Blind Date(s)
Monde : Identiterre
Persos/Couples : Tim Drake, Kon-El. (Tim/Kon)
Genre : Réalité Alternative
Censure : PG
Disclaimer : Non rien de rien… Non je ne possède rien…
Résumé : Le problème pour les super-héros à deux identités, c'est les super-héros qui n'en ont qu'une.
Merci à Shakes pour les corrections ♥
VERSION pas belle SANS IMAGES
Version avec images
ici Chapitre 13 : In Nomine Patris
« Je te jure si tu décroches pas ce téléphone de suite, je survole et j’écoute tout Gotham jusqu’à te trouver ! è_é »
Tim soupira bruyamment. Son portable se mit à vibrer presque immédiatement et il décrocha.
- Je suis à Blüdhaven.
- …Tu es… Quoi ? Où ?
Tim bloqua le téléphone avec son épaule et commença à se ronger l’ongle du pouce d’un air distrait.
- Qu’est-ce que tu fous à Blüdhaven ?
- Je fuis Gotham ?
- Tim…
- Écoute, je n’ai vraiment pas envie de parler.
Il entendit le vent siffler à l’autre bout du combiné.
- Oh non. Oh non non non, n’espère même pas y arriver. Je débarque, je viens te voir et je ne te laisse même pas voix au chapitre.
Tim fronça un sourcil.
- Conner…
- J’ai dû l’apprendre dans les journaux ? Est-ce que tu te rends compte ? Dans les journaux !
- Je suis désolé, je ne m’étais pas rendu compte que ça serait dur pour toi. Parce que tu sais… J’étais un tout petit peu occupé à lire sur toutes les couvertures des magazines, en première page des journaux, étalés sur tous les kiosques et à chaque bulletin d’information… Que mon père était mort !!
Il y eut une respiration entrecoupée à l’autre bout du fil.
- Je… Je suis désolé. Je ne voulais pas… Je ne voulais pas te donner l’impression que je…
- Que tu m’engueulais ?
- Merde, Tim. Ça fait deux semaines que je n’ai pas de nouvelles. Deux putains de semaines que tu ne réponds à aucun de mes appels. J’étais terrifié !
Tim pinça les lèvres.
- J’ai été occupé.
- Je sais. Je sais… Mais j’aurais voulu être là pour toi.
Il resta silencieux quelques secondes.
- Ça n’aurait rien changé.
- Ça aurait changé quelque chose pour moi. J’aurais eu l’impression de t’être utile à quelque chose. Mais tu ne m’as pas laissé… Tu t’es complètement fermé et… Quelques jours, j’aurais accepté. Ça m’aurait fait mal, parce que merde, tu es la personne qui compte le plus à mes yeux et j’aurais vraiment voulu être là quand ça n’allait pas. Mais j’aurais compris. Une semaine, j’aurais accepté aussi. Mais deux semaines ? Quinze putain de jours ? Est-ce que tu imagines à quel point j’avais peur ? L’idée la plus stupide aurait pu te passer par la tête et je… Tu m’as vraiment inquiété, tu sais ?
Tim inspira profondément.
- Désolé d’être stupide.
- Hé, j’ai pas dis que…
- Tu veux savoir pourquoi je ne t’ai pas répondu ? Parce que j’étais un tout petit peu choqué d’avoir trouvé le corps de mon père transpercé par un boomerang dans notre appartement ! Tu veux savoir pourquoi je ne t’ai pas contacté ? Parce que j’étais un peu en train de m’occuper de ma belle-mère, qui a complètement perdu les pédales suite à ça, et que je dois faire interner ! Mais tu sais quoi ? Rassure-toi, j’ai pas encore pensé à me suicider. Parce que je dois d’abord gérer tout l’administratif qui entoure la mort de mon père, mon héritage, la Drake Entreprise avec son argent, enfin surtout ses dettes, et je dois réussir à équilibrer tout ça. Oh et puis aussi, réussir à trouver comment vivre. Parce que putain ! Je n’ai que 17 ans !!
Il referma son téléphone brutalement et envoya un coup de poing dans le mur. Il n’y mit pas toute sa force parce que ça aurait été ridicule d’en plus se briser les phalanges, mais ça suffit à faire trembler la cloison. Son téléphone se remit presque immédiatement à vibrer dans sa main.
- Je suis désolé.
- …
- Je suis vraiment désolé.
- Laisse tomber.
Il raccrocha et essaya de prendre de grandes inspirations pour venir débloquer la boule qui se formait dans sa gorge. Son portable vibra à nouveau.
- Tu sais quoi ? Je suis pas si désolé que ça.
- … Pardon ?
- Non. Je m’en veux un peu de t’avoir mis en colère, parce que bon sang, j’ai vraiment l’impression d’être un connard pour me retrouver à t’engueuler dans un moment pareil. Mais je suis pas tout à fait désolé. En fait, je suis presque content que tu te sois énervé.
Tim crispa le poing qui avait frappé le mur. Ses doigts protestèrent douloureusement.
- … Si c’est de la psychologie inversée, laisse-moi te dire que ça ne marche pas.
- Oh, ça n’en est pas. C’est pas mon genre.
- Tu sais que, sérieusement, tu redéfinis de façon dramatique la notion de petit ami.
- J’aurais tendance à te répondre que je m’en fous. Parce que je n’ai aucune idée de ce que tu as traversé ces deux dernières semaines, mais tu n’imagines pas ce que moi j’ai vécu. Moi aussi j’ai été poursuivi par les kiosques et les journaux télévisés, sauf que c’était ta photo qui y était. Tu ne sais pas ce que c’est de voir ton visage partout quand tu refuses de répondre à mes appels.
La voix de Conner était sourde et Tim ne répondit pas.
- Tu sais pourquoi je suis content de t’entendre en colère ? Parce que ça sera toujours mieux, infiniment mieux que le silence.
Tim pinça les lèvres et inspira lentement pour essayer de contrer la vague d’émotion qui menaçait de remonter vers ses yeux.
- Je suis désolé, je suis peut-être un bien piètre petit copain, mais c’est comme ça. Et je refuse que l’on reste à déprimer tous les deux dans notre coin, je trouve ça trop con. Alors je viens te voir. Où es-tu ?
- Conner…
- Sérieusement Tim, si tu ne me réponds pas je te jure que j’écoute jusqu’à te repérer.
Tim fronça les sourcils.
- Quoi ? Non ! C’est…!
- C’est une violation de ta vie privée, je sais. C’est outrepasser mes droits, juste parce que j’ai des pouvoir, je sais aussi. Honnêtement, Tim, ce n’est pas quelque chose que je pensais faire un jour, mais si tu ne me dis pas où tu es je te jure que je n’hésiterai pas.
Tim ferma les yeux quelques secondes.
- …Tu as de quoi noter ?
- Vas-y. Je suis devant un plan à la mairie de Blüdhaven.
Tim lui donna rapidement les indications et raccrocha. Il resta un instant immobile puis inspira profondément. Il ouvrit la porte de sa chambre et avança dans le salon.
Dick était toujours installé sur le canapé, mains jointes et visage fermé. Bruce avait migré sur le balcon et semblait indifférent au vent qui soufflait à cette hauteur. Alfred avait entrepris de ranger les assiettes sales, magazines et autres cours du lycée qui traînaient.
Tim se mordilla la lèvre.
- Donc… Conner va passer.
Dick lui jeta un coup d'oeil mais ne fit aucun commentaire. La moustache d’Alfred remua puis il acquiesça.
- Je vous conseillerais, alors, de finir votre conversation avec Maître Bruce, Timothy.
Tim hocha la tête, s’approcha docilement des baies vitrées, soupira puis sortit sur le balcon. Bruce était droit, raide dans son costume trois pièces, et le visage plus fermé que jamais. Il resta muet et Tim qui n’avait pas l’intention d’engager la conversation, finit par s’y résigner après de longues minutes de silence inconfortable.
- Conner arrive.
La bouche de Bruce ne se tordit pas réellement, mais c’était tout comme.
- Superboy.
Tim acquiesça.
- Tu continues cette histoire avec lui.
Ce n’était pas tout à fait une question, mais Tim refusa de se laisser entraîner sur un tel sujet. Il leva les yeux au ciel.
- Écoute, ça me regarde. Ok ?
Bruce lui lança un regard transperçant mais se garda de tout commentaire. Le silence se prolongea, et cette fois, Tim ne daigna pas parler.
- Je t’ai proposé de t’adopter.
Tim tressaillit. Il ne s’était pas attendu à une attaque aussi directe.
- Et tu as payé un acteur pour jouer ton oncle devant les services sociaux.
Il grimaça, mal à l’aise.
- Bruce, je…
- C’est Oracle qui a créé l’identité factice de cet homme ?
- Quoi ? Non ! Non elle n’a rien à voir avec ça ! C’est moi qui ai tout fait.
- Je vois…
Tim se mordit la langue. Dans sa hâte de blanchir Barbara de cette affaire, il s’enfonçait encore plus. Il envisagea sérieusement de sauter du balcon.
- Tu sais que… J’étais un peu plus jeune que toi mais je me souviens avoir rempli un chèque indécent à une assistante sociale qui voulait m’attribuer un tuteur et me retirer du manoir. Mais je suppose qu’aujourd’hui, il faut être un peu plus imaginatif pour leur échapper.
Bruce posa la main sur la tête de Tim et celui-ci sursauta presque.
- Je comprends parfaitement ton besoin d’indépendance. En fait… Tu me fais beaucoup penser à moi, quand j’avais ton âge.
Bruce lui ébouriffa doucement les cheveux.
- Je suis fier de toi.
Tim aurait voulu pouvoir disparaître. Vraiment, sauter du balcon devenait de plus en plus tentant. Mais ils étaient au dernier étage de l’immeuble, et même en oubliant le fait qu’ils étaient en plein jour et que Conner ne tarderait pas à arriver, sans aucun gadget ni grappins, c’était compliqué de s’enfuir ainsi.
Il ne doutait pas de la sincérité Bruce. Mais même s’il pensait chacun des mots qu’il avait dits, ça n’enlèverait rien à la blessure que Tim avait pu lui infliger en refusant sa proposition.
Jason avait été adopté quasiment dès son arrivée au manoir. Et il savait que Dick avait attendu presque désespérément cette proposition pendant toute son enfance.
Tim se sentait horriblement coupable de l’avoir refusée. Mais il ne pouvait tout simplement pas. Pas comme ça. Pas si vite.
La main dans ses cheveux se retira et il sentit Bruce prendre de la distance. Il jeta rapidement un coup d’œil autour d’eux et aperçut à travers leur reflet dans les baies vitrées, Conner qui se tenait aussi raide qu’un piquet, au milieu du salon. Alfred l’avait de toute évidence fait entrer et était occupé à le débarrasser de son manteau. Conner semblait extrêmement mal à l’aise et essayait d’échanger quelques mots avec Dick, sans grand succès. Bruce réajusta son costume et Tim aurait pu voir le masque du millionnaire glisser sur son visage.
- Je reviendrai te voir demain. On t’aidera à t’installer. Il te faudra des équipements et un ordinateur… Je m’occupe de ça avec Alfred.
Tim n’eut pas le temps de répliquer que la baie vitrée s’ouvrait : Bruce Wayne, playboy millionnaire, entra dans le salon.
Dick leva les yeux. Bruce eut un moment de surprise factice, semblant uniquement apercevoir Conner puis s’approcha de lui avec une émotion parfaitement travaillée.
- Oh, vous êtes un ami de Tim.
Il lui tendit une poignée de main. Conner hésita un instant et finit par l’accepter, hébété.
- Occupez-vous bien de lui. C’est important d’être bien entouré dans ce genre de situation. Dieu sait que je…
Il poussa un soupir dosé avec précision.
- Enfin… Je compte sur vous.
Il enfila le manteau que lui tendait Alfred, lança un regard larmoyant à Tim, puis un sourire plein d’espoir à Conner et lui envoya une claque dans le dos.
- Je vous laisse. J’ai laissé un top modèle allemand dans les grands magasins de Gotham il y a presque quatre heures… Elle doit commencer à remarquer mon absence.
Après un dernier sourire il disparut du salon et la porte d’entrée claqua quelques secondes plus tard. Conner semblait encore trop estomaqué pour parler. Dick se leva, plus raide que jamais.
- J’y vais aussi.
Tim écarquilla les yeux et le temps qu’il réagisse, Dick avait déjà attrapé son blouson.
- Dick ! Attends ! Je… Euh, je voulais te dire…
Il se mordit la lèvre. Il n’avait pas du tout prévu de dire les choses comme ça. Il ne se passa qu’une poignée de secondes avant qu’Alfred se saisisse de la couverture qui recouvrait le canapé.
- Timothy, si vous n’y voyez pas d’inconvénients je vais aller secouer ceci. C’est une source de poussière que je ne saurais tolérer.
Il n’attendit même pas la réponse et sortit sur le balcon, refermant la baie vitrée derrière lui. Tim ne doutait pas une seule seconde qu’il aurait pu rester là des heures durant, qu’il pleuve ou qu’il neige. Il enfonça les mains dans ses poches, plus à l’aise mais tout autant terrifié par le sujet qu’il allait aborder. Son regard se posa un instant sur Conner. Celui-ci se tenait contre le mur, droit comme un i. Il dépensait beaucoup d’énergie à garder un air détaché… et échouait lamentablement. Tim en aurait presque sourit.
Il hésita un instant à entraîner Dick dans une autre pièce avant de se raviser. Il pouvait parler devant Conner.
…Au moins de certaines choses.
Il passa la langue sur ses lèvres.
- Je voulais que tu saches que… La proposition de Bruce, de m’adopter… Je l’ai refusée.
Il inspira profondément et osa enfin regarder Dick dans les yeux.
- Je voulais que tu sois au courant. Ça me semblait important.
Il avait envisagé plusieurs réactions que Dick aurait pu avoir. Mais pas un air aussi interdit.
- Il… Il a voulu te…
Un rire amer s’échappa de sa gorge. La mâchoire de Tim se décrocha.
- Je… Tu étais… Je pensais que tu…
Dick leva la main pour le faire taire.
- Écoute, Tim, je vais… N’en dis pas plus, ok. Je ne veux même pas entendre ça. Il t’a proposé de t’adopter ? Vas-y, fonce.
Tim se décomposa.
- Quoi ? Non ! Oh mon Dieu… Non. C’est pas du tout… C’est…
- Il faut que j’y aille.
Tim tendit la main pour l’en empêcher mais s’arrêta avant de le toucher.
- J’ai refusé parce que… Je savais que c’était important pour toi. Et je ne voulais pas… Je ne voulais pas que tu aies l’impression que…
- Bon sang, Tim…
Dick ferma les paupières et passa la main sur son visage, sourcils froncés.
- Tu traverses une épreuve horrible. Si tu peux recevoir le moindre soutien, la moindre aide, accepte-la. Tu ne vas pas commencer, sous prétexte que je…
Il s’interrompit, puis après un moment d’hésitation, il recula, le regard fuyant. Tim le rattrapa par la manche.
- Et si c’est ton aide que je veux ?
Dick parut surpris et l’espace d’un instant, Tim sentit la colère dépasser son désarroi.
- Bon sang, Dick ! Pourquoi tu crois que je me suis installé ici ? Pourquoi tu crois que je suis dans ta ville ?!
Dick le dévisagea pendant de longues secondes. Tim essaya de ne pas avoir l’air trop misérable.
- S’il te plait… J’ai besoin de toi.
Le visage de Dick était crispé, tendu, puis soudain, il se tordit en une grimace. Il attrapa Tim et le serra contre lui, un bras enroulé autour de ses épaules, une main glissée dans ses cheveux.
- Je serais toujours là pour toi, petit frère. Toujours.
Tim resta droit, très droit, les bras le longs du corps, de peur que la boule dans sa gorge ne grossisse encore plus et ne l’empêche de respirer. Il sentait les doigts de Dick dans ses cheveux et se retint de fermer les yeux.
- Il faut que j’y aille. Mais je reviendrai demain.
Tim se tendit un peu plus et s’accrocha au blouson de Dick.
- Reste.
Il entendit quelque chose qui ressemblait au mélange d’un rire et d’un soupir. Dick l’embrassa sur le front.
- Conner s’occupera très bien de toi, je n’en doute pas.
Les yeux de Dick étaient cernés de noir, mais Tim ne voyait que le bleu profond de ses iris, posé sur lui.
- Je reviens demain. Je te le jure.
Il l’embrassa une nouvelle fois, les mains placées de chaque côté de son visage. Après une dernière promesse, il se détacha de lui. Il referma son blouson, se cacha derrière une paire de lunette de soleil puis sortit du salon. Tim ne réussit pas à le suivre et quelques secondes plus tard, la porte d’entrée se refermait. Un silence flotta dans l’appartement jusqu’à ce que le chuintement de la porte-fenêtre se fasse entendre. Tim ferma les yeux un instant mais ne se retourna même pas.
- Alfred, qu’est-ce que je… Est-ce qu’il y avait une meilleure façon… Je ne voulais pas qu’il pense… Qu’il croie… Est-ce que j’aurais pu mieux présenter les choses ?
- Non, Timothy. Malheureusement, non. Vous les connaissez tous les deux trop bien pour le savoir.
Alfred passa à côté de lui et replia la couverture sur le canapé.
- Et je pense que c’est à mon tour de vous laisser.
Tim ne put s’empêcher de se sentir un brin abandonné mais il hocha la tête. Il vit la moustache d’Alfred frétiller.
- Ne vous en faites pas. Je suis absolument certain que je vous laisse avec la meilleure compagnie du monde.
Tim se sentit un peu coupable vis-à-vis de Conner, mais celui-ci avait plus l'air embarrassé que vexé. Il semblait même déterminé à se fondre dans le mur. Tim n’était pas certain que les murs y résistent d’ailleurs...
Alfred enfila sa veste ainsi que son béret.
- Quant à moi je vais passer un après-midi des plus délicieux entre Maître Bruce et Maître Richard. Ce sera exquis.
Tim ne put retenir un sourire. Apparemment satisfait, Alfred leur souhaita une bonne journée et disparut dans le couloir. Tim hésita un instant puis le rattrapa.
- Alfred, je voulais… Hm, je voulais vous dire… Merci. Pour tout.
Pendant une seconde, le visage du majordome sembla porter toute la tristesse du monde. Puis il posa la main sur l’épaule de Tim, ses mouvements plus maladroits que d’ordinaire.
- Timothy. C’est une épreuve horrible. Et j’aurais tout donné pour que vous n’ayez pas à la traverser. Malheureusement, il semble que ce soit une malédiction dans notre famille. Mais sachez que je serai toujours là pour vous, à chaque fois que vous en aurez besoin.
Tim se souvint du temps passé à l’internat où Alfred avait été son majordome personnel. Il se rappela des fois où il l’avait accompagné dans une mission au bout du monde, ou des soirs où il l’avait soigné et où il s’était occupé de lui. Il savait qu’Alfred pensait chaque mots qu’il venait de prononcer. Et qu’il avait déjà été là pour lui quand il en avait eu besoin. Il hésita un moment, les poings crispés, puis n’y tenant plus il l’attrapa et le serra dans ses bras. Alfred commença une phrase mais sa voix se brisa.
Sa veste sentait l’eau de Cologne et le détergent pour lavage à sec, comme ceux qu’on trouvait parfois dans les pressings.Elle avait l’odeur des manteaux solides, qui ont été créés pour durer et qui ont déjà vu passer de nombreuses années.
Les larmes montèrent aux yeux de Tim. Il essaya de ne pas se souvenir de la dernière fois où il avait senti ce genre d’odeur.
- Il me manque, Alfred.
Il sentit une inspiration entrecoupée emplir la poitrine d’Alfred, puis une main glissa sur ses cheveux.
- Il vous manquera toute votre vie, Timothy. Mais nous sommes là pour vous, même si nous ne le montrons pas tous de la même façon.
La boule dans la gorge de Tim se fit plus grosse. Il poussa un soupir et relâcha finalement Alfred. Il y eut quelques secondes de silences, pendant lesquelles le majordome réajusta ses vêtements et toussota légèrement tandis que Tim s’essuyait les yeux du revers de la main. Puis il posa la main sur la poignée de la porte.
- À bientôt, mon garçon.
Tim ne réussit qu’à acquiescer et la porte se referma. Il resta un moment dans le couloir puis se dirigea vers le salon, le pas lourd. Conner avait changé de place et il se tenait maintenant au beau milieu de la pièce. Il paraissait toujours aussi mal à l’aise. Le silence était quelque peu pesant mais Tim n’avait pas la force de le combler. Il se laissa tomber sur le canapé et sentit les coussins s’affaisser lorsque Conner s’y installa aussi.
- Je suis passé au pire moment possible hein ? Je suis désolé… Enfin je ne suis pas désolé d’être passé. Mais je suppose que j’aurais pu avoir un meilleur timing. Cela dit, si tu m’avais donné plus d’information ou si on avait vraiment « parlé » je suppose que ça aurait pu être évité… Oh, mais je ne veux surtout pas que tu penses que je t’accuse de quoi que ce soit hein ! Vraiment ! Mais, hum, voilà, quoi.
Tim se sentait fatigué. Et il n’arrivait pas à trouver le courage de se lancer dans cette conversation. Et il n’arrivait même pas à se convaincre d’aller se lover dans les bras de Conner. Il baissa les yeux.
- Je sais. Pardon. C’est de ma faute. C’est juste que… Je ne pense vraiment pas que je puisse être un bon petit copain en ce moment.
Il s’empêcha de se mordre les lèvres.
- Il y a trop de choses qui m’occupent l’esprit. Et je dois apprendre à vivre par moi-même. Et je suis terrifié. Et je n’arrive toujours pas à me réveiller le matin sans que ma première pensée soit que tout ça n’était qu’un cauchemar et que je suis toujours à Gotham. Alors je crois… Je crois que en plus de ça, je ne vais pas pouvoir…
- Ok.
Tim cilla.
- Écoute… Je suis désolé. Mais ce que j’essaye de te dire c’est que…
- Ouais, ouais. Nan mais je sais ce que tu essayes de dire. J’ai capté. Et je comprends pourquoi tu dis ça. Mais c’est non.
Tim fronça les sourcils, les yeux toujours rivés sur ses genoux.
- Conner, c’est…
- Non. Non, je regrette mais tu ne rompras pas avec moi. Pas encore. Et surtout pas pour des raisons aussi débiles. Je refuse. Et je t’avais prévenu : je ne te laisserai pas rompre une deuxième fois.
Tim sentit sa patience s’effilocher. Il leva les yeux au plafond.
- Vraiment ? Parce que je n’ai même plus mon mot à dire dans ce genre de décision ? Alors ça va être comme ça maintenant ? On sera toujours ensemble uniquement parce que tu en auras décidé ainsi ?
- Oui.
Tim poussa un soupir, exaspéré.
- Tu ne peux pas m’empêcher de… !
- Honnêtement, Tim. Si tu réussissais à rompre en me regardant droit dans les yeux, je te laisserai tranquille. Tant que tu n’en es pas capable, c’est que tu ne crois même pas à ce que tu dis. Et je refuse qu’on se sépare dans ces conditions.
Tim crispa les poings et pinça les lèvres. Mais il ne réussit pas à croiser le regard de Conner. Il s’accouda au dossier du canapé et enfouit son visage dans une main. Des doigts se posèrent avec hésitation sur son épaule, puis se firent plus assurés en descendant vers son dos. Ils exercèrent une légère pression, le poussant en avant et Tim se sentit glisser sur le canapé alors que quelque chose le soulevait. En quelques secondes, il avait le visage enfoui dans le cou de Conner et deux bras étaient enroulés autour de lui.
- …Pourquoi est-ce que tout se passe comme ça en ce moment ? Entre le lycée où je suis la nouvelle attraction, parce que venir de Gotham doit signifier que je me fais braquer par le Joker à chaque petit-déjeuner… Bruce qui veut m’adopter deux jours après l’enterrement de mon père. Et Dick qui... Va bien, tellement bien et ça n’a tellement aucun rapport avec Bruce que, vraiment, c’est incompréhensible qu’on lui demande ça tout le temps…
Un sourire un peu vide étira ses lèvres.
- Et puis toi qui ne me laisse même pas rompre…
Les bras de Conner se resserrèrent autour de lui.
- Je sais. Je suis chiant comme petit copain. Mais ça va aller. Je te jure que ça va aller.
Tim ferma les yeux.
- Hé, Conner.
- Hm ?
- Mon… Mon père est mort.
La respiration de Tim se fit difficile, un peu erratique, alors que les larmes roulaient silencieusement sur ses joues. Il y eut un moment de silence, puis il sentit la TK de Conner l’envelopper à défaut d’autres mots.
***
- Timothy Drake.
Tim fronça un sourcil, il ne connaissait pas cette voix. Mais quelque chose dans le ton lui disait qu’il n’aimerait pas son interlocuteur. Il se retourna et se figea immédiatement. Deux yeux verts le fixaient par-dessus des lunettes de soleil Armani. Une femme tout en muscle et en larges épaules descendit de la voiture noire et ouvrit la portière pour en laisser sortir le passager. Vêtu d’un costume noir, probablement créé pour lui et d’une cravate d’un rouge profond, se déplaçant avec une élégance qui à elle-même semblait surhumaine, Lex Luthor sortit de la voiture. Tim se retint de faire un pas en arrière.
Il n’était que Tim Drake après tout. Rien qu’un lycéen qui sortait des cours et qui n’avait aucune raison de se hérisser à la vue de cet homme.
- Euh… Monsieur Luthor ?
- Oh non, je t’en prie. Laissons ça de côté. Je sais, ce n’est pas suivre le protocole que de ne pas prétendre ignorer les secrets des autres. Mais je suis un homme trop occupé pour perdre du temps avec de telles politesses.
Tim se tendit.
- Je ne comprends pas de quoi vous parlez, monsieur Luthor.
- Oh… C’est mignon. Mais tu n’es vraiment pas le genre d’oiseau à aimer que cette conversation se poursuive dans la rue. Viens, dépêche-toi.
Lex se retourna et Mercy ouvrit immédiatement la porte de la voiture. Tim crispa les poings, plus raide que jamais.
- Donne-moi une bonne raison de monter, Luthor.
Lex haussa les sourcils, l’air à la fois désinvolte et ennuyé.
- Parce que ça fait plus d’un an et que j’estime qu’il faut que nous ayons une petite conversation, tous les deux.
- Plus d’un an que quoi ?
- Que tu sors avec mon fils.
Tim aurait voulu rester parfaitement immobile. Mais il ne réussit de toute évidence pas, à en juger par son sac qui glissa de son épaule et tomba au sol dans un bruit sourd.
To be continued...
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