La Maison sur le Rivage - Daphné du Maurier
La Maison sur le Rivage (The House on the Strand) - Daphné du Maurier (1969)
(440 pages, soit 75 km de plus pour le challenge Tour du Monde. Pays : Angleterre. Total : 2350 km et toujours 12 pays pour 29 livres)
Imaginez une drogue capable d'emporter votre esprit 600 ans en arrière, exactement au lieu où vous vous trouvez, dans un passé plus sombre, plus dramatique et bien plus ensorcelant que ce présent banal auquel le quotidien s'accroche. Un passé auquel vous assisterez en spectateur, intangible, impuissant, fasciné, comme à une pièce de théâtre entraînant toute votre âme hors de votre corps. Ne serait-ce pas délicieux ? Un peu trop peut-être, et vite dangereusement addictif...
Au début, Dick n'était d'ailleurs pas très chaud pour tester cette extraordinaire invention de son vieil ami Marcus, scientifique aussi brillant que fantaisiste, mais enfin, quand on vous prête une superbe maison sur les rivages de Cornouailles, on peut bien rendre un petit service en échange. Et le voilà parti vers des aventures d'un autre temps plein de seigneurs cupides, de moines inquiétants, où un étrange cavalier le guide vers une belle dame dont il faudra à tout prix connaitre le destin. Autant dire que l'arrivée imminente de son épouse américaine et de ses deux rejetons, à qui il ne peut définitivement pas expliquer ses voyages, va vite devenir une perspective aussi contrariante qu'ingérable... C'est bien connu : plus on le fuit, plus le réel se montre insupportable.
Un peu long peut-être à démarrer, La Maison sur le rivage noue peu à peu un scénario addictif sur une ambiance de plus en plus captivante. La campagne anglaise n'est jamais si belle que lorsque le passé s'esquisse en surimpression sous les herbes de ses champs, dans les méandres de ses rivières et les pierres de ses maisons. Et le passé n'est jamais si beau que lorsqu'on le revit depuis le présent, échappatoire précieuse, fantasme lointain et pourtant si familier. Tout cela va mal tourner, hélas, on le sent vite, mais jusqu'à quel point et comment ? Le suspense monte doucement, par petites touches, et si le début ne m'a pas immédiatement accrochée, la deuxième moitié du livre est assez difficile à lâcher !
C'est au final un très beau roman sur la tentation de l'ailleurs, ses séductions et ses dangers - un thème qui m'est cher et que Daphné du Maurier traite avec autant de finesse que de puissance.