Les Ombres (Shade) - Neil Jordan (2005, Editions de l'Olivier, 2006)
(366 pages, soit 75 km de plus pour le challenge Tour du Monde. Soit 1125 km et 7 pays pour 14 livres)
Nina vient de mourir. Une main rude mais longtemps fidèle, de toutes la plus fidèlement amie, d'un coup de sécateur maladroit vient d'ouvrir un large croissant rouge dans le creux de sa gorge. De traîner son corps où nul ne le retrouvera jamais.
Nina est morte, mais son ombre perdure parmi les ombres de la grande maison grise au-dessus de la Boyne. Son regard suit les flots de la rivière dont les algues sont les chevelures d'autres femmes mortes depuis bien longtemps. Epie ceux qui vont venir pour tenter de comprendre, ou pour se souvenir.
Sa voix nous conte l'histoire qui fut la sienne. L'histoire d'une petite fille solitaire dans une trop grande demeure où rodait un fantôme, une ombre parmi les ombres. L'histoire de trois amis inséparables sur une balançoire au-dessus de la Boyne, d'un demi-frère rencontré trop tard, le demi, l'autre moitié de soi dont on ignorait l'existence. L'histoire de l'enfance disparue, des désirs qui s'éveillent en méandres complexes, des pertes irrémédiables, des fuites éperdues, des guerres qui déchirent, des retrouvailles qui enchaînent.
Une histoire terriblement triste et terriblement belle, à l'image de ce roman sensible, poétique, étrange, sensuel, cruel, fascinant, où les temps et les identités brouillent leurs frontières pour mieux dire ce mystère désolant et pourtant si intime que peut devenir le passé lorsque transformé, comme étranger à soi-même, on se penche sur ses reflets.
Le cinéma, et tout particulièrement le délicieux
Breakfast on Pluto, m'a poussé à m'intéresser de plus près à Neil Jordan, qui se révèle aussi talentueux romancier que réalisateur. Les Ombres est son quatrième roman, m'apprend-on sur la quatrième de couv. Merveilleux : il m'en reste au moins trois autres (quatre en réalité) à découvrir !