Blind Date(s)
Monde : Identiterre
Persos/Couples : Tim Drake, Kon-El. (Tim/Kon)
Genre : Réalité Alternative
Censure : PG
Disclaimer : Non rien de rien… Non je ne possède rien…
Résumé : Le problème pour les super-héros à deux identités, c'est les super-héros qui n'en ont qu'une.
Note : merci mille fois à Shakes pour les corrections ♥
Chapitre 12 : Can take the boy out of the costume…
- Et après Ma est arrivée… !
- …
- Je veux dire, déjà savoir que Superman est convoqué par mon prof de chimie, ça le fait moyen. Mais en plus, que la femme à qui il m’a confié se ramène avec des cookies maison pour amadouer le prof en question, j’ai jamais vécu de situation aussi bizarre…
- Hm, hm…
- Alors bon, j’essaye de relativiser, je me dis que ça doit être le lot de tous les lycéens et que je vais m’y faire.
- D’accord…
- … Et puis j’ai commencé à faire de la contrebande de mouton, alors ça m’aide à passer le temps.
- Hum…
- Oh, alors je sais ce que tu vas me dire, les moutons, c’est pas ce qu’il y a de plus facile à trouver dans le Kansas. Mais j’avais épuisé toute la coke que tu m’avais refilée.
- Ah, oui…
- Et j’ai roulé des pelles à toute l’équipe de pom-pom girls. Elles savent pas embrasser, ces filles de la campagne, c’en est presque triste. Parce contre, elles sont chaudes comme la braise! Alors du coup je leur donne des cours du soir. Je pensais leur faire un test d’évaluation avec un pelotage sur banquette arrière d’une voiture.
- …
- J’ai un peu peur de les mettre en cloque. Mais bon, au pire, tu reconnaîtras l’enfant, hein ?
- Si tu veux…
- Génial. Je savais que je pouvais compter sur toi.
Tim hocha lentement la tête et Conner leva les yeux au ciel. Ils étaient installés en bas de l’immeuble des Drake. Tim était assis sur la rambarde de pierre et Conner lui faisait face, une main sur ses cuisses et l’autre dans le bas de son dos.
Il s’écoula encore un instant avant que Tim ne cille.
- Tu as embrassé qui… ?
- Sérieux ? Tu m’écoutais ?
- …Désolé.
Conner eut un sourire indulgent puis l’embrassa.
- T’excuse pas. C’est normal. Tout le monde serait en état de choc après ce qu’il s’est passé. C’est juste que… Disons que j’ai plus l’habitude. Alors j’essaye un peu de te changer les idées… Et, tu sais, de sauver le reste de notre soirée.
Il lui fit un clin d’œil. Sa main faisait des mouvements circulaires sur les reins de Tim. Celui-ci lui adressa un sourire mais réussit difficilement à y mettre du cœur. Conner chercha son regard.
- Tu les avais déjà vus ? Tu sais… Les chauves-souris.
- …Ouais.
Il ne donna pas d’autre information et, bien que visiblement curieux, Conner n’en demanda pas plus.
- Tu penses à quoi ?
- Au sens de la vie.
Conner se mit à ricaner.
- Tu trouves des réponses ?
- Non.
- Dommage. On aurait pu être riches.
Les secondes qui suivirent s’écoulèrent en silence, puis Tim déglutit. Il put sentir son cœur manquer un battement alors que les mots passaient ses lèvres.
- Hé… Si tu avais la possibilité de…
- De…?
- Nan. Rien. Laisse tomber.
Conner approcha son visage du sien pour l’empêcher de fuir son regard de façon trop évidente.
- Tim…
- C’est pas important.
- Ok. Alors dis-moi.
Tim dût se retenir de serrer les poings trop fort, de peur de que ses ongles ne laissent des traces sur ses paumes.
- Je pensais… À Batman. Et aux super-héros.
- Ok ?
- Je me demandais… Quelles étaient les raisons qui poussaient quelqu’un à prendre un costume et à combattre le crime ?
Conner le dévisagea, puis il fronça les sourcils et resta pensif un instant. Tim paniqua.
- Non mais sérieusement, c’est pas important. Tu avais commencé une histoire en plus. Tu parlais d’un prof de…
- Mais pas du tout, c’est important ! Tu as tout à fait le droit de te poser des questions sur mon mode de vie. Sérieux, je crois que je suis même étonné qu’on en ait jamais discuté avant.
Tim s’en serait mordu la langue.
- Le truc c’est que… Je suis pas sûr d’être le mieux placé pour te répondre… Tu vois, moi, je suis le clone de Superman. J’ai été créé dans le but d’être son remplaçant. Je ne me suis jamais posé de questions. C’est quasiment dans mon code génétique d’être un super-héros.
Il haussa les épaules.
- Je suppose que c’est différent pour les mecs comme Batman. Après tout, il n’a pas de pouvoirs.
Conner cilla et lui jeta un regard incertain.
- Attends. Vous… Vous êtes au courant que Batman n’a pas de pouvoirs, hein ?
De ce que Tim savait, Bruce faisait planer une telle ombre de doute autour de Batman, que les Gothamites n’arrivaient jamais vraiment à se décider s’il s’agissait d’un humain génétiquement modifié ou bien d’un monstre mi-homme, mi-chauve-souris. Mais même si certains soupçonnaient qu’il avait une identité civile, Bruce entretenait trop bien le mythe pour qu’ils l’imaginent sans pouvoir.
Mais il ne pouvait pas dire ça à Conner.
Alors il se contenta de sourire.
- Tu… ! Et merde ! Tu n’étais pas au courant, c’est ça ?!
Sourire était encore la façon la plus indirecte de lui mentir. Ça ne plaisait pas à Tim, mais enfin, le nombre de mensonges journaliers qu’il faisait avait tellement diminué qu’il pouvait faire avec.
- Mais c’est… ! Putain ! Je comprends rien à la façon dont ce mec gère son image de super-héros !
Conner soupira bruyamment et se mordit les lèvres, semblant hésiter entre la contrariété et l’indifférence.
- Oh et puis de toute manière, tu es mon petit copain ! Et je suppose que je peux te dire ce genre de choses.
Il resta silencieux quelques secondes.
- Je, hum… Je crois. J’espère ? De toute manière c’est pas comme si il pouvait nous ent…
Il s’interrompit et jeta un coup d’œil autour d’eux.
- Tu crois qu’il pourrait avoir Gotham sur écoute ?
Tim se fit la réflexion que c’était tout à fait possible de la part de Bruce. Il n’aurait même pas été surpris d’apprendre qu’il gardait un œil sur sa vie civile lorsque Tim portait le masque. Et si Superboy s’était mis à sortir avec un civil de Gotham, il ne doutait pas que Bruce l’aurait surveillé. Mais c’était avec Tim qu’il sortait. Alors, si par le passé il avait supposé qu’il ne les avait pas - trop - épiés, il était convaincu qu’avec la situation actuelle, que ce soit par respect ou par fierté froissée, Bruce l’avait rayé des éléments surveillés de Gotham.
- …Ce serait contraire aux droits de l’Homme.
Conner haussa un sourcil.
- Wow. C’est dingue les illusions que vous vous faites sur ce type.
Tim allait répliquer mais Conner le devança, ponctuant sa phrase d’un baiser.
- Je sais, je sais… On avait dit qu’on ne critiquerait pas les super-héros de nos villes.
- Que tu ne critiquerais pas les super-héros de ma ville.
- Je ne critique pas tous les super-héros de ta ville. J’ai beaucoup de respect pour Nightwing.
- Qui n’en a pas ?
- … Je n’aime décidément pas la façon dont tu parles de ce type.
Il l’embrassa une nouvelle fois, puis se recula, l’air sérieux. Tim évita son regard, désespérant de réussir à changer de sujet. Conner avait cette lueur dans les yeux qui disait que la conversation lui tenait à cœur et qu’il comptait bien la mener jusqu’au bout.
- Honnêtement… Je sais pas trop quoi te répondre. Je suppose que, à partir du moment où tu as des pouvoirs et que tu sais que tu pourras les utiliser pour aider les gens… C’est difficile de pas vouloir devenir un super-héros.
Il semblait s’illuminer au fur et à mesure qu’il parlait.
- Et puis sérieusement, c’est le boulot le plus gratifiant que je connaisse. Bon, quand il a des mauvais côtés, c’est vraiment… Nul. Mais sinon, je ne connais rien d’autre qui soit aussi… C’est égoïstement satisfaisant, grisant et puis d’être utile, de pouvoir être là pour les gens… Il n’y a rien qui me fasse me sentir autant à ma place.
Au fur et à mesure de son discours, la poitrine de Conner s’était gonflée de fierté. Puis il cilla, se dégonfla en une seconde et saisit Tim par les épaules.
- Wow, attends… ! Ne me dis pas que tu as envie de faire carrière chez les super-héros ?!
Tim resta à le fixer d’un air légèrement hébété, puis il lui offrit un pauvre sourire.
- Je crois pas, non… Enfin, en tout cas, ça a plutôt l’air mal parti pour.
Conner resta dubitatif quelques secondes mais il se laissa convaincre.
- Bon… Non parce que, c’est pas parce que t’es super casse-cou et que tu te fous toujours dans des situations pas possibles…
- Je ne me mets pas toujours dans des situations pas possibles…
- Tu te fous de ma gueule ? On s’est rencontrés parce que tu as manqué de te faire écraser par un immeuble, j’ai eu le coup de foudre pour toi alors que tu étais au milieu d’un braquage de banque, la première fois que je t’ai embrassé c’était en te sortant d’un immeuble en flammes ! Tu pourrais être la parfaite demoiselle en détresse, sauf qu’en plus, tu fais sciemment des trucs dangereux !
- Je n’ai…
- Tu as fugué de Keystone City pour retourner à Gotham qui était tellement en pleine guerre civile que même le gouvernement avait abandonné l’idée de la récupérer ! Tu as même été foutu de pénétrer en plein cœur du no man’s land ! Et très sérieusement, je pense que depuis cette fois, tu évites soigneusement de me parler de tous les plans débiles auxquels tu te retrouves lié.
Tim détourna le regard d’un air agacé pour éviter de répondre. Il essaya de ne pas repenser à sa fugue de l’internat, ni au fusil à pompe retrouvé sous son lit et à toutes les autres choses qui faisaient que, pour le moment, il était content que Conner et son père ne se parlent pas trop.
- Rien que tout à l’heure, t’as grimpé sur un truc en plein milieu de ce qui aurait pu être un tremblement de terre !
- …C’était pour voir ce qu’il se passait.
- Je vois pas en quoi c’est moins inconscient.
- C’est Gotham ! Tout le monde fait ça !
- J’ai jamais dit que les Gothamites étaient intelligents.
Tim leva les yeux au ciel.
- On est pas Metropolis ici. Il y a pas des Supes qui ont les temps de s’arrêter pour voir si tout le monde va bien quand il y a une urgence. Les gens doivent s’occuper d’eux même.
C’était vrai. Il n’était juste pas encore très habitué à faire partie de cette population.
- Et ben c’est débile. Votre premier réflexe devrait être de vous planquer.
Tim n’avait pas envie de se laisser entraîner sur ce genre de conversation stérile. Il afficha un air ennuyé pour toute réponse.
Après quelques secondes de silence, les mains sur ses épaules ses desserrèrent, devenant plus cajoleuse.
- Non mais sérieusement… Je ne sais pas ce qui pousse les… Ceux qui n’ont pas de pouvoirs, à devenir des super-héros. Mais moi je trouve ça hyper dangereux. C’est comme s’ils portaient une énorme pancarte qui disait « Hé, regardez-moi, vous pouvez viser où vous voulez, le ventre, le cœur, la tête, vous pouvez même m’arracher une jambe, si je suis loin de tout ça me tuera aussi ».
Tim se retint de répliquer que certains n’avaient besoin que d’un caillou pour manquer de mourir. La dernière fois qu’ils avaient parlé de ça, Conner s’était convaincu que Tim était terrifié à l’idée qu’il soit tué au combat, que c’était probablement une des raisons sous-jacentes à leur première rupture et il avait passé le reste de la journée à lui promettre qu’il ferait toujours très attention et qu’il n’avait pas du tout l’intention de mourir.
Et ce n’était pas que ça n’inquiétait jamais Tim, c’était juste qu’il faisait - qu’il avait fait - partie du milieu et qu’il savait très bien à quoi s’en tenir. Et à chaque fois il mourait d’envie de lui rappeler que, statistiquement, les super-héros à pouvoirs avaient bien plus tendance à mourir. Mais il ne pouvait pas. Et il préférait s’éviter ce genre de frustrations.
- Et puis pourquoi ils font ça, sérieux ? Il y a des gens super forts, des… des champions olympiques d’arts martiaux, des mecs dans des temples bouddhistes, ils décident pas pour autant d’aller sauver le monde !
Tim songea que ça dépendait des fois et de si oui ou non, ils étaient secrètement le fils d’un autre super-héros. Il retint un soupir. Il n’aimait pas du tout la façon dont cette conversation s’éternisait. Il n’aimait pas avoir à penser comme s’il était toujours de la partie. Il ne voulait pas repenser à Bruce. Ni aux geysers de flammes. Ni aux gens. Qui criaient.
Il n’arrivait pas à croire qu’à peine quelques heures plus tôt ils étaient dans ce parc, qu’il s’agissait vraiment de la même journée.
- Mais, en même temps… Tu sais, je pense que leur détermination est plus pure.
Il haussa un sourcil. Les mots semblaient avoir couté à Conner, mais il paraissait sincère. Il hésita un instant puis continua :
- Parce que… À partir du moment où tu as des pouvoirs, c’est un peu comme si le chemin vers les super-héros t’était tout tracé. Alors que eux, ils se sont battus pour avoir les capacités de le devenir.
Les ongles de Tim raclèrent contre la pierre.
- Je ne dis pas qu’ils sont moins efficaces, hein. C’est sérieusement pas pour rien que Batman est à la JLA. Mais c’est pas pareil… Quel qu’ait été leur parcours, à la base, ils ne sont pas différent de n’importe quel habitant du monde.
Le regard de Conner était si bleu et si pur que ça en aurait presque fait mal.
- Eux, s’ils sont super-héros, c’est vraiment par choix.
Quelque chose grinça au fond de Tim puis se brisa. Il refusa de baisser les yeux mais il resta silencieux un long moment.
- Enfin, voilà quoi. Ça n’est que mon avis. C’est pas forcément vrai. Mais c’est comme ça que je vois les choses. Et puis, j’en avais discuté une fois avec C… Avec Superman et on en était arrivés à cette conclusion et… Tim ? Tim…
Il savait qu’il avait fait une promesse à son père. Il savait que c’était l’unique chance qu’il avait d’avoir une vraie vie civile. L’unique chance qu’il pouvait vraiment donner à son histoire avec Conner. Et que jusqu’à ce soir, il n’avait pas regretté une seule fois d’avoir abandonné le costume. Certes, il avait peut-être fait en sorte de s’occuper l’esprit suffisamment pour ne pas avoir à y penser. Mais enfin, il avait eu des raisons d’arrêter. C’était juste que, ce soir, elles semblaient toutes si futiles.
Il revoyait la rue. Il revoyait les gens, courir partout. Il les entendait presque crier.
Il revoyait Cass et Héléna. Et Dick. Il entendait presque les motos vrombir.
Il imaginait parfaitement Barbara, leur donnant les informations dont ils avaient besoin, faisant le lien entre eux.
Il pouvait quasiment voir Bruce, œuvrer parmi les canalisations. En flammes.
Il les voyait tous. Et il ne savait plus vraiment ce qu’il trouvait le plus insupportable, entre les savoir tous réunis, ou pouvoir pratiquement toucher du doigt sa propre absence.
Il ne lui était pas arrivé souvent de se retrouver parmi les civils lors d’une attaque comme ça. Ou en tout cas pas pour longtemps. La dernière fois qu’il avait été témoin d’une catastrophe et qu’il s’était senti aussi impuissant… Ça avait été à la mort des Grayson. De voir un tel chaos et de ne rien pouvoir y faire… Après ça, après avoir reconnu Dick sous le masque, ça n’avait plus été pareil.
Il n’avait jamais plus fait partie de la foule civile.
Il suivait Batman et Robin, il participait à leurs exploits, il était dans l’ombre à chacune de leur victoire. Il n’aidait peut-être pas. Mais ça ne l’avait jamais empêché de se sentir utile, même si ce n’était pas rationnel. Et puis au moins il n’était pas inactif.
Ce soir, Tim se sentait inutile.
Il s’était attendu à ce que ce soit difficile. Il s’était attendu à regretter sa décision, à devoir s’inventer des raisons convaincantes et à ne pas toujours réussir à se mentir à lui-même.
Il ne s’était pas attendu à se sentir si inutile. Et coupable. Et… Vide.
Un soupir coincé dans sa gorge alourdissait sa poitrine, mais il refusa de le libérer.
- Hum, euh, ok ? La Terre à Tim ? Vous nous recevez ? Heho ?
Il cilla et refocalisa son regard sur Conner. Celui-ci le dévisagea.
- Tu sais, c’est limite vexant quand je suis à deux centimètres de ton visage et que tu ne m’écoutes même pas.
Le soupir s’échappa de la poitrine de Tim.
- Pardon.
Conner lui fit un clin d’œil et l’embrassa au coin des lèvres.
- T’inquiète. La soirée s’est pas exactement déroulée comme je l’imaginais. Tu n’as pas à t’excuser.
Si.
Tim avait besoin de le faire.
Parce que cette fois, si leur relation redevenait extraordinairement compliquée, c’était uniquement de sa faute.
Il descendit de la rampe en pierre, effleurant le corps de Conner au passage.
Il aurait tellement aimé être à nouveau dans le parc.
- On monte ?
- Euh, là haut ? Là haut comme « chez toi » ? Comme dans « là où sont tes parents » ?
Tim haussa un sourcil.
- On est pas forcés de rester avec eux.
- Oui mais, hum… Ton père…
- Ne sera a priori pas dans ma chambre.
Conner se mordilla la lèvre.
- Oui mais, honnêtement, je me demande si je ne préfère pas que…
Tim s’approcha de lui, laissant à peine un demi-centimètre d’écart entre eux.
- Kon… Avec tout ce qu’il s’est passé aujourd’hui, je n’ai même pas eu le temps de te donner un cadeau d’anniversaire.
Conner se figea. Tim effleura sa mâchoire du bout des doigts et se dégagea pour aller jusqu’à la porte. Il se retourna, main sur la poignée.
- Quoi, tu ne veux pas ? Je t’assure que j’ai des tas de choses à me faire pardonner.
Conner ouvrit la bouche, puis la referma. Il passa la main sur son visage, ses doigts s’attardant sur ses lèvres avant de déclarer avec tout le sérieux du monde :
- Oh seigneur. Je crois que je viens de retomber amoureux de toi.
Le sourire que Tim força fut certainement le plus douloureux qu’il eût jamais fait.
***
Tim attendait, assis sur un caisson de ventilation sur le toit d’un immeuble. Un sac de sport était à ses pieds et il devait se retenir de ne pas enrouler sa jambe autour de la hanse. Après tout, il n’y avait aucune raison qu’il s’envole.
- Rentre chez toi.
Tim sursauta et s’en maudit mille fois. Il avait passé les quarante-cinq dernières minutes à se convaincre qu’il ne se laisserait pas surprendre. En vain. Il se retourna pour faire face à Bruce. Il s’était délibérément installé près d’un immeuble lumineux… Et s’aperçut alors que Bruce s’était positionné de façon à être en contre-jour. Tim se sentit aussi amateur qu’à ses débuts.
- Je voulais te parler.
- Tu n’as aucune raison de le faire.
Bruce avait déjà dégainé le bat-grappin. Tim empoigna son sac et se leva.
- J’ai retrouvé un costume de Robin. Dans une de mes anciennes cachettes.
Il récupéra immédiatement son attention. Bruce baissa le grappin et tendit sa main libre, attendant le costume. Tim poussa un soupir et se rassit sur le caisson de ventilation, les poings fermement agrippés au sac.
- Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu me répondrais si je te disais que…
- Je n’ai pas besoin de partenaires qui se dégonflent.
Tim encaissa l’attaque sans broncher. Il ne s’était pas attendu à ce que ce soit facile.
- J’ai envie de…
- Je refuse.
- …reprendre le masque de Robin.
Il essayait vraiment de ne pas se laisser déstabiliser, mais il n’arrivait déjà plus à rester serein. Il entendit le cuir des gants de Bruce grincer alors qu’il rabaissait sa main et crispait le poing.
- Tu savais quand tu as abandonné qu’il n’y aurait pas de marche arrière possible.
Tim n’eut pas trop de mal à entendre « quand tu m’as abandonné » derrière les mots de Bruce. Il déglutit avec difficulté.
- Je sais. Mais je ne…
- Non.
Tim ne réussit pas à retenir son soupir de frustration.
- Tu ne peux pas m’empêcher de reprendre un masque.
- Je peux t’empêcher de reprendre ce masque.
Tim essaya de ne pas crisper les mains sur le sac. Il le savait. C’était une possibilité qu’il avait envisagée. Il avait même pensé aller à Blüdhaven se réfugier auprès de Dick si ça avait été le cas. Il l’aurait très certainement aidé à se construire une nouvelle identité masquée et à faire ses débuts en solo. Mais…
Il sentait distinctivement la lame du nunchaku en forme de R à travers la toile du sac.
- Est-ce que tu vas au moins me laisser expliquer ?
- Non.
Bruce se retourna et pointa à nouveau le grappin vers un autre immeuble.
- Tu ne veux pas récupérer le costume ?
- Tu peux le garder. Mais je t’interdis de le porter.
Le cliquetis du grappin qui s’armait résonna. Tim baissa la tête.
- Tu sais pourquoi je suis devenu Robin ?
Bruce ne répondit pas mais il ne relâcha pas le mécanisme. Tim passa la langue sur les lèvres et poursuivit :
- Lorsque je suis venu au manoir, la première fois, je n’avais pas l’intention de devenir Robin. Je voulais que Dick le redevienne. C’était ridicule mais… Je ne voyais pas d’autre solution. Il fallait un Robin, et aller chercher le premier à l’avoir été me paraissait logique. Et puis, c’est Dick et il a toujours été mon héros alors… Si quelqu’un pouvait aider Batman, c’était lui.
Bruce n’avait pas daigné se retourner mais au moins, il était toujours sur le toit.
- Je n’ai pas su quoi faire quand il a refusé. J’étais tellement convaincu qu’il te fallait un Robin. Ensuite… Et bien, j’étais dans la tranche d’âge parfaite pour commencer une carrière.
Tim lui jeta un coup d’œil mais il était toujours de dos.
- Tu n’imagines pas à quel point j’étais terrifié quand tu as commencé mon entraînement. Je voulais être parfait pour faire honneur au costume de Dick. Et il fallait que je sois parfait pour que tu m’acceptes après…
Il hésita, craignant que Bruce ne s’enfuie mais continua quand même.
- Après Jason.
Il vit très distinctement ses épaules se tendre mais ça s’arrêta là.
- Cependant… Je crois que c’était une erreur d’avoir cru que je pourrais recréer la dynamique que tu avais avec Dick. Je ne pense pas avoir été le partenaire qu’il te fallait et j’en suis désolé. Mais je suis de toute manière convaincu que tu ne pourrais plus fonctionner sur le même équilibre que tu as eu avec lui. Ou avec Jason.
Les mots lui coûtaient, mais il avait besoin de s’entendre les dire.
- Mais aujourd’hui, tu as d’autres partenaires. Tu as Batgirl. Tu as Oracle. Tu pourrais avoir Huntress. Même Dick passe plus de temps à Gotham. Tu n’as pas besoin de Robin comme je pensais que tu en avais besoin à l’époque.
Tim fixa un moment ses mains puis releva la tête.
- J’ai envie de redevenir Robin.
Le silence qui suivit ses mots fut terrifiant, à lui en faire oublier la peur qu’il avait eu à les prononcer.
- Et pas parce que Batman en aurait besoin.
Il pinça les lèvres pour les empêcher de trembler. Il en était au point où il ne savait plus très bien ce que de la peur ou de la détermination était en train de prendre le dessus.
- Je veux devenir Robin parce que c’est une partie de moi. Parce que c’est mon job. Parce que Gotham a besoin de moi. Et parce que j’en ai envie.
Il entendit le mécanisme du grappin être désactivé et Bruce baissa le bras. Il tourna la tête et regarda Tim par-dessus son épaule, le vent faisant voler sa cape.
- Tes raisons d’arrêter sont tout à fait valables, si c’est ce qui t’inquiète.
Tim soutint son regard, étonnamment serein.
- Je sais qu’elles le sont. Mais elles ne sont pas suffisantes.
Bruce se retourna complètement et avança vers lui.
- Je ne peux pas te demander de revenir sur la promesse que tu as faite à ton père. Je ne peux pas te remettre dans la même situation qu’avant.
Tim passa la langue sur ses lèvres et détourna le regard.
- Tu n’auras pas à le faire… Il m’attend en bas dans la voiture.
Bruce resta silencieux quelques secondes.
- Tu comptes lui faire subir ça ? Lui montrer son fils unique revenir chez lui couvert de bleus et de plaies ?
- Je sais que ce sera dur pour lui, et je m’en veux. Mais il ne peut pas non plus me demander de sacrifier ce que je suis.
Un début de sourire étira les lèvres de Tim.
- Et je pense que Alfred te répondrait que c’est le devoir des enfants de faire s’inquiéter leurs parents.
Bruce répondit par un grognement. Tim se leva et vint se placer devant lui, le sac toujours à la main.
- Et tu sais que je ferai attention. Je ne rentre pas toujours couvert de bleus.
Bruce le fixa longuement, en silence.
- Tu sais que tu pourras toujours arrêter. Tu n’es pas prisonnier du masque. Mais après cette fois, ça sera plus dur.
Tim aurait pu jurer sentir le costume pulser contre sa jambe. Il hocha la tête. Bruce plissa les yeux.
- Alors, c’est un serment ?
La main de Bruce était tendue, paume ouverte, droite. Le cœur de Tim se mit à tambouriner à ses oreilles. Il tenta de garder une respiration normale lorsqu’il vint plaquer sa main contre celle de Bruce.
- Pour la justice.
- Pour Gotham.
Il ne réussit pas à réprimer le frisson qui le parcourut. Ils se fixèrent un long moment puis une bourrasque glacée passa sur le toit. Tim se crispa pour se protéger du froid. Un bruit de tissu froissé vint à ses oreilles et il sentit la matière épaisse de la cape entourer ses épaules.
Il leva les yeux vers Bruce mais son visage était fermé et il les lentilles blanches opaques l’empêchaient de discerner toute expression. Il n’aurait pas été aussi intimidé, il aurait pris Bruce dans ses bras. Pour s’excuser, pour le remercier, pour lui montrer qu’il lui avait manqué.
Mais il n’osa pas.
Ils restèrent un moment immobiles, jusqu’à ce que le portable de Tim se mette à sonner. Il jeta un coup d’œil à l’identifiant, puis s’agita, mal à l’aise.
- C’est… Mon père.
Bruce hocha brièvement la tête et désenroula sa cape. Tim essaya de réprimer la sensation d’être un genre de fils infidèle.
- Tu m’enverras ton emploi du temps. J’organiserai tes nuits de patrouilles en fonction du lycée.
Tim acquiesça et tenta de retenir le sourire qui gagnait ses lèvres.
- Ok. Alors… J’attends ton appel.
Il essaya de ne pas trop donner l’air d’être une collégienne amoureuse, mais à en juger par la moue amusée de Bruce, il n’y réussit pas vraiment. La cape glissa sur son épaule lorsque Bruce le dépassa et il n’arriva pas à déterminer avec certitude si ça avait été intentionnel ou non. Il attrapa son sac et se dirigea vers la porte menant aux escaliers, se retenant de suivre Bruce des yeux jusqu’à ce qu’il quitte le toit.
- Comment as-tu su que je passerai par ce chemin ?
Tim avait déjà la main sur la poignée. Il ne chercha pas à réprimer son sentiment de satisfaction.
- Oh, Bruce, tu vas me vexer… Tu oublies que tu as affaire à ton fan le plus acharné. Je n’avais pas dix ans que je connaissais déjà par cœur tes plans de route.
La lumière des buildings environnants lui permit d’apercevoir le sourire de Bruce juste avant qu’il ne lance le grappin et quitte le toit. Tim descendit les étages, les poings crispés et les dents plantées dans ses lèvres pour en retenir le sourire. Ne pas sauter sur place relevait d’un effort surhumain. Il réussit à être à peu près calme et présentable lorsqu’il monta dans la voiture de son père. Jake démarra le moteur sans mot dire.
- Ça va aller, papa.
Son père lui jeta un coup d’œil, tout aussi résigné qu’anxieux.
- Je t’assure. Tout va bien se passer.
Pendant quelques semaines, Tim l’avait vraiment pensé.
To be continued...
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