2e challenge ABC - T comme Twain

Jul 18, 2016 20:52


Mark Twain - N°44, le mystérieux étranger (1910 / Tristram, 2011)
(280 pages, soit 75 x 2 = 150 km de plus pour le challenge Tour du Monde. Pays : Autriche. Total : 6250 km, 24 823 pages et toujours 17 pays pour 65 livres.
9e titre pour le challenge XIXe siècle 2016)

1490. Alors que l'Eglise règne toujours sur l'Europe, poigne irrésistible vêtue tour à tour de fer et de velours, un petit groupe d'imprimeurs s'est installé dans un très vieux château, à l'écart d'un village perdu au fin fond de l'Autriche. Il y a là le maître, sage érudit  un brin dépassé par son entourage, son épouse au caractère trop bien trempé, quelques parentes et domestiques, le prote et les employés de la presse, tempéraments plus ou moins acariâtres, et enfin un magicien très respecté, planqué là pour échapper aux foudres des évêques.
Un jour, un adolescent arrive, beau comme un ange, guenilleux, affamé, gentil garçon qui se met de bon coeur au travail, étrange pourtant. Sa force est impressionnante, son énergie intarissable, ses connaissances bien plus étendues qu'on aurait pu l'imaginer, son nom totalement improbable : N°44. Bien que protégé par le maître et sa servante, il est immédiatement pris en grippe par l'ensemble des ouvriers, alors que le narrateur, sensiblement de son âge, s'en fait timidement un ami. Provocatrice, révélatrice, la présence du garçon ne va pas tarder à bouleverser la machinerie à peu près bien huilée de cette petite société où rien, désormais, ne sera plus comme avant.

A sa mort en 1910, Mark Twain laisse plusieurs textes inachevés derrière lui. Deux convergent vers le troisième, dont ils sont en quelque sorte les brouillons, mais tous seront plus ou moins publiés, mélangés, expurgés. censurés, adaptés. Ce n'est qu'en 1969 que les Presses Universitaires de Californie éditent enfin N°44, tel que Twain l'avait au bout du compte conçu. Cette édition Tristram en est la traduction française - à ne pas confondre avec L'étranger mystérieux publié en 2012 par Albin Michel jeunesse, qui ressemble plutôt à une des éditions mélangées antérieures.
Derrière cette histoire un brin confuse est un texte fort étrange, déroutant tant par la forme que par le fond. L'étrangeté y naît petit à petit, d'un début somme toutes assez classique où vient s'introduire un élément intrigant. Mais loin de lever le voile sur le mystère, la suite ne fait que l'épaissir, bousculant tous les codes, tous les repères - spatio-temporels, romanesques, moraux, intellectuels, logiques... Lecteur et narrateur finissent par se retrouver plongés dans un maelström vertigineux, non dénué d'humour et follement fantasque, qui manque un peu de cohérence pense-t-on un moment, mais dont l'éparpillement finit par trouver sa justification, à la toute fin. Libératrice et foudroyante.
Si l'ensemble de l'histoire m'a plu sans totalement m'enthousiasmer, l'audace de l'ensemble est séduisante et j'apprécie particulièrement ce final, dont le nihilisme délicieux offre des ailes splendides à l'imagination.

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