Traduction "Remise en Question" du fandom Skip Beat! - Chapitre 5

Sep 03, 2015 01:49

[Publié sur Fanfiction.net entre Octobre 2010 et Janvier 2013, original disponible à l'adresse suivante sur le site.]https://www.fanfiction.net/s/5912588/5/

Auteur : Mystic Rains
Traductrice : Hermi-kô
Premier jour : Senpai Ren
Ren pénétra dans Darumaya pour la toute première fois, laissant entrer les lueurs d'un matin pluvieux. Le restaurant était déserté, excepté par le chef, se préparant déjà pour le service de la matinée. Sa voix était brusque, accueillant son client sans lever les yeux du grill. Ren resta sur le pas de la porte, regardant nonchalamment autour de lui. Il avait plus de vingt minutes d'avance. Il avait encore eu du mal à dormir et s'était dit qu'il fallait mieux commencer tôt la journée.

Émergeant d'une porte latérale, une femme un brin rondouillette sourit tandis que résonnait la clochette de l'entrée. Ses yeux s'agrandirent quand elle remarqua l'invité et, de surprise, ses mains se portèrent à ses lèvres :

« Oh… vous êtes Ren Tsuruga ! »

Il lui offrit un petit mais authentique sourire. « Je suis passé chercher Mogami-san. »

« Oh, vous attendez Kyoko-chan ? » Elle paraissait ravie et un peu gênée. Elle épousseta le devant de son tablier. « Patientez un instant. Je vais aller voir si elle est prête. » Elle se retourna et repassa par la porte d'où elle était venue. Il pouvait l'entendre monter les escaliers, appelant l'adolescente avec de la nervosité dans la voix.

Ren tourna la tête, se sentant observé. En effet, le chef avait quitté des yeux son four et le regardait d'un air sérieux. Ren lui décrocha le sourire qu'il réservait habituellement aux nouveaux surexcités qu'il rencontrait pour la première fois. Le chef fit une moue dédaigneuse et retourna à ses grillades.

L'acteur en fut perturbé. Il avait impression de s'être fait descendre. Ren se creusa la cervelle pour trouver quelque chose à dire.

« Vous avez un… très joli restaurant, je vois. » Déclara Ren nerveusement. Le chef se contenta de grogner pour seule réponse.

« Ça ressemble au Mikata. Regardez-vous cette émission ? » Continua-t-il sans grande conviction. Il se morigéna. Habituellement Ren était celui qui évitait de faire la causette, pas celui qui la débutait. Pour quelque raison que ce soit, il voulait que ce cuisinier l'aime bien.

« Je n'approuve pas la télévision, » annonça le chef, parlant enfin clairement. Cela surpris le grand acteur. C'était une chose de ne pas aimer la télévision, mais de là à la désapprouver ? Ren se revit soudain tout jeune. Il n'avait pas rencontré énormément de Japonais conservateurs au cours de sa carrière. Pas même ses plus vieilles relations Japonaises n'étaient vieux-jeu.

« N'avez-vous jamais vu le jeu d'acteur de Mogami-san alors ? » Ren demanda, plutôt curieux. Le chef interrompit son geste, baissant les yeux sur son daikon à demi découpé.

« J'ai vu son travail à l'occasion. Elle est… une jeune personne très talentueuse. » Pour la première fois dans la conversation, ses lèvres se courbèrent en un bref sourire avant de retomber presque immédiatement. Ren savait que le chef appréciait énormément la jeune fille par cette soudaine expression. L'homme retourna d'ailleurs à sa cuisine.

« C'est une femme plutôt remarquable. » Concéda Ren, soulagé d'être revenu sur un sujet de conversation plus stable.

Étrangement, le chef continua de parler. Sa voix devenait plus ferme à mesure qu'il découpait en rondelles le légume populaire avec une infini rapidité et adresse.

« Elle ne se gave pas de cancans stupides ou d'histoires d'amour ! »

Ren déglutit fortement en silence. Il se demanda si ses intentions n'étaient pas écrites au beau milieu de sa figure. Qu'aurait dit cet homme s'il avait su que l'acteur comptait conquérir la douce et charitable Kyoko qui vivait sous leur toit depuis si longtemps ? Il la dissuaderait surement, même si Ren aurait été capable de la charmer. Ou peut-être que l'homme irait directement chez lui. Son habilité à tenir un couteau de chef semblait suffisamment peaufinée pour pouvoir couper à travers quelque chose d'aussi mou que le cou d'un soupirant.

Des bruits de pas se firent entendre dans l'escalier. Il accueillit la distraction avec un sourire.

« Tsuruga-san. Désolée de ne pas vous avoir attendu à l'extérieur. »

« Ce n'est rien, Mogami-san. Je suis bien en avance, après tout. »

Ses sourcils se haussèrent de surprise. L'ensemble qu'elle portait aujourd'hui était diamétralement opposé à celui de la veille : Tout, de ses bottes oxfordiennes à sa chemise à jabot et jusqu'à son pantalon habillé, était noir. Elle avait même verni ses ongles de cette couleur. Si ses cheveux avaient gardés la coloration de Mio, il l'aurait prise pour une sombre Lolita.

« Mogami-san… est-ce que tu te sens bien aujourd'hui ? »

« Bien sûr, Tsuruga-san. » Elle devait avoir une raison pour porter une telle tenue. « Je suis désolée de vous avoir retenu. »

Il se tourna vers ses bienfaiteurs et sourit : « Je la ramènerai en voiture ce soir, donc ne vous inquiétez pas. »

Ils saluèrent puis sortirent du restaurant côte à côte.

La patronne du Darumaya se tourna vers son mari avec un petit soupir romantique. « Tsuruga-san semble si gentil : venir chercher Kyoko-chan si tôt le matin pour l'emmener au travail. »

Son mari grogna pour montrer qu'il avait entendu, et retourna travailler sur ses radis. Il avait un minuscule sourire. C'était vraiment une fille exceptionnelle. Aucun acteur aussi talentueux soit-il ne la lui prendrait sans son approbation.

Ils dirent vraiment peu de choses sur le trajet. Il la regardait du coin de l'œil avec curiosité. Elle avait fermé les yeux et se balançait d'avant en arrière au rythme d'une musique inaudible. Arquant ses doigts de la main gauche, elle montait haut son coude. De la droite, elle étreignait l'air puis fit bouger sa main de droite et de gauche comme si elle jouait sur des cordes invisibles. Assez souvent il lui arrivait de fredonner un air, de s'en apercevoir et de s'en excuser alors.

Elle lui rappelait un membre de sankyoku (1) jouant du kokyu (2) pour un invité important. Il avait prévu de lui parler et d'arriver à ce qu'elle l'appelle par son prénom comme Yashiro le lui avait suggéré la veille au soir. Toutefois, à la voir ainsi, il préférait ne pas briser sa concentration. Elle était en train de se préparer telle une véritable actrice.

Il avait conduit jusqu'à Queen Studios et s'était garé avant d'oser lui dire quoi que ce soit.

« Mogami-san ? Mogami-san ? Mogami-san ? » Elle émergea finalement de sa rêverie. « En quoi consiste ton nouveau rôle ? » Demanda Ren, brisant finalement le silence.

Elle apposa un doigt à l'apport de ses lèvres, pensant à la formulation de sa réponse.

« La chanson est vraiment… obsédante. J'ai deux trois rôles. Je suis sensée faire une princesse prise au piège qui se lamente et joue du violoncelle. »

« Mogami-san, un violoncelle est plus gros que ça. » Il était passé en mode *senpai*. « Tu as l'air de jouer du kokyu. Tu dois plus écarter tes bras et tes jambes et faire comme si tu enserrais quelque chose d'un peu plus large. »

« Comme ça ? » Elle écarta ses bras, les plia légèrement et se pencha en avant. Il ne put s'empêcher de rire un peu. Par inadvertance elle mimait la posture d'un babouin.

« Tu ressembles un peu à un singe, penchant la tête et se grattant le ventre. » Elle lui renvoya un regard contrit. « Voilà… »

Ren se rapprocha d'elle afin de bien placer son corps. Il lui fit relever son coude et mania ses doigts jusqu'à ce qu'elle tienne correctement un archet imaginaire. Plaçant ses mains par-dessus les siennes, il guida son poignet le long de fils invisibles, lentement au début, puis de plus en plus vite.

Il remarqua la proximité de leurs visages. Ses yeux à elle étaient toujours dirigés vers le bas, observant afin de garder ses doigts dans le bon angle. Il pouvait voir ses cils ainsi qu'un fragment de son iris doré entre eux. Son souffle à elle était calme et il se demanda ce qu'il devait faire. Cependant, avant qu'il n'ait pu se lancer, Kyoko releva les yeux. Elle écarta sa tête aussitôt et se tourna sur le côté.

« Ts…ts…Tsuruga-san ! Je m'excuse ! »

Il se retira doucement avant de l'effrayer encore plus. Il lui fit son faux sourire.

« C'était plutôt bon, mais tu y arriveras bien mieux lorsque tu en tiendras un pour de vrai. »

« H…hai ! Merci ! »

Elle claqua la portière et courut vers l'entrée. Il soupira. Senpai Ren n'arrivera pas à la conquérir.

« Elle est trop mignonne ! »

« Ouais ! Comme une poupée Victorienne ! Je veux la ramener à la maison ! »

Un gars s'approcha d'eux. « Je serai pas contre la ramener chez moi non plus ! »

Une grande partie de l'équipe était regroupée autour du plateau, regardant la scène avec grand intérêt. Yashiro et Ren arrivèrent sur le studio en cherchant la jeune actrice. Son manager l'avait sermonné toute la journée pour ce qui s'était passé le matin même. Ce dernier jura de ne plus jamais dire la vérité à ce sujet.

« Excusez-moi, » interpella Yashiro, « avez-vous vu Kyoko Mogami ? C'est une actrice d'environ cette taille, avec des yeux dorés et qui agit parfois comme si elle était possédée. »

L'interpellé hocha la tête immédiatement et désigna le centre de la foule amassée autour de la scène.

Ren eut un regard inquiet. Il pouvait voir le siège du directeur à travers la foule. « Y a-t-il un problème ? » Demanda-t-il.

« Non non, je pense que le directeur est juste en train de la tester. Cette fille, elle s'est entrainée au violoncelle pendant les pauses toute la journée. Elle était horrible en arrivant, mais maintenant elle fait glisser l'archet sur les cordes comme si elle en avait joué toute sa vie. »

La voix du directeur résonna soudain, prenant les hommes par surprise.

« Mogami, encore ! Tu as l'air jolie et triste, mais je veux que ta beauté et ta tristesse transparaissent dans ta musique. Je veux que tu sois la coquille que le son utilise pour s'échapper ! »

En se débrouillant bien, il réussit à l'avoir dans son champ de vision. Le plateau était peu décoré : il y avait plusieurs fausses fenêtres avec des gouttelettes d'eau et des éclairs prêts à tomber. Ça aurait pu ressembler à une tempête sérieuse s'il y avait eu le bruit du tonnerre. Les parois étaient fripées et beiges, éclairées par deux appliques en étai. Le sol était recouvert de livres déchirés. Et c'était au beau milieu qu'on l'avait assise.

La robe Victorienne d'un blanc pur et les gants lacés semblaient très détaillés, même à une distance pareille. Le tissu immaculé était mis en valeur par la perruque auburn bouclée, assortie à la teinte du violoncelle entre ses jambes cachées. Ces deux objets étaient les seules taches de couleur sur tout le plateau. C'était une tenue décente à froufrous, qui aurait très bien pu venir de ses délires féériques. Ren pouvait voir pourquoi elle lui avait dit jouer une princesse. Cependant elle ne semblait pas apprécier cela : Ses yeux étaient tout aussi noirs que les siens tandis qu'elle levait son archet et se mettait une fois encore en position sans faire de commentaires.

« Action ! »

[3] Elle guida doucement l'archet sur la corde : sa première note mit le ton pour toute la phrasée musicale. Un souffle collectif fut retenu. Bien que son corps bougeât, elle ressemblait à une poupée contrôlée par les fils de son marionnettiste. Son regard était blasé et vide tandis qu'elle secouait sa tête de droite et de gauche. Le violoncelle jouait comme si l'instrument suppliait pour être libéré.

Ses mains devinrent floues sur l'instrument de musique alors que le solo continuait. Ses doigts se mirent frénétiquement à monter et à descendre sur le manche, faisant résonner une mélodie fantomatique qui alla en accélérant. Les notes ressemblaient à des cris désespérés le violoncelle se trémoussait sur sa pique avec son corps à elle. Les notes montèrent de plus en plus, atteignant le final avant qu'elle n'écarte son archet.

« Ok ! Caméras, on a besoin de vous pour un plan rapproché cette fois. Soyez sûr de capter l'instant avec ses mains. »

Le morceau n'avait pas dû durer plus de vingt secondes, mais la scène l'avait laissé sans voix. Yashiro lui donna un petit coup dans les côtes :

« Ce n'est pas le moment d'être captivé. Vous ne pouvez plus juste l'admirer. Vous devez bouger désormais. »

Ça n'avait pas été un premier jour très productif.

Note de l'auteur :

« (1) Sankyoku est un type d'orchestre traditionnel japonais composé de trois instrumentistes. »

« (2) Le kokyu est un instrument à cordes traditionnel japonais dont on joue avec un archet. »

[3] Si vous êtes curieux à propos de la partition que Kyoko est sensée jouer au violoncelle, je vous prie de vous référer à Still Doll de Kanon Wakeshima. Le moment instrumental est tout au milieu, vers les 1 minutes 25. Ce n'était pas le premier clip qui m'était venu à l'esprit, mais l'idée m'a frappé lorsque je l'ai ajouté à ma playlist. J'aimerais que Kyoko traficote dans le monde de la musique.

Note de la traductrice : La première phrase du chapitre 1 est : "L'air de la salle crépita." Navrée pour le beug rencontré. Bonne lecture !

ff, ms, 10/10-01/13, translation, skibi

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