Titre : Ulcère et belles dentelles
Bêta :
papy_1412Rating : R (par sécurité)
Thème : crossdressing (i.e. un homme qui porte de la lingerie féminine dans le cas présent)
NDA : écrit pour le défi "La première fois que" organisé par
kumfu.
Le titre est inspiré du célèbre Arsenic et vieilles dentelles, mais l'histoire n'a absolument rien à voir, c'est juste parce que je me le traîne dans la tête depuis des jours...
La première fois qu'il avait envisagé qu'Alex ait un intérêt autre que professionnel concernant la lingerie féminine, Lionel avait balayé l'idée d'un sourire amusé. Certes son amant passait davantage de temps sur les compositions de ces pages de catalogues que sur d'autres, mais peut-être était-ce que le sujet l'inspirait moins. En tant qu'infographiste indépendant, Alex était contacté pour différents travaux, de la création d'un site intranet à la conception de catalogues, et il disait souvent que le plus compliqué était de respecter le cahier des charges tout en obtenant un résultat alléchant pour le consommateur. Lionel en avait donc conclu qu'en homme gay, Alex prêtait deux fois plus d'attention à ce genre de réalisation parce qu'il était bien plus en proie au doute sur un domaine qu'il ne connaissait qu'en théorie.
La seconde fois que Lionel avait eu un doute, ils regardaient une émission de reportages au thème évocateur, les dessous de la mode. Son amant avait été agité durant un passage sur un défilé de lingerie ; Lionel avait cru à une simple impatience avant de le voir se lever brusquement puis annoncer qu'il allait se coucher. Encore aujourd'hui, il ne pourrait pas en jurer, mais il était convaincu d'avoir deviné une érection sous son pyjama. Dix ans plus tôt, il aurait sûrement poursuivi Alex jusque dans la chambre pour en avoir le cœur net et en profiter, mais l'expérience lui avait appris la réserve et il n’était pas certain de vouloir une réponse à ses questions. Aussi était-il resté sur leur canapé à tenter de trouver une explication logique à cette réaction.
La troisième fois n'avait plus laissé la place aux peut-être, mais plutôt à savoir qui était concerné par ce fantasme. Était-ce Alex qui souhaitait se travestir ou voulait-il voir Lionel dans ces tenues ? Ce dernier procédait au classement annuel de leurs photos sur un disque dur quand il avait ouvert un fichier nommé "Divers Alex", sans se douter qu'il tomberait sur une série de clichés d'hommes en lingerie féminine. Inquiet de la réaction de son amant - et s'il pensait que l'incident était volontaire ? -, Lionel n'avait pas osé aborder le sujet.
Alors, il avait entrepris de réaliser ce fantasme. Lionel n'avait pas pu avoir de lingerie adaptée aux hommes : leur ville n'avait pas de boutique proposant ce genre d'articles et les commander en ligne était hors de question. Puisqu'Alex travaillait de la maison, il aurait sans doute été celui qui réceptionnerait le colis ; et si Lionel savait que son compagnon n'aurait jamais ouvert le paquet, il n'était pas sûr, quant à lui, d'avoir pu garder le secret. Il avait donc mis au placard ses hésitations pour trouver son bonheur dans un magasin de prêt-à-porter. D'abord, il avait pris soin de s'y rendre pendant sa pause-déjeuner en sachant que le personnel était moins nombreux à ce moment-là, afin d'éviter de devoir présenter ses articles à une vendeuse à l'entrée des cabines d'essayage. Trouver quelque chose de sexy qui lui allait avait été le véritable défi. A trente-huit ans, il se trouvait encore en forme - si l'on exceptait les petites poignées d'amour qui empâtait sa taille depuis deux années et dont il ne parvenait pas à se délester -, pourtant Lionel avait dû se résoudre à faire sa sélection parmi les plus grandes tailles. Après un premier essayage, il avait d'emblée éliminé les guêpières : même si c'était un élément récurrent sur les photos qu'il avait fait défiler, celles-ci n'étaient vraiment pas adaptées aux hommes et à leur absence de poitrine.
Lionel avait fini par se décider pour un ensemble de nuit en satin, composé d'un caraco et d'une simple culotte qu'il avait pris une taille au-dessus, en espérant être assez à l’aise. Dans un premier temps, il avait opté pour une tenue blanche, mais en avait finalement acheté une rose. En effet, quitte à se lancer, il voulait être le plus affriolant possible et, les pommettes en feu, avait complété le tout d'un porte-jarretelles en dentelle rouge et de bas noirs. L'ensemble rose lui paraissait donc plus approprié - s’il osait mettre un jour son plan en action.
Un mois plus tard, Lionel s'était lancé.
Et voilà comment il en était arrivé là. Planqué dans les toilettes d'un restaurant à tenter de retrouver un peu de contenance, hésitant à ôter ces sous-vêtements et à les abandonner ici-même. L'estomac noué par la nervosité depuis le début du repas, il n'avait pas eu à forcer le trait pour s'excuser quelques minutes parce qu'il ne se sentait pas bien. Si le stress au travail ne lui déclenchait pas l’ulcère promis par son médecin, cette soirée pourrait y remédier. De plus, le serveur n'allait plus tarder à amener leurs desserts et, si Alex n'avait pas encore perçu son attitude étrange, Lionel serait démasqué car il serait incapable d'avaler une bouchée de la forêt noire qu'il aimait tant. Il avait été stupide de penser pouvoir passer une soirée à l’extérieur ainsi sans en être embarrassé. Tout le chemin, tandis qu’Alex conduisait, il avait serré les dents, priant pour qu’ils n’aient pas d’accident ; il n’aurait certainement pas survécu à l’humiliation si les secours avaient découvert ce qu’il portait sous son jean et sa chemise.
Une fois de plus, Lionel se fustigea d’avoir agi sur une impulsion. En sortant de la douche pour se préparer, il avait juste repensé au paquet soigneusement caché dans son armoire, derrière un tas de linge qu’ils n’utilisaient plus que pour de rares occasions. Dans son élan, il avait abandonné son boxer et ses chaussettes pour enfiler ces sous-vêtements plus sexy. Ensuite, il avait passé un long moment devant le miroir, à apprécier la différence de texture sous son jean, le frottement moins rugueux contre ses cuisses, l’élastique de la culotte qui mordait ses aines - il était moins à l’aise qu’il ne l’avait espéré. En s’observant une fois habillé, Lionel s’était demandé si quelqu’un pourrait deviner ce que camouflaient ses vêtements. La pensée avait failli le pousser à remiser la lingerie dans sa cachette, mais Alex l’avait appelé d’un ton pressant : ils allaient perdre leur réservation au restaurant s’ils ne partaient pas dans l’instant.
La porte des sanitaires grinça et un « Lionel ? » inquiet résonna. Il se tassa dans la cabine individuelle, tentant de rassembler son courage pour affronter Alex. Lionel regrettait plus que jamais de ne pas avoir gardé cette expérience pour chez eux, à l’abri dans leur intimité. Au moins, si son compagnon devait être furieux que Lionel ait fouiné dans ses affaires, il aurait pu le laisser claquer la porte et aller bouder. En tout cas, il n’aurait pas été mortifié à l’idée de devoir se justifier en public. Et, dans l’éventualité où Alex le trouverait ridicule, Lionel aurait pu ravaler sa fierté pour le laisser rire, quitte à ce que cela devienne un sujet de taquinerie quand il serait moins sensible. Mais non, il avait fallu que Lionel choisisse de se travestir ce soir. Quand il posa la main sur le verrou pour quitter son refuge et rassurer son amant, il savait qu’il allait tout lui avouer.
Lorsqu’il ouvrit la porte, Lionel se retrouva nez-à-nez avec son compagnon et, avant même de le laisser lui poser la moindre question, il souleva sa chemise et entrouvrit son jean, faisant apparaître un aperçu de satin rose et de dentelle rouge. Sous les yeux stupéfaits d’Alex, il se rhabilla en hâte et profita de son choc ébahi pour justifier son comportement. Son discours sortit sans vraiment avoir de sens. Lionel parla des photos, expliqua qu’il n’avait pas cherché à être indiscret, qu’ils pouvaient se parler de tout, qu’il ne jugerait pas les fantasmes d’Alex, quand bien même il ne pourrait pas l’aider à tous les assouvir, qu’il avait pensé lui faire plaisir, mais qu’il était effrayé de sa réaction… Il aurait pu poursuivre encore longtemps s’il n’avait pas relevé la tête et découvert le regard dur de son amant. Soudain, le silence était préférable, aucun argument ne semblait plus pouvoir faire le poids ; le visage fermé, Alex avait l’air furieux. Seulement Lionel ignorait où résidait le problème et comment désamorcer la situation. Si au moins, il avait réussi à rester calme et exposer les faits un par un, il aurait su à quel moment son compagnon avait craqué.
Alex dut le prendre en pitié puisqu’il ferma les yeux et soupira avant de lui demander de revenir à table ; ils régleraient ça de retour chez eux. Le silence sur la fin du repas fut pesant et, même si Lionel gardait la tête baissée honteusement, il sentait sur lui le regard perçant de son amant. Quand ce dernier régla l’addition, l’attente parut interminable. Et lorsque Lionel prit son courage à deux mains et tenta d’en glisser une dans celle d’Alex, celui-ci s’écarta brusquement, comme brûlé par le contact. Penaud, Lionel essaya de se remémorer une fois où il avait vexé à ce point son amant - en quinze ans, il avait bien eu le temps de faire pire -, mais n’en trouva pas. Par conséquent, il n’avait pas la moindre idée par où commencer pour se faire pardonner. Ne rien dire et attendre la suite lui semblait une bonne défense dans l’immédiat.
Arrivés chez eux, Lionel attendit que la porte soit verrouillée, se préparant à la dispute monumentale à venir. Cependant, Alex resta face à la porte, comme s’il refusait même sa présence. Face à ce mur, Lionel s’avoua vaincu ; leur conversation était remise à plus tard. Un peu lâchement, et même si cela signifiait une mauvaise nuit à passer, il devait reconnaître qu’il était soulagé. Peut-être que demain matin, ils pourraient en rire. Alors qu’il se tournait pour monter les escaliers, Alex lui attrapa le poignet et, ignorant ses protestations, fit sauter les boutons de sa chemise pour en écarter les pans. Ses joues s’enflammèrent quand le regard de son compagnon se posa sur le tissu du caraco tendu sur ses pectoraux et la dentelle du porte-jarretelles - qu’il avait placé un peu haut sur sa taille pour camoufler ses poignées d’amour. Puis il sentit des mains tremblantes tracer le contour du décolleté puis des bretelles et ce ne fut plus la gêne qui lui donna chaud.
Soudain, Lionel réalisa que la froideur d’Alex n’était pas de la colère mais de la retenue. Qu’ils n’arriveraient pas au lit et que sa lingerie si péniblement acquise avait peu de chances de survivre à la soirée. Tout cela lui était égal. Il se sentait bien plus léger et plutôt fier de pouvoir encore obtenir une telle réaction de son amant. Alex entreprit de lui ôter son jean, tout en bredouillant comme lui un peu plus tôt au restaurant. Des propos sur une surprise agréable, qu’il n’en avait pas cru ses yeux, que Lionel l’avait échappé belle dans les toilettes, qu’il était magnifique en rose… Lionel savait qu’il regretterait de ne pas s’en souvenir, mais il ne parvenait pas à prêter attention aux mots : il pouvait lire le désir dans les yeux de son compagnon et cela suffisait à nourrir sa propre excitation. Il se pencha sur l’homme à genoux devant lui et l’embrassa sans retenue. Alex remonta les mains le long de ses bas, provoquant des sensations nouvelles, puis l’attira au sol avec lui, lui répétant combien il était désolé mais qu’il allait déchirer cette culotte. Lionel répondit dans un sourire de ne pas s’en faire, qu’ils rachèteraient de la lingerie ensemble.
Pour la prochaine fois.