussi lent à la tache). Il ne lui ferait pas le plaisir de perdre son sang froid maintenant. La journée touchait presque à sa fin.
Mais tout de même...
Non !
«Je... Je suis désolé...» réussit-il à articuler au prix de grands efforts.
«Je... je ne vous plaît pas, c’est ça ?»
Oh si. Oh que si ! Non. Non non non, se morigéna Maki. Elle est hideuse. Pense aux kouhai de Jun. Elle est hideuse. Elle. Est. Hideuse.
«Vous êtes hideuse !» s’écria-t-il, au désespoir, avant de se recroqueviller sur lui même. Qu’avait-il fait ? Mais qu’avait-il fait ?
Tarou, qui s’était rapproché de la scène pour ne pas perdre une miette de l’écrasante défaite que Maki allait forcément rencontrer, arriva juste à temps pour entendre le serveur insulter sa cliente et voir celle-ci fondre en larmes.
«Veuillez m’excuser...»
Il aplatit avec force son balai sur la tête creuse du blond avant de le traîner jusqu’aux cuisines et de le jeter dans un coin.
«Je peux savoir à quoi tu joues ?!»
«Je résiste à la tentation !» lui hurla Maki en le foudroyant du regard entre deux crises de larmes.
«Ce n’est pas une raison pour ébouillanter, insulter, ou que sais-je encore, les clientes !»
Tarou brandit sauvagement une calculette sur laquelle il pianota avec détermination.
«A cause de toi et de tes bêtises, notre chiffre d’affaire a baissé de cinquante pourcents aujourd’hui. En comptant la vaisselle brisée, nos gains se chiffrent dans les négatifs !»
«A cause de moi ?!» s’indigna le blond. «A cause de moi ?! Je croyais que draguer les clientes nuisait à la réputation du café ?»
«Les faire fuir n’est pas mieux, bougre d’imbécile !»
«Ah oui ?! Et à qui la faute ? A cause de toi , je viens de passer à côté d’une fille superbe et tu oses...»
Un claquement de tiroir l’interrompit dans sa tirade. Minagawa venait de surgir derrière eux, une poupée vaudou serrée dans chaque main, des clous sans doute pas bien loin...
«Qu’est-ce qu’il vous arrive ?» questionna-t-il d’une voix neutre mais néanmoins déjà suffisamment effrayante aux yeux des deux autres.
Tarou désigna Maki du doigt, et ce dernier s’empressa de lui rendre la pareille.
«C’est de sa faute. Maki s’amuse à insulter nos clientes.»
Minagawa secoua la tête, l’air navré.
«C’est de sa faute !» se défendit le serveur. «Tarou vient tout juste de me faire passer à côté de la femme de ma vie !»
«Ah oui ? La combientième exactement ?» se moqua l’accusé.
«Ce n’est pas beau, la jalousie...» murmura Minagawa.
«Quoi ?! Moi ? Jaloux de, de, de cet espèce d’abruti libidineux ?!»
«Qui a dit une chose pareille ?» s’étonna le cuisinier.
«Tu l’as sous-entendu !» s’offusqua Tarou qui, sans songer aux conséquence atroces que son geste aurait pu engendrer, le menaça de son balai.
«Je regrette... Je me suis mal exprimé. Ce sont des filles, donc tu es jaloux.»
«Ah... Hein ?!»
Tarou manqua de tourner de l’oeil.
Pendant ce temps, l’esprit de Maki s’éloignait lentement de la réalité. Son monde se résumait à deux mots qu’il répétait inlassablement en se balançant doucement.
Des filles. Des files. Des filles .
«Il me faut une fille !» hurla-t-il soudain, s’accrochant désespérément au col de Jun qui avait eu la malheureuse idée de passer par là.
Le jeune garçon ne chercha même pas à savoir si le terme de “fille” lui était ou non adressé. Faute d’un projectile à lui jeter dessus, il envoya directement le serveur faire violemment connaissance avec un mur. L’effet obtenu n’était pas mauvais non plus, constata le jeune garçon.
Le choc eut en plus le mérite d’être assez bruyant pour stopper Tarou et Minagawa dans leur discussion.
«Fiiiiilles...» réussit à gémir une fois de plus Maki, plus mort que vif.
«Je crois qu’il est en manque.» fit observer Jun en remettant de l’ordre dans sa tenue.
Minagawa vérifia rapidement cet état de fait en faisant glisser une tenue de serveuse devant la silhouette de Tarou. La lueur qui s’alluma aussitôt dans les yeux du blond tendit à prouver que Jun avait raison. La façon dont Maki s’avança ensuite vers Tarou, prédateur, confirma totalement cette supposition.
Tarou recula d’un pas.
«Minagawa... A quoi tu joues ?»
«Je protège les clientes. Tu ne voudrais tout de même pas que Maki s’attaque à elles dans cet état.»
Tarou fut bien tenté de dire que si, qu’il valait mieux elles que lui, mais il savait que ce n’était pas une réponse que le chef cuisinier avait envie d’entendre.
Il se contenta donc de reculer d’un pas de plus, plaçant son balai entre lui et Maki, tel une dérisoire barrière de défense. Barrière que le serveur contourna d’ailleurs sans aucune difficulté. Tarou était assailli par de bien trop ignobles images mentales pour se défendre correctement. Il ferma les yeux, se prépara au pire.
Un drôle de bruit retenti et Tarou pu sentir avec horreur le corps de Maki s’écraser sur lui. Il tenta de se dégager à toute vitesse.
Contraint pour cela de rouvrir les yeux, il pu alors constater que Maki était K.O. Minagawa le fixait avec un drôle de sourire. Un instant, il songea à le remercier de lui avoir sauvé la vie.
Cependant...
«Tu as perdu, Jun. Maki a craqué.» déclara le cuisinier.
«Allons, monsieur Minagawa, ne soyez pas médisant. Tarou n’est pas une fille.» répliqua le jeune garçon avec un adorable sourire.