Titre : L'archère et le pistolero
Auteur : Lorelei (Participant.e 18)
Pour : Petit Poisson (Participant.e 20)
Fandom : The Legend of Vox Machina
Persos/Couple : Vox Machina, Percy, Vex
Rating : K
Disclaimer : Vox Machina appartient à l'équipe de Critical Role
Prompt : j’adorerais voir la première rencontre entre Percy et le groupe, comment ce dernier l’a intégré et comment se sont passés les premiers temps de sa relation avec Vex (Ils s’entendaient dès le début parce qu’ils sont assez similaires ou non ? Percy a voulu intégrer le groupe tout de suite par pragmatisme ou parce qu’une mission les a forcé à collaborer ?).
Notes : J'ai pris comme base du récit la rencontre de Percy et de Vox Machina telle que racontée dans le comic Vox Machina Origins. En espérant que cette petite plongée dans les pensées de Percy et Vex te conviendra !
Percival Fredrickstein von Musel Klossowski de Rolo, troisième du nom, était un homme habitué à travailler en solo. Depuis certains événements auquel il ne voulait pas penser plus que nécessaire, il était seul. Cela valait mieux. La mort s'attachait à ses pas. Il sentait parfois un regard s’appesantir sur lui, et c'était celui de la Reine Corbeau, il le savait. Tant de morts... Tant de sang. Le sang de Cassandra sur la neige. Le sang de... Percy fit le vide dans son esprit. Non, il faisait mieux de travailler seul. Cela faisait moins de risques, pour tout le monde. Percy détesterait attacher la mort aux pas de quelqu'un d'autre. Qu'il soit le seul à prendre les risques. Le seul à risquer sa peau.
Vex'halia - qui refusait d'utiliser son soi-disant nom de famille - n'était pas habituée à travailler seule. Toute sa vie elle avait eu la compagnie de son frère, cette autre part d'elle-même. Ensemble, ils pouvaient surmonter tous les obstacles. Peu importait avec qui ils vivaient, avec qui ils se battaient, ils étaient toujours un groupe dans le groupe. Inséparables. C'était toujours Vex et Vax, Vax et Vex, avant tout le reste. Ils pouvaient bien être dans un groupe, Vex mettait toujours leur vie avant celle des autres. Que d'autres prennent les risques. Que d'autres risquent leurs peaux.
Percival de Rolo était le premier étonné d'avoir rejoint un groupe. C'était ce qu'il convenait d'appeler un parfait hasard. La moitié du groupe connu sous le nom de Vox Machina s'était présentée au bon endroit - sa prison - au bon moment - peu avant son exécution programmée pour faits de cultisme. La politesse et son éducation demandaient qu'il les remercie en les aidant dans leur tâche, à savoir recouvrir le crâne d'un Destrier Noir. Le bon sens l'avait poussé à les accompagner ensuite jusqu'à Westruun afin de profiter de leurs montures. Après ça... Disons qu'il avait été curieux d'aller au bout de l'aventure.
Vex'halia s'étonnait parfois d'être encore dans le même groupe. C'était pour elle une source sans fin d'agacement. Elle était un animal solitaire. Son frère, son ours et son arc, elle n'avait pas besoin de plus. Mais Vax, lui... Les gens imaginaient les jumeaux absolument semblables, mais Vax et elle n'étaient pas des copies absolument ensemble. Vax était un animal sociable. Il avait besoin d'une bande. Lors de la rencontre de ce qui n'était pas encore Vox Machina, à Stilben, Vax avait supplié Vex des yeux. Après ça... disons qu'elle n'avait pas eu d'autre choix que d'aller au bout de l'aventure.
Pour l'un comme pour l'autre, Vox Machina était donc loin d'être une évidence. Un simple enchaînement de circonstance. Une étape de leur vie qui ne saurait durer.
L'enchaînement de circonstances était le suivant : Grog s'était fait posséder par une liche qui comptait l'utiliser comme phylactère. Vox Machina avait trouvé un moyen de vaincre la malédiction qui touchait le Goliath et s'était emparé des éléments nécessaires pour accomplir le rituel en question, dont l'un avec l'aide de Percy. Resté pour voir comment se concluait l'aventure, Percy avait participé à l'épique combat pour la vie et l'âme de Grog.
Tout le monde avait survécu. Percy était ce qu'on pouvait appeler convenablement impressionné.
En sortant de la tour du mage qui les avait aidé au rituel, Vox Machina laissa libre court à sa joie. Un peu à l'écart, Percy les regarda se partager les récits de leurs aventures, à grand renforts de gestes. Il sourit, pour lui même. Ce groupe hétéroclite était des plus amusants.
-Et là, Percy l'a tué d'un seul coup ! À cinquante pas de distance ! Pas vrai, Percy ?
Keyleth l'appelait en renfort de son récit. Percy déglutit. Il n'était pas vraiment doué pour ce genre de discussions. Cela n'avait jamais été son fort, même... avant. Avant la flèche dans la gorge de sa mère, le couteau sur... Il se contenta de hocher la tête en essayant de ravaler la bile qui remontait de ses entrailles.
Les deux autres demi-elfes, les jumeaux, levèrent un sourcil, mi-impressionné, mi-incrédule, à quelques secondes l'un de l'autre.
-Vraiment ?, demanda la fille, Vax ou Vex.
-À vrai dire, c'était mon deuxième coup. Le premier n'a pas touché comme je l'espérais.
Le frère se tourna vers sa sœur avec un sourire railleurs.
-Tu pourrais faire ça toi, Vex, tuer un Destrier Noir d'une seule flèche à cinquante pas ?
Il se fit foudroyer du regard en retour.
-Tu sais bien que oui.
-J'avais le bon angle de tir et l'opportunité d'agir, intervint Percy avant de se retrouver au beau milieu d'une dispute fraternelle. Un bon archer peut faire aussi bien. Ce n'est pas une question de supériorité ou d'infériorité, mais de la dextérité de la main qui tient l'arme.
Le regard de Vex s'adoucit aussitôt. Elle n'aimait pas que quelqu'un remette en question ses talents, même si c'était son frère pour plaisanter. Au contraire, cette réponse de Percy lui faisait gagner des points dans son estime.
-Je n'ai jamais vu d'arme de ce genre. J'ai cru d'abord que c'était un type nouveau d'arbalète, mais ça n'a rien à voir, non ? Je serais curieuse de voir son fonctionnement.
Vax se pencha par dessus son épaule.
-Va-y sœurette. Demande au bel inconnu de te montrer le fonctionnement de son engin.
Pour toute réponse, Vex lui lança un coup de coude dans les côtes. Vax grogna et tâcha de retrouver sa respiration. Vex en profita pour tendre une main à Percy.
-Nous n'avons pas été exactement présentés. Je suis Vex'ahlia et cet imbécile est Vax'ildan.
-Et moi Grog, intervint le grand Goliath pour qui Percy avait risqué sa vie par deux fois déjà. -Percival Fredrickstein von Musel Klossowski de Rolo, troisième du nom, se présenta-t-il. Percy, pour les intimes.
Vex'ahlia leva à nouveau un sourcil amusé.
-Et nous sommes intimes ?
-Je dirais qu'affronter ensemble l'esprit d'une liche coincée dans le corps d'un Goliath fais de nous des intimes, effectivement.
-Assez pour me montrer comment fonctionne cette chose ? Je suis curieuse de voir les différences d'avec un arc ou une arbalète.
Percy se referma aussitôt et se redressa de toute sa hauteur.
-Il s'agit d'une arme de mon invention. Elle est encore en phase d'essai et je préférerai...
-Tout va bien, c'était une simple demande. Chacun a droit a ses secrets, mais on ne peut empêcher les gens d'être curieux.
Hélas, non. On avait déjà tenté de voler sa poivrière à Percy ou de lui arracher ses secrets en lui offrant à boire plus que de raison. Il était méfiant, naturellement. Le potentiel de destruction de cette arme qu'il avait conçue en rêve lui apparaissait de plus en plus clairement chaque jour. Elle lui offrirait sa vengeance, mais il devait prendre gare à ce que l'idée ne tombe pas en de mauvaises mains, même s'il faudrait un esprit génial pour réinventer ce qu'il avait conçu.
Cependant, la curiosité de Vex'halia ne semblait pas poussée par un désir d'acquérir son arme. Elle avait l'air sincèrement curieuse.
-Un jour, peut être, finit-il par concéder.
Puis il fronça les sourcils. Était-il en train d'envisager de rester auprès de vox Machina pour émettre une telle suggestion ? Cela y ressemblait fort, mais ce n'était pas dans les plans de Percy jusque là. Il avait sa vengeance à accomplir, même s'il avait perdu présentement tout espoir de retrouver la piste de sa première cible, le docteur Ripley.
Une main se posa soudain sur son épaule, celle de Vax. Percy tressaillit sous ce contact indésirable.
-Si ma sœur veut quelque chose, elle l'obtient. Mais en attendant, il faut qu'on te remercie pour ton aide, on dirait que Grog te doit un petit peu la vie. Sauf si tu as des choses à faire en ville ?
-De la bière pour Percy marchinchose !, approuva Grog d'une voix tonitruante en lui tapant l'autre épaule. C'est la meilleure façon de dire merci !
-Certains d'entre nous préfèrent de l'or, persifla Vex, mais à chacun ses petits plaisirs. Notre bourse est à sec, mais on peut t'offrir une bière, en effet.
-Un verre de vin me conviendrait davantage. Mais pourquoi pas ?
Grog poussa un cri de joie et commença à traîner Percy et le reste du groupe vers l'auberge où ils résidaient. Ce dernier ne résista qu'à peine. Vox Machina dégageait une énergie ressemblant à celle d'une famille. C'était quelque chose qui lui avait énormément manqué. En voyant ce groupe avancer en se tenant les épaules et en échangeant aussi facilement piques et coups de coudes, il était attiré comme un papillon par une flamme.
Le vin qu'on lui servit était une piquette infâme, mais Percy l'endura courageusement et reçu en retour une invitation à manger avec Vox Machina, quand les plats commencèrent à débarquer, puis à partager une chambre. Il accepta. C'était plus simple que de devoir s'en chercher une lui-même à cette heure-là. Par contre, il n'était pas tout à fait sûr de savoir pourquoi il avait reçu une telle proposition. Percy n'avait pas dit plus de trois mots pendant le repas, sauf quand on l'y invitait. Il était fatigué, soucieux, et honnêtement l'inverse même d'un convive agréable, mais ils l'avaient quand même invité à rester pendant qu'eux se saoulaient en riant.
Au matin, Percy ne fut pas surpris de voir ses trois camarades de chambrée ronfler à qui mieux mieux. Il avait déjà dormi dans de meilleurs conditions. Il avait déjà dormi dans de pires conditions - en train de perdre son sang dans un fossé alors que Cassandra... - mais au moins il avait eu un toit et un lit. Maintenant, il était probablement temps de partir.
Il descendit dans la salle commune et réalisa, à sa grande surprise, qu'il n'était pas le premier debout. Vex'halia l'avait précédé en bas. Assise à la plus grande table, elle additionnait des chiffres sur une feuille de papier. C'est à peine si elle lui adressa un signe de la tête quand Percy s’essaya à côté d'elle après avoir passé commande.
-Cela fait beaucoup de chiffres, finit-il par dire quand Vex redressa la tête en soupirant.
-Tu as une idée de ce que ça coûte de nourrir un Goliath et un ours, par jour ?
-Une somme rondelette, j'imagine.
Vex renifla.
-Plus que rondelette, et nos bourses sont presque vides. En l'état, je dirais qu'il nous reste de quoi tenir deux jours, pas plus. Sauver un ami des griffes d'une liche ne remplit pas les poches.
Sans vraiment réfléchir, Percy fouilla dans sa poche et posa sur la table sa bourse.
-Et avec ceci ?
Vex lui jeta un regard étrange, puis ouvrit les cordons de la bourse. Son visage s'illumina aussitôt.
-Chéri, avec ça on peut tenir au moins trois jours de plus, ce qui nous laisserait un peu plus de temps pour choisir quelque chose qui nous correspond plutôt que d'être obligé de prendre le premier travail louche qui passe. Voilà qui nous ôterait quelques soucis. Mais tu es sûr ? C'est ton argent.
Et tu n'es pas vraiment des nôtres. Ces mots semblèrent voler dans l'air entre eux deux. Percy haussa les épaules. Il n'était pas vraiment sûr lui même de la raison pour laquelle il venait de faire ce geste.
-J'ai cru comprendre que je pouvais rester quelques temps parmi vous ?, finit-il par dire pour se justifier. Alors il est normal que je participe aux dépenses communes.
-Effectivement. Si tu peux le faire comprendre à Scanlan à l'occasion, je te serais à jamais reconnaissante. Dès que ces idiots seront réveillés, nous partirons à la recherche d'un travail. Et dans ton cas, d'un nouveau manteau.
Percy regarda d'un air dubitatif celui qu'il portait sur le dos. Il était certes élimé, mais pouvait encore lui servir.
-Je n'ai pas besoin...
-Chéri, il a un accroc long comme mon bras. Je n'aimerais pas vivre dans ce courant d'air, et comme c'est moi qui ai ton argent maintenant... Mais je peux t'assurer que tu en auras un bien meilleur et pour bien moins cher que celui que tu portes actuellement.
À la lueur dans ses yeux, Percy la croyait sans peine. Vex avait l'air du genre de personne prête à marchander avec la Reine Corbeau en personne. Son argent était entre de bonnes mains. Lui-même n'avait jamais été plus doué que ça pour marchander. Jusqu'à peu, c'étaient les serviteurs qui s'occupaient de ce genre de choses à sa place.
Vex fit disparaître dans sa cape son bout de papier couvert d'additions et la bourse de Percy, un peu surprise encore de la facilité avec laquelle il la lui avait remise. Jamais elle n'aurait été aussi confiante avec son propre argent, en particulier avec un parfait inconnu. Tout en buvant son thé, elle se mit à l'observer plus attentivement, parfaitement consciente d'être observée en retour.
Ce qu'elle vit, c'est un homme qui n'était pas à bout de nerf, mais peut être à court d'espoir. Il avait besoin de se lier à d'autres êtres pour ne pas sombrer un peu plus. Un homme comme lui était dangereux, pour les autres, mais surtout pour lui même. Hier, elle aurait dit aux autres de le laisser filer avant qu'il ne leur attire des ennuis plus grand qu'eux. Aujourd’hui encore, cela lui semblait la décision la plus sage. Elle pouvait le faire fuir et dire aux autres qu'elle ne l'avait pas vu quand ils descendraient.
Elle se tut.
Percy, lui, voyait une femme qui murait ses émotions derrière des sarcasmes et un visage froid, un miroir de son propre comportement face à la douleur. Elle savait. Peut être n'avait-elle pas vécu les mêmes expériences que Percy - le docteur Ripley s'approchant de lui en souriant, se demandant à voix haute quelle autre torture elle allait lui faire subir aujourd'hui - mais elle savait que les gens autour d'eux n'étaient que des étrangers qui pouvaient se retourner contre eux par lâcheté ou pour trois pièces d'argent. Elle savait qu'on ne pouvait faire confiance qu'à sa famille, que le monde se divisait en eux et en nous.
-Vous... Tu as bu autant que les autres hier.
Vex leva un sourcil vers lui.
-Et si c'est le cas ?
-Insomnies ?
Occupe-toi de tes affaires, faillit-elle répondre, peut être en associant la phrase à un couteau planté dans la table.
-Jamais été dans un groupe ?, demanda-t-elle à la place.
-Jamais.
-Les avantages : des missions plus risquées payent mieux et les risques sont divisés entre chaque partenaire, ça veut dire moins de chance de prendre un mauvais coup. L'inconvénient : on s'attache.
Percy hocha la tête. Il voyait exactement ce qu'elle voulait dire. Sa famille était une cicatrice indélébile sur son cœur et sur ses lèvres.
Vex elle, faisait face à une réalisation dangereuse. Grog avait failli mourir et les choses ne pourraient plus jamais être comme avant. Elle pouvait blinder son cœur autant qu'elle voulait, ces imbéciles discriminaient sous ses défenses. Keyleth, Grog, Pike, Scanlan, ils étaient en train de devenir une part de ce nous si dangereux.
Pour Vex, Vox Machina était en train de devenir synonyme de famille.
Percy était attiré par le groupe pour cette exacte raison.
Tous les deux craignaient cette idée autant qu'ils la désiraient. Ils reconnaissaient sans peine cette peur chez l'autre. C'est peut être pour ça qu'ils se regardaient sans porter le moindre jugement . Peut être se posaient-ils des questions l'un sur l'autre, sur leur passé, les raisons qui les avaient conduits en cet endroit et qui les poussaient à continuer de mener la dangereuse vie d'aventurier, mais ils croyaient dur comme fer au droit de garder le silence.
Quand les autres commencèrent à descendre et leur demander de quoi ils parlaient, Vex et Percy leur lancèrent un regard vide.
Tal'Dorei était un continent rempli de danger. Dès qu'ils commencèrent à questionner un peu les passants sur le marché, on les guida vers un bûcheron nain à l'air fatigué. En les voyant approcher, le Nain les regarda de haut en bas et grimaça.
-Des aventuriers, hein ? À la recherche d'un travail ?
-Un qui paye bien, de préférence, attaqua d'emblée Vex. Nos services ne sont pas donnés.
-Et qu'est-ce qui me dit que vous méritez mon or en échange de ceux-ci ? Vous pourriez être une bande de clampins avec plus de gueule que de muscles, comme la plupart de ceux qu'on voit par ici.
Percy sentit immédiatement la tension monter. Touchés dans leur orgueil, les membres de Vox Machina étaient du genre à s'emporter pour un rien. Maintenant qu'il avait confié sa bourse à Vex, Percy désirait être sûr que ladite bourse se remplissait régulièrement.
Au moins, Vex avait tenu parole. Percy était l'heureux possesseur d'un manteau bien moins mité que le précédent.
Se redressant de toute sa hauteur, Percy fit appel à la morgue d'une dizaine de générations de De Rolo.
-Mon brave, je vous apprendrait que Vox Machina a déjà été embauchée par de nombreux clients prestigieux, y compris par un membre de l'Arcana Pansophical, pour ne citer que le plus récent d'entre eux. Si vous preniez une heure pour vous renseigner...
Le Nain leva la main pour arrêter Percy dans son élan.
-Ça va, je vous crois. Les gars et moi, on a besoin d'aide pour régler un problème autour de notre campement. Toutes les nuits ou presque, le terrain dans lequel on abat des arbres est dévasté. Au matin, on trouve la terre toute retournée et les arbres abîmées. Si ça continue, tout ce coin de la forêt sera trop abîmé pour qu'on puisse y travailler. Vous ferez l'affaire aussi bien que d'autres. C'est pas comme si on pouvait vous payer une fortune.
-Combien ?, demanda Vex, une lueur marchande dans le regard.
-Quarante pièces d'or, si vous trouvez ce qui nous embête. Deux cent quatre vingt de plus, si vous arrêtez la menace.
Percy grimaça. Divisé en sept, cela ne faisait pas grand chose. Les autres se consultèrent du regard. Toute une conversation silencieuse eut lieu sous ses yeux sans qu'on ne lui donne la possibilité de participer, puis Vex hocha la tête.
-Adjugé, si vous prenez en charge les faux frais, logements, transports, nourriture.
-Ce sera frustre, grimaça le Nain, mais d'accord. Je suis sûr que vous êtes habitués à pire, de toute manière. J'ai encore quelques emplettes à faire avant de pouvoir partir. Rendez-vous ici dans une heure ?
Le Nain disparut dès qu'il eut leur assentiments. Vox Machina n'ayant pas d'argent à dépenser même dans des potions de soin, le groupe s'installa pour patienter. Grog et Vax se lancèrent aussitôt dans un concours de défis stupides sous l'oeil appréciateur de Pike, pendant que Scanlan disparaissait régulièrement pour compter fleurette aux patientes. Keyleth et Vex, elles, discutaient assises sur un muret, trop bas pour que Percy puisse écouter. Lui resta là, raide comme un piquet, incertain de la suite.
Tout en continuant sa discussion à propos des soins à apporter au pelage de Trinket, Vex jetait des regards en coin à Percy. Aux yeux de ce dernier, ils ne devaient peut être pas faire beaucoup d'efforts pour l'intégrer, mais c'était aussi lui qui n'essayait pas d'entrer dans les conversations. Depuis cinq jours qu'ils se connaissaient, Percy était peut être bien avec Vox Machina, mais toujours pas membre de Vox Machina. La différence était subtile, mais Vex la comprenait pour passer chaque jour un peu plus de l'autre côté de la barrière. Elle avait été comme lui au début, sur la défensive et en trait. De voir cet étranger lutter pour ne pas s'attacher à eux sans parvenir à leur dire au revoir lui faisait comprendre à quel point elle avait été idiote de se refuser à intégrer le groupe et à considérer Vox Machina comme une solution provisoire. Percy céderait, comme elle. Il faisait déjà partie de Vox Machina, il n'avait qu'à l'accepter. Restait à savoir si ça lui prendrait trois jours, trois mois ou trois ans.
En attendant, il l'intriguait.
-Tu as l'air d'un homme qui se pose des questions, l'interpella-t-elle quand Keyleth commença à s'intéresser de plus près à un spectacle de rue.
-Je m'attendais à ce que vous posiez plus de questions à ce Nain.
-J'aurais bien voulu lui en poser plus, mais au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, nous ne sommes pas très bon diplomates, à part Scanlan et on a autant de chance qu'il nous mette dans les ennuis jusqu'au cou ou qu'il nous en sorte. Là notre priorité était qu'il nous refile le boulot, j'ai vu d'autres aventuriers sur le marché. Ce qu'il nous faut, c'est rentrer un peu d'argent dans les caisses et laisser les clients satisfaits faire courir le bruit que Vox Machina travaille bien et réussit ce qu'elle entreprend. Mais si tu as des questions à poser à un client et que tu penses pouvoir le faire sans le brusquer, sent-toi libre de le faire.
Percy hocha la tête, un brin dubitatif. Il ne se sentait pas légitime pour entamer une conversation au nom de Vox Machina. Il n'en était pas un membre, après tout, il était juste avec eux. Cela ne lui donnait pas droit au chapitre, juste à sa part de la récompense, si tout se passait bien.
Percy, essayait de ne pas se poser trop de questions sur ce dont demain serait fait. Il se disait qu'il restait avec Vox Machina par pragmatisme, parce que sa proie lui échappait. En attendant qu'il ait enfin une piste pour venger l'honneur et les vies de De Rolo, rester avec Vox Machina était une solution qui en valait bien une autre. Vex avait dit vrai, il y avait des avantages à travailler en groupe. La paye était bonne, ce qui était une bonne nouvelle, vu la difficulté à se procurer de la poudre noire pour sa poivrière. Avec des voisins de chambre, il risquait moins de se faire assassiner dans son sommeil. Ses compagnons possédaient un large panel de connaissances et de dons fort utiles sur la route. Ils étaient peut être bruyants, vulgaires, irréfléchis, mais après des années seul avec sa colère, Percy devait reconnaître qu'il avait bien besoin d'une source de divertissement.
Sur la route du campement des bûcherons, il eut son contentement d'amusement en regardant les gamineries de ses nouveaux compagnons. Même ceux qui semblaient plus sérieux n'étaient pas à l'abri d'une plaisanterie de mauvais goût aux dépend des autres. La mère de Percy aurait été horrifiée à l'idée de les recevoir. Percy s'arrêta dans ses pensées avant de se rappeler d'autres invités indésirables. Le camp des bûcherons apparaissait enfin entre les arbres.
Percy sauta à bas de la charrette qui les avait transporté de la manière la plus inconfortable qui soit et commença à examiner les lieux pendant que Scanlan, Vex et Keyleth discutaient avec les bûcherons pour obtenir plus de renseignements sur la créature qui posait problème. Percy se tint également à l'écart de cette conversation là, non par manque de curiosité, mais parce qu'il avait remarqué les profondes traces de terre remuée, un peu partout dans la clairière. Il s'agenouilla pour les observer.
Un petit moment plus tard, Vex et Keyleth s'approchèrent à leur tour.
-Déjà vu quelque chose qui laisse des traces comme ça ?, demanda la première à la seconde.
-Jamais. Ce doit être gigantesque !
-Presque trois mètres de long pour deux mètres de hauteur, intervint Percy.
Vex fronça les sourcils.
-Tu n'es ni un rôdeur, ni un druide, et tu reconnais ce monstre à ses traces ?
-Une meute d'entre eux a fait des ravages dans la région où je vivais, quand j'étais enfant. Ce genre de monstruosité ne s'oublie pas, même si je n'en ai vu que ses traces et une illustration.
Le reste du groupe se rapprocha, curieux.
-À quoi a-t-on affaire alors ?, demanda Scanlan.
-À une bulette, le « requin terrestre ». Du moins, j'espère qu'il n'y en a qu'une, ou nous sommes en mauvaise posture. Ce monstre creuse la terre pour se déplacer et se nourrit de tout. Les bûcherons ont de la chance qu'elle ne se soit pas encore intéressée à eux pour obtenir son repas. Je suppose que c'est en chassant au ras du sol qu'elle déracine tous ces arbres et dérange les bûcherons. Mais tôt ou tard, elle aura nettoyé la zone et alors, ce seront eux les prochaines cibles.
-Absolument charmant. Comment la tue-t-on ?
-J'imagine qu'il faut éviter sa morsure et faire en sorte de que les coups passent en-dessous de sa carapace, qui est fort épaisse. Si nous l'attaquons de tous les côtés à la fois, elle ne pourra résister bien longtemps.
Vex se détourna pour cacher un sourire. Quoi qu'il en dise, Percy était déjà des leurs s'il utilisait ce « nous » si dangereux.
Une heure plus tard, Vex se retrouva à attendre, cachée contre un arbre au sommet d'une butte, l'arc à la main, que ses compagnons attirent la bulette par leur bruit. À côté d'elle, allongé sur le sol, Percy avait son étrange arme à la main et un œil fermé pour mieux viser. Tous deux étaient prêts à tirer sitôt la bête apparue. Vex jeta un coup d'oeil en bas pour voir Grog, Pike et Keyleth sous former d'ours sauter dans tous les sens pour faire sortir la bulette du sol et secoua la tête.
Percy tourna le regard vers elle. Ils échangèrent un sourire de connivence. L'un comme l'autre se reconnaissaient beaucoup de points communs. Tous deux se considéraient comme les seuls de l'équipe à être doté de pragmatisme et de sens commun, les seuls aptes à prendre des décisions rationnelles. En un mot, les seuls adultes.
Ils n'en étaient pas encore là, mais Percy se disait que si un jour il montrait à quelqu'un comment fonctionnait sa poivrière, ce serait à Vex. D'autres archers se seraient vexés de voir un homme comme lui arriver dans l'équipe avec une arme assez puissante pour remettre totalement en question leur utilité. Pas Vex. Elle était suffisamment sûre de ses talents pour ne pas s'estimer menacée. Au contraire, l'arrivée de Percy l'avait convaincue de redoubler d'efforts pour s'améliorer et prouver que son arc n'était pas encore dépassé.
La bonne arme pour la bonne tâche, c'était la devise de Vex. Des fois, le poignard de Vax était plus utile que son arc, des fois c'était la magie de Keyleth, mais une autre fois, ils auraient besoin d'une arme silencieuse et mortelle à la fois, capable de faire taire un homme à une distance de cent pas, et c'est elle qui brillerait. De toute manière, la question n'était pas de savoir qui était le meilleur dans Vox Machina. Un groupe existait pour être plus fort que la somme de ses parties. Elle avait mis du temps à le comprendre. Plus de temps encore pour l'accepter.
Il y avait de la place dans Vox Machina pour Vex comme pour Percy. C'était leur famille désormais, qu'ils en soient conscients ou non. Et ensemble, ils étaient destinés à de grandes choses. Vox Machina allait rentrer dans l'histoire.
Mais ça, c'était pour plus tard. Pour l'instant, Percy se sentait encore coupable d'envisager de s'intégrer à une nouvelle famille. Pour l'instant, Vex acceptait d'en avoir trouvé une nouvelle, mais tenait à rester une mercenaire dépourvue de cœur, juste poussée par l'appât du gain, parce que c'était plus facile de se soucier seulement de son frère, ou, désormais, seulement de Vox Machina que de tous ces gens qui souffraient et avaient besoin d'aide à travers tout Tal'Dorei. Un jour il en irait autrement, mais pas aujourd'hui.
Tout d'un coup, le sol vibra et de la terre vola dans tous les sens. Une bête monstrueuse, à la tête recouverte d'une épaisse carapace surgit du sol et sauta droit vers Grog. Deux projectiles déchirèrent aussitôt l'air, l'un avec un léger sifflement, l'autre comme un coup de tonnerre. Quand les deux touchèrent au but, Vex signifia à Percy son admiration par un claquement de langue. Percy répondit par un hochement de tête, puis ils se redressèrent et se mirent à dévaler la colline en tapant des pieds aussi bruyamment que possible pour perturber le monstre pas ces nouvelles vibrations. Sans cesser de courire, Vex et Percy se sourirent à nouveau et levèrent ensemble leurs armes pour tirer à nouveau.
Ils n'étaient peut être pas encore des héros, encore moins une famille, mais à tout le moins, c'était le début de quelque chose.