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Jul 06, 2008 00:01

Titre: Petty games, painful victories
Auteur: drakys
Fandom: Soul Calibur UA > Edge
Personnages: Raphael et Henri Sorel, Ivy, Siegfried
Rating: R
Disclaimer: Namco pour les personnages, drakys, lai_choi_san et supaidachan
Nombre de mots: 5082 mots
Notes: Ici pour les persos.

"Raphael, assieds-toi s'il te plait", Henri lui désigne un siège avec un sourire qu'il veut avenant, mais qui paraît plutôt forcé et Raphael reste debout, peu impressionné par la démonstration.

Il sait déjà qu'il est viré. Personne ne devrait le savoir, mais tout le monde le sait. C'est le genre de secret qui ne reste pas longtemps caché dans une entreprise de la taille de la Sorel Society. Les rumeurs se répandent plus vite que les annonces officielles, sautant de secrétaire à secrétaire aussi vite qu'elles peuvent composer le numéro de poste des autres.

"Je suis surpris de votre familiarité, monsieur Sorel. Je croyais que vous préféreriez montrer clairement la distance qui nous sépare grâce au judicieux usage du vouvoiement entre nous.

- Raphael, assieds-toi", répète seulement son père, avec une politesse beaucoup plus froide et un geste beaucoup plus crispé.

Il se lit une certaine lassitude sur son visage et un début, déjà, d'irritation. Raphael hausse les épaules et prends place, attends patiemment jusqu'à ce que l'autre homme ouvre un tiroir, y prenne une enveloppe avec un cérémonial ridicule. Papier kraft, brun sans les traits noirs d'un marqueur pour l'identifier. Il n'y a qu'un sceau de brisé. Il ouvre l'enveloppe, en retire une chemise cartonnée, beige, parfaitement normale et comme un millier d'autres. La chemise, il la pousse de l'autre côté de son bureau.

"Tu connais déjà la nouvelle, je présume.

- Comme tous les autres employés de la boîte, leur chien et possiblement leur belle-mère, si elle vit encore."

Son père tapote le dossier.

"Je suis chargé de t'expliquer la raison officieuse. Nous déciderons de l'officielle plus tard, ce sera celle qui te convient le mieux", lui assure-t-il avec un froncement de sourcils qui a quelque chose de désapprobateur qui laisse deviner que l'idée n'est pas de lui. "…J'aimerais pour l'instant que tu jettes un coup d'œil à ce qu'il y a là-dedans."

Raphael tend une main et les doigts de son père restent un instant posés sur la chemise, pour l'empêcher de la soulever.

"Je veux que tu saches que ce n'est pas exclusivement ma décision, mais libre à toi de croire ce que tu veux", il s'arrête un instant, s'éclaircit la gorge. "Après tout, tu es notre second meilleur vendeur, Raphael", Henri réussit à rendre le compliment vide, "et les avis étaient partagés. Je crois que malgré les circonstances, nous t'offrons de très avantageuses conditions de départ."

Raphael soutient son regard sans rien dire, jusqu'à ce que son père enlève finalement sa main et qu'il puisse récupérer le dossier. Il le coince dans sa main droite, l'ouvre de la gauche et parcoure rapidement les premières pages, les premières photos. Et sa respiration, une fraction de seconde, reste bloquée et il n'a plus besoin de feuilleter pour savoir ce qu'il verra. Il referme le dossier sans finir de le regarder.

"Tu sais de qui il s'agit", lui dit son père, sans en faire une question.

C'est plutôt une accusation.

Raphael jette la chemise d'un geste sec sur le bureau, en faisant déborder une série de photos. Henri les remet en ordre, trop calme pour vraiment l'être. Raphael se cale confortablement, bas dans le fauteuil, dos arrondi, étend et croise les jambes. Il joint les mains au-dessus de son ventre et sourit.

"…Tu parles de ce blond à la jolie gueule ? Je crois que c'est moi."

Son père se redresse brusquement, plaque ses mains à plats sur le bureau.

"Raphael !

- D'accord, d'accord. Il y a moi sur ces clichés et, ce qui je crois est le problème, il y a aussi ce petit acteur de merde qui joue dans une émission à la con pour gamins.

- Tu peux me dire ce que tu fais avec lui, si tu crois que c'est un petit acteur de merde ?", lui demande son père entre ses dents serrées.

Le sourire de Raphael s'agrandit, gagne en froideur.

"Les photos ne sont pas assez claires pour toi ?

- Écoute, tout ça ne m'intéresse pas. Tu vois qui tu veux-

- Sauf les petits acteurs de merde qui jouent dans les séries à la con subventionnées par ta boîte", complète Raphael, avant de se redresser, affichant une moue qui a quelque chose de déçu. "C'est ça la meilleure excuse que tu as trouvé pour me virer ?", demande-t-il soudainement. "Ça t'a pris un an après une vente que tu m'avais bien averti de ne pas faire, même si tu savais pourquoi je devais la faire. Tu sais très bien que je me dope depuis et un bête scandale avec un raté d'acteur dont tout le monde se fiche, c'est la raison que tu as choisi de faire gober à tes partenaires pour te débarrasser de moi ? Ha !"

Son père soupire.

"Tu crois que je peux couvrir indéfiniment tes… tes tares, Raphael ? J'ai mes limites. Sorel Society est une entreprise respectable qui-

- Depuis plus de quarante ans, œuvre dans la recherche, le développement et la distribution de technologie de pointe dédiée aux domaines médicaux et pharmaceutiques. Notre société s'engage activement dans de nombreuses activités visant à soutenir les malades et leur famille immédiate, en subventionnant de nombreux établissements de soins de longue durée à travers le pays, en assurant des dons réguliers aux hôpitaux de consoles et jeux vidéo pour les enfants malades et par l'organisation de galas bénéfice dont les profits sont distribués aux hôpitaux des quartiers les plus démunis. Depuis deux ans déjà, Sorel Society, en partenariat avec la chaîne télévisée PS2, est fière de participer financièrement à Soul Tails, une émission spécialement développée pour les enfants petits et grands. Je connais cette merde prémâchée aussi bien que toi."

Son père baisse la tête et soupire encore. Irrité, il se pince l'arrête du nez.

"Raphael", commence-t-il et son fils roule des yeux. "Ça n'a pas été aisé, ni gratuit, d'empêcher ces photos d'être publiées dans tous les journaux à ragots. Il a une réputation à protéger, ce n'est pas le genre d'histoires qui doit tomber sous les yeux de son public.

- Peut-être devrais-tu avoir cette discussion avec son pénis, de toute évidence celui-là n'a rien à foutre de préserver l'innocence de quiconque."

Son père grimace de dégoût.

"Te reste-t-il seulement une once de respect pour quoi que ce soit ?"

Raphael a un rire froid.

"Tu n'as pas été le meilleur professeur en matière de respect. Je crois…", il marque une pause, fait semblant d'hésiter. "Je crois me souvenir de ta réaction, quand je t'ai annoncé que j'étais homosexuel. Oui, si je me souviens bien", il fronce les sourcils, comme si le souvenir est aussi vague que lointain, "tu m'as jeté à la rue.

- Tu t'en es plutôt bien sorti, alors que tu n'as même pas eu la présence d'esprit de terminer tes études", fait remarquer son père et Raphael se lève, son sourire figé ressemblant plus à un rictus haineux et il se détourne. "Où crois-tu aller ? Nous n'avons pas terminé !

- Vous êtes dans l'erreur, monsieur Sorel", répond Raphael en marchant vers la porte. "J'ai terminé ici, c'est la seule certitude que m'a laissée notre échange. Faites suivre chez moi les documents que vous voulez que je signe concernant cette cessation d'emploi, je vous les retournerai dans les délais les plus prompts.

- Si tu me détestes tellement", dit très lentement son père. "Pourquoi as-tu accepté de venir travailler pour moi ?"

Raphael se retourne lentement et lui sourit.

"Parce que tu m'as acheté. Deux fois le salaire que j'avais avant, des avantages sociaux à ne plus savoir qu'en faire et même le grand bureau en coin avec des fenêtres, du soleil et une jolie plante en pot. Pourquoi j'aurais refusé ?", il s'interrompt et perd le sourire. "…Pourquoi j'aurais refusé ?"

***

"...Et si j'te baisais, pour féliciter ta bonne réponse?"

Ça n'a rien de drôle et pourtant Raphael sourit, éclate de rire, malgré les doigts qui se resserrent sur sa mâchoire. Ses mains libres, il les passe à la taille de l'autre homme, va les glisser dans les poches arrières de son pantalon et cette fois, c'est lui qui les rapproche. Il bouge contre lui, contre le genou entre ses jambes et quand l'autre homme se fige, il le considère comme une petite victoire.

"Dis-moi en quoi tu es différent de lui", murmure-t-il, sa voix suave, douce, incroyablement méchante. "Tu me regardes de la même façon. Tu veux la même chose. Alors vas-y", l'encourage-t-il. "Si tu crois que c'est glorieux de baiser une pute. Je baiserais n'importe qui, tant que je suis payé pour. En quoi est-ce que ça fera de toi quelqu'un de différent ?"

L'autre homme ne répond pas, mais ses doigts le relâchent et Raphael profite de sa liberté pour faire remonter ses mains, pour suivre la ceinture, pour appuyer ses doigts avec insistance contre la boucle.

"Vas-y", insiste-t-il et il glisse une main sur le morceau de tissu qui recouvre la fermeture-éclair du pantalon de l'autre homme. "Prouve je ne sais quelle connerie tu veux prouver", continue-t-il et son pouce remonte sous le tissu, sur le métal de la fermeture-éclair.

Il joue avec la languette métallique, la fait descendre, à peine.

"Que tu peux me faire crier de plaisir. Que tu peux me prendre avant Sieg-"

L'autre homme lui enfonce son poing dans le ventre, siffle avec mépris :

"N'essaie pas de jouer avec moi !

- Je croyais", se force à dire Raphael, penché en avant, contre lui, dents serrées par la douleur.

"Je croyais que c'était toi qui voulait jouer avec moi."

Cette fois, c'est un genou qui s'écrase violemment un peu trop près de sa gorge et un autre coup le fait chuter. Un pied se pose sur sa tête, force son visage contre le béton sale, pèse, lourd et menaçant.

"Ta gueule !", viens l'ordre et Raphael décide de s'y conformer, sans arrêter de sourire, ce qui est peut-être la pire des réponses. Le pied se soulève, vient frapper ses côtes avec humeur. "Te buter, c'est ça que j'devrais faire !"

Raphael ne répond pas, pas immédiatement. Son regard bleu cherche celui de l'autre homme et s'y ancre une fois qu'il l'a trouvé. Il ne sourit pas, il ne sourit pas du tout quand il lui suggère, le plus calmement du monde:

"Vas-y.

- Ça te ferait trop plaisir", rétorque aussitôt l'autre homme, annulant sa propre menace.

"Oui, comme ça te ferait trop plaisir si je te suçais", ne peut s'empêcher de répliquer Raphael. Il sait qu'il devrait se taire, mais il y a quelque chose d'euphorisant à tourmenter le jeune homme, à risquer ainsi de le faire sortir de ses gonds. "Oh, je confonds peut-être ? C'est à Siegfried que ça plairait ? Comment je pourrais savoir", continue-t-il en riant, "vous êtes identiques !"

Instinctivement, il protège son visage, mais le coup n'a pas la force des précédents quand il s'écrase sur ses avant-bras. La voix de l'autre homme n'a pas la même hargne, elle est peut-être teintée de déception.

"T'es malade."

Cette fois, Raphael se retient, ne rétorque pas le Regarde qui parle ! qui pourtant lui brûle la langue. Il reste à terre, reste silencieux, ne regarde même plus l'autre homme et peut-être que c'est Tu as raison qu'il a plutôt envie de lui répondre. Les pas s'éloignent et Raphael reste à terre, ferme les yeux, est secoué par un petit rire de rien.

"Je gagne", murmure-t-il, véritablement amusé.

***

"Sorel !", appelle une voix. "Il y a quelqu'un pour toi !"

Il se lève et prend le temps de replacer ses cheveux, de lisser sa chemise. Il jette un coup d'œil à l'horloge et fronce un instant les sourcils. Il est beaucoup trop tôt pour que ce soit un de ses clients réguliers et il travaille depuis trop longtemps au Flambert pour prendre des nouveaux clients au hasard.

"Hé", il essaie de rappeler l'autre homme, mais il s'arrête en voyant qui marche d'un pas décidé vers lui, plutôt que d'attendre dans le lobby.

Raphael veut reculer en la voyant. Il se reprend rapidement et la laisse glisser son bras sous le sien, se laisse guider jusqu'à un des fauteuils, se laisse tomber près d'elle. Ivy glisse aussitôt une jambe par-dessus la sienne, pose une main haut sur sa cuisse et elle sourit méchamment quand, malgré le sourire de Raphael, elle voit trop bien son irritation.

"Tu n'es pas un très bon hôte", rit-elle avec une douceur feinte et elle penche un peu trop la tête vers lui, l'embrasse et n'est absolument pas surprise qu'il lui retourne le baiser du bout des lèvres à peine.

"Désires-tu quelque chose à boire ?", murmure-t-il contre les lèvres d'Ivy et elle secoue la tête.

Sa main va sans subtilité lui caresser l'entrejambe et elle l'embrasse dans le cou, trace sa jugulaire de la langue.

"Ce n'est pas l'endroit pour ça", lui dit simplement Raphael, sans s'énerver ni la repousser.

"Oh, mais ce n'est pas la première entorse que tu fais aux règlements de ce petit trou à rats minable, n'est-ce pas ?", son sourire est terrible et elle continue, même si Raphael a déjà parfaitement compris ce qu'elle sous-entendait. "Si je ne me trompe pas, ils ne savent toujours pas que tu fais bien travailler ton petit cul ailleurs que dans leurs petites chambres des étages supérieurs ?" Elle trace une ligne sur sa poitrine de l'index et lui souffle à l'oreille: "...Et le gamin blondasse, dis-moi, tu lui fais ça à l'œil? Il baise si bien que ça? Tu dois t'ennuyer quand il part pour de longues semaines à l'étranger, sans personne pour te faire ces petits yeux de chiot laissé seul sous la pluie…"

Raphael baisse les yeux, raidit la mâchoire.

"Pourquoi es-tu ici ?"

Elle se relève avec un rire froid, se penche et lui met presque le nez dans le décolleté qui lui descend jusqu'au nombril, le tissu tenu ensemble ici et là par des broches de diamants. Elle lui tapote la joue avec condescendance.

"Voyons, mon tout beau, je m'inquiète du bien-être d'un client régulier !"

Elle laisse tomber entre ses jambes une liasse épaisse de billets d'une main, lui agrippe d'une poigne de fer le menton de l'autre et l'embrasse, force sa langue dans la bouche de Raphael. Elle lui pointe les billets en le relâchant.

"Il y a mon numéro de téléphone là-dedans, alors soit une obéissante petite salope et appelle-moi avant la fin de la semaine. Sinon, c'est possible que quelqu'un bavasse sur l'intéressante manière dont tu arrondis tes fins de mois."

***

Le rectangle de carton blanc, sauf pour sa série de chiffres noirs, il l'a tourné et retourné au moins cent fois, sans encore s'être décidé à passer le coup de téléphone. Raphael sait qu'il va se soumettre à l'ordre et c'est quelque chose qui lui répugne profondément.

Il compose lentement, raccroche deux fois avant de se décider à se débarrasser de la corvée.

Un coup, deux coups. Trois, puis quatre. Les coups s'étirent à cinq, à six.

Il fronce les sourcils, se demande à quoi Ivy joue, si elle ne le fait pas tout simplement tourner en rond pour s'amuser du fait qu'elle le tienne si facilement au creux de sa main. Il ne compte même plus les coups et est sur le point de raccrocher quand la sonnerie entamée coupe brusquement.

"Je suis surprise que tu aies été assez intelligent pour ne pas m'appeler sur ton portable", répond enfin une voix plus froide encore que la glace et il n'est pas surpris. "Tu as attendu jusqu'au bout du temps imparti, dis donc", continue-t-elle et son ton ne se réchauffe pas. "Quelques minutes de plus et-

- Qu'est-ce que tu veux de moi ?", la coupe-t-il.

Un silence suit sa question et il imagine très bien le sourire satisfait d'Ivy. Il resserre le poing sur le combiné et serre les dents à cette image.

"De toi ?", répète lentement Ivy. "Mais je ne veux absolument rien de toi !", elle rit, comme si c'était la chose la plus amusante qu'elle avait entendue dans toute sa vie. "Qu'est-ce que je pourrais bien vouloir d'un pathétique junkie comme toi ?"

Les jointures de Raphael blanchissent comme il resserre les doigts sur le combiné.

"...As-tu terminé ta petite vérification de ce que je fais de ma vie, est-ce que tout ça t'a bien amusée ? Est-ce que je peux retourner en paix à mes pathétiques affaires de junkie avec ta bénédiction, maintenant ?

- Du calme, Boucle d'or ! Nous commençons à peine les civilités, nous avons encore tout le temps voulu pour entrer dans le vif du sujet", elle soupire. "Ce que je veux...", elle fait une pause, attend sûrement qu'il la presse, voire la supplie de continuer, mais Raphael reste obstinément silencieux. "Ce que je veux", reprend Ivy d'une voix sèche et Raphael a un mince sourire en devinant qu'il l'a irritée en ne jouant pas son jeu, "c'est le cul de Schtauffen et tu vas me le livrer sur un plateau d'argent."

Raphael fronce les sourcils. Il veut l'envoyer se faire foutre, mais ce n'est pas la première chose qui tombe de ses lèvres:

"Non", répond-t-il, sans la moindre hésitation.

"...Non ?", répète Ivy. "On ne se comprend pas, tu crois que tu as le choix ?", siffle-t-elle et après une pause de rien, elle ajoute: "Et qu'est-ce que tu veux dire, par non, de toute façon ? Ne me dis pas que tu as craqué pour le petit Ziggy !"

L'idée semble l'amuser terriblement et elle a un petit rire sec. Raphael ferme les yeux.

"Tu crois vraiment que je peux regarder sans rien faire, pendant que tu ruines la vie de quelqu'un d'autre ?", lui demande Raphael.

"Bien sûr que si !", s'amuse Ivy.

"Tu n'as rien contre moi, je trouverai bien du travail ailleurs si tu me balances. Je refuse de-

- Raphael...", est-il coupé et le silence s'installe entre eux, crevé finalement par un soupir ennuyé d'Ivy. "Est-ce que tu crois que simplement parce que ta précieuse Amy n'est plus près de toi, elle est en sécurité ? Veux-tu que je te dise où elle vit et quelle école elle fréquente ? Peut-être préférerais-tu savoir quelle est sa marque de sous-vêtements favorite ?"

Raphael ouvre grand les yeux, a l'impression que de la glace liquide à remplacé son sang. Il fixe un moment le combiné, tenté de le fracasser contre la vitre de la cabine téléphonique en hurlant de rage.

"Ne la mêle pas à ça !", siffle-t-il et il ferme les yeux, se mord la langue pour se calmer. "Ne la mêle pas à ça. Tu as d'autres ressources pour proprement plier Siegfried en quatre et le mettre dans ta poche.

- Oh Raphael !", la voix d'Ivy est soudain trop douce, trop gentille et il devine le coup impitoyable qui va suivre. "Ce ne serait pas aussi amusant que de te voir trahir cette naïve confiance qu'il a dans une merde dans ton genre !

- …Qu'est-ce que tu veux que je fasse, alors ?", demande Raphael après un long silence, appuyant son front contre le verre sale de la cabine.

"Je veux son adresse.

- Tu veux me faire avaler que tu ne l'as pas déjà ?"

Un petit rire amusé.

"Tût tût, mon tout beau ! C'est moi qui décide des règles du jeu ! Je veux que ce soit toi qui me la donne.

- Et quoi d'autre ?

- Tous les détails croustillants ! Le plan de son appart, des infos juteuses sur son système d'alarme, le nom des portiers et leurs pointures de chaussures. Ce genre de chose, fait marcher ton imagination. Qu'est-ce que j'en ai à foutre, Raph ? Je vais demander des confirmations de tout ça à des vrais pros.

- Et si je te laisse m'emmerder, tu m'assures que tu vas la laisser tranquille ?

- Bien sûr ! Je suis bonne joueuse ! …Enfin, tant que tu es bon joueur, d'accord, mon cœur ?"

Raphael ne veut pas accepter, passe une main dans ses cheveux. Il pense à Amy, il pense à Siegfried et sa main se referme en poing serré, nerveux dans ses cheveux. Pourquoi doit-il choisir ?

"Je te demande si tu es d'accord !", siffle Ivy avec humeur. "Je n'attendrais pas ta réponse pendant toute l'éternité, j'ai d'autres imbéciles que toi à fouetter ce soir !"

Amy ou Siegfried. C'est le choix à faire. Il ne sait même pas pourquoi il hésite.

"Oui", répond-t-il finalement. "Je suis d'accord.

- Ça c'est un bon toutou ! Je vais être une gentillesse extraordinaire et t'envoyer un juteux petit os, pour te montrer combien j'apprécie ta collaboration."

Elle lui raccroche au nez et Raphael repose le combiné et sa tonalité criarde, un nœud dans le ventre. Amy ou Siegfried. C'est facile, facile, de choisir qui sacrifier.

***

Le paquet est jeté devant lui.

"Dis Sorel, tu sais que ton courrier privé, tu ne fais pas suivre ça ici ? Juste parce que tu es un des plus populaires, ça ne te donne pas de droits spéciaux !

- Quoi ? Je n'ai pas…", Raphael jette un coup d'œil à l'enveloppe, la soulève, l'examine et la retourne. "Comment tu sais que c'est pour moi ? Il n'y a rien d'écrit là-dessus.

- Le type qui l'a livrée a dit que c'était pour toi. Et grouille-toi de régler tes affaires privées, t'as un de tes réguliers dans dix minutes."

Raphael tourne et retourne l'enveloppe entre ses mains, sans se décider à l'ouvrir. Elle n'est pas particulièrement lourde, c'est une enveloppe à bulles parfaitement normale. Il la garde dans sa main droite, passe la gauche sur son visage.

"Merde", murmure-t-il d'une voix à peine audible avant de se décider.

Il déchire rapidement l'enveloppe, en tire une plus petite sur laquelle est collé un Post-it jaune criard portant la mention Best regards, Daddy-O! Raphael raidit la mâchoire et ouvre la seconde enveloppe avec des gestes nerveux. Il regarde rapidement les photos une première fois.

Amy.

Raphael regarde encore, lentement, chacun des clichés.

Amy qui quitte la maison de ses parents adoptifs. Amy avec sa nouvelle mère. Amy avec son nouveau père. Amy avec sa nouvelle mère et son nouveau père. Amy dans l'uniforme noir et violet de son école privée. Amy avec des copines. Amy qui fait les boutiques, des rubans dans les cheveux.

Amy, Amy, Amy.

Amy sans son sourire. Elle ne sourit sur aucune des photos et il manque quelque chose à son regard, une certaine lumière.

Raphael appuie les coudes sur ses genoux, serre les mains sur les photos et penche la tête. Son front touche la surface glacée du papier photo.

"Amy…"

***

"…Est-ce que ça va ?", demande Siegfried et il réalise qu'il ne l'écoute plus depuis un moment, il ne sait même plus depuis quand.

Raphael force un sourire à revenir sur ses lèvres, se glisse un peu plus vers lui.

"J'étais distrait", s'excuse-t-il.

"Je t'ennuie ?", réplique aussitôt Siegfried, gêné.

Il dépose sa bière sur la table basse et lui lance un regard ; Raphael fait tourner sur son genou le verre encore à moitié rempli d'Heineken.

"Non, je pensais…", il s'interrompt, baisse les yeux. "Ça n'a aucune importance", sourit-il.

"Tu peux… tu peux m'en parler. Si tu veux", hésite Siegfried.

Raphael baisse la tête et rit doucement, ignore les cheveux blonds qui lui tombent sur le visage et masquent sa vue. Si un client commence à faire mon boulot…, pense-t-il, dégoûté par sa propre attitude. Il relève la tête, pour la pencher vers l'autre homme. Trop près.

Près des lèvres de Siegfried, dans son regard vert.

"Tu veux monter ?", murmure Raphael.

"N- Non."

Les doigts de Raphael tracent une ligne sur le visage de Siegfried, suivent sa mâchoire.

"Si tu préfères…", sa voix est à peine audible, "si tu restes assez tard, je peux repartir avec toi…

- Quoi ?"

Raphael se recule et soulève la bière, boit ce qui lui reste d'un trait, place le verre vide sur la table à côté de celui de Siegfried et reste un instant immobile.

"Oublie ça", il passe lentement une main sur son visage et retrouve le sourire.

***

Siegfried revient deux fois cette semaine-là et Raphael ne lui refait pas la même proposition. Au début du mois suivant, c'est Siegfried qui la lui rappelle. Il évite nerveusement le regard de Raphael, regarde sa montre.

"Ça coûterait combien si… si tu venais chez moi ?", demande-t-il à voix basse.

Raphael vide son verre de vodka d'un trait.

"Qu'est-ce que tu veux dire, Siegfried ?", il dit son nom comme s'il le savoure mieux que l'alcool.

Il soulève et agite le verre, fait tinter les glaçons. Raphael le regarde à travers le verre, ferme un œil et penche la tête sur le côté.

"Est-ce que tu veux que je vienne chez toi ?", murmure-t-il quand l'autre homme de répond pas.

Raphael ne le regarde plus, regarde son verre. Il y met l'index et fait tourner lentement les glaçons. Il n'y a que ce bruit pendant un moment et la voix de Siegfried, finalement, brise le rythme froid.

"Oui", il y a enfin de l'assurance dans sa voix.

"…Et tu crois que ça va te coûter quelque chose ?"

Raphael lève les yeux et voit son expression surprise. Il abandonne le verre sur le bras du fauteuil, se rapproche de l'autre homme et pose ses lèvres sur les siennes une fraction de seconde.

***

Il fixe l'heure lumineuse du cadran, chaque chiffre bleu glacé lui annonce que le matin n'est plus très loin, mais pas encore là non plus. Raphael n'est pas arrivé à dormir, même en feignant pour éviter une conversation. La chaleur de l'autre homme contre lui est presque insupportable.

Trop brûlante, peut-être.

Brûlante comme un doute insidieux, comme un regret empoisonné.

Il ferme les yeux et pense à Amy.

Elle est en sécurité, se répète-t-il, sa seule prière. Il veut se convaincre de ça plus que tout. Il a besoin de cette certitude, il en a terriblement besoin, plus que de son prochain fix. Alors il continue de répéter la même phrase, en espérant qu'elle est vraie.

Deux zéros s'affichent derrière le cinq et il se décide enfin. Raphael repousse lentement le bras jeté sur lui, se dépêtre des draps et glisse hors du lit sans bruit. Il retrouve ses vêtements et s'habille en silence, hésite avant de se détourner.

"…Tu pars ?", demande la voix encore endormie de Siegfried avant qu'il atteigne la porte de la chambre.

Dans le miroir, il le voit se redresser, frotter son œil droit et Raphael s'arrête, ferme les yeux avant de croiser son regard.

"Est-ce que ça te surprend vraiment ?"

L'autre homme ne lui répond pas. Des bruits de mouvement se font entendre derrière Raphael et il attend, n'est pas surpris quand les bras de Siegfried se referme autour de lui et qu'il pose le front contre son épaule.

"Reste, s'il te plaît. Je pensais faire des crêpes, je peux te payer si tu veux-

- Je ne veux pas de ton argent !", l'interrompt Raphael sur un ton terriblement sec et il doit faire un effort pour se radoucir. "…Siegfried, j'ai- j'ai une faveur à te demander", murmure-t-il.
Les bras se resserrent autour de sa taille.

"Demande-moi ce que tu veux !"

Raphael rouvre les yeux et touche gentiment son bras.

"Ne dis pas ça sans savoir, ce que j'ai à te demander ne te plaira pas."

Siegfried rit contre lui, l'embrasse dans le cou.

"J'ai confiance, je te dis oui à l'avance, peu importe ce que tu demandes !

- Alors ne reviens pas au Flambert", laisse tomber Raphael. "N'y retourne pas et ne cherche plus à me voir."

Il y a une seconde de calme parfait, le temps que ses paroles coulent jusqu'au cœur de Siegfried. Les bras le relâchent et une main lui agrippe soudain l'épaule pour le forcer à se retourner. Pour le forcer à regarder dans les yeux verts pleins d'incompréhension de l'autre homme.

"Quoi ? Mais p- pourquoi ?? "

Raphael secoue la tête et lui sourit. Il essaie de rendre le sourire triste, mais peut-être ne parvint-il qu'à paraître mesquin.

"Tu as dit que tu dirais oui, peu importe ce que je demandais. …Est-ce que tu veux revenir sur ta parole ?"

***

"Raphael chéri, tu as la mémoire courte. Notre petit jeu n'a qu'une seule règle : c'est moi qui fixe la façon de jouer !", Ivy soupire. "Je voulais rester bonne joueuse, je t'assure, mais regarde à quoi tu me pousses !"

Raphael crache un filet de sang et s'essuie le menton du revers de la main gauche. Il lève les yeux et fixe Ivy d'un regard peu impressionné par sa petite démonstration de force, se redresse lentement. Il retient la grimace de douleur, mais sa main va quand même couvrir les côtes qui doivent certainement être fêlées.

"Je t'ai donné ce que tu voulais", lui dit-il avec un petit sourire suffisant. "Tu n'as jamais dit que j'aurais autre chose à faire."
Ivy secoue la tête et le pointe.

"Écoutez-le !", crie-t-elle aux deux hommes qui l'accompagne. "Non mais, écoutez ce con ! À croire qu'il pense qu'il peut choisir quand il finit la partie !"

Elle claque des doigts et il se prend un autre coup qui le force à reculer. Ceux qui suivent Ivy ne s'arrêtent pas là, finissent par le jeter à terre et continue de le battre. Ivy examine ses ongles, râle en voyant un accro dans le vernis.

"Hé oh, ça va !", arrête-t-elle finalement ses hommes. "De qui je vais m'amuser si vous le tuez, imbéciles ?", siffle-t-elle avec humeur en s'approchant de Raphael.

Elle lui enfonce légèrement le bout de son soulier dans le ventre, satisfaite de le sentir se crisper, même s'il ne gémit pas de douleur. Elle s'accroupit près de lui et lui tapote la tête, suit du doigt son front, va caresser sa joue sans que Raphael croise son regard.

"Mon pauvre chou, regarde dans quel état tu es ! Dis-moi", commence-t-elle, presque avec inquiétude, "tu veux que je te dépose à une clinique ? Ou peut-être préfères-tu", poursuit-elle, de nouveau glaciale, "que j'envoie quelques-unes de ces grosses méchantes brutes faire un visage pareil à ta précieuse petite princesse ?

- Va te faire foutre", marmonne Raphael.

"C'est ton boulot ça", sourit Ivy en se relevant.

Elle époussette ses vêtements, comme s'il s'y est accumulé une épaisseur de crasse en se tenant simplement près de Raphael et elle se détourne, se désintéressant complètement de lui. Ivy s'éloigne, ses sbires à sa suite.

"C'est mon jeu, tu ferais mieux de ne pas l'oublier."

(3 juillet 2008)

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Notes supplémentaires :
- La première version de chapitre était complétée à 80 %, quand j'ai réalisé que la direction prise était complètement inintéressante (ce qui n'était que la première lacune du truc). Résultat ? J'ai viré 90 % de ce qui avait été fait, pour ne conserver qu'une seule scène du premier jet (celle qui reprend, du point de vue la confrontation Nightmare/Raphael du chapitre 2 White lies, black souls).

- Le prénom du père de Raphael, Henri, a été trouvé par lai_choi_san. En lui cherchant assez vaguement un nom, j'ai réalisé que toute seule je ne trouvais rien. J'avais d'abord pensé utiliser un nom de peintre, pour conserver l'inspiration du nom de Raphael. Finalement, c'est lai_choi_san qui a plutôt suivi la piste du nom de famille, via Julien Sorel, héros du roman Le Rouge et le Noir de Stendhal dont le vrai nom était Henri Beyle.

genre : série, univers : edge (soulcalibur ua)

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