Mythologie grecque - L'espace d'un instant
Titre : L'espace d'un instant
Base : Mythologie grecque
Personnage(s)/couple(s) : Hector, Patrocle, les Troyens. Sous-entendu Achille/Patrocle.
Rating : G (tout public)
Genre : Tragedy, death fic
Le corps tomba dans un bruit sourd sur le sol, faisant voler le sable et la poussière.
Troyens et Achéens se retournèrent tous simultanément pour observer la scène, comme s'ils avaient tous pressenti en cet instant l'importance de ce qu'il venait de se produire.
Le corps inspira et expira de plus en plus difficilement. Une main pâle s'était posée sur la blessure, et de minces filets de sangs coulèrent entre les doigts fins. La respiration se fit de plus en plus saccadée. Les soldats eurent l'impression de voir un lion blessé, après avoir longtemps combattu. Un corps meurtri, mais conservant une certaine majesté dans la souffrance.
Le prince Hector, dont la lame de la lance portait encore les traces et la couleur de l'acte fatal, s'approcha comme un félin s'approche de sa proie blessée.
Les mots qu'il prononça ensuite furent emplis d'orgueil :
« Croyais-tu, divin Achille, pouvoir renverser ainsi notre ville de Troie, comme une tempête ravage tout sur son passage ? Tu n'es pas le seul béni par les dieux, comme le baiser de ma lance te l'a montré. »
Un rire lui répondit, rauque et épuisé. Le signe d'un lion qui, même blessé et affaibli, refusait de se laisser dompter.
Hector s'agenouilla, et alors qu'il tendait la main pour ôter le masque d'Achille, Troyens et Achéens retinrent leur souffle, dans l'impatience ou la crainte de voir apparaître la chevelure dorée du divin Achille, signe manifeste de la victoire des uns et de la défaite des autres.
Le masque fut enlevé, et ce que Troyens et Achéens virent leur coupa le souffle.
Ce n'était pas Achille, mais Patrocle qui était tombé sous la lance d'Hector.
Hector lui-même fut, l'espace d'un instant, aussi déstabilisé que les autres. Puis, il se ressaisit et tenta de redevenir maître de ses émotions.
« C'était une bêtise de venir m'affronter, Patrocle. » annonça-t-il avec un ton dur. « Ton Achille t'a envoyé à la mort, tu n'avais aucun espoir de venir à bout de moi. Ton orgueil, qui t'a donné l'illusion de pouvoir franchir les portes de Troie, t'a mené à ta perte. »
Patrocle prit une inspiration, toussa un instant en crachant du sang. Il peinait à respirer, cependant il prononça ses paroles avec toute la clarté dont il était capable :
« Ne sois pas trop arrogant, prince Hector… Tu es un guerrier habile, mais ce sont les dieux qui t'ont accordé cette victoire… Mais cette victoire n'est qu'éphémère. L'inévitable moire viendra vers toi et te domptera par les mains d'Achille. Je m'attriste de devoir quitter si tôt mon bien-aimé et de ne pouvoir le consoler lorsqu'il apprendra la nouvelle de ma mort… Au fond, Hector, je te plains, toi qui sera bientôt le sujet de la rage d'Achille. On ne peut y échapper, elle frappe comme le vent et les vagues. Je vous dis tous adieu… Et toi, Prince Hector, tu me rejoindras bientôt dans le royaume d'Hadès… »
Alors que les derniers mots quittèrent la bouche de Patrocle, ses yeux fixèrent le chemin menant à la mer, qui lui rappelait les moments d’insouciance partagés avec Achille au royaume de Pélée et à Thétis, qui avait enfanté l'homme qui avait été toute sa vie. Puis, il rendit son dernier souffle et, au même moment, l'assemblée des soldats troyens et achéens fut pris d'un terrible frisson.
Les dernières paroles de Patrocle résonnèrent de manière funeste ; c'était comme si, telle Atropos l'Implacable, Patrocle avait commencé à couper le fil de la vie d'Hector. Ce n'était plus qu'une question de temps, à présent. Ils le pressentaient tous.
« Valeureux Patrocle, bien-aimé d'Achille, es-tu venu ici également pour m'annoncer ma mort, comme un oiseau de mauvais augure ? » murmura Hector.
Et alors que le soulagement des Achéens, de constater qu'il ne s'agissait pas du corps meurtri d'Achille, laissa place aux larmes de perdre un compagnon inestimé, la mine des Troyens s'assombrit.
Certains échangèrent un regard inquiet, d'autres observaient d'un air perplexe le corps de Patrocle, et d'autres encore fixèrent le visage pâle d'Hector, ou semblaient ailleurs. Mais tous avaient partagé la même pensée, la même réflexion.
Car lorsque les Troyens virent que ce n'était pas Achille, mais Patrocle qui avait succombé à la lance d'Hector, ils surent qu'ils étaient perdus. Que, très bientôt, une tempête de rage et de chagrin s'abattrait très bientôt sur eux, pour ne laisser que des ruines et des corps sans vie.
Que les dieux aient pitié d'eux, et surtout d'Hector, pensèrent-ils, car Achille n'en aurait pas...