Titre de l'oeuvre : American Gods
Auteur : Neil Gaiman
Maison d'édition : Au Diable Vauvert
Résumé : Ombre est un détenu sur le point d'être relâché. Sa femme et un boulot pépère l'attendent, il a décidé de filer droit. Seulement voilà : à sa sortie, on lui annonce que son épouse est morte dans un accident de voiture. Il n'a nulle part où aller. Un homme étrange qui se présente sous le nom de Voyageur lui propose alors un marché : qu'il devienne son homme à tout faire. D'abord sceptique, Ombre finit par accepter... et se lance ainsi dans une aventure irréelle où dieux anciens et nouveaux s'affrontent dans un duel acharné pour leur survie.
L'idée de base de ce roman m'avait séduite : et si les anciens dieux étaient devenus obsolètes ? Si les nouveaux dieux, les dieux de la modernité et du consumérisme américain voulaient les remplacer ? Quel genre de combat titanesque en découlerait ?
Le résumé de la maison d'édition ainsi que les diverses illustrations font mention d'une image comics de cette histoire ; il n'en est rien. Ou si elle est présente, elle est plus subtilement amenée que l'illustration du Thor volant de la couverture (que l'on ne verra jamais de toute manière).
L'univers développé par Gaiman est intéressant et déroutant à la fois. Je vous conseille de continuer la lecture même si le début ne vous enthousiasme pas (les premiers chapitres sont assez étranges car on ne sait que peu de choses de notre "héros", Ombre, et son passé. Et ce qui lui arrive au début n'est guère passionnant, avouons-le).
Les dieux sont présentés comme des êtres se dissimulant dans la population et essayant tant bien que mal de survivre, de récupérer les miettes clairsemées de ce qui reste de leurs croyants. Ils sont pittoresques, parfois pathétiques, et un lecteur un tant soit peu cultivé s'amusera à essayer de les reconnaître parmi la large galerie qui est proposée. Les noms ne sont pas toujours explicitement donnés, quelquefois on ne fait qu'entrevoir une ombre, un début de silhouette, une allusion ou une apparence factice. C'est un bon jeu de pistes pour les passionnés de mythologie ; pour les autres, il faudra se contenter de suivre Ombre dans ses étranges pérégrinations. Il est sans cesse balloté d'un dieu à un autre. Au milieu de tout ça, on a quelquefois des interludes qui nous éloignent de lui pour suivre un dieu ou un acteur étranger. Au bout du compte, tout se rattache, mais il faut quand même avoir un bon esprit de déduction (et un minimum de connaissances théologiques, ça sert l'air de rien) pour ne pas se perdre dans la foison de petites histoires que Gaiman développe souvent au beau milieu d'un chapitre, sans transition nette. Une fois qu'on s'est habitué au style d'écriture, ça va mieux.
Beaucoup de scènes tiennent de l'onirique et de l'abstraction. Gaiman joue à fond la carte des symboles, au risque de perdre le lecteur qui n'a pas toujours ce qu'il faut pour comprendre que telle vision d'Ombre est en fait une perception de son chaos intérieur telle qu'il est représenté chez les indiens de je ne sais plus quelle tribu ou que cette chose qu'il traîne avec lui est un objet de pouvoir chargé de symboles... En outre, toute l'intrigue tient sur le fait que cela se passe en Amérique. Connaître la géographie, l'Histoire et certains aspects culturels de ce pays sont un plus non négligeables.
Une petite anecdote : la version française a traduit le nom de l'employeur d'Ombre par "Voyageur", plus explicite, alors que son surnom en anglais était "Wednesday" (allusion culturelle plus pointue à ce qu'il est en réalité). Je n'ai pas vérifié pour les autres, mais je trouve ça dommage. Enfin, ce n'est qu'un détail...
En fin de compte, je suis plutôt mitigée. L'univers est très original, la manière dont il dépeint l'évolution de ces dieux dans l'Amérique moderne a son charme. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que ça aurait pu être plus. Ce n'est pas possible étant donné l'intrigue et l'épilogue, pourtant... Je ne sais pas, ça reste vide. Le personnage principal est plutôt creux et c'est voulu (surnom et scénario à l'appui) ; du coup, on s'intéresse bien plus aux personnages secondaires, tous ces dieux paumés et leur folklore has-been. Les petites histoires sont plus intéressantes : on découvre comment et avec qui sont arrivés ces dieux des vieux continents. Quand c'est le cas, c'est souvent l'histoire de toute une vie qui y passe, l'écriture se fait plus intime et plus entraînante.
A mes yeux donc, American Gods fait partie de ces romans dont l'univers est plus intéressant que l'intrigue principale (qui est bien expédiée mais j'ai vu mieux, quand même, comme grand retournement de situation). Je ne l'ai pas fini pour savoir ce que devient Ombre et pour la soit-disant grande bataille (vous risquez d'être déçus, vraiment), mais pour connaître un peu mieux l'histoire de ces dieux et de leurs fidèles disséminés dans un pays qui, en définitive, ne veut pas d'eux.
Ne lisez pas pour l'histoire principale. Lisez-le pour les personnages secondaires qui ne serviront plus par la suite. Pour leurs tranches de vie.