On a sauvé le monde - Dominique Fernandez (Grasset, 2014)
Alors que l'Italie fasciste déploie ses slogans, ses grands idéaux de vertu mâle triomphante, un jeune étranger venu à Rome pour étudier Poussin se débat comme il peut entre son homosexualité et sa peur d'être condamné comme tel, entre une nécessaire fiancée inaccessible et une insupportable polonaise trop entreprenante. Jusqu'au jour où il rencontre Igor. Sous l'influence de ce jeune russe blanc, il va descendre des hauteurs éthérées de l'art pour l'art et se mêler de préoccupations politiques. Par amour pour lui, pour l'espoir d'un régime d'égalité, d'un pays où l'amour qui n'ose pas dire son nom serait enfin légalement accepté, il va devenir espion pour la toute jeune URSS.
A Moscou, évidemment, la désillusion sera à la hauteur de leurs espérances - et ô combien cruelle.
Une certaine déception, pour ce dernier roman d'un auteur que j'aime tant. Un roman porté par un certain suspense, très intéressant sur le fond mais trop démonstratif à mon goût dans la forme, au point de perdre une bonne partie de son poids et de tomber parfois dans la maladresse. Ecrit trop vite, en y mettant trop de soi et sans prendre assez de recul ? C'est l'impression que donne la lecture, en tout cas - un défaut plus compréhensible chez un jeune écrivain un peu dépassé par l'ampleur de son sujet que par un auteur confirmé qui avait habitué ses lecteurs à plus de subtilité.
Ajoutons à cela que le narrateur m'a un brin agacée, peut-être moins en raison de son caractère même qu'à cause du point de vue adopté. Le je est souvent bien moins valorisant que le il, et Romano aurait sans doute pris plus d'ampleur, ou même été plus attachant, vu par un regard extérieur. Sa grande histoire d'amour, pourtant belle en soi, ne m'a du coup guère touchée - du moins jusqu'à la toute fin qui sait être, pour le coup, réellement émouvante.
Reste que ce roman soulève des thèmes passionnants, tout particulièrement ceux touchant aux rapports entre l'art et l'engagement politique, et les développe, sur le fond, avec une appréciable subtilité. Dominique Fernandez offre un regard finalement assez captivant sur l'Italie fasciste et la Russie soviétique, sur les idéaux qui sous-tendent les dictatures et savent rendre leurs discours si attrayants aux esprits ingénus.
S'il n'est certainement pas le meilleur livre de l'auteur, il reste une lecture intéressante et agréable.