Challenge ABC : U comme Uhlman

Jul 17, 2015 16:55





Fred Uhlman - L'ami retrouvé (1971 / Gallimard, 1978) / La Lettre de Conrad et Pas de résurrection s'il-vous plaît (1985 / Stock, 1986 - 2000)

1932. Deux garçons solitaires se rencontrent dans un lyscée de Stuttgart. L'un est le fils d'un médecin juif, l'autre, le dernier rejeton d'une famille d'antique noblesse aux sympathies nazies de plus en plus marquées. Leurs caractères, leurs goûts, leur amour de la poésie et de la beauté les rapprochent autant que leurs milieux sociaux les séparent. En moins d'un an, une amitié profonde se crée - de ces amitiés qui marquent à jamais la vie d'un homme -, avant de se voir irrémédiablement brisée par la marche de l'Histoire.

Dans l'Ami retrouvé, c'est Simon qui raconte - les souvenirs délicieux liés à ce temps-là, les souvenirs d'une enfance, d'une innocence à jamais perdue, puis l'effondrement trop brutal, la trahison, l'exil. Du nazisme et de la guerre, il ignore le plus spectaculaire pour ne retenir que le quotidien de douceur et d'aveuglement qui a précédé l'arrivée au pouvoir d'Hitler, et les blessures intimes, jamais refermées, que le nazisme a infligé à ceux qui y ont survécu.

La Lettre de Conrad offre un miroir fidèle à la même histoire, évoquée du point de vue de l'autre. Avec sensibilité et intelligence, l'auteur y évoque les conflits entre le conditionnement familial et les élans du coeur et de l'intelligence, les difficultés à résister à son milieu, la naïveté qui préside à l'embrigadement d'une âme pourtant généreuse.

Deux petits romans, très simples en apparence mais puissants et tout en finesse, particulièrement intéressants à lire à la suite l'un de l'autre.

Pas de résurrection s'il-vous plaît est une autre histoire, avec d'autres personnages, mais on y retrouve des thèmes semblables, de nombreux parallèles. Un juif allemand, exilé avant la guerre aux Etats-Unis, revient vingt ans plus tard dans sa ville natale, à Stuttgart. Une escale au milieu d'un voyage, rien de plus, repoussée trop longtemps et accomplie presque malgré soi, mais qui suffira à mesurer combien restent profondes et douloureuses les blessures ouvertes par la guerre. D'un côté, la douleur du pays à jamais perdu, la méfiance irrémédiable à l'égard de ceux qui, peut-être, autrefois, ont fait partie des bourreaux, ou ont contribué plus ou moins passivement à leur oeuvre de destruction. De l'autre, tout aussi irrémédiables, la honte de ceux qui n'ont rien fait, la culpabilité de ceux qui se sont laissés entrainer par devoir, incompréhension, aveuglement, la colère de plus ou moins mauvaise foi de ceux qui entendaient juste défendre leur patrie et n'ont pas renoncé à certains des idéaux pour lesquels ils se sont battus. Des deux côtés, le souvenir cuisant des morts, trop nombreux, pour ce bilan glacial :
Tout le monde était coupable et tout le monde était victime.
Le poison avait fait son oeuvre.
Implacable malgré l'espoir d'un dernier refuge dans l'art, qui fut aussi celui de l'auteur.

lecture : fiction historique, bouquins, challenge abc

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