[FIC DW/TW] - ERRATUM + LES ERRANTS (7/9)

May 17, 2010 23:47

ERRATUM
A cause de problèmes expérimentés précédemment, un chapitre de "Les Errants" a oublié d'être posté, le chapitre 4 pour ceux qui ont lu ou qui s'intéressent encore un peu à la fic entière. Le problème est réglé et je poste les deux derniers chapitres pour me faire pardonner.

Merci de votre compréhension et bonne lecture.



Les Errants
Genre : UA(prend un tournant différent de la série TW Saison 1), angst, fluff, aventure, slash.
Fandom : Torchwood (principalement, pourra éventuellement nécessiter par la suite une connaissance de Doctor Who jusqu'à la saison 3 mais n'est pas indispensable)
Date : Décembre 2007/Avril 2008 (Ce post étant sa première publication)
Censure : PG-13 pour ce chapitre
Mots : 4 427 mots pour ce chapitre
Personnages : Ianto Jones & l'équipe de Torchwood + guest stars

Résumé : A son retour au Hub, le Capitaine Jack Harkness ne s'attendait pas à un tel accueil. L'aventure ne fait que commencer pour les membres de Torchwood 3.

Disclaimers : Torchwood et Doctor Who sont les exclusives propriétés de leurs auteurs, Russell T. Davies et de la BBC.

NOTE : Cette histoire se place après la saison 1 de Torchwood et la saison 3 de Doctor Who. Oubliez les saisons 2/3 de Torchwood et 4+specials de Doctor Who.

« Le temps est l’image mobile de l’éternité immobile. […] En vertu de ce raisonnement et cette intention divine concernant la naissance du temps, le Soleil, la Lune et les cinq autres astres, ceux qu’on appelle Errants, sont nés pour définir les nombres du temps et en assurer la conservation. » Platon, Timée.

Chapitre 6 : Éclaireurs.

***
Ianto en aurait maudit le Vortex s’il avait pu. D’après Bob, les Errants ne pouvaient pas tomber malade, et il en était soulagé, vu les chocs thermiques que lui faisaient subir ses bonds temporels. Il resserra ses bras autour de lui. Il ne pensait pas que la chaleur de Tombstone pourrait lui manquer, mais, face à l’humidité et à la fraîcheur de l’air ambiant, il devait bien admettre que trouver un juste milieu la prochaine fois serait plutôt agréable.

Le crachin trempait ses vêtements et la brise froide lui glaçait les os et il n’y avait pas un abri à des kilomètres. Il regarda les alentours : les collines recouvertes de bruyère, l’odeur d’humus, la mousse molle sous ses pas. Il était de retour sur son île.

Il parcourait les rives lentement. Il n’y avait rien d’autre à faire de toute façon et il n’avait encore jamais vu cet endroit auparavant. Le temps typiquement britannique lui indiquait vaguement une zone géographique sans pour autant l’éclairer quand à son exacte position sur la carte.

Sa blessure le lançait douloureusement et son sac pesait lourd sur ses épaules, ce qui n’arrangeait rien à l’affaire, il fallait être honnête. Il avait aussi les pieds trempés et il ne rêvait que de vêtements secs et d’une tasse de café chaud à cet instant.

Quand il repensait à ces dernières semaines, il en venait à douter de sa santé mentale. Il avait parcouru des continents, des époques auxquelles il n’avait jamais songé auparavant. C’était à la fois grisant et terrifiant. Son plus gros problème restait ce sentiment constant d’emprisonnement et de fatalité.

Il était contraint de bondir, obligé d’aller là où le Temps choisissait de l’emmener, pour une durée connue du vortex seul. Il leva les yeux au ciel : voilà qu’il personnifiait le temps et lui donnait une conscience. Mais malgré toute sa rationalité et son esprit scientifique, il n’arrivait pas à faire autrement. Il y avait toujours un fait, une personne, une entité derrière les choses. Tout pouvait trouver une explication, il suffisait de la chercher.

La pluie s’arrêta doucement et Ianto en sourit un peu. Une douleur violente le fit vaciller. Il s’approcha d’un rocher et s’y appuya pour reprendre son souffle. Il fallait qu’il trouve un endroit où se réfugier, un endroit sec où il pourrait faire un feu et soigner sa plaie sans craindre l’infection.

Il continua d’avancer le long de la rive et distingua au loin, au milieu d’un brouillard à couper au couteau, une bâtisse. Une grande bâtisse. Il sourit : il avait trouvé un signe de vie. Il saurait enfin précisément où et quand il était tombé cette fois. Il pressa un peu le pas.

Brusquement le sol se déroba sous ses pieds : il se sentit partir, pour de vrai, pas comme quand il bondissait. Il essaya tant bien que mal de s’agripper à quelque chose, n’importe quoi. Les branchages se brisaient, les parois rocheuses glissaient comme du savon. Sa chute semblait sans fin.

Il percuta l’eau en dessous avec violence. Les paumes de ses mains étaient écorchées et il n’arrivait pas à remonter. Il se débattit dans l’eau, résistant au manque d’oxygène. Jusqu’à ce que ses forces ne l’abandonnent.

***
Jack fixa l’écran un long moment. Il devait rêver. Il regarda sa montre. Il prit un stylo sans jamais quitter vraiment l’écran de surveillance des yeux. Il fit un rapide calcul. Vingt jours et cinq heures s’étaient écoulés depuis la disparition de Ianto.

Il fronça les sourcils. C’était une mauvaise blague ou un signe qu’il y avait bien un dieu dans cet univers. Il regarda l’écran et la personne appuyée à la rambarde lui rendait son regard, comme si elle pouvait vraiment le voir à travers l’objectif de la caméra.

Il fit une grimace, saisit son manteau et le calepin usé sur son bureau. Malgré la chaleur, il ne pouvait pas sortir sans, c’était son grade et l’évidence de son autorité. Bien qu’il n’était pas sûr que ça ait la moindre importance.

Il sortit de son bureau et regarda Gwen et Toshiko pressées contre l’écran.

-Il me fait peur ce type à nous regarder comme ça. Tu crois qu’il sait qu’il y a une caméra ?
-Non, ce n’est qu’une coïncidence. Le filtre de perception recouvre cette zone. Personne ne peut la voir.
-N’empêche, je ne sais pas comment il fait. Porter un manteau par cette chaleur !

Les filles se retournèrent vers Jack, un air ahuri sur le visage en le voyant habillé ainsi. Il retint une grimace. Probablement pas la meilleure idée qu’il ait eu jusque là. Elles le dévisagèrent d’un oeil critique et Gwen croisa les bras sur sa poitrine. Les femmes et leur instinct, pensa-t-il.

-Tu vas quelque part ? demanda Gwen.
-Un informateur, répondit-il.

Elles parurent sceptiques. Toshiko se retourna sur son écran d’ordinateur mais Gwen ne sourcilla même pas. Il ne manquait plus qu’Owen pour que l’inquisition soit complète. La bataille de regards s’engagea, il n’avait vraiment pas le temps pour ça.

-Ah ! Il s’en va, interrompit Toshiko. Tu vois Gwen, une pure coïncidence.
-Dites à Owen de continuer les recherches aux Archives. Gwen, je te laisse la boutique pour quelques heures.
-Tu ne veux pas qu’on t’accompagne.

Ce n’était pas une question.

-Non, il risquerait de perdre confiance si je ne venais pas seul mais je ne t’apprends rien, ancien officier Cooper, sourit-il. J’essayerai de revenir avant que vous partiez mais la route est longue. Ne m’attendez pas les enfants, j’ai les clés et je sors couvert.

Gwen ne put s’empêcher de rire un peu, lui frappa légèrement l’épaule et le laissa disparaître. Il sortit sans un regard en arrière, essayant de ne pas presser le pas, de ne pas prêter attention aux regards de ses collègues. Il sortit tranquillement et fit attention à ne pas paraître suspect, conscient d’être observé par les moniteurs de Toshiko. Il se dirigea vers le Millenium Center et disparut derrière. Il sortit sa clé et ouvrit la porte arrière. Il monta les marches quatre à quatre en courant. Personne ne pouvait le surveiller ici. Il arriva sur le toit, à peine essoufflé.

Jack s’avança vers lui. Appuyé contre le bois bleu, il se tenait les bras croisés avec ce petit sourire malin qui le caractérisait.

-Docteur, salua Jack, une légère boule dans la gorge.
-Capitaine.

***
Ianto ouvrit les yeux avec difficulté. Que s’était-il passé ? Il se frotta la tête et ses cheveux étaient encore un peu humides. Il se redressa brusquement et le regretta immédiatement quand un tambour se mit à jouer dans son crâne.

La chute, le lac. Il regarda sous lui. Il était allongé sur une sorte de paillasse et avec une couverture sur les jambes. Un peu plus loin un feu crépitait malgré les quelques gouttes d’eau qui tombait d’un trou dans la roche au dessus de sa tête.

Il était dans une grotte. Quelqu’un avait visiblement pris soin de lui. Il toucha sa blessure. Et l’avait soigné. Il regarda autour de lui et chercha le responsable des yeux. Si on l’avait traité ainsi ce n’était pas pour le dévorer. Il trouva son sac près du feu de bois et chercha la lampe torche. Heureusement qu’il était imperméable.

Il l’alluma et parcourut la grotte avec. Un hoquet de peur et un gémissement attirèrent son attention. Il dirigea la lumière vers la forme tremblotante. Une petite fille était recroquevillée dans un coin.

Ses vêtements étaient minces et déchirés. Il se rapprocha tout doucement comme il l’aurait fait avec un animal blessé ou un weevil apeuré.

-Hey. Je ne te veux aucun mal, dit-il doucement.

La petite fille releva les yeux vers lui et il lui sourit. Elle sembla se détendre un peu et arrêta de vouloir se fondre avec la paroi rocheuse. Il tendit la main vers elle et, encore un peu méfiante, elle s’approcha de lui.

A la lumière du feu et de la torche, Ianto vit les pupilles effilées se mettre à briller comme celles d’un chat. Ianto ne laissa rien paraître de sa surprise. Peut-être avait-il finalement atterri sur une autre planète ? Il était pourtant si sûr d’être encore sur Terre. Il resta calme. Il ne fallait pas qu’il laisse voir sa panique à la créature apeurée et, maintenant qu’il la voyait mieux, à la peu écaillée.

La petite « fille » se bouina contre lui avec un petit soupir de soulagement. Ianto baissa alors sa garde : il n’avait rien à craindre de cette petite chose. Soudain, un grand bruit se fit entendre. Instinctivement, Ianto se recroquevilla autour de l’enfant alien qu’il tenait dans ses bras pour la protéger. Il y eut une grande vague qui ne les atteignit pas.

Il entendait les gouttes couler sur les roches dans une petite mélodie. Il releva prudemment la tête, se demandant où était son arme. Son sang se figea dans ses veines, son esprit devint blanc l’espace de quelques secondes face à l’immense créature aquatique qui les regardait de haut.

Il avala sa salive difficilement et essaya de se détendre un peu. Il savait où il était maintenant.

-Nessie, je présume ?

Et Ianto aurait pu jurer que l’énorme créature lui avait souri.

***
Jack s’assit sur le rebord du toit du Millenium Center et ôta son manteau en même temps que le Docteur prenait place à ses côtés. Ils ne s’étaient pas encore dit un mot depuis de longues minutes qui avait suivi l’arrivé de Jack.

-Vous avez une sale tête, lança le Docteur, un peu moqueur.

Jack n’en doutait pas une seconde avec les semaines qu’ils venaient de passer à Torchwood.

-Je ne pensais pas vous revoir si vite, répondit Jack.
-Quelque chose m’a forcé à revenir plus vite que prévu.
-Ca fait quoi ? Un mois, deux ?
-Peut-être bien. Vous avez encore trouvé le moyen de froisser une peuplade avec vos manières pour avoir cette mine ?
-C’est un peu plus compliqué que ça. Et puis, je ne reste plus assez longtemps pour vexer les natifs. Pas comme notre visite sur Nat14.
-Ah ! Nat14 ! s’exclama le Docteur.
-Pourquoi êtes-vous là ?
-C’est ma destination favorite.
-Cardiff. Maintenant, précisa Jack. C’est un peu tôt pour faire le plein.

Le Docteur resta silencieux. Le visage sérieux et concentré ne rassura pas Jack. Il soupira.

-J’ai été étonné de vous voir lorgner Torchwood comme ça. Risqué.
-Vos apprentis imbéciles ne pouvaient pas me reconnaître.
-L’un des miens sait à quoi vous ressemblez.

Le Docteur parut surpris une bonne minute.

-Moi qui pensait que vos pantins étaient restés sur la neuvième régénération.
-Docteur. J’ai besoin de votre aide, déclara Jack.

Il fixa les yeux dans ceux du Docteur. Il ne savait plus quoi faire et la présence du Docteur ne pouvait pas être un hasard. Le Docteur acquiesça de la tête.

-Vous faites face à des disparitions étranges en grand nombre depuis quelques mois, sans aucune logique.
-C’est ça.
-Je le savais.
-L’un des miens a disparu. Ianto Jones, continua Jack, sortant le calepin de sa poche.
-L’un des vôtres ou non, là n’est pas la question.

Jack lui lança un regard sombre.

-Je suis sûr que si c’était l’un de vos Compagnons, ce serait différent, n’est-ce pas ? Mais un membre de Torchwood ne vaut pas le coup qu’on s’en inquiète.
-Capitaine, prévint le Docteur.
-Ianto est mon Compagnon! Il est aussi important pour moi, que Rose ou Martha pour vous.

Le Docteur fronça les sourcils un moment, avec défi. Le Docteur secoua la tête, ouvrit le calepin et commença à le parcourir.

-Depuis quand ?
-Vingt jours et plus de cinq heures, répondit Jack.
-Il va falloir que nous discutions de la situation sérieusement, Capitaine. Il y a des trous qu’il va me falloir combler dans ce rapport. Suivez-moi.
-Je ne voyais pas les choses autrement, sourit Jack.

***
Ianto ne savait pas s’il devait avoir peur ou rire d’une telle situation. Combien de personnes avaient passé leur vie à chercher une preuve de l’existence du monstre du Loch Ness sans même apercevoir un mouvement d’eau.

-Mama ! fit la créature entre ses bras.

Ianto la relâcha un peu dérouté et attendit en espérant qu’il ne serait pas le repas du soir. La tête recouverte d’écailles ressemblait à une tortue, le long cou à celui d’un énorme serpent. La faible lumière du feu et celle de la torche se reflétaient sur les écailles, les faisaient briller de milles couleurs différentes. L’eau noire dans laquelle s’enfonçait le reste du corps de la bête ne laissait rien entrevoir de sa forme complète.

Les yeux rougeâtres s’adoucirent quand la petite créature se rapprocha d’elle et caressa sa tête baissée. Ianto n’en revenait pas. Non seulement il venait de rencontrer le monstre du Loch Ness, Nessie, Nessy, Nisaeg quelque soit son nom, mais en plus il avait fait la connaissance de sa progéniture.

Il était dans leur nid.

Il espérait que la créature parlait anglais ou les choses allaient vraiment devenir compliquées. L’enfant revint vers lui prudemment et Ianto ne put que lui sourire aussi sincèrement qu’il put et lui tendit la main.

-Si j’avais su, j’aurai emmené Myfanwy avec moi avant de partir de Cardiff.

La petite créature le regarda avec de grands yeux plein d’incompréhension. Ianto posa sa main sur le haut du crâne chevelu et ébouriffa doucement les mèches. Nessie se hissa sur le sol de la grotte et s’approcha d’eux.

Ianto se demandait vraiment comment la créature bipède et relativement humaine pouvait se changer en dinosaure des mers. Il plongea ses yeux dans ceux de Nessie. Elle semblait vouloir lui dire quelque chose. Et brusquement, il comprit.

Aller mieux ?

Mais aucun son n’était sorti de la bouche de la créature. Ianto se passa la main sur le visage. C’était beaucoup d’informations d’un coup. Le monstre du Loch Ness existait, avait un nid, une descendance et était télépathe.

La même sensation qu’un peu plus tôt l’envahit, cette impression bizarre qu’elle souriait. Ianto se mit à rire.

-Plus rien ne pourra m’étonner maintenant.

***
Jack regarda autour de lui et sourit. Il ne pensait pas revoir l’intérieur du TARDIS de si tôt et maintenant il était assis autour des commandes, le Docteur debout face à lui, toujours plongé dans le journal de Ianto que Gami leur avait ramené.

Il resta silencieux et ne bougea pas d’un cil en attendant qu’il ait fini sa lecture. C’était probablement leur seule chance de récupérer Ianto. Rien n’avait changé dans le vaisseau, pourtant Jack se doutait bien que le Docteur avait déjà dû effectuer plus d’une vingtaine de voyages depuis la dernière fois qu’ils s’étaient quittés.

Le Docteur ferma le calepin et le posa sur la console de commandes. Il soupira et regarda sérieusement Jack.

-Qu’est-ce que vous savez ?
-Que des gens disparaissent. Que Ianto a disparu. Qu’il voyage dans le temps et l’espace sans TARDIS sans logique particulière.

Le Docteur hocha la tête comme s’il ne l’écoutait même pas.

-Votre ami.
-Ianto Jones, coupa Jack.
-Ianto Jones, si vous voulez, est ce que nous appelons un Errant.
-Un Errant.
-Ne m’interrompez pas ou vous allez perdre le fil.
-Merci, grimaça Jack.
-Je vous parle d’un phénomène que même les Seigneurs du Temps n’ont jamais foncièrement compris et réussi à résoudre.

Les espoirs de Jack faillirent voler en éclats.

-Le phénomène existe depuis la naissance du Temps. Voyez-vous, le Temps a une volonté. Le Temps est une entité vivante comme vous et moi. Pas un concept, pas une unité. Une déité si vous préférez. Le Temps est ennuyeux, il est régulier, ne change jamais, se déplace selon une ligne continue et a pour matérialisation le Vortex.

Jack s’enfonça dans son siège et se lécha les lèvres. Compliqué en effet, mais rien qu’il n’avait appris ou entendu par le passé à l’Agence.

-Les Errants sont une manière pour le Temps de « s’amuser », de briser la chaîne linéaire de son existence en jouant avec d’autres. Il ne cause aucun mal particulier. C’est un jeu cruel pour les pions, parfois ça les arrange et il n’y a pas de conséquences sur les événements futures. Il est le Temps, il peut choisir d’effacer des choses.
-Donc en soi, nos existences sont sous le contrôle du Temps, demanda Jack en profitant d’une pause du docteur.
-Le temps n’a que faire de nous. Il veut juste se distraire de temps en temps. Le nombre d’Errants était réduit au début. Puisqu’au commencement, à part des bactéries et des animaux, il n’y avait pas grand chose. Nulle part. Plus le temps passe, plus il peut faire voyager les gens vers les époques passées et futures. Il semblerait que ces derniers temps, il le fasse de plus en plus et maintenant ça commence à devenir problématique. C’est pour ça que je suis là. Le phénomène a pris trop d’ampleur. Des disparitions à travers l’univers qui causent des conflits pour lesquelles le responsable n’existe même pas pour ces populations.
-Pourquoi êtes-vous là ?
-Parce que c’est son terrain de jeu préféré. Vous terriens. Vos capacités d’adaptation, votre potentiel, votre débrouillardise…
-Je vois.
-Le Temps agit selon sa volonté sans vraiment de logique dans le choix des voyages et des voyageurs. La seule chose pour laquelle il a une organisation, ce sont les catégories.
-Catégories ?
-Il existe plusieurs types d’Errants. Huit au moins que nous avons identifiés.

Jack se passa une main sur le visage.

-Bien ou mal ?
-C’est étrange. Jamais on a eu connaissance d’un Errant laissant des traces pareilles. C’est quelqu’un votre Ianto Jones.
-Oui, je ne serai pas étonné qu’il en sache presque autant que vous.
-Ne soyez pas ridicule.

Le Docteur marqua une pause toujours en train de feuilleter le journal.

-Intéressant cependant.
-Vous devriez faire sa connaissance.
-Oh, mais je vais la faire, répondit le Docteur avec un sourire espiègle.

Jack releva la tête un peu surpris et sourit. Les choses commençaient à enfin à bouger dans le bon sens.

***
-Clydwen !

La petite fille accourut vers lui et s’assit à coté de lui au bord de l’eau. Ianto lui sourit et lui passa une main sur le haut du crâne. Elle sourit et ronronna presque. Ianto reprit sa canne à pêche et lui montra comment faire avec la sienne. Docilement, la petite créature l’imita.

Ianto était là depuis quelques jours déjà. Les premiers avaient été consacrés à reprendre des forces, dormir. Clydwen avait soigné son épaule et continuait de prendre soin de ses blessures avec une douceur et un savoir-faire qui l’avait laissait perplexe. Il aurait une cicatrice mais légère.

Il avait ensuite pris sur lui d’apprendre à Clydwen à cuisiner autre chose que du poisson cru. Il lui donna une de ses chemises et fit en sorte de la lui arranger pour qu’elle lui aille mieux. Il ne savait pas vraiment quel était son organisme mais il avait toujours froid pour elle quand le vent glacial s’engouffrait dans la grotte le soir. Il savait qu’elle en avait probablement vu d’autres et que ça n’avait pas beaucoup d’importance mais il y tenait. Ramener un peu de normalité dans l’anormal.

Nessie semblait lui sourire tout le temps et le laissait faire en observant attentivement. Il avait découvert que Clydwen savait parler mais était trop timide et ne voyait pas assez de monde pour apprendre à s’exprimer avec des mots, plus qu’avec des pensées.

Ianto lui sourit et elle lui rendit le même sourire fier et affectueux que plus tôt dans la matinée. Brusquement une vague les balaya, des poissons frétillants s’écrasèrent contre le sol rocheux de la grotte et expirèrent à l’air libre. Ianto secoua les mains, il était trempé. Il leva la tête vers Nessie qui semblait rire aux éclats.

-Mama ! Ianto chut !

Ianto regarda le visage sérieux et boudeur de la petite fille et éclata de rire à son tour. Il se leva, ébouriffa les cheveux de la petite et alla changer de t-shirt. Il fallait qu’il aille chercher du bois s’il ne voulait pas mourir de froid dans les heures à venir.

Nessie prenait beaucoup trop de plaisir à les tremper jusqu’aux os dès qu’elle en avait l’occasion. Il se dirigea vers la sortie, tendant la main vers Clydwen. La petite secoua la tête et partit en courant vers sa mère. Nessie était sérieuse, la tête passé autour de sa progéniture.

Trop dangereux dehors.

Ianto acquiesça de la tête et sourit, un peu déçu.

-Je n’en ai pas pour longtemps.

***
Jack tournait en ronds. Le Docteur lisait, relisait, parcourait les lignes écrites de Ianto en long en large et en travers. Il fermait les yeux de temps en temps, maugréant, parlant seul, les tics même de sa réflexion intensive.

Et Jack avait la désagréable sensation d’être laissé de coté.

-Ca n’a pas de sens.
-Docteur ?
-Si on fait le rapport entre le moment de sa disparition, le nombre de bonds, leur durée, votre obtention du journal… c’est totalement incohérent. A se demander…
-Quoi ?
-Le temps ne semble pas s’écouler de la même manière pour votre ami que pour nous.
-Comment ça ?
-On dirait que le temps passe deux fois plus lentement pour nous. Là où il s’écoule deux heures chez nous, il en passe quatre pour lui.
-Il faut qu’on se dépêche de trouver un moyen pour le sortir de là.

Le Docteur ne lui répondit pas et Jack s’inquiéta d’autant plus.

-Quoi ?
-Laissez-moi réfléchir bon sang !
-Vous ne savez pas comment le secourir.
-Jack, qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans la phrase « les Seigneurs du Temps n’ont jamais foncièrement compris et réussi à résoudre. »

Le sang de Jack se glaça dans ses veines. Si même le Docteur ignorait la réponse, Ianto était perdu.

-Cependant, durant mes voyages, je suis tombé sur de nombreuses études. Sur de nombreuses légendes, se recoupant avec les écrits des Seigneurs du Temps. Mais seulement…
-Quoi ?
-Je vous ai parlé de catégories.
-Oui.
-Il y en a huit : Les Remontés sont des personnes effectuant des voyages de manière cyclique. Des voyages d’un jour, vingt-quatre semaines puis six mois, puis deux ans et reprennent le cycle du début.
Les Septénaires sont une sous catégorie des Remontés et font des bonds tous les 7. Un jour, une semaine, sept semaines, sept mois, sept ans.
Les Ponctuels effectuent des bonds à intervalles réguliers et inchangés qui dépendent de la personne touchée.
Les Usés sont une sous-catégorie des Ponctuels. Ils effectuent des voyages toutes les vingt-quatre à quarante-huit heures. Ces personnes deviennent généralement folles et mettent fin à leurs jours rapidement.

Jack fronça les sourcils. C’était bien plus important et dramatique qu’il le pensait.

« Les Aléatoires font des voyages irrégulièrement allant du jour à l’année de manière totalement imprévisible.
Les Pendus sont des Aléatoires qui ont la « chance » d’enchaîner des périodes de voyages d’une durée minimum d’un an.
Les Pleureurs sont probablement les plus à plaindre, ce sont des personnes faisant un seul et unique bond dans leur vie. Ils ne peuvent être surs de leur conditions de Pleureur qu’au bout de trente-huit ans.
-Ils vivent dans la peur de bondir après un déracinement, comprit Jack. Le Temps est cruel.
-Le Temps est un peu comme un vieillard avec un esprit d’enfant et tout le monde connaît la cruauté des jeux d’enfants.

Il y eut un silence et le Docteur reprit dans un soupir.

-Et enfin, les Exponentiels sont des personnes qui effectuent deux bonds au minimum dans leur vie. Un Exponentiel fait un bond de 24 heures, puis un de 37 ans et un, souvent le dernier qui dure normalement 900 ans. Ils meurent généralement avant l’échéance des neuf cents ans.
-Ce qui paraît logique, lança Jack avec sarcasme.
-Il n’y a aucune logique à ça.
-Et pourquoi ?
-Parce qu’un Errant n’a pas la même espérance de vie qu’un autre membre de son espèce.
-Qu’est-ce que ça veut dire ?
-A chaque bond, l’Errant passe le Vortex, se fait manipuler par le Temps, se charge de temps. Leur vie se rallonge de manière incohérente et exponentielle.
-Vous voulez dire qu’un Usé qui bondirait pendant des années, deviendrait potentiellement immortel ?
-Non. Pas immortel. Rien n’est immortel. Mais leur espérance de vie pourrait rivaliser la mienne ou celle du TARDIS.
-Seigneur… Ils ne peuvent donc pas mourir.
-Si… mais ça leur est difficile. Pas de maladie. Leur rythme de vieillissement est ralenti proportionnellement à leur espérance de vie. Les morts violentes sont toujours aussi efficaces mais l’organisme d’un Errant est plus résistant que les autres.

Jack se passa une main sur le visage.

-Le plus étrange concernant Ianto Jones, c’est qu’il n’a pas l’air d’appartenir à une catégorie particulière. Je le classerai bien en tant qu’Aléatoire et pourtant ce ne serait pas totalement véridique. C’est étrange, vraiment étrange. Comme si quelque part, il arrivait à contrôler plus ou moins ses voyages. Aucun voyage futur, pourtant c’est ce que le Temps préfère opérer avec ces cobayes. Toutes les cultures ont la notion d’histoire. Si on connaît son passé, on peut s’en sortir mais personne ne connaît le futur.
-Sauf vous, sourit un peu Jack.
-Sauf vous et moi… et quelques autres privilégiés, sourit le Docteur en réponse.
-Et pourquoi cette recrudescence d’Errants ?
-C’est de la faute du Maître.
-Comment ça ? gronda Jack, sentant un rage sourde monter en lui.
-Le paradoxe qu’il a crée a fait un nombre de vagues incalculables dans le temps et pendant une longue période. A sa destruction, l’absence de vagues, d’agitation dans les lignes temporelles a probablement multiplié l’ennui du Temps et donc il choisit plus d’Errants pour combler ce vide.
-Même mort, il continue de foutre le bordel ! s’énerva Jack.

Le Docteur l’observa un moment et Jack prit une grande inspiration pour se calmer ; ce n’était vraiment pas le bon moment. Le Docteur parcourut une nouvelle fois le journal.

-C’est vraiment étrange. Etrange et intéressant.

Il y avait une excitation presque palpable dans la voix du Docteur comme s’il venait de trouver un nouveau challenge à sa hauteur. Jack se mit à rire. Ianto était un défi à lui tout seul, Jack était bien placé pour le savoir.

-Il a rencontré Donatello. Un homme excentrique mais diablement talentueux bien que Michel-Ange soit quelqu’un de plus sympathique dans la catégorie ours solitaire.
-Venise a l’air de lui avoir laissé un goût amer, commenta Jack avec regret.
-Venise est une ville particulière. Depuis toujours, et ça ne va pas en s’améliorant.
-Elle finit sous l’eau de toutes manières, lança Jack en haussant les épaules.

Le Docteur lui répondit d’un sourire énigmatique.

***

Ianto termina sa brochette de poisson lentement. La vibration avait commencé lentement à lui parcourir les veines. Ce n’était plus qu’une question de minutes maintenant et il le savait. Il venait de passer dix jours avec Nessie et Clydwen et son départ imminent lui pesait sur les épaules comme aucun autre voyage avant ça. Il s’était attaché à elles, leur avaient confié des secrets, avait appris beaucoup de choses humaines à Clydwen, avait beaucoup appris de Nessie.

Il savait maintenant que le Rift avait bougé depuis les siècles qui le séparaient de chez lui, se déplaçait comme les failles et les plaques tectoniques. Qui savait vraiment où serait le Rift en 2500.

La pauvre Nessie avait échoué dans ce loch des siècles auparavant, prête à pondre, loin de son compagnon, de leur planète. La naissance de Clydwen avait été une épreuve pour la maman et l’enfant. Il savait que les êtres de l’espèce de Nessie - dont il n’arrivait toujours pas à prononcer le nom - vivaient vieux et grandissait lentement. Nessie avait un compagnon, un chef de Clan qui avait dépassé les six cents. Ils avaient un organisme lent. Ils n’avaient pas de technologie, ni de société comme les hommes ou d’autres espèces. Ils vivaient en groupe, en clan, étaient intelligents, télépathes, pacifiques.

Nessie n’était qu’un Errant, comme lui. Un Errant, loin de chez lui qui n’avait fait qu’un bon et Ianto en était soulagé. Il ne pouvait pas imaginer Clydwen seule, dans une autre époque ou ici pendant que sa mère était exilée dans une autre époque.

Ianto se leva, ne pouvant s’empêcher de se sentir lourd et triste mais déjà son cœur commençait à battre plus vite. Nessie se hissa sur le rivage et pencha la tête pour la frotter contre son flanc. Elle avait un instinct. Elle savait ce qui allait se passer.

Ianto déglutit, et caressa la peau fraîche et humide du cou de Nessie. Il passa son sac à dos sur son épaule maintenant guérie grâce à Clydwen et sa mère. Nessie s’écarta et fixa ses yeux rouges dans les siens. Ianto savait. Elles allaient lui manquer aussi.

La petit fille se précipita dans ses jambes et les agrippa de toutes ses forces. Ianto se mordit la lèvre pour s’empêcher de pleurer. Il se laissa tomber sur les genoux et posa la main sur la joue de la petite créature aux yeux mouillés.

-Tu vas me manquer aussi.

Clydwen secoua la tête et passa ses bras fort autour du cou de Ianto. Ianto lui caressa doucement les cheveux. Il embrassa la peau écaillée du front et lui fit un sourire humide.

-Je ferais tout ce que je peux pour revenir. C’est une promesse, lui dit-il.

Elle secoua la tête encore.

-Ianto reste.

Ianto la serra fort contre lui et s’écarta, la repoussant doucement contre le flanc de sa mère.

-Au revoir.

La vibration vint comme une brusque vague qui l’emporta. Il garda le plus longtemps les yeux ouverts pour les voir disparaître brusquement. Il avait mal. Plus mal que toutes les autres fois, physiquement, émotionnellement.

Il était parti, le regard affolé et triste de Clydwen imprimé dans son esprit. Il comprenait un peu mieux ce que lui avait dit Bob. S’il pouvait s’attacher de cette façon en dix jours, il détesterait rester plus longtemps au même endroit.

Plus que jamais il voulait rentrer. Il trouverait un moyen et même le Temps ne pourrait pas l’en empêcher.

À suivre...

univers : les errants, fic : doctor who, couples : jack/ianto, fic : torchwood

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