[FIC DW/TW] - LES ERRANTS (4/9)

Jan 27, 2010 19:02



Les Errants
Genre : UA(prend un tournant différent de la série TW Saison 1), angst, fluff, aventure, slash.
Fandom : Torchwood (principalement, pourra éventuellement nécessiter par la suite une connaissance de Doctor Who jusqu'à la saison 3 mais n'est pas indispensable)
Date : Décembre 2007/Avril 2008 (Ce post étant sa première publication)
Censure : PG-13 pour ce chapitre
Mots : 3 182 mots pour ce chapitre
Personnages : Ianto Jones & l'équipe de Torchwood + guest stars

Résumé : A son retour au Hub, le Capitaine Jack Harkness ne s'attendait pas à un tel accueil. L'aventure ne fait que commencer pour les membres de Torchwood 3.

Disclaimers : Torchwood et Doctor Who sont les exclusives propriétés de leurs auteurs, Russell T. Davies et de la BBC.

NOTE : Cette histoire se place après la saison 1 de Torchwood et la saison 3 de Doctor Who. Oubliez les saisons 2/3 de Torchwood et 4+specials de Doctor Who.

« Le temps est l’image mobile de l’éternité immobile. […] En vertu de ce raisonnement et cette intention divine concernant la naissance du temps, le Soleil, la Lune et les cinq autres astres, ceux qu’on appelle Errants, sont nés pour définir les nombres du temps et en assurer la conservation. » Platon, Timée.

Chapitre 3 : La valse à mille temps/333x

Jack rangea le dossier poussiéreux sur son étagère. Si Ianto pouvait voir dans quel état ils avaient mis les Archives, il était persuadé qu’Owen et lui seraient enfermés à l’intérieur jusqu’à ce qu’ils aient tout remis à leur place. Il était quelque part heureux de ne pas pouvoir tomber malade. Il devait y avoir des particules porteuses de gale dans tous ces vieux dossiers.

Penché sur un énième dossier, Owen parcourait les pages vieillies en baillant. Jack soupira. Peut-être qu’il sortirait l’ancien jouet alien de Tosh pour permettre de tous les mettre sur informatique.

Il faudrait qu’il pense à noter ça quelque part. Il détestait ça. Il n’aimait pas rester là à ne rien faire de constructif pour résoudre le problème. Si encore ils étaient sûrs de l’endroit où se trouvait Ianto, mais non. Rien. C’était frustrant, rageant.

L’adrénaline des course-poursuites lui manquait. Il avait horreur de la paperasse. Si seulement il pouvait le trouver.

-Bordel Jack ! Sors d’ici si c’est pour faire cette gueule, s’énerva Owen en levant les yeux de ses pages.
-Non.
-Alors bosse, merde ! Vivement qu’on retrouve le Teaboy que tes hormones se calment, tu deviens insupportable.
-Owen, prévint Jack.
-Je sais. Pas la peine de sortir les dents.

Jack s’assit sur l’escabeau.

- Ca s’est passé comment pendant que j’étais pas là ?
- En parlant de ça, un jour tu devras nous expliquer comment tu t’es retrouvé sur le Vaillant.
- Détails.
- T’es vraiment chiant, Harkness. Franchement. Ce boulot est plus sympa quand t’es là, mais y a des limites aux cachotteries.
- Disons que j’avais besoin de soins médicaux.
- Un type qui ne peut pas mourir, ne peut pas être malade.
- Pas bête, je devrais vérifier.
- Laisse tomber.

Jack marqua un temps de silence.

- Il se débrouillait bien, répondit Owen. Pour un archiviste/coordinateur/chauffeur.
- Beaucoup de problèmes ?
- Non. Pas de menaces que ça pète. Tu n’étais pas là.

Jack sourit.

- Non, c’était vraiment chouette de bosser comme ça. Il gère bien les choses.
- Je sais.
- Surtout la bestiole. Cette sale bête a encore mangé tout mon matériel.
- Tu as une admiratrice, tu devrais être content, lança Jack.
- Tu as vraiment un sens de l’humour tordu parfois.
- C’est ce qui fait mon charme.
- J’ai besoin d’un café, gémit presque Owen en se frottant les yeux.

Jack fit une grimace en repensant à la cafetière pleine qu’il avait faite ce matin. Une autre chose à laquelle il ne toucherait plus. Il se replongea dans sa lecture. Ca faisait presque soixante-douze heures que Ianto était porté disparu et il avait déjà l’impression que ça faisait une éternité.

***
Ianto regarda à ses pieds et se demanda ce que le destin, le temps, ou quoi que ce soit avait contre lui pour toujours le faire atterrir en hauteur. Il n’avait jamais été sujet au vertige, loin de là. Petit, il adorait grimper aux arbres mais de là à se retrouver une seconde sur le plancher des vaches et la seconde suivante sur un toit de tuiles, il y avait des limites. Heureusement qu’il n’avait pas bondi pendant qu’il marchait ou il serait mort.

Il regarda les environs. Le soleil se couchait sur la mer, derrière les nuages. Il passa une main dans ses cheveux et se laissa tomber sur les tuiles de terre cuite. Au moins il savait où il était. Il regarda les gondoles parcourir le canal en bas du toit où il avait atterri.

Venise. La grande ville des amoureux après Paris.

Cependant, à en juger par le froid et les odeurs, il n’était pas encore au XXème siècle.

Il se laissa aller en arrière contre une fenêtre. Il la testa un peu et donne un grand coup d’épaule dedans. Tout était noir hormis la lueur qui filtrait d’entre les poutres. Il entra doucement et referma la fenêtre qu’il avait réussi à ouvrir sans la casser. Il sortit un pull de son sac et l’enfila. Il commençait à faire froid. Il prit son calepin et un stylo.

Epoque jurassique. Trente heures. Bond temporel 4 : Venise.

Il soupira, referma le carnet et le sac.

La pièce était poussiéreuse et sentait le renfermé, comme si personne ne venait jamais et qu’elle avait été oubliée avec le temps qui passait. Il y avait des malles de bois, un vieux lit de fer rouillé et un matelas qui devait être à lui seul le repaire de tous les acariens et les parasites de la pièce, s’ils avaient supporté le manque de vie. Mais, au final, il avait un endroit où s’abriter et n’aurait pas besoin d’aller réclamer asile dans un cimetière ou une église.

La porte s’ouvrit brusquement et il n’eut que le temps de sursauter avant de tomber les fesses dans la poussière. Il chercha son arme et assura une prise forte sur la crosse.

- Chi é ?

Ianto fronça les sourcils. Il avait appris beaucoup de langues à l’université, il y a longtemps, et tout comme son français, son italien était un peu rouillé. Pourquoi ne pouvait-il pas tomber au Japon ? Il avait de la pratique avec celle-ci grâce à Tosh.

- Excusez-moi… tenta-t-il.

La bougie de l’homme devant lui éclaira son visage. Il s’approcha de Ianto, le surplombant de toute sa hauteur.

- Qui es-tu ?
- Personne. Je voulais juste…
- Génois ?
- Anglais, monsieur.

L’homme lui tendit la main et Ianto la saisit. L’homme le releva brutalement d’un seul geste à tel point que Ianto faillit perdre l’équilibre. Il devait avoir la cinquantaine et avait de grandes mains calleuses.

- Suis-moi.

Ianto se méfia et ne desserra pas sa prise sur l’arme dans son dos. Il ne pouvait pas risquer de se faire arrêter. Il devrait leur faire peur s’il le fallait. L’homme descendit une série de marches de marbre usées jusqu’à une grande porte de bois vernis à l’étage du dessous. Il poussa les deux battants et Ianto fut presque aveuglé par la lumière de toutes les bougies qui parsemaient l’immense salle.

C’était un atelier. Un atelier de sculpteur, en déduit-il après un rapide coup d’œil. L’homme avait les cheveux grisonnants et semblait en grande forme.

- Tu as faim ?

Ianto se tendit un instant. Où était le piège ?

- Je ne te ferais rien. Tu n’es pas génois. C’est tout ce qui m’importe.
- Pourquoi ? demanda Ianto.
- Vivais-tu dans un monastère, jeune homme ? La guerre a de nouveau éclatée. Je ne peux risquer d’être surpris en compagnie d’un ennemi. J’ai du travail à terminer.
- Excusez-moi, Monsieur, je ne voudrais pas vous attirer d’ennuis.
- Qu’importe. Tu pourras peut-être m’aider à me retrouver dans tout ce bazar.
- Je ne comprends pas très bien votre langue.
- Je ferais des efforts pour me faire comprendre. Quel est ton nom ?
- Ianto, Monsieur.
- Ianto, sculptes-tu ?
- Non.
- Parfait. Je n’avais pas besoin d’un élève.

Ianto était un peu perdu. L’homme était-il complètement fou ? Dehors des fusées explosèrent.

- As-tu déjà assisté à une fête vénitienne, Ianto ?
- Non, Monsieur.
- Alors prépare-toi, mon ami, dit l’homme en lui lançant une grande cape noire. Donatello t’emmène au carnaval.

Ianto resta figé sur place pendant que le sculpteur enfilait une cape identique à celle qu’il venait de lui fournir et un chapeau.

***
Ianto n’arrivait pas à croire à ce qu’il lui arrivait. Il était en plein centre de Venise, au milieu de dames et d’hommes en cape noire, dansant, paradant, sous les lumières de la ville, des feux d’artifices et des cris. La musique venant des palais faisait danser toutes les personnes dans les rues. Donatello l’accompagnait, insouciant et dansait en parcourant les rues étroites, les bords des canaux.

Ianto avait déjà été invité plusieurs fois à danser par les jeunes femmes dans les rues. Il avait accepté et avait déguerpi la musique finie. Il ne pouvait pas prendre le risque de perdre Donatello des yeux.

Il était sur les nerfs. Ses affaires étaient restées à l’atelier, son chronomètre était la seule chose avec son arme et la bourse de Bob qu’il avait avec lui en contact direct. Les essentiels ou presque. Et s’il venait à bondir au milieu d’une telle foule ? S’il venait à disparaître en pleine danse, qu’allait-il provoquer ? Il ne pouvait pas se permettre de bousculer les lignes temporelles.

C’était une chose qu’il redoutait toujours de devoir affronter avec Torchwood et le Rift. Le temps était une chose dangereuse avec laquelle il ne fallait pas s’amuser. La dernière fois, il y avait eu des morts - deux en moins d’une heure pour Jack Harkness - et tellement d’effets secondaires qu’ils avaient mis des semaines à les résoudre.

Quand Donatello lui offrit un coin de chaise pour dormir à l’aube, Ianto était plus exténué qu’il ne l’avait jamais été. Le manque de sommeil de ces derniers jours et l’épuisement de cette soirée l’avaient vidé. Il s’installa du mieux qu’il pu sur la vieille chaise du sculpteur qui reprenait son travail, une bouteille de vin à ses cotés.

- Tu as cinq heures. Après je te mettrais au travail.

Ianto acquiesça d’un geste de la tête et entreprit de ne dormir que d’un œil, son sac à dos pressé contre sa poitrine.

Cela faisait longtemps qu’il ne prêtait plus aucune attention à ses rêves. Plus depuis Lisa. Il s’était fait à ce que les cauchemars l’assaillent régulièrement, même s’ils se faisaient plus rares depuis qu’il s’était habitué à Jack. Dormir en présence de son capitaine n’était pas sur la liste des choses qu’il voulait expérimenter juste après que Lisa ait disparu. C’était venu naturellement et d’une bien étrange manière. Mais après deux ou trois fois, il pouvait dire qu’il dormait sans cauchemarder.

Et ce soir-là, l’un des plus sanglants cauchemars profita de l’absence du capitaine et revint à la charge. Il se réveilla en sursaut, couvert de sueur. Une migraine le frappa de plein fouet suivie immédiatement par un mal de dos atroce.

Il sentait que ce voyage allait être éprouvant.
Donatello était en train de poncer ce qui ressemblait de plus en plus à une épaule quand il reposa la cape sur la chaise. Ianto se leva et regarda dehors. Le soleil n’était pas très haut au dessus de l’adriatique.

C’était magnifique.

- Maintenant que tu es réveillé. Au travail.
- Je ne connais rien à la sculpture.
- Tu vas apprendre.

Ianto ne refusa pas. Il suffisait d’un mot de cet homme pour qu’il se retrouve emprisonné. Donatello travaillait pour les grandes familles et les doges, d’après ses souvenirs. Il ne pouvait pas se permettre de le froisser. Il soupira et retroussa ses manches.

- Bien, si tu pouvais ranger un peu les travaux préparatoires et trouver quelque chose de comestible, ce serait un bon début.

Ianto soupira. Ce travail-là, il connaissait mais même Jack était un peu plus considéré envers son « personnel ». Donatello se retourna vers lui avec un sourire.

- Après nous commencerons les choses sérieuses.

Ianto n’en doutait pas une seconde.

***
Ianto était exténué mais en bien. Finalement, ce n’était pas grand chose comme travail, juste très manuel. C’était grisant de voir comment un bloc de marbre pouvait prendre vie doucement entre les mains de cet homme. C’était fascinant. Il n’avait pas fait grand chose d’autre que tenir le bloc, soulever ou bien apporter un peu d’eau, de vin et de pain pour qu’il continue de travailler et malgré sa réticence le matin, Ianto était plutôt content de sa journée.

Donatello avait disparu dans sa chambre un peu plus tôt. Il allait encore devoir l’accompagner au carnaval. Il s’accouda à la fenêtre et observa les gens en dessous. Le carnaval pouvait durer des mois avait-il appris dans la journée. Le Sénat était visiblement très content de cet événement qui permettait de maintenir l’absence de tension entre haute société et basse classe, même en 1438.

Il avait aussi appris que les vénitiens étaient un peuple cruel, ambitieux et insatiable. Il regardait les hommes attacher le deuxième chat de la soirée à un poteau. La pauvre bête avait la peau sur les os et semblait mourante entre les mains puissantes des hommes.

Il fronça les sourcils alors que l’un d’eux prenait de l’élan, tête en avant sous les rires cruels de ses camarades de « jeu ». Il songea une seconde à abattre ces créatures cruelles mais ça ne ferait que compliquer la situation. Il sortit son arme. La pauvre bête n’était pas en assez bon état pour survivre au premier coup de tête violent contre son corps, mais elle souffrirait.

Il sortit son revolver et se cacha derrière la fenêtre. C’était la meilleure chose à faire. Elle ne souffrirait pas. Il visa avec précaution, espérant que la détonation resterait assez étouffée pour juste leur faire peur.

Il visa l’animal et tira juste avant l’impact de la première tête contre le corps du chat. Le sang explosa au visage de l’humain barbare sans qu’il ne l’ait frappé. Ils hurlèrent de terreur, de dégoût et déguerpirent, effrayés.

Ianto rangea son arme dans son jean et se laissa glisser dos contre le mur sur le sol et ferma les yeux. Ce n’était pas ce qu’il avait pensé. Que dirait Lisa, elle qui voulait tant y venir un jour, en voyant cette déchéance et cette décadence.

- Que Venise est triste, murmura-t-il.

Il voulait rentrer.

- Malheureusement, ce ne sont pas les seuls jeux pervers de ces pauvres erreurs de la nature.

Ianto rouvrit des yeux fatigués et surpris. Un instant, il avait cru entendre de l’anglais. Peut-être était-ce les prémices d’une folie engendrée par son nouveau statut d’Errant.

- L’un des Médicis que je connaissais parlait un peu ta langue. Je ne sais pas qui tu es, ni ce que tu fais, mais tant que tu n’utilises pas ça pour me blesser, tu peux rester, continua Donatello en désignant son arme.
- Je suis désolé.

Il regarda Donatello et sa cape noire, son tricorne usé sur ses cheveux grisonnants. Il n’avait pas envie de sortir au milieu de gens comme ça. Il ne voulait pas danser avec les jeunes filles et prétendre leur sourire et les charmer le temps d’une danse.

- Si tu montes chercher du vin, nous resterons à travailler, proposa Donatello.
- Je ne vous volerai pas. Vous pouvez sortir.
- Tu as l’air de quelqu’un qui ne restera pas là longtemps, mon ami. Je compte mettre à profit le temps que tu passeras en ma compagnie pour mon travail avant de devoir me chercher un assistant.

Ianto sourit un peu faiblement et se releva pour aller chercher du vin. Ils avaient une longue nuit devant eux.

***
Donatello était un homme insouciant et complètement irresponsable, ou presque, même pour quelqu’un qui avait plus de cinquante ans. Ianto ne comprenait pas très bien comment il pouvait passer d’une statue à la sculpture de portes immenses pour une sacristie.

Ianto jeta un regard à travers la fenêtre au poteau où le chat avait été cloué un peu plus tôt : les charognards avaient fini de dépecer sa carcasse et la pluie avait lavé les traces de sa présence.
Les gamins dehors sautaient et jouaient dans ce qu’il restait des flaques, déguisé de haillons multicolores comme les arlequins qu’ils connaissaient. Ils lançaient des œufs aux pieds des jeunes femmes apprêtées qui passaient, lançaient des pierres dans l’eau : le mythe de Venise s’était effondré avec une rapidité déconcertante.
Il n’avait jamais vraiment donné d’importance à la ville mais, quand on en parlait, c’était toujours avec tellement de respect, d’émerveillement, de romantisme ! Il ne regarderait plus jamais la ville de la même manière, même s’il retournait un jour chez lui, à son époque.

Les vénitiens l’avaient dégoûté et malgré le travail fantastique d’artistes comme Donatello, il n’était pas sûr de pouvoir oublier les jeux cruels et pervers qui accompagnaient le carnaval de Venise.

Il aurait tout donné pour pouvoir prendre une douche, un bain, laver la saleté qu’il avait l’impression de ressentir constamment depuis son arrivée.

Il sortit son chronomètre de sa poche et passa les doigts sur le verre, presque tendrement. Quatre-vingt-quatorze heures et huit secondes. Il leva la tête, rangea ses affaires et gribouilla un « grazie » sur un bout de feuille. Il fallait qu’il parte, il ne voulait plus rester là. S’il voyageait dans le temps et l’espace en une fraction de seconde, rien ne l’empêchait de voyager dans l’espace pendant le temps où il se trouvait. En tous cas il espérait. Il détesterait devoir rester bloqué dans cette époque.

Il sortit, mordant dans une des provisions séchées que Bob lui avait données et se dirigea vers le port, la cape noire enroulée autour de lui. Il marcha pendant longtemps et, après avoir grimpé en douce sur un bateau marchand, il se cacha derrière de grosses caisses de marchandises.

Il vérifia l’état de son arme et fit un léger inventaire. Le bateau partait pour l’Espagne d’après ce qu’il avait pu comprendre. Il avait hâte qu’il quitte le port. Un bruit le fit sursauter et tous ses muscles se tendirent.

-Tu vas voir, on pourra piocher dans le stock sans craindre de se faire prendre.
-Antonio, ce n’est pas une bonne idée.
-La ferme, Julio et suis-moi.

Ianto espérait vraiment que ces deux imbéciles n’allaient pas choisir son lot de caisses pour piller les réserves. Il se terra un peu plus vers le fond du bateau et attendit. Les bruits lui parvinrent un peu étouffés et Ianto se dit que pour une fois, les choses allaient se passer comme il l’entendait.

Puis brusquement la sensation lui saisit la gorge violement et c’était fini.

Il sursauta en ouvrant les yeux quand un paquet frappa son torse avec violence.

-Alors vous dormez, Officier! beugla une voix rauque à ses côtés.

Ianto regarda autour de lui, perdu. Le soleil était brûlant au dessus de lui, l’air humide et étouffant. Les bateaux de guerre jalonnaient le port, éblouissant et menaçant. Il leva les yeux vers le militaire qui l’avait interpellé. Tout autour sur le pont, des soldats s’affairaient, portant un uniforme qu’il ne connaissait que trop bien. Ils parlaient anglais autour de lui avec un fort accent britannique.

Un boule se forma dans son estomac. Il observa plus attentivement le port et les modèles des armes et des bateaux. Les bâtiments étaient d’un blanc immaculé avec des volets bleu, la chaleur, les fusils aux épaules des soldats. Il n’y avait aucun doute.

-Bon dieu, marmonna-t-il.

***
-Jack !

Le Capitaine sursauta et leva la tête vers ses trois collaborateurs. Tosh leur fit signe de les suivre jusqu’en salle de conférence. Il demanda des précisions à Owen, qui haussa les épaules, et Gwen secoua la tête.

Jack s’assit à sa place et Toshiko leur fit face.

-Je me suis souvenue d’une affaire que j’avais étudiée lors de mes débuts ici et j’ai voulu vérifier. C’était une affaire bête et sans solution que Torchwood avait répertorié une vingtaine d’années auparavant.
-Viens en au fait, Tosh, lança Jack en se pinçant le haut du nez, il avait la migraine et encore toute une pile de dossiers sur son bureau qui le déprimait.

Elle prit la télécommande et fit apparaître un nombre de photos sur l’écran plasma de la salle.

-Il y a cinquante ans en Afrique du Sud, un groupe d’industriels a mis à jour une grotte en cherchant de l’or. On y a trouvé des vestiges humains et des dessins sur les murs.
-Mais encore ? râla Owen.

Elle fit un zoom sur l’un des photos de la grotte, mettant en évidence quelque chose de gravé dans la roche.

-Qu’est-ce que c’est ?
-Je l’ai redessiné avec mon logiciel, regardez bien.

D’une ligne rouge, un « IJ 3 » se dessina sur la vieille photo. Jack se leva de sa chaise, complètement ahuri.

-Ca veut dire quoi ? demanda Owen.
-Durant les nombreuses campagnes archéologiques, bon nombre d’historiens ont noté une similarité de symboles remontant au plus loin à celle-ci, dit-elle en désignant la photo du Jurassique. Des IJ et des chiffres.
-Et tu crois que ça a rapport avec nous ? interrogea Gwen.
-Cuzco, 1845, un « IJ » gravé sur un rempart datant de l’époque des Incas notamment, continua Tosh en montrant une autre photo.
-Tosh, interrompit Jack.
-Je sais. On n’a aucune certitude. On ne sait rien non plus sur le reste mais.
-Ce serait Ianto ?
-Ca correspondrait, acquiesça Toshiko.
-Seigneur, souffla Gwen en regardant les photos défiler.
-Il sait ce qu’il fait notre petit Poucet, sourit Owen.
-Mais ça ne peut pas nous être utile. On ne peut rien faire pour l’aider ! reprit Gwen.
-On trouvera.

La détermination dans la voix de Jack résonna dans la pièce. Gwen sourit et hocha la tête. Jack était un homme en mission maintenant. Tous les trois savaient à présent qu’il trouverait une solution. Ce n’était qu’une question de temps et de moyens.

***
Ianto repoussa son paquetage sous son lit de camp. De la façon dont il s’était fait embarquer dans cette affaire, il n’en avait aucune idée. Tout était allé tellement vite après qu’il eut réinitialisé le chronomètre dans sa poche.

Le gradé, le capitaine Clark, l’avait recruté en moins de temps qu’il ne fallait pour dire Torchwood. Il était maintenant John Ijones, officier de la Royal Air Force. Il secoua la tête : il avait fallu qu’il tombe en pleine Seconde guerre mondiale, août 1944. Il s’était entraîné avec les autres soldats toute la journée.

Les jeunes filles d’Oran leur faisaient de grands signes énamourées qu’ils pouvaient tous voir du haut du cuirassé de sa Majesté. Au moins il n’était pas tombé derrière les lignes ennemies. Il aurait pu trouver pire.
Il se laissa aller en arrière. Dans quoi s’était-il embrigadé ?

Clark l’avait convoqué comme tous les autres officiers et lui demanda pourquoi son dossier ne lui avait pas été communiqué. Ianto avait prétendu que c’était un transfert après que sa division ait été descendue. Il avait bien fait. Clark lui avait demandé s’il savait piloter.

Ianto avait parlé d’hélicoptère et Clark avait failli le fusiller sur place. Comment aurait-il pu savoir que les Allemands étaient les seuls à en fabriquer dans un but militaire. Ianto avait menti, s’était fait passé pour un pilote d’essai.

Ces bonds temporels avaient fait ressortir son coté débrouillard-menteur-baratineur qu’il avait refoulé à la sortie du lycée. Maintenant… maintenant.

-Ijones !

Il se leva des son lit d’un coup et prit le garde à vous. Le Capitaine Clark s’approcha de lui et vient le dévisager de toute sa hauteur.

-J’espère que tu as assez dormi, Ijones ! Parce que l’Opération commence demain à la première heure. Maintenant vous ne dormirez pas, vous passerez vos heures avec votre appareil, vous rêverez de lui, vous ne penserez qu’à lui et au nombre maximum d’Allemands que vous allez dérouiller avec vos canons ! Est-ce que c’est bien compris Ijones ?!
-Oui, Monsieur !

Finalement ça ne le changeait pas beaucoup de la maison.

-Allez ! Je vous veux sur le pont dans dix minutes ! A partir de maintenant, vous êtes en mission! Vous n’avez pas le droit à l’erreur !
-Oui, Monsieur !

Ianto enfila son uniforme militaire et se regarda d’un œil critique. Il n’aurait jamais pensé un jour revêtir un uniforme militaire et encore moins celui-là. C’est Jack qui apprécierait la vue. Il suivit les autres sur le pont. Le capitaine Clark les fit aligner les uns à coté des autres.

-Messieurs. L’opération Anvil Dragoon commencera demain. Nul besoin de vous dire que nous comptons tous sur vous pour appuyer les forces marines et terrestres. Vous êtes la clef de notre victoire.
-Oui, Monsieur !
-Messieurs ! Préparez-vous pour votre dernier entraînement.

Ianto se redressa, salua et obéit. Ianto n’était pas un déserteur. Il n’avait plus le choix. Le Temps l’avait face à cet événement, il devrait le vivre jusqu’au bout ou, il l’espérait jusqu’au prochain saut temporel.

***
Le poste de radio hypnotisait tous les hommes réunis dans la cantine. Les gradés se tenaient droit comme des piquets devant, tendus, stressés, fébriles. Et enfin, ils l’entendirent. La chanson. La phrase de code du Général de Gaulle. Ianto avait entendu le capitaine parler à l’un de ses subordonnés et lui jeter à la figure que même si Churchill n’était pas d’accord avec l’opération du français, ils devaient le faire. Pour la liberté, pour les gens tués et les femmes violées, pour les enfants gazés.

Ianto avait dégluti. Cet homme-là était quelqu’un d’exceptionnel. Jack l’aurait beaucoup apprécié. Il faudrait qu’il demande à Jack s’il avait connu Clark pendant la guerre. Il comprenait maintenant mieux pourquoi tous ces hommes lui étaient si dévoués malgré sa sécheresse et sa sévérité.

Ianto avala la boule dans sa gorge et partit dans la cabine du cuirassé qui les ferait décoller le lendemain pour libérer la Côte d’Azur. Il vérifia ses affaires, son sac noir, propriété de Torchwood qui contenait maintenant toutes ses affaires. Il sortit le chronomètre de sa poche, pensant les doigts sur le verre puis sur le dos cuivré.

Tout se jouait demain. Sa vie et son futur.

-Vous avez intérêt à me l’avoir donné pour me porter bonheur, Jack, marmonna-t-il de peur de se faire entendre.

Il attendit l’extinction des feux et le sommeil de tous les soldats pour s’éclipser. Il grimpa dans le cockpit de l’avion qu’on lui avait assigné et dissimula son sac à dos sous le siège. Il fallait être prêt à toutes les éventualités. S’il avait connu la prière pour le Temps, il l’aurait chanté toute la nuit.

***
L’alarme retentit dans la base le faisant sursauter de sa couchette. Les soldats criaient, s’agitaient, s’habillaient. C’était le moment. Ianto prit une grande inspiration et rejoint l’agitation. Il devait le faire. Il devait survivre. Ce n’était pas son heure, il en était sûr. Il s’était promis. Promis que son heure servirait à la cause de Torchwood pour prouver à Jack, pour leur prouver que s’il en avait l’occasion, il les sauverait.

Ianto se dirigea vers son Supermarine Spitfire. Il s’approcha du flanc de l’appareil et passa ses doigts sur le surnom peint sur son appareil par l’équipe de pont. Llwydd : « Puissiez-vous faire bon voyage et prospérer ». Tous les appareils avaient des noms gallois et il ne savait pas pourquoi.

-Messieurs ! Pour la Liberté et la Victoire ! cria Clark.
-Pour la Liberté et la Victoire ! répondirent ardemment tous les pilotes.

Ianto se glissa dans le cockpit, vérifia la présence de son sac, ses cadrans de décollage. Il démarra l’engin et abaissa les lunettes sur son nez. Il regarda l’équipe de pont leur faire signe et il suivit les instructions.

-C’est le moment de vérité.

Il n’avait eu aussi peur de toute sa vie mais n’avait jamais été convaincus de faire quelque chose d’aussi important de toute sa vie non plus. Il mit les gaz et l’avion s’éleva en bout de pont. Ianto cria sa joie. L’adrénaline prenait le relais.

-Joli décollage, Ijones !
-Merci Capitaine !
-Bonne chance !

Ianto resserra sa prise sur le chronomètre de la poche du haut de son uniforme. En route vers la France.

***
-Je voudrais signaler une chose cependant.
-Laquelle, Tosh ?
-Nous avons une bonne dizaine de traces IJ à travers le monde et les époques. Cependant, nous avons aussi d’autres traces de Ianto.

Jack se leva de sa chaise et faillit l’étrangler.

-Pourquoi tu ne l’as pas dit plutôt !
-Parce que je viens de la trouver !

Elle afficha la photo militaire sur l’écran plasma. Jack pâlit à vue d’œil.

***
Ianto n’avait jamais été un homme de terrain malgré son expérience grandissante. Il avait tué des gens, ou des formes de vie extra-terrestres, tout dépendait du point de vue. Il avait survécu à un village cannibale qui le prenait pour un veau et à Abaddon.

Mais rien ne l’avait préparé à ses voyages. Les barges avaient frappés le sable si fort, poussées par les vagues. Les tirs automatiques des bunkers tentaient de faire reculer les troupes au sol et les cuirassés faisaient leur possible pour éliminer les mines sous marines et leurs dépositaires avec efficacité.

-Alpha Bravo 6 !

Ils essuyaient des pertes. Ianto piqua du nez et lâcha sa grenade sur le sous-marin qui avait fait l’erreur de montrer le bout de son périscope. Il était poursuivi par un avion Allemand et faisait tout son possible pour le semer sans succès. Ses camarades étaient déjà bien assez occupés par la défense des positions terrestres.

Une détonation sourde et puissante, un choc à l’arrière et Ianto serra les dents à l’impact de sa tête contre le siège. Il perdait de l’altitude. Bientôt il ne tarderait pas à perdre le contrôle.

-Je ne mourrais pas ici ! s’écria-t-il en resserrant sa prise sur les commandes.

Ianto réduit les gaz, laissa tomber l’appareil avant de reprendre de la vitesse. L’avion de la Luftwaffe passa au-dessus de sa tête et Ianto visa et tira jusqu’à le faire exploser.

-Rentrez Alpha Bravo 6 ! fit la voix dans son intercom.
-Négatif Capitaine, finit par répondre Ianto.
-Ijones c’est un ordre !

Mais je ne suis pas militaire, pensa Ianto, et je ne réponds aux ordres que d’un seul capitaine.

***
-Cette photographie date d’Août 1944. A la veille de l’opération Anvil Dragoon qui libéra le Sud de la France.
-Mais qu’est-ce que fout le Teaboy en uniforme ? s’insurgea Owen.
-Il est officier, répondit Jack.
-Officier ?!
-De la Royal Air Force, confirma Toshiko.
-Merde, marmonna Jack.

Ca ne faisait aucun doute. L’uniforme, les galons. C’était Ianto. Ianto Jones avec quelques kilos de moins, une légère barbe et des yeux fatigués et perdus mais c’était bien lui.

-L’escadron prit part à l’opération Dragoon, partant d’Oran en Algérie pour atteindre la côte française.
-Je SAIS ce qu’est l’opération Dragoon, Tosh ! Je veux les détails ! s’énerva-t-il.
-Jack ! réprimanda Gwen.

Jack se retourna et lui lança un regard noir. Il voulait savoir immédiatement. Il ne souhaitait à personne de faire la guerre. Il ne voulait pas que Ianto y participe, lui qui pouvait tout juste tolérer les horreurs auxquelles ils avaient à faire quotidiennement.

***
-Ijones ! Ne faites pas l’imbécile!
-Je n’aurais pas assez de carburant pour rentrer, Monsieur. Mon gouvernail semble hors service.

Il y eut un temps de silence et Ianto soupira.

-Vous y arriverez, Capitaine.

Il coupa la communication et débrancha son communicateur.

-C’est le moment de vérité.

Il vira une nouvelle fois de bord et se dirigea vers la plage. Il irait jusqu’au bout de sa mission.

-Je ne mourrais pas ici, continuait-il de répéter.

***
-L’officier John Ijones est apparu de nulle part sur un porte-avion de la RAF. Il subit un entraînement accéléré au pilotage d’un Supermarine Spitfire qu’il conduira à la bataille le jour de l’opération.
-Bon dieu de merde ! Un chasseur, ce n’est pas un hélicoptère ! Est-ce qu’il est devenu barge ?! S’écria Owen.

Tosh le dévisagea avec colère. Ils le savaient tous très bien. Elle resserra sa prise sur le rapport qu’elle avait dans les mains.

-Au cours de la bataille, le llwydd fut touché aux flancs par un avion ennemi et il lui fut ordonné de rentrer à la base.

Jack prit une grande inspiration. C’était bien. Ianto allait donc bien. Il eut un petit sourire faible.

-Ce qu’il refusa de faire.

Les jambes de Jack se mirent à trembler et son cœur à accélérer. Ianto ne pouvait pas. Ianto obéissait aux ordres quand on lui donnait. Il ne pouvait pas avoir refusé le seul ordre capable de lui sauver la vie en cours de bataille. À moins que…

***
Ianto sortit son sac de sous le siège et le serra fortement contre sa poitrine d’une main, l’autre dirigeant l’avion vers le bunker ennemi qui barrait la route des alliés. Il posa la main sur le chronomètre contre son torse et prit une grande respiration.

-Je ne mourrais pas ici ! répéta-t-il une dernière fois avec force et détermination, presque comme un ordre.

Il augmenta sa vitesse, fit plonger le nez de l’appareil et regarda la façade du bunker se rapprocher dangereusement. Ce n’était plus qu’une question de secondes. Il donna une dernière poussé et ferma les yeux.

***
-Le Llwydd s’est écrasé contre la dernière position ennemi, le 4 août 1944, finit-elle par leur dire.

Jack se laissa tomber sur la chaise. Il fixa un moment le visage de Ianto sur la photo. Il avait l’air perdu, vaguement affolé et pourtant il se tenait là, droit et fier, courageux.

Jack se mordit la lèvre, serra les poings. Ca ne pouvait pas arriver. Ianto ne pouvait pas mourir avant que Jack ne l’ait décidé. Il se leva, s’enferma dans son bureau et ferma les yeux. Ianto n’avait pas le droit de mourir.

FIN

Pardon pour le retard!

univers : les errants, fic : doctor who, couples : jack/ianto, fic : torchwood

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