Anthologie: Unleash the heat
Titre: 5/7/5
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: Original > Les nouvelles aventures des Losers !
Personnages: Les Losers !
Rating: PG
Nombre de mots : ~3850 mots
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: Tout est
ici. Posté pour
flo-nelja dans le cadre d'
ecrirepouraider.
Un silence comme jamais le silence n'avait silencé silença.
"Il doit y avoir une erreur...", commença Esoj, lentement, elle-même incertaine.
Ce n'était jamais facile d'admettre un tort, surtout quand c'était le sien. Pourtant, à considérer leur destination, elle espérait s'être trompée à un tournant, avoir dans un navrant moment d'absence mentale confondu l'est et l'ouest ou peut-être utilisé la mauvaise carte en la tenant à l'envers.
Elle consulta la carte de nouveau, sous les regards anxieux des autres. Elle regarda de nouveau leur point d'arrivée, les regards des autres contemplant comme elle ce qui ne pouvait être autre chose qu'une attraction ridicule. La druide toussota, tapota sa carte, se mordit l'ongle du pouce dans un petit geste nerveux, alla tapoter la petite croix rouge de l'index, hésita encore quelques secondes, se demandant encore combien de temps elle pouvait faire durer le silence avant qu'on lui arrache la tête sans procès... Déjà, elle voyait que Spider-chan faisait d'énormes efforts pour ne pas encocher une flèche à son arc.
"...C'est bien ça.
- Ça ?", répéta Silent Pascal, l'index pointé vers la monstruosité.
"Ça a l'air amusant !", s'enthousiasma Shmae Girl avec un grand sourire - comme quoi même les plus grands drames avaient de la difficulté à l'atteindre, peut-être parce qu'elle évoluait les trois quarts du temps dans son propre monde.
La monstruosité en question était une bâtisse énorme en bois sec, peinte en rouge et doré qui s'écalaient, avec un grand panneau bariolé de couleurs sur sa façade qui annonçait L'immense aventure du grand héros Bacl Ava. Un dragon en papier mâché nichait sur le toit, crachant des flammes de carton jusqu'à des tentes par terre. Peut-être en fait le dragon régurgitait-il en tons orangés : la conception artistique de l'ensemble laissait à désirer. Au-dessus d'une des flammes était indiqué le mot Guichet, une autre proclamait Boutique de souvenirs et une troisième annonçait Premiers soins, ce qui n'avait pas grand chose pour les rassurer sur la sécurité de l'attraction.
"Ce n'est pas un donjon...", se risqua Pidgeonboy, avec une certaine circonspection - on risquait de lui dire qu'il avait tort.
"Si ça permet de me débleuir, ça me va", grommela Silent Pascal.
Ils s'approchèrent du guichet et Pidgeonboy s'approcha pour demander :
"Six billets, s'il vous plaît."
Sans lever les yeux de la revue qu'elle feuilletait, une cigarette collée au coin des lèvres et des bigoudis dans les cheveux, la guichetière d'un âge indéterminé pointa sur sa droite. Sur un signe en bois était dessiné une silhouette bleue.
"Désolée coco, faut être avec un bleu ou être bleu pour-
- Ahem", fit Silent Pascal et elle leva la tête, écarquilla les yeux et ouvrit la bouche.
Elle paniqua pendant quelques secondes quand la cigarette tomba sur ses cuisses et que sa jupe informe, qui avait dû être rouge quelques décennies plus tôt, s'éleva une plume de fumée. Elle éteint le début de feu du plat de la main et ses doigts tremblèrent ensuite jusqu'à la petite caisse.
"Si- si- six billets, oui. Ça fera six druracs."
La guichetière tendit une main ; Pidgeonboy la considéra sans trop comprendre ce qui était attendu de lui. Réalisant que la conversation venait de s'échouer sur un problème financier, ou au moins de conversion monétaire, il arrêta de regarder la main tendue pour plutôt dévisager la guichetière.
"...Six quoi ?", fit le voleur, soulageant ceux qui se posaient la même question, mais n'osaient pas demander.
"Six druracs, voyons ! Les petites pièces blanches frappées d'un côté à l'image du Grand Dragon et de l'autre avec la tête d'un quelconque gugusse royal. Elles sont utilisées comme monnaie depuis au moins trois siècles, vous devriez connaître !"
Esoj fouilla dans son sac à la recherche d'un guide d'équivalences avant que la vieille femme s'impatiente. Elle consulta l'index et haussa un sourcil en remarquant que les druracs n'étaient plus utilisés depuis au moins cent quarante-trois ans et dix-huit semaines. La druide vérifia le tableau de conversion et annonça sa conclusion :
"Donne lui deux pièces d'or et quatre d'argent."
Pigeonboy lui tendit les pièces, la vieille femme les contempla, mordit dans une, haussa les épaules et les laissa tomber dans la petite caisse. Elle compta six billets, avec une lenteur telle que seul le talon d'Esoj écrasé au bon moment sur le pied de Spider-chan empêcha l'elfe de passer un commentaire mesquin.
"Merci", Pidgeonboy accepta les billets et allait s'éloigner quand la guichetière le rappela.
"Un instant, jeunes gens ! Je dois aussi vous remettre ceci", elle lui tendit une enveloppe. "Passez une journée agréable !", sourit-elle avec une expression assez nerveuse.
Le voleur regarda l'enveloppe de tous les côtés et Spider-chan soupira.
"Tu as peur qu'elle soit piégée ou quoi ?
- On ne sait jamais !"
Son examen terminé (dix minutes plus tard), Pidgeonboy décacheta l'enveloppe et jeta un coup d'oeil au papier plié dedans.
"Oh, c'est juste une autre carte", soupira-t-il et il la donna à Esoj.
La druide l'examina à son tour.
"Oui, avec un autre beau gros X qui désigne sans aucun doute un autre donjon."
Des grognements peu enthousiastes lui répondirent, avec un seul Génial ! de la part de Shmae Girl. Esoj glissa la carte dans son sac et désigna la monstruosité devant eux d'un geste vague de la main.
"On affronte ce truc ou pas ?"
Armés de leurs billets, ils s'approchèrent de la grande bâtisse. S'armant ensuite de courage et d'autres qualités essentielles pour pourfendre les méchants et sauver leur demi-elfe de son teint bleu, ils entrèrent.
Sur leur gauche, il y avait quelques marches qui menaient à un petit quai où attendaient trois wagons reliés par d'épaisses chaînes. Sur leur droite, il y avait un panneau Sortie avec une flèche qui pointait vers un couloir mal éclairé. Ils entendaient un bruit régulier, assourdissant, qui ressemblait à s'y méprendre à-
"Hé, il y a une chute là-bas !", s'exclama Pidgeonboy.
"Oh, vraiment ?", rétorqua Spider-chan. "Tu as fait comment pour deviner ? Ne me dis pas que c'est cette chute qu'on devine tous très bien au bout du couloir qui t'a mis la puce à l'oreille, quand même !"
Le voleur fit la moue.
"Ça aurait pu être autre chose !
- Comme quoi ?", voulut savoir l'elfe.
"Ça aurait pu être un dragon qui fait pipi !", intervint Shmae Girl.
Il y eut un moment de silence, pendant lequel les Losers ! combattirent des images mentales et, en vrac, du dégoût, des rires ou des soupirs format géant.
"...Je suis désolée d'avoir demandé", Spider-chan secoua la tête.
Après avoir gentiment, mais fermement, convaincu Shmae Girl de ne plus donner de suggestions sur l'origine du bruit, les Losers ! osèrent s'avancer un peu plus profondément dans les entrailles du donjon. C'est-à-dire qu'ils prirent à gauche, montèrent les quelques marches qui montaient au petit quai et examinèrent les trois wagons.
"Vous croyez que c'est... euh... sécuritaire ?", demanda Pidgeonboy.
"Oh, oui", supposa Silent Pascal avec un grand sourire. "Ce qui ne serait pas sécuritaire, c'est si tu ne te grouilles pas pour monter !
- Comment ça ?
- Je vais étrangler quelqu'un si on ne se dépêche pas de me débleuir !"
Ils prirent place dans les wagons (avec un certain empressement, d'ailleurs), s'installant deux par deux. Carpet-Vale et Esoj prirent la tête et leur chariot avançant en cliquetant sur les rails pour qu'un second devienne accessible. Silent Pascal et Pidgeonboy en prirent possession et Shmae Girl et Spider-chan grimpèrent dans le dernier. Le petit train avança en cliquetant et, lentement, avec des crissements et des grincements, de lourdes barres de sécurité les emprisonnèrent.
"On va tous mourir !", gueula aussitôt Pidgeonboy.
"Mais non...", le rassura Silent Pascal.
"Pas nous tous, de toute façon !", s'exclama Carpet-Vale. "Probablement juste toi ! Et de peur en plus !"
Ce qui ne réconforta pas beaucoup le voleur.
"J'espère que ça ne tournera pas trop, j'ai l'estomac fragile...", soupira-t-il.
"Je te déconseille de m'éclabousser ! Ce n'est pas seulement ton petit déjeuner que tu vas perdre, si tu t'avises d'oublier de contrôler le contenu de ton estomac", avertit Spider-chan.
"Pour votre propre sécurité, merci de conserver tous vos membres et tentacules à l'intérieur du chariot !", annonça soudain une voix féminine et métallique.
Son homologue masculin enchaîna :
"Pouhr êt saikur, gahrdez touttes voh membs pis voh tantakles den lshariot.
- Qu'est-ce qu'il a dit ? Mais qu'est-ce qu'il a dit !?", demanda Pidgeonboy, se sentant au bord d'une attaque de panique - il venait peut-être de zapper une explication sur la meilleure façon de survivre au reste de ce donjon plus qu'étrange.
"La même chose que la voix d'avant", répondit Silent Pascal.
"Comment tu sais ça !?
- C'est du nain, avec un fort accent Sudiste.
- Comment tu-", Pidgeonboy inséra une petite pause, le temps de consulter sa mémoire. "Oh, c'est vrai, tu as été élevé par des Nordeux."
La voix féminine prit le relais :
"En cas d'arrêt urgence, veuillez s'il vous plaît rester dans les chariots et attendre les secours.
- Sih d'koi chie, vou êt benmieu d'pah boujai pis d'atendr kon vou zaid."
Les trois wagons grimpèrent en cliquetant bruyamment sur les rails, ce qui provoqua un autre spasme On va tous mourir ! chez Pidgeonboy. Ils s'arrêtèrent au sommet d'une pente (arrêt ponctué par un autre On va tous mourir !) et une toile blanche se déroula devant eux depuis le plafond. Les lumières furent tamisées et une décompte tremblotant apparut sur l'écran, ponctué par des grincements horribles. Les chiffres devinrent des lettres, affichant d'abord en commun Les Productions PDA présentent... et ensuite L'immense aventure du grand héros Bacl Ava !!! La même chose s'afficha ensuite en Sudiste.
"Trois points d'exclamation ?", commenta Esoj. "C'est exagéré. Vous avez vu leur taille en plus ? Ce Bacl Ava doit compenser pour quelque chose.
- Quoi, comment ça !?", s'énerva aussitôt le voleur. "Est-ce que ça veut dire qu'on va-
- On ne va pas tous mourir", siffla Spider-chan.
Après avoir livré son message, la toile remonta dans le plafond, les wagons cliquètent en arrière (On va tous mourir !) comme pour prendre un élan et le petit train s'activa. Il démarra à pleine vitesse, forçant violemment ses occupants contre leurs dossiers (Onnnghhh-). Une fois de retour sur une voie plus horizontale, les wagons ralentirent. Sur leur droite, une petite fille cueillait des fleurs en chantonnant. Elle était très blonde et avait l'air encore plus stupide, ce qui devait être conçu pour illustrer son innocence ou deux ou trois trucs louches dans son arbre généalogique, entre des branches qui se frottaient de trop près.
Je cueille des belles fleurs,
oh tra la la~ j'aime les fleurs.
Yay pour les belles fleurs.
"...Est-ce que je peux vomir ?", demanda Spider-chan en se plaquant les mains contre les oreilles.
Plus loin, sur leur gauche, un grand lion blanc s'approchait avec toute la subtilité que lui permettait sa masse respectable montée sur des roulettes mal graissées. La fillette blonde se tourna vers lui (d'un mouvement saccadé, digne des histoires de fantômes, qui fit crier Pidgeonboy d'une voix suraigue) et ses yeux, déjà grands, s'agrandirent de surprise. Ou de peur. Ou peut-être parce qu'elle avait envie d'aller aux toilettes. Ce n'était pas clair, considérant les traits grossiers de l'automate. Pour leur faire face de nouveau, la tête de la fillette blonde décrivit un demi-cercle, sans se soucier du fait que sans le moindre égard pour l'anatomie humaine, son visage était maintenant aligné avec son dos.
Oh non ! Un gros lion !
Mais qu'est-ce que je peux bien faire ?
Il va me manger !
"Cours, fait quelque chose, pauvre idiote !", lui cria Carpet-Vale. "C'est à cause des crétines comme toi que nous sommes perçues comme faibles et sans cervelle ! Traîtresse à la condition féminine !
- Je vais aller l'aider !", s'enthousiasma Shmae-Girl et Spider-chan la tira en arrière pour l'empêcher de sauter en bas de leur wagon.
Le lion blanc s'arrêta près de la gamine, lui tourna le dos et contre toute attente, ses pattes postérieures s'affaissèrent et son derrière tomba de toute sa masse sur la fillette. Son long cri résonna et puis, le petit train continua d'avancer en cliquetant. Il ralentit devant une autre scène, une assemblée de nains qui chantaient pour supplier leur héros de passer à l'action - Spider-chan faillit s'évanouir, choquée de cette soudaine multitude naine qui s'égosillait autour d'elle.
Ô, Bacl Ava !
Granh hairo, aid lablondass !
Sé la fill dunroy !
"Il n'y a pas de sous-titres ?", s'indigna Esoj. "Et l'accès à la culture, hein ! Qu'est-ce qu'ils en font, de l'accès à la culture !?
- Ils demandent au grand héros Bacl Ava de sauver la fillette, parce que c'est la fille d'un roi", traduisit Silent Pascal.
Krissezmoué la pè
J'y va, foh juss ke jpiss pih
Ke j'ramass mahash
"Bacl Ava leur répond qu'il doit prendre sa hache avant d'aller exercer sa profession de héros", résuma le demi-elfe en enlevant les détails plus terre-à-terre qui pourraient choquer.
Les wagons avancèrent plus loin et s'arrêtèrent brusquement pour que les Losers ! puissent jeter un regard sur la gauche pour voir Bacl Ava qui s'en allait héroïser en chantant.
Tite kriss deblondass
Pah kapab de stasser pouhr
Pah s'fair efouarer
Silent Pascal ne traduisit pas immédiatement.
"Alors ?", s'impatienta la druide et il fronça les sourcils.
"Minute, j'essaie de penser à une façon pas trop grossière de traduire ce qu'il a dit ! Disons... disons qu'il critique la gamine de ne pas avoir fait un effort pour éviter de se prendre le derrière du lion en pleine face."
L'automate sur leur gauche disparut, remplacé par une nouvelle version de Bacl Ava qui sortit des rails. Il se mit à courir vers le lion blanc et ses jambes en carton épais commencèrent à tourner autour d'une roue pour simuler la vitesse de sa course - dans les faits, il avait surtout l'air ridicule. Ses jambes courtes de nain tapaient bruyamment à chaque passage contre les rails. Ce qui avait le mérite d'être presque assez fort pour que les Losers ! n'entendent pas la chanson.
J'kour pih j'kour, pih j'kour
Jé souaff en tahbernak
Môhditt djob dehku
Le demi-elfe faillit s'étrangler.
"Il dit... qu'il n'aime pas son boulot de héros."
Esoj se retourna pour le dévisager et Silent Pascal essaya d'adopter une expression innocente au moins un peu crédible.
"Tu traduis correctement, au moins ? Je ne veux pas d'une interprétation branlante ! Si c'est culturel, ça mérite-
- Le trou", avertit le demi-elfe.
"Le quoi ?", Esoj se tourna en avant, écarquilla les yeux. "Oh non !", s'exclama la druide, réalisant un peu tard la direction qu'ils prenaient et le trou dont il était question. "On ne va quand même pas lui rentrer dans le-"
Elle ferma les yeux quand leur wagon poussa à travers une épaisse membrane qui s'étira pour les laisser passer. Il y eut un rugissement lointain, presque enterré par la crise d'hilarité de Carpet-Vale, et le petit train fila droit devant. Les wagons prirent de la vitesse et des virages secs (On va tous mourir !). Pidgeonboy adopta le vert comme fond de teint et fit des efforts pour éviter d'étaler partout son petit déjeuner ; Shmae Girl lança les bras en l'air, criant de plaisir à chaque descente en piqué, riant dans les tournants raides. Devant eux, Bacl Ava parcourait ce qui leur parut être des kilomètres et des kilomètres d'intestins.
Astih ké loing den
Leku duhlion, j'espehr ben
Ké pah dihjairée.
"Bacl Ava espère que la petite fille n'a pas déjà été digérée par le lion", mentionna Silent Pascal.
"...Considérant par où elle est passée, ce serait anatomiquement étrange", fit remarquer Esoj.
"Surtout que tout ce délire est en papier mâché", soupira Spider-chan.
Ils débouchèrent éventuellement dans ce qui devait être le ventre du lion blanc, mais qui était surtout une grande pièce peinte dans une variété de couleurs psychédélique. Le héros nain s'immobilisa dans un craquement métallique et s'enfonça dans les rails. Devant eux s'éleva un nouveau Bacl Ava qui agitait sa hache en direction de rien de moins qu'un dragon en papier mâché qui agitait la queue dans un concert de craquements de machinerie. La petite fille était prisonnière derrière lui - Carpet-Vale commença à soupçonner la gamine d'avoir une fascination douteuse pour les postérieurs animaliers.
"La hache de Bacl Ava s'appelle Roger le Dépeceur de Nations", se sentit obligé de préciser Silent Pascal.
"Et ça devrait m'intéresser pourquoi ?", grinça Spider-chan.
"Je ne sais pas, en fait...", admit le demi-elfe. "Je trouvais le détail soudainement intéressant. Parce que tu vois, ça, c'est la version Sudiste. Chez les Nordeux, cette hache, on l'appelle Ingrid la Grosse Molle. Les relations entre nous sont... disons qu'elles sont un peu tendues."
Groh drahgonn pouri,
Donnmoi lablondass duroy
Ou jepogn lehnerres !
"Il dit qu'il va s'énerver si le dragon ne lui confie pas la fille du roi", traduisit Silent Pascal.
Pour toute réponse, le dragon ouvrit lentement la gueule, y aspirant l'air ambiant.
"Génial", commenta Spider-chan, sur un ton qui laissait sous-entendre que ce n'était pas génial du tout. "J'imagine qu'elle va nous cracher des flammes en carton, cette monstruosité mécanique ?"
Des naseaux du dragon s'élevèrent des colonnes jumelles de fumée et au fond de sa gorge commença à briller une lumière plus blanche que blanche. Esoj ouvrit grand les yeux.
"Baissez-vous !", ordonna-t-elle d'une voix urgente près de l'hystérie.
"Quoi ? Ne me dis pas que tu as peur de-"
Shmae Girl l'interrompit en la tirant brusquement par un bras, manquant de peu de sérieusement lui endommager le front contre le bord du wagon. L'elfe n'eut pas le temps de s'en plaindre, parce que le dragon cracha un long jet d'acide qui éclaboussa le mur sur leur droite. La brique devint rouge pâle, puis orange, jaune et finalement blanche, fit des bulles et coula jusqu'à terre, révélant la sortie plus loin sur les rails.
"Par les dieux, on aurait vraiment pu tous mourir !", hurla Pidgeonboy quand il osa se relever.
Le choc était si grand qu'il en oublia de rendre son petit déjeuner.
"Ne t'enfle pas trop la tête parce que tu as raison, pour une fois", grinça l'elfe.
Au ralenti, Bacl Ava sauta vers le dragon (les Losers ! supposèrent qu'il avait évité le jet d'acide en même temps qu'eux ou que L'immense aventure du grand héros Bacl Ava comptait bien assez de copies mécaniques du héros pour se permettre d'en cramer une de temps en temps).
Mongroh kriss desall !
M'ah t'aprendr dkrasher sumoué
J'portunh nouvoh soutt !
"Lui non plus, n'a pas tellement aimé le jet d'acide", dit Silent Pascal. "Surtout qu'il portait de nouveaux vêtements."
D'un coup de hache bien porté, le héros nain coupa net la tête du dragon, qui tomba par terre avec un Thunk ! La gamine courut vers Bacl Ava et commença par lui sautiller lourdement autour avant de l'écraser contre elle.
Mon beau grand héros !
Tu m'as sauvée, merci ! Oh !
Veux-tu m'épouser ?
"Hé ho, mais elle est de toute évidence mineure !", s'indigna Esoj. "C'est quoi cette histoire pleine de moralité douteuse ?
- Attends un peu, Bacl Ava va refuser ses avances..."
Comme de fait, l'automate s'égosilla :
Kalmtoué lpoual dégeanbes
Témehmpah nainn, j'veuhpah d'toua
Chus dégeakasé.
"Et voilà ! Qu'est-ce que je vous disais ! Il ne peut pas l'épouser. D'abord, elle n'est pas naine et ensuite, il est déjà marié", traduisit le demi-elfe.
Le Bacl Ava mécanique attrapa la fillette, la jeta sur son épaule et s'éloigna avec son fardeau en continuant à chantonner. Heureusement pour les oreilles de Spider-chan, les paroles étaient incompréhensibles, mais Silent Pascal attrapa juste assez des mots lointains pour figurer qu'il s'agissait d'une chanson sur le bendhur. Il en connaissait lui-même plusieurs, mais comme ceux qui les composaient avaient tendance à être bourrés, les paroles n'étaient pas tellement raffinées. La majorité ressemblait à :
Onnaim lebendhur !
Lebendhur èbenbendhur !
Benbenbenbendhur !
"Ce qui est triste, c'est que la princesse était une enfant gâtée", ajouta le demi-elfe, à l'intention d'Esoj surtout. "Elle s'est plainte à son père, qui était un roi plutôt stupide. Ça a causé une guerre mémorable, parce que ce royaume en particulier habitait la même région montagneuse que les Sudistes. Je ne sais pas si vous savez, mais les Sudistes sont les plus prompts à, disons, sauter des coches. Ils ont repoussé les humains, tous les sujets du roi, loin de chez eux. Ils ont installés des centaines de milliers de pièges partout sur le territoire et pendant près de cinq cent ans, ils ont refusés de faire affaire avec les humains. Certains disent que c'est grâce à Lled qu'ils ont éventuellement rouverts leurs frontières."
Le petit train s'engagea vers la sortie en cliquetant, passa à travers une chute et les arrêta devant le débarcadère qui était, comme par hasard, tout près de la boutique de souvenirs. Un employé (probablement aussi antique que la guichetière plus tôt) leur tendit des serviettes pour qu'ils puissent se sécher.
"Je peux avoir une peluche de dragon ?", demanda Shmae Girl en pointant.
Carpet-Vale se mit à hurler, empêchant Spider-chan de répondre. Comme elle pointait quelque chose, les Losers ! jetèrent un regard curieux dans cette direction. Silent Pascal regarda derrière lui.
"Il n'y a rien...", avança-t-il, pris de court.
"Je sais ! En fait, non ! C'est que c'est toi ! Tu ! Tu es, enfin, tu n'es plus-", elle cligna des yeux et continua à pointer, à le pointer avec insistance.
"Ce qu'il y a, c'est que tu n'es plus bleu", lui vint en aide Esoj.
Silent Pascal ne parut pas comprendre ce qu'elle disait, puis baissa le regard et considéra ses mains, elles se mirent à trembler. Il serra la mâchoire, mais pas assez vite pour étouffer le début d'un cri hystérique. Les autres le regardèrent avec amusement essayer de repousser au plus profond de lui-même une soudaine envie de giguer pour célébrer son retour à une couleur de peau normale.
"Je ne suis plus bleu !", couina-t-il avec bonheur. "Je ne suis plus-
- C'est bien beau tout ça, mais je peux avoir une peluche de dragon, oui ou non ?", insista Shmae Girl en s'intéressant plutôt à la boutique.
"Ça va me faire plaisir de t'en payer une ! Même deux !", s'exclama le demi-elfe en prenant les devants, ne s'offusquant même pas un tout petit peu d'avoir été interrompu en plein bonheur. "Elle est pas belle, la vie ?", demanda-t-il à personne en particulier.
"Elle sera encore plus belle quand j'aurai eu ma peluche !", rétorqua la guerrière avec la moue de quelqu'un qui ne se révélerait satisfait qu'en possession d'une peluche de dragon.
"C'est pas faux", admit de bon cœur Silent Pascal en la précédant dans la boutique.
Les autres restèrent en retrait, surtout pour protéger leurs finances personnelles : s'ils entraient dans la boutique, Shmae Girl risquait de les convaincre de lui acheter quelque chose, que ce soit d'autres peluches, des friandises en forme de lion ou encore des meringues taillées en fleurs. Seule Spider-chan s'approcha de l'entrée de la boutique pour garder un oeil sur Shmae Girl. Elle examina sans le moindre intérêt une horrible figurine qui représentait un dragon ou plutôt, un bel effort pour créer quelque chose de ressemblant à un dragon.
"Minute...", commença lentement Pideonboy. "Il a été débleui quand, au juste ?", voulut-il savoir.
"Sous la chute, probablement", fut l'hypothèse d'Esoj.
"Dans la chute qu'on voyait de l'entrée, tu veux dire ?", Spider-chan haussa un sourcil. "Celle où on aurait pu aller directement en suivant le panneau Sortie, en évitant cette attraction pourrie avec tous ces nains chantants ?"
Esoj y pensa.
"...Oui."
Un tic agita une oreille de l'elfe et elle serra les dents.
"Alors pourquoi on a dû se taper les aventures de gugusse le nain au pays du grand n'importe quoi ?
- Par intérêt culturel ?", suggéra la druide avec un demi-sourire un peu nerveux.
Spider-chan serra convulsivement les mains sur la figurine qu'elle tenait, avec un début de hurlement de rage. La figurine, ainsi prise à partie, se dépêcha d'éclater pour éviter de souffrir plus longtemps dans sa poigne de fer.
(11 octobre 2011)